Intervention de Anne-Laurence Petel

Séance en hémicycle du mardi 25 mai 2021 à 21h00
Accès au foncier agricole — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Laurence Petel :

Nous sommes invités à examiner la proposition de loi de notre collègue Jean-Bernard Sempastous portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires. Elle représente un premier pas, certes modeste mais essentiel, pour tenter de juguler le phénomène de concentration excessive des exploitations sous la forme sociétaire, menace grandissante pour les terres agricoles. Il s'agit d'un premier pas modeste vers l'ambition plus forte que vous avez esquissée tout à l'heure, monsieur le ministre, celle d'une grande loi foncière que nous appelons tous de nos vœux.

En 2018, dans le cadre de notre mission d'information commune sur le foncier agricole, Dominique Potier, Jean-Bernard Sempastous et moi-même avions mis en lumière l'urgence de faire évoluer notre modèle pour protéger et partager plus et mieux les terres agricoles. Si les outils de régulation du foncier dont la France s'est dotée dans les années soixante ont été efficaces et ont permis de faire de notre pays une grande nation agricole de plus de 2 millions d'exploitations au début de la Ve République, force est de constater qu'ils ne sont plus, un demi-siècle plus tard, adaptés à un monde qui change et qui voit l'essor d'une agriculture de firmes et d'une financiarisation des terres. Les tentatives de réforme engagées jusqu'à présent à l'Assemblée nationale – je pense à celle de notre collègue Dominique Potier – ont malheureusement été censurées par le Conseil constitutionnel.

Les enjeux et l'urgence sont grands : le nombre d'exploitations a été divisé par cinq depuis les années soixante pendant que leur surface moyenne doublait ; le marché des transferts de parts sociales est passé, en quatre ans, de 132 millions à plus de 1 milliard d'euros ; dans les trois ans à venir, pas moins de 150 000 exploitants partiront à la retraite, soit un tiers de la profession, et nombre d'entre eux ne trouveront pas de successeur si rien n'est fait pour faciliter l'accès à la terre.

Ces chiffres alarment la profession, car ils présagent mal l'avenir de notre agriculture et l'orientation de notre modèle agricole. C'est bien de notre souveraineté alimentaire qu'il est question, de notre capacité à permettre l'installation de jeunes agriculteurs et de notre volonté de développer un modèle agricole durable, plus respectueux de l'environnement mais aussi plus compétitif.

Le dispositif que nous examinons repose sur deux piliers. Il vise, d'un côté, la prise de contrôle de plus de 40 % du capital d'une société par une personne physique ou morale, et, de l'autre, le dépassement d'un seuil d'agrandissement significatif de l'exploitation. Son fonctionnement est doublement garanti, car l'instruction de tels cas sera confiée à la SAFER et la décision, à l'autorité administrative.

Concernant l'efficience du texte, je me réjouis que le rapporteur ait obtenu que la présente proposition de loi soit soumise pour avis au Conseil d'État, ce qui garantit sa conformité avec les normes supérieures.

En commission des affaires économiques, nous avons enrichi le texte en nous appuyant notamment sur l'avis du Conseil État. Conformément à ses demandes, nous avons modifié le « seuil d'agrandissement excessif », qui est devenu le « seuil d'agrandissement significatif ». Nous avons par ailleurs modifié le seuil de déclenchement fixé pour les prises de participation, le faisant passer de 25 % à 40 % des droits de vote : c'était nécessaire pour rendre le texte conforme à la Constitution. Enfin, nous avons clarifié les critères pris en compte par l'autorité administrative pour délivrer son autorisation et avons précisé que la demande pourrait être refusée, si elle est « contraire aux objectifs du contrôle des structures ou aux orientations du schéma directeur régional des structures agricoles ».

Monsieur le ministre, je souhaiterais que, à travers les décrets, nous allions plus loin en matière de transparence de la chaîne de décision, en rendant notamment obligatoire la publication des procès-verbaux des comités techniques des SAFER.

Les organisations professionnelles s'accordent à dire qu'il faut agir vite pour contrôler le phénomène sociétaire. Dans mon département, les Bouches-du-Rhône, jusqu'ici relativement épargné par ce phénomène, les signaux sont perceptibles et ils inquiètent. Au cours des débats en commission, chacun a insisté sur la nécessité de tenir compte des spécificités locales. En tant que députée des Bouches-du-Rhône, où la viticulture joue un rôle majeur, j'y suis aussi attachée. Les débats que nous aurons dans cet hémicycle ce soir et demain donneront l'occasion au ministre de répondre à ces interrogations, ainsi qu'à celles portant sur le contenu des décrets à venir.

Je salue le rapporteur, Jean-Bernard Sempastous, qui a organisé le consensus au sein de la profession et construit un dispositif équilibré. Oui, autour du contrôle des parts sociales, un large consensus de la profession agricole émerge, qui légitime ce dispositif, même si, dans cet hémicycle, certains feront valoir une vision plus administrée et d'autres, une vision plus libérale. C'est aussi cela, le débat démocratique.

Il est de notre devoir de parlementaires d'adopter des lois concrètes, opérationnelles et équilibrées, qui protègent et servent l'intérêt général des Français. Il ne fait nul doute que cette proposition de loi, si modeste soit-elle, remplit cet objectif.

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