Intervention de Jérôme Nury

Séance en hémicycle du mardi 25 mai 2021 à 21h00
Accès au foncier agricole — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Nury :

–, qui s'étaient présentés chez lui pour signifier leur opposition à son rachat de plusieurs centaines d'hectares autour de Moulins-la-Marche.

Le sujet est délicat, donc, et pourtant essentiel tant pour le développement de nos territoires que pour l'agriculture et le renouvellement des générations. Cette proposition de loi, si elle ne révolutionne pas les choses, a le mérite de s'attaquer à un problème récurrent, qui concerne de plus en plus de transactions et d'hectares dans les régions les plus agricoles. En outre, elle a été rédigée à partir d'expertises diverses, d'exemples concrets, de propositions de la profession agricole, en réunissant tous les acteurs autour de la table, dans l'objectif de trouver un consensus. Contrairement à ce que diront les grincheux jusqu'au-boutistes, elle ne peut qu'améliorer le système de régulation pour mieux protéger le modèle traditionnel français, si particulier, d'agriculture familiale.

Si nous ne forgions pas un cadre légal adapté aux réalités de notre temps, nous prendrions le risque de pénaliser durablement l'attractivité de nos régions, l'emploi agricole, le renouvellement des générations, mais aussi, à terme, notre souveraineté alimentaire. Encadrer le foncier agricole, c'est aussi être lucide, pour protéger tous nos territoires, sans exception. Au fil des lois ruralicides – les lois dites SRU, ALUR et NOTRE, respectivement la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové et la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République –, une approche uniforme et souvent préjudiciable s'est déployée sur l'ensemble du territoire national, consistant à bloquer les évolutions des PLU – plans locaux d'urbanisme –, des cartes communales et du règlement national d'urbanisme.

L'expression à la mode est désormais celle-ci : « zéro artificialisation nette ». Alors que, depuis des décennies, c'est bien l'étalement urbain qui fait allégrement disparaître la terre agricole, on étouffe sans coup férir les territoires ruraux avec des contraintes dures qu'il serait préférable de réserver aux villes et à leurs périphéries. C'est donc un pari de taille que de proportionner et de nuancer l'application de règles parfois inadaptées aux réalités locales de territoires qui tentent de se dynamiser et de développer leurs attraits. Soumettre à une même toise une extension de zone de plusieurs dizaines d'hectares visant à implanter un magasin Ikea et la création d'une zone d'activité à Saint-Quentin-les-Chardonnets afin d'installer une PME, cela semble complètement délirant. Pour régler le problème du foncier agricole, donc du foncier rural, il faut adopter une approche différenciée selon qu'il s'agit de territoires urbains, grands consommateurs d'espace, ou de territoires ruraux, qui ont besoin de lotissements pour éviter l'effondrement démographique, de zones industrielles pour conserver des emplois et de voies rapides pour que leurs habitants se déplacent en sécurité et plus rapidement.

Pour revenir au texte qui nous réunit, les modifications proposées des articles L. 333-1 à L. 333-5 du code rural et de la pêche maritime permettront un contrôle des transferts de foncier transitant par des structures sociétaires. Cela permettra de couvrir un angle mort de la législation actuelle, en mettant fin à une rupture d'égalité selon que les propriétaires sont des personnes physiques ou des sociétés.

L'établissement d'un seuil d'agrandissement excessif accompagne ces mesures. Nous devons toutefois veiller à ce que le dispositif ne porte pas atteinte brutalement au droit de propriété. Pour cela, et malgré certaines avancées à souligner introduites en commission il y a quelques jours, il importe de préciser plusieurs points.

Pour promouvoir la spécificité de notre agriculture, qui se transmet souvent de génération en génération, le contrôle administratif devrait être allégé ou supprimé lorsqu'il concerne des opérations de transfert intrafamilial. Nous proposons donc d'exempter les transactions entre parents jusqu'au quatrième ou troisième degré, afin de protéger l'exploitation agricole à la française, telle que nous la connaissons depuis des décennies.

Par ailleurs, pourquoi le texte confie-t-il un tel pouvoir aux préfets de région ? Depuis la fusion des régions, celles-ci sont immenses – je dirais qu'elles ont parfois largement dépassé « un seuil d'agrandissement excessif ». L'examen serait beaucoup plus fin et sur-mesure s'il était confié aux préfets de département. Cela permettrait une appréciation plus proche des réalités agricoles locales et plus fonctionnelle.

Le présent texte a la vertu de placer sur le devant de la scène législative la question du foncier et de viser à réguler le sujet particulier et technique des sociétés foncières. À moyen terme, il doit aussi nous pousser à faire évoluer de manière plus globale notre réglementation, afin d'introduire plus de transparence dans la gestion du foncier par les SAFER, par l'administration et par les autres acteurs.

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