Intervention de Julien Denormandie

Séance en hémicycle du mardi 25 mai 2021 à 21h00
Accès au foncier agricole — Article 1er

Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Défavorable également.

Mon explication répondra également à certaines remarques faites au cours de la discussion générale et des interventions sur l'article. Tous, nous avons incontestablement le même objectif : faire entrer dans le champ des contrôles les prises de participation excessives sous forme sociétaire. La question est de définir la meilleure voie pour l'atteindre. Deux visions s'opposent, à l'issue d'un débat certes très technique, mais qui a son importance, parce que le diable se niche dans les détails.

D'un côté, la proposition de loi vise à créer un nouveau système d'autorisation, fondé sur les caractéristiques des formes sociétaires et sur des seuils de prise de participation excessive, à savoir de un à trois fois la surface agricole utile moyenne régionale (SAUMR). La position défendue par Dominique Potier et Cédric Villani, elle, consiste à élargir le contrôle des structures à travers le seuil que la loi fixe déjà à cette fin, à savoir le seuil départemental. Celui-ci, toutefois, est parfois inférieur à celui proposé dans le texte, mais il arrive, j'appelle l'attention collégiale sur ce point, qu'il ne soit pas supérieur à une fois la surface agricole utile régionale moyenne.

Il s'agit donc de choisir le meilleur schéma. Cette proposition de loi tend à distinguer le contrôle des structures et celui des parts sociétaires. Je partage cette position. En effet, les objets ne sont pas les mêmes et chacun a ses spécificités. Prenons un exemple : dans le cadre du contrôle des structures, une autorisation est ou n'est pas donnée. Il n'existe pas d'autorisation sous contrainte. C'est assez logique : un exploitant agricole demande s'il a l'autorisation d'exploiter ; on lui répond par oui ou par non – et, dans la réalité, souvent oui.

Le cas du contrôle sociétaire est très différent. La société peut détenir des terres qui peuvent être ou non exploitées par la personne, ou ne pas être exploitées du tout, et qui peuvent être ou non des terres agricoles – je vous renvoie sur ce point à l'intervention du rapporteur. Ainsi, l'application du texte que nous examinons pourra conduire à répondre oui, sous conditions. Les conditions sont par exemple des mesures compensatoires : l'acquisition des participations qui feront dépasser le seuil ne sera autorisée qu'en contrepartie de la cession de terres au bénéfice de jeunes agriculteurs qui veulent s'installer. Le contrôle des structures ne permet pas d'appliquer un tel dispositif.

Je suis désolé de la technicité de ce débat mais, selon moi, il faut répondre clairement à la question, fondamentale, de savoir s'il faut élargir le contrôle des structures pour englober les parts sociétaires ou créer deux régimes distincts, l'un pour les structures et l'autre pour les parts sociétaires. Les textes sont issus d'approches différentes. Je le conçois. Pour parler sincèrement, il y a dans l'hémicycle de meilleurs spécialistes que moi de ce sujet. Comme beaucoup, j'ai cherché à travailler précisément sur la proposition de loi, et je me suis forgé une conviction. Je pense qu'il n'est pas possible d'élargir le champ de contrôle des structures, parce que l'on compare des objets différents : nous devons créer un régime ad hoc des parts sociétaires.

Autre exemple : il existe des mesures d'exemption du contrôle des structures, or elles ne sauraient valoir dans le champ sociétaire, même si – pour répondre à Thierry Benoît –, je suis prêt à avancer aussi sur la question des exploitations familiales, au sujet desquelles plusieurs députés formuleront des propositions. Les exemptions dont je viens de parler, en tout cas, ne seraient pas applicables aux parts sociétaires car elles concernent des activités concrètes, exercées par des personnes physiques, alors que les sociétés sont des personnes morales.

À ce moment du débat, voilà l'éclaircissement que je voulais apporter. Selon moi, il est nécessaire de dissocier les deux régimes. Néanmoins, je reconnais humblement que j'ignore si l'avenir nous donnera pleinement raison. En tout cas, un travail fastidieux et précis a forgé en moi cette conviction. L'explication peut donner l'impression qu'il ne s'agit que de l'épaisseur du trait, mais ce n'est pas le cas. Il s'agit d'une nouvelle approche et je la crois nécessaire.

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