Pour ce qui concerne le décret sur les IEF, nous avions, en effet, veillé à inclure l'agriculture dans la loi PACTE. C'était l'aboutissement d'un combat ancien auquel avaient pris part d'autres groupes politiques car le sujet est consensuel – nous ne pouvons que nous en réjouir. Mais la question porte sur la possibilité de l'appliquer. Aujourd'hui, ni les SAFER ni les services de l'État n'ont les moyens de contrôler l'identité de ceux qui dirigent les personnalités morales à l'échelon international. Cela relève déjà de la gageure à l'échelon national, eu égard aux moyens dont nous disposons, tant les montages sont complexes et la fraude ou le contournement communs en la matière, pour des raisons fiscales ou de discrétion. En l'absence d'un contrôle quasi systématique de Bercy sur les investissements étrangers, qui vise non pas à les interdire mais à les examiner a priori et à garantir la transparence sur les personnes morales et physiques qui se cachent derrière les montages sociétaires, l'application du décret relève de l'illusion.
Je souhaite revenir sur la question des dérogations, à laquelle Jean-Bernard Sempastous n'a pas répondu. Pourquoi envisager des dérogations ? Le contrôle des structures est très républicain : la réponse est oui ou non, vous êtes prioritaire ou vous ne l'êtes pas ; il y a une mise en concurrence. Les dispositions que nous examinons manquent d'objectivité. Elles permettront à une société de récupérer 1 000 hectares de terres agricoles et d'en rendre peut-être 10 hectares pour soutenir un projet qui, écologiquement ou socialement, paraîtra sympathique alors que dans le même temps, vingt agriculteurs pourraient avoir besoin chacun de 20 hectares pour vivre leur aventure de polyculture élevage.
Nous ne sommes pas du tout dans la République, mais dans un régime d'exception, comportant des dérogations qui ne sont pas fondées sur des principes partagés par tous.