Chers collègues, ce n'est pas une surprise : la commission mixte paritaire qui s'est réunie le 5 décembre dernier n'a pas abouti à la rédaction d'un texte de compromis.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui en nouvelle lecture comporte deux articles portant chacun ratification d'une ordonnance.
Le premier article vise à ratifier l'ordonnance portant reconnaissance de la profession de physicien médical. Disposition consensuelle, l'article a été adopté conforme par le Sénat.
En revanche, l'article 2, visant à ratifier une ordonnance qui procède notamment à la transposition d'une directive européenne portant sur la reconnaissance des qualifications professionnelles, a lui été substantiellement modifié. La pierre d'achoppement porte sur la délicate question de l'accès partiel aux professions de santé.
Je vous renvoie à la lecture de mon rapport pour ce qui est des enjeux liés à l'accès partiel, pour me concentrer sur les principales raisons qui m'amènent à vous proposer un retour au texte adopté par notre assemblée en première lecture.
Le Sénat a fait le choix de la suppression « sèche » de l'accès partiel : aucun dispositif alternatif n'est proposé par nos collègues. La position du Sénat se révèle être un non-choix dont la conséquence la plus manifeste est de donner prise à un recours pour défaut de transposition. Cette proposition ne nous apparaît pas responsable, car elle ne protège en rien les professionnels de santé.
La question du défaut de transposition n'est pas déterminante, mais n'en reste pas moins importante. Je relève qu'au Sénat, comme sur certains de nos bancs, la possibilité de poursuites engagées contre la France est appréhendée avec une certaine légèreté. Je rappelle tout de même que la transposition d'une directive européenne est une obligation prévue par les traités européens.
Nous sommes également tenus par une obligation morale. Comment notre nation entend-elle être respectée et crédible si elle décide de s'écarter des règles communes comme bon lui ensemble ?
J'ajoute que de récents événements m'ont en définitive donné raison. En effet, le 7 décembre, c'est-à-dire la semaine dernière, la Commission européenne a décidé de saisir la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) d'un recours contre la France en raison du manquement à l'obligation de notifier la transposition complète de la directive – et ce avec une demande d'astreinte journalière de plus de 53 000 euros.
Le Parlement que nous formons n'en reste pas moins souverain de ses décisions mais l'ordonnance soumise à ratification présente, me semble-t-il, suffisamment de garanties.
Le Gouvernement a fait le choix de l'ouverture à l'accès partiel pour l'ensemble des professions de santé, en suivant les recommandations des plus éminents juristes. Cette procédure passe par un examen au cas par cas des demandes, ce qui nous assure donc d'une certaine couverture et protection.
Ce choix n'a pas été le même pour d'autres États membres qui ont préféré exclure a priori des professions de santé. Je note que, dans ce dernier cas, on ne peut faire abstraction de l'hypothèse d'une transposition erronée. Des parlementaires se sont aussi prévalus de cette approche en fondant leur raisonnement sur des conclusions formulées par l'avocat général près la CJUE à l'occasion d'un contentieux communautaire portant sur l'accès partiel. Il importe cependant de raisonner non seulement à droit constant, mais aussi sur la base de l'interprétation constante des dispositions du droit communautaire visant à empêcher toute forme de discrimination. En l'espèce, l'accès au cas par cas répond bien à cette préoccupation de non-discrimination ; on ne peut pas en dire autant de l'exclusion a priori.
Le Sénat met également en exergue les éventuels problèmes de qualité et de sécurité des soins qu'entraînerait le texte de l'ordonnance. Je vous renvoie à la lecture du décret d'application récemment publié - le 3 novembre dernier - qui entérine l'association des ordres à toute demande d'examen d'accès partiel, en conformité avec les engagements pris par le Gouvernement lors de l'examen du texte en première lecture.
Ce décret présente aussi des points d'ancrage essentiels : l'accès partiel devra tenir compte de plusieurs conditions importantes : l'identification des actes ou du champ d'exercice, la description de l'intégration des actes dans le processus de soins et leur incidence sur la continuité de la prise en charge. En résumé, la procédure de l'accès partiel aux professions de santé s'articule, en droit, avec la protection de la santé. Nier cette évidence serait fallacieux.
J'ajoute enfin que la publication du texte de loi, celle du décret comme celle, encore plus récente, des arrêtés parus le 9 décembre, satisfont au cadre juridique de la directive. Reste à en préciser les modalités de mise en oeuvre concrète : des discussions devront s'ouvrir sur le périmètre des actes et les modalités de contrôle. La représentation nationale s'honorerait d'ailleurs en évaluant l'application de ces mesures et en exerçant, si besoin, un droit d'alerte.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à confirmer la position qui avait été exprimée en première lecture par notre assemblée.
Il appartient aux pouvoirs publics de s'interroger tout de même sur les raisons qui motivent l'arrivée de personnes formées à l'étranger ; en première lecture, notre rapporteur général Olivier Véran avait ainsi rappelé qu'une partie des contingents des professions paramédicales était constituée de ressortissants français formés dans d'autres États membres.