Intervention de Loïc Kervran

Séance en hémicycle du mardi 1er juin 2021 à 15h00
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Kervran, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

…qui est la défense par excellence : par la connaissance et l'anticipation, il permet d'écarter le bras de celui qui veut nous frapper avant qu'il ne sème mort et destruction.

J'ai la conviction profonde que le texte que nous examinons contribuera à la création d'une France plus forte parce que plus sûre, plus souveraine et plus démocratique.

Avec ce texte, notre pays sera plus sûr parce qu'il permet aux services de renseignement de s'adapter à une nouvelle donne juridique, technologique et opérationnelle. Depuis 2017, la France se réarme : un réarmement juridique, avec la loi SILT, évoquée par mon collègue Raphaël Gauvain ; un réarmement en moyens budgétaires et humains, avec 1 900 agents supplémentaires pour la DGSI et le service central du renseignement territorial – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre de l'intérieur ; un réarmement technologique, avec la mise en œuvre, pendant ce quinquennat, de l'outil algorithmique.

Le présent texte s'inscrit dans le prolongement de ces différentes mesures. Ainsi les articles 10 et 11 permettront-ils de faire face à l'utilisation des communications satellitaires et de cinquième génération, tandis que les articles 15 et 16 tirent les enseignements des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne et permettront de préserver les moyens d'action des services spécialisés.

Mais le projet de loi défend aussi une France plus souveraine, notamment parce qu'il donne des outils au renseignement, qui, dois-je le rappeler, n'a pas un ennemi unique, le terrorisme, mais des ennemis multiples : tous ceux qui veulent porter atteinte à la souveraineté de notre pays en l'attaquant, en le pillant, en le manipulant, en l'appauvrissant. Concrètement, l'article 8 pose les bases d'outils souverains d'exploitation du renseignement en prévoyant l'allongement de la durée de conservation des renseignements à des fins de recherche et de développement. Les services français de renseignement auront désormais la capacité de développer leurs propres outils de traitement des données sans dépendre de l'achat de prestations étrangères.

Enfin, le projet de loi contribuera à la construction d'une France plus démocratique. Permettez-moi de m'attarder quelque peu sur ce point, car je suis toujours frappé de voir combien les agents des services de renseignement – est-ce un effet du secret qui les entoure et qui entraîne immanquablement méconnaissance et fantasme ? – sont perçus par certains comme des menaces pour la démocratie. Je pense pour ma part qu'ils en sont les remparts, discrets, souvent méconnus, mais dévoués. Ils protègent la cité des attaques de l'extérieur, mais ils la protègent aussi de ce poison insidieux par lequel chaque attentat diminue le nombre des partisans d'une organisation démocratique de notre pays.

Souvent, le renseignement est à la pointe de la pratique démocratique. Prenez le contrôle parlementaire : pendant deux ans, en ma qualité de président de la commission de vérification des fonds spéciaux, j'ai contrôlé, parfois dès le premier euro, le bon usage de l'argent consacré à cette politique publique. Dans quel autre domaine existe-t-il un contrôle parlementaire aussi intrusif, précis, mené de manière transpartisane, par une commission où la majorité est minoritaire ?

Face aux nouveaux moyens dont disposent les services, le texte met donc dans la balance de nouveaux outils de contrôle démocratique et en particulier le renforcement des prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, l'encadrement des échanges et la consécration du rôle de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

Avant de terminer, permettez-moi une incise. À une époque où il est de bon ton de tout mettre sur le dos de la Constitution, qui semble avoir pris récemment la place peu enviée qu'occupait l'Union européenne pour justifier tous les échecs, toutes les limites et tous les choix non assumés, le renseignement nous offre une nouvelle perspective.

Alors même qu'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne menaçait de désarmer complètement notre démocratie, le Conseil d'État s'est appuyé sur notre Constitution pour justifier son interprétation du texte : en effet, si celle-ci défend les libertés publiques, elle affirme également que la protection des intérêts fondamentaux de la nation et la recherche des auteurs d'infractions pénales sont des principes tout aussi essentiels. C'est bien la Constitution, accusée par certains de tous les maux, qui permet de préserver les moyens et les outils protégeant les Français.

Le renseignement est un domaine dans lequel la loi éclot d'une manière particulière. Le texte est issu du temps long, il a pu mûrir et être enrichi par les travaux d'évaluation et de contrôle parlementaire, eux-mêmes nourris par une approche transpartisane forgée autour de mon groupe, Agir ensemble, des autres groupes de la majorité, et même au-delà. En cela, il se place dans la continuité de la grande loi de 2015. La discussion en commission l'a encore montré : c'est un texte amélioré mais surtout équilibré qui en est ressorti. Grâce à lui, la France sera plus sûre, plus souveraine et plus démocratique, et je suis fier de le défendre avec Raphaël Gauvain et vous toutes et tous.

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