La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Je souhaite d'abord, monsieur le garde des sceaux, rendre hommage au courage et au professionnalisme de nos gendarmes, de nos policiers nationaux et de nos policiers municipaux. Ils assurent notre sécurité au péril de leur vie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs des groupes LaREM, UDI-I et Agir ens.
La récente attaque d'une policière à La Chapelle-sur-Erdre a – encore une fois – ému les Français. C'est hélas un cas de plus qui s'ajoute à la liste des agressions subies par nos forces de l'ordre. « Subir » et « forces de l'ordre » ne riment pas et ne rimeront jamais.
Au-delà de l'émotion, l'attaque de La Chapelle-sur-Erdre suscite l'incompréhension et la colère. Comment un individu reconnu comme radicalisé, inscrit au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), condamné à dix-neuf reprises, notoirement violent et suivi pour schizophrénie, a-t-il pu se retrouver en liberté ? Il en a profité pour accomplir son acte odieux, alors qu'il aurait dû être interné.
Monsieur le ministre de la justice, vous avez dit que notre système pénal était infaillible : comment concilier vos propos avec l'actualité tragique qui révèle si souvent le contraire ? Hélas, le travail de nos policiers est désavoué par l'impunité dont jouissent les criminels. La rupture entre la justice et les forces de l'ordre est palpable. Malheureusement, l'anticipation du Gouvernement n'est pas au rendez-vous malgré l'évolution récente de la société vers plus de violence et d'impunité. Qu'attendez-vous pour renforcer l'exécution des peines ?
Qu'attendez-vous pour rétablir des peines planchers ? Qu'attendez-vous pour mettre en place des peines de sûreté ? Qu'attendez-vous enfin pour agir dans le but d'éviter que des individus libérés dans la nature ne continuent de menacer notre société ?
Vous nous disiez être le ministre des prisonniers, qu'attendez-vous pour devenir celui des victimes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
D'abord, monsieur le député, je n'ai jamais dit, contrairement à ce que vous répétez à l'envi, que j'étais le ministre des détenus : j'ai dit que j'étais, entre autres, le ministre des détenus, mais vous êtes le perroquet d'une députée qui est plus à droite que vous !
Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Concernant ensuite la question de la chaîne pénale, il y avait, dans le projet de loi dont vous disiez beaucoup de bien mais que vous n'avez pas voulu voter, la suppression des rappels à la loi et la diminution des crédits de réduction de peine, ainsi qu'une peine de sûreté de trente ans,…
…mais aussi la fin des libérations automatiques et une disposition relative à la communication des policiers dans le cadre de l'enquête – autant de revendications qu'ils avaient. J'ai donné par ailleurs, dès le 4 novembre 2020, des instructions pour accélérer les processus au niveau du parquet et pour que nous soyons plus fermes.
Un certain nombre de dispositions sont toujours en cours d'élaboration : un référent parquet que la police appelle de ses vœux, des réunions régulières entre la police et la justice, ainsi que des mesures visant à ce que, à l'École nationale de la magistrature, le travail des policiers et les difficultés qu'ils rencontrent soient mieux appréhendés. Je vais vous donner quelques chiffres, monsieur Vatin. Ce sont ceux du mois de mai et ils sont effrayants, je vous le concède : quarante-et-un crimes de sang ont été commis en mai – mais c'était en 2010 ! L'heure pour vous est aux reproches, elle n'est pas aux regrets.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Bénédicte Taurine, députée de l'Ariège, est empêchée de vous poser cette question, monsieur le Premier ministre : elle se remet des violences délibérées qu'elle a dû subir de la part d'un policier qui l'a jetée à terre et de ceux qui l'ont ensuite frappée du pied et du poing. C'était à l'occasion d'une charge lancée sans sommation – et même sans motif, compte tenu du caractère parfaitement pacifique de l'action syndicale qui était en cours.
…qui signalait sa qualité. Bénédicte Taurine, le député européen Manuel Bompard et le sénateur Joël Labbé, également présents, agissaient dans le cadre de leur mandat de parlementaire aux côtés des manifestants de la Confédération paysanne.
En France, comme dans toutes les démocraties du monde, la liberté d'action d'un parlementaire dans le cadre de son mandat est première dans la hiérarchie des normes, et nul n'a le droit de s'y opposer ! Cette inviolabilité est acquise aux élus depuis la première élection, en 494 avant notre ère, des premiers tribuns du peuple et elle fut confirmée par le premier vote de la première assemblée des premiers députés de 1789 !
Oui, j'y étais ! Après l'interpellation de trois de nos collègues de la majorité qui voulaient revenir dans notre assemblée punis d'autant d'amendes à 135 euros, on voit ainsi une escalade s'opérer, monsieur le Premier ministre. L'inviolabilité du mandat des députés…
Qui ne vous donne pas le droit de bousculer un procureur de la République !
…est la garantie de leur liberté de parole et d'action au nom du peuple, par la volonté duquel nous sommes ici. Nous sommes députés du peuple : la République, c'est chacun de nous. Ce matin, le président de notre assemblée a interpellé le Gouvernement sur cette violence. Nous ne réclamons ni mansuétude, ni privilège : nous exigeons la garantie de notre liberté d'action. Je vous demande, monsieur le Premier ministre, de mettre le holà, publiquement et fermement, à ces comportements.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR et sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Tout incident de cette nature est par définition regrettable. Chacun, notamment l'ensemble des dépositaires de l'autorité publique, doit respecter les lois de la République. Nul, ni policier, ni député, n'est au-dessus des lois de la République.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je rappelle à la représentation nationale, monsieur le président Mélenchon, que la manifestation à laquelle a participé Mme la députée n'avait fait l'objet – du moins pour la partie qui s'est déroulée sur la voie publique – d'aucune déclaration au titre de l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure.
Elle a donné lieu à une occupation totalement illégale de locaux de Pôle emploi…
…qui ont été évacués par les forces de sécurité intérieure dans les formes prévues par la loi. Je rappelle également qu'au cours de cette même manifestation, deux policiers ont été blessés ; l'un d'eux l'a été à la tête à la suite d'un jet de projectile, ce qui a nécessité son transport à l'hôpital.
Il faut donc que tous respectent les règles, donnent l'exemple et ramènent le calme. Comme vous l'avez dit, monsieur Mélenchon, M. le président de l'Assemblée nationale a interrogé M. le ministre de l'intérieur – dès le lendemain des faits et non pas hier –, et celui-ci lui a immédiatement répondu. J'ajoute enfin que le procureur de la République s'est saisi des faits en question.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.
Ma question s'adresse au ministre délégué chargé des comptes publics, Olivier Dussopt. 5,8 % en 2021 puis 4,4 % en 2022 : telles sont les prévisions de croissance de la France, révisées hier à la hausse par l'OCDE.
C'est mieux que ce que le Gouvernement avait prévu ; c'est au-dessus des espérances de nos voisins européens pour leurs propres économies. Les résultats de la politique de soutien du Gouvernement sont donc bien là. Alors que la crise fait décrocher l'emploi dans la plupart des pays européens, le niveau de chômage reste stable en France. Alors que la crise a créé chez certains de nos voisins une pauvreté sans précédent, il n'y a pas eu de recul du pouvoir d'achat des ménages français en 2020.
Bien sûr, cette crise a durement frappé les plus fragiles et le projet de loi de finances rectificative (PLFR) présenté demain en conseil des ministres corrigera ce qui doit l'être. Je pense notamment à la pérennisation des 200 000 places d'hébergement d'urgence, ainsi qu'aux 30 millions d'euros supplémentaires versés aux départements pour prévenir les loyers impayés. Le pari du « quoi qu'il en coûte » est donc en passe d'être gagné. Sur le terrain, sur les marchés où je me rends, nos concitoyens le reconnaissent : notre politique est efficace.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Mais deux sujets reviennent régulièrement dans les échanges. Premièrement, la dette inquiète et il nous faut expliquer encore et encore, monsieur le ministre délégué, que la croissance retrouvée et la transformation de notre économie grâce au plan de relance permettront de renouer avec l'équilibre budgétaire sans augmenter les impôts. Deuxièmement, les abus scandalisent. Il ne faut pas le nier : la fraude existe, notamment s'agissant du fonds de solidarité. Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous présenter les principales mesures de ce PLFR ? Disposez-vous aujourd'hui d'éléments plus précis à partager avec la représentation nationale sur les fraudes aux dispositifs d'urgence et sur les mesures prises pour les combattre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Vous l'avez dit, l'économie française résiste bien :…
…elle rebondit et les prévisions de croissance du Gouvernement comme des autres institutions sont favorables. Elles placent la France au premier rang des pays de la zone euro pour le taux de croissance de l'année 2021 et de l'année 2022.
Le projet de loi de finances rectificative que nous présenterons demain avec Bruno Le Maire a trois objectifs. Le premier est de financer les mesures d'urgence pendant la période de sortie progressive de ces mêmes dispositifs. Nous proposerons au Parlement de voter des crédits à hauteur de 15 milliards d'euros pour financer la compensation des exonérations de cotisations, pour financer le fonds de solidarité pendant la période de sortie dégressive et pour financer l'activité partielle – plus particulièrement pour recharger les crédits de l'activité partielle de longue durée.
Ce PLFR intègre aussi un certain nombre de mesures qui sont attendues : la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat défiscalisée, parfois intitulée du nom du Président de la République, la possibilité pour les entreprises de souscrire des prêts garantis par l'État (PGE) jusqu'à la fin de l'année, ainsi que celle d'élargir les dispositifs dit de carry back, en mauvais français, pour accompagner les entreprises qui ont subi des pertes.
Enfin, vous l'avez dit, ce PLFR a aussi vocation à financer les priorités politiques : le maintien du niveau de l'hébergement d'urgence avec la stabilité du nombre de places pendant la période estivale, le financement des premières mesures d'indemnisation des agriculteurs frappés par le gel, en écho aux engagements pris par le Premier ministre
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM
ou encore le financement du Pass'sport tel qu'annoncé par le Président de la République.
Tout cela a un coût : la France consacre beaucoup d'argent public à sortir de la crise économique et à aider les entreprises et les Français.
Dans un tel contexte, nous devons évidemment veiller à ce que cet argent soit bien utilisé.
Tous nos services sont mobilisés contre la fraude. Depuis le mois d'octobre dernier, avec Élisabeth Borne, nous avons modifié les conditions d'instruction des dossiers d'activité partielle pour prévenir la fraude. Concernant le fonds de solidarité, la Direction générale des finances publiques (DGFIP), en lien avec le garde des sceaux, aura l'occasion de transmettre 10 000 dossiers qui nous paraissent frauduleux – un nombre à comparer aux 2,2 millions d'entreprises qui ont bénéficié de ce fonds.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, dois-je vous rappeler le bon mot du Président de la République qui, durant le grand débat, a déclaré : « Moi, j'adore pas le mot de pénibilité parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible » ?
Force est de constater, monsieur le ministre, que vous non plus n'aimez pas ce concept, un peu incongru et stigmatisant, de pénibilité du travail. Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur la dureté des tâches des soignants et sur leur profond mal-être. Les infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État (IBODE) ont manifesté leur indignation mardi dernier devant votre ministère. Primes exceptionnelles, majoration des heures supplémentaires : le Ségur de la santé n'a rien arrangé, vous n'avez rien arrangé.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Le désarroi et la colère gagnent les rangs des professions intermédiaires de santé. Et pour cause, mes chers collègues, deux chiffres devraient à eux seuls vous interpeller, si ce n'est vous choquer. Le premier – 16 euros par mois –, c'est la valorisation indiciaire qui leur a été accordée en début de carrière. Mais qu'ils se rassurent et voient le bon côté des choses, car après vingt ans d'ancienneté, les augmentations sont un peu plus importantes. Quel beau geste, vous en conviendrez, quand on sait qu'un infirmier sur trois, en moyenne, quitte son poste après cinq ans de rudes et loyaux services.
Le second chiffre – 13 euros – est la différence mirobolante entre le salaire net mensuel d'un infirmier en bloc opératoire et celui d'un infirmier en soins généraux.
À la vérité, c'est à n'y rien comprendre : une augmentation de salaire minime, d'une part, et une différence de seulement 13 euros. Est-ce ainsi que vous gratifiez ceux qui ont acquis une spécialité au prix de dix-huit mois de formation supplémentaires ? Le savoir-faire technique de ceux qui sauvent des vies signifie-t-il si peu à vos yeux ?
Ma question sera aussi simple que la fin de non-recevoir que vous leur avez opposée en répondant absent quand ils sont venus vous rencontrer : comptez-vous, grâce à une majoration d'indice, rétablir une cohérence dans la rémunération des infirmiers de bloc opératoire, des infirmiers anesthésistes (IADE) et des infirmiers puériculteurs diplômés d'État (IPDE) ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Je comprends votre question. Oui, je la comprends parce que vous avez voté contre les dispositions du Ségur de la santé que nous avons proposées au Parlement. Ainsi, vous avez voté contre la hausse de 9 milliards d'euros de salaire pour 1,5 million de soignants, qui sont pour 85 % des femmes. Je pense que cela vous gênait.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.
J'ai été député socialiste comme vous et nous aurions rêvé d'avoir ne serait-ce que 10 % de la valeur de l'enveloppe du Ségur à consacrer à de telles hausses de salaire. On aurait signé debout sur la table et on aurait été si fiers de ces augmentations qu'on les aurait fait figurer dans nos documents de campagne. Et, alors que nous proposons un montant dix fois supérieur, vous votez contre ! C'est ça, l'opposition stérile, monsieur le député. Quand vous comprendrez, élection après élection, qu'au lieu de servir votre parti, vous êtes en train de le détruire, peut-être aurez-vous fait une avancée pour votre camp politique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La deuxième chose contre laquelle vous avez voté, c'est une enveloppe de 19 milliards dédiée à l'investissement, reprise de dette comprise, avec 6 milliards d'euros pour les hôpitaux. Ainsi avez-vous voté contre les 10 millions d'investissements courants dévolus cette année aux hôpitaux de Haute-Garonne que vous connaissez bien ; ainsi avez-vous voté contre les budgets qui nous permettront, cet été, d'annoncer des bonnes nouvelles pour le groupe hospitalier de Tarbes-Lourdes, villes qui attendent depuis des années de l'investissement hospitalier.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Vous évoquez pour les infirmiers de bloc opératoire une hausse de salaire de 13 euros. Connaissant votre niveau de compétence, je sais que ce n'est pas de votre part une erreur mais, excusez-moi de vous le dire, une affirmation mensongère.
Les infirmiers de tous les hôpitaux de ce pays ont déjà perçu une augmentation mensuelle de salaire de 183 euros nets comptant pour la retraite.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.
En plus de cela, la totalité des soignants des hôpitaux bénéficient d'une revalorisation des grilles salariales fondée sur l'ancienneté, ce qui est une procédure classique. Ainsi, les infirmières de type IBODE ou les infirmières de type IADE toucheront plus de 3 500 euros nets par mois en fin de carrière, soit 500 à 600 euros de plus, puisqu'elles recevaient moins de 3 000 euros auparavant.
Monsieur le député, qui se compare se console : présentez-nous donc votre bilan, que j'ai partagé pour partie. Honnêtement, je suis très fier de ce que nous faisons aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Monsieur le Premier ministre, ma question est un signal d'alarme face à l'évolution du climat politique dans notre pays. Hier impensable, la possibilité de voir un parti d'extrême droite diriger des régions ne semble plus émouvoir grand monde. Chaque jour, sur les réseaux sociaux, sur les chaînes d'info, ce sont les mêmes débats tronqués et outranciers, avec toujours la palme donnée à la proposition la plus excessive, la plus poujadiste.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Hubert Wulfranc applaudit également.
Monsieur le Premier ministre, je vous le dis avec gravité, nous qui avons un lien fort avec nos concitoyens, nous voyons bien que la situation se dégrade. La société française est divisée, à cran, à la fois résignée et en colère. Je voudrais mettre en garde les partisans d'un face-à-face avec le Rassemblement national. On ne peut pas lutter contre l'extrême droite en courant derrière elle.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR. – M. Hugues Renson applaudit aussi.
À fracturer la gauche puis la droite, gare à ne pas détruire la démocratie !
Monsieur le Premier ministre, il reste un peu moins d'un an avant l'élection présidentielle et vous pouvez en faire encore une année utile pour tenter de rassembler les Français. Mais il faut agir maintenant car nous ne sortirons pas collectivement de ce bourbier sans un triple choc : démocratique, économique et social.
Il faut faire davantage confiance aux territoires. Notre pays n'a pas besoin d'une loi 4D – déconcentration, décentralisation, différenciation, décomplexification – mineure mais d'un grand choc de décentralisation, de régionalisation, d'expérimentation. Laissez les territoires s'organiser et respirer dans le champ social et économique ; rompez avec la verticalité ; convoquez sans attendre une grande conférence sociale, qui travaillerait sur la répartition des richesses, la conditionnalité des aides publiques, la lutte contre la pauvreté, la revalorisation des petits salaires et la refondation des politiques pour la jeunesse, autant d'attentes exprimées par nos concitoyens.
MM. André Chassaigne et Hubert Wulfranc applaudissent.
Au moment où toutes les digues sautent, la situation appelle les dirigeants politiques à la responsabilité et à l'audace, pas à la surenchère ou aux calculs politiciens. Monsieur le Premier ministre, il faut changer de cap maintenant !
Applaudissements sur les bancs des groupes LT et Dem et sur quelques bancs du groupe GDR.
Monsieur le président Pancher, vous avez tout à fait raison : les crises révèlent ceux qui tiennent le cap dans la tempête et ceux qui se laissent aller,…
…ceux qui confondent la fermeté et la démagogie, ceux qui confondent l'efficacité et l'outrance.
Avec sérieux et détermination, le Gouvernement et sa majorité parlementaire, dans le respect profond de la démocratie et de l'État de droit, agissent au bénéfice de notre pays. Nous occuper de l'intérêt supérieur de la France et de la vie quotidienne de nos concitoyens est le seul antidote au phénomène que vous avez à juste titre dénoncé – je vous rejoins très largement sur le diagnostic que vous avez posé.
Soyons-en fiers, c'est ce que nous faisons en luttant pied à pied contre la crise sanitaire, et vous voyez que nous commençons à obtenir des résultats, que ce soit en termes de progression de la vaccination ou de recul de l'épidémie.
C'est ce que nous faisons en luttant pied à pied contre la crise économique,…
…et vous savez bien que vous pouvez, sur tous les bancs de cet hémicycle, être fiers de nos résultats.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La France occupe la première place parmi les grands pays de la zone euro en matière de croissance économique. C'est grâce à nos efforts collectifs, c'est grâce aux efforts des Français !
Vous avez parlé d'un climat politique pesant. En dépit des difficultés, nos concitoyens s'accrochent, ils luttent. Ils ont maintenant l'espoir que l'économie reparte et nous allons l'aider à repartir. Il en va de même en matière de lutte contre l'insécurité, fléau que nous combattons sans démagogie mais avec résolution en déployant des moyens inédits, en vous proposant des modifications législatives adaptées et proportionnées.
C'est ça, la force de la République ; c'est ça, le chemin du Gouvernement et de la majorité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Il y a dix jours, Jean-Claude Girard, maire d'Ouges, commune de 1 400 habitants au sud de Dijon, a été sauvagement tabassé, à coups de barre de fer, s'il vous plaît, pour un banal rappel du règlement. Ces violences contre les élus municipaux sont en forte progression, hélas ! Taillables et corvéables à merci, véritables moutons à cinq pattes, les maires, comme tous les détenteurs de l'autorité, sont devenus des cibles faciles. Les élus locaux, attaqués parfois même à leur domicile privé, ont vu le nombre d'agressions dont ils sont victimes tripler entre 2019 et 2020 – de 388 à 1276.
C'est ce phénomène que nous nous avons mis en avant avec Naïma Moutchou dans le rapport sur sur les entraves opposées à l'exercice des pouvoirs de police des élus municipaux que nous avons rendu à la mi-avril. Même les départements ruraux ne sont plus épargnés, oh que non ! Dans la Manche, par exemple, où se trouve ma circonscription, on dénombre plusieurs cas : le maire de Tessy-Bocage, Michel Richard, celui de Portbail, Francis d'Hulst, et bien d'autres. Ces actes insupportables restent encore trop souvent impunis.
Quel signal envoyer aux 36 000 maires de France, aux 500 000 élus locaux ? Comment éviter le laxisme envers les agresseurs ? Que ce soit par des propos, par des actes, par le recours aux armes parfois, attaquer un élu de la République, c'est attaquer la République elle-même, c'est la bafouer !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ces élus sont les sentinelles de nos villes, de nos communes, de ces petites républiques qui font la grande, et c'est bien à la République de les protéger. Rétablir par exemple les peines planchers pour ceux qui s'en prennent aux détenteurs de l'autorité serait un signal fort.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La République se doit d'assurer la sécurité de celles et ceux qui les représentent et qui la servent, c'est son essence même.
Alors, monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour porter secours et assistance aux maires, aux détenteurs de l'autorité publique, pour les protéger et assurer des sanctions fermes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je partage ce que vous dites. Les maires, les élus, les membres des forces de l'ordre méritent le respect car ils incarnent la République.
Mme Patricia Mirallès applaudit.
Je ne vais pas répéter ce que j'ai dit tout à l'heure. Lorsque vous étiez au pouvoir, il y a déjà eu des infractions de ce type, pardonnez-moi de le rappeler. Et il existera toujours des individus en marge de notre société qui commettent des infractions.
Pour autant, lorsque l'on a dit ça, on n'a rien dit.
Dès les premières instructions que je leur ai adressées, les maires et les élus m'ont fait part de leurs retours. L'une des mesures que j'ai envisagées, bien avant le Beauvau de la sécurité, était la suppression du rappel à la loi. J'ai demandé aux procureurs de la République de ne plus utiliser cette réponse pénale qui, au fond, n'a que peu de signification. Ceux qui veulent faire preuve de bonne foi, et je sais que vous en êtes,…
…reconnaîtront que les élus ont témoigné leur reconnaissance à la suite des instructions que j'avais données et qu'elles ont porté leurs fruits.
Sauf si vous êtes détenteur de la solution miracle, sauf si vous êtes un menteur ou un incompétent, vous ne pourrez jamais promettre à nos concitoyens le risque zéro. J'ai donc appelé les parquets à davantage de fermeté, laquelle me semble indispensable en la matière.
Voilà ce que nous avons fait. Je le redis, je n'ai pas eu sur cette question la main qui tremble car, comme vous, je pense que les élus doivent être protégés, et davantage qu'ils ne l'étaient autrefois.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre, nul ne prétend que le risque zéro existe, mais les chiffres sont là : 200 cas d'agressions en 2017, 1276 en 2020. Il faut réagir, bien au-delà de ce qui est fait !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ma question s'adresse à monsieur le ministre de l'agriculture. Depuis plusieurs années, les épisodes de sécheresse et de fortes inondations se succèdent et leur fréquence augmente, indicateur incontestable du dérèglement climatique. Ce dernier affecte les milieux naturels et les usages, particulièrement notre agriculture. Pourtant, les volumes de précipitations sont sensiblement les mêmes, ce qui révèle un problème de répartition.
L'eau n'est jamais aussi bien stockée que dans les nappes phréatiques, qui ne donnent pas prise à l'évapotranspiration. Or, avec l'artificialisation des sols, des masses d'eau considérables filent à la mer sans profiter aux milieux ou aux usagers. J'avais d'ailleurs proposé, lors de l'examen de la loi climat, qu'un rapport évalue, dans le respect de la gestion durable de la ressource en eau, les possibilités d'élaborer un dispositif de stockage réactif dérogatoire en période d'inondation. Nos débats ont malheureusement achoppé sur la défense antagoniste de différents usages et dérivés.
Face à cette problématique majeure, vous venez de lancer le Varenne agricole de l'eau : c'est pour nous la meilleure réponse que vous pouviez apporter. Sa valeur tient à sa philosophie : il réunit, sans jamais les opposer, les approches agricoles et conservatoires des milieux et l'utilisation économe de la ressource. Ce Varenne rassemble tous les acteurs dans le but de définir dès le 1er janvier 2022 une feuille de route pour l'utilisation d'outils de gestion durable de la ressource – notamment pour répondre aux situations d'aléas climatiques exceptionnels –, d'outils d'adaptation au changement climatique – à travers des solutions fondées sur la nature (SFN), par exemple –, ou encore de dispositifs innovants de renforcement de la résilience, levier de souveraineté alimentaire et de sécurité sanitaire. Nous avions plaidé, avec Jean Jouzel et Jean Launay, pour que soient organisés des états généraux de l'eau. C'est chose faite, et nous nous en félicitons.
Pour nous, les objectifs sont clairs : parvenir à une vision partagée de l'eau en agriculture, prendre en compte les enjeux de souveraineté alimentaire en accélérant l'adaptation de l'agriculture et, au-delà, atteindre les objectifs de la directive-cadre sur l'eau. Pouvez-vous nous dire comment vous pensez y parvenir ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Merci pour vos mots et merci surtout pour l'action que vous menez avec d'autres de vos collègues en matière d'usage de l'eau dans l'agriculture.
Je fais partie de ceux qui considèrent qu'à un moment donné, il faut peut-être revenir à l'essentiel. L'essentiel, c'est d'abord reconnaître qu'il n'est pas possible de faire de l'agriculture sans eau, contrairement à ce que certains prétendent.
L'essentiel, c'est aussi reconnaître que la question de l'usage de l'eau est très difficile parce qu'il y a un conflit qu'il faut aborder avec une certaine forme de sérénité. Ce conflit est vieux comme le monde : il existe depuis que l'homme est sédentaire. Mais ce n'est parce que cette question de la gestion hydraulique de notre territoire est difficile qu'il faut la mettre sous le tapis, bien au contraire. C'est précisément parce qu'elle l'est qu'il faut sortir des postures et remettre dans le débat de la raison, de la pensée et beaucoup de science. C'est tout l'objet de ce Varenne agricole de l'eau et du changement climatique que nous avons lancé il y a quelques jours avec ma collègue Bérangère Abba.
On le sait, il est possible de forger des consensus. Les scientifiques reconnaissent par exemple que nous aurons des étés toujours plus chauds, et, l'hiver, des pluies toujours plus diluviennes. Or, quand la nappe phréatique et le sol sont déjà gorgés d'eau, toute eau tombant au sol finit soit en évaporation, soit dans la mer. Voilà un cas où il est possible de créer un consensus – il faut toutefois le faire avec méthode et raison, ainsi qu'avec de l'innovation, pour déterminer la voie à suivre une fois que le consensus est acquis. C'est aussi l'objet du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique.
Enfin, l'adaptation de notre agriculture au changement climatique est une question de souveraineté. Tel est également l'objet du Varenne, auquel vous serez évidemment associés.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Tous ceux qui travaillent dans le milieu hospitalier ou qui l'ont fréquenté savent combien les conditions peuvent y être difficiles : des situations éprouvantes, un rythme dense avec toujours plus de patients, des moyens contraints qui font de nos soignants de véritables « couteaux suisses » au quotidien.
L'été dernier, la revalorisation des carrières dans le cadre du Ségur de la santé devait apporter des réponses au mal-être profond de l'hôpital. Un an après, où en sommes-nous ? Des inégalités entre les infirmiers des catégories A et B créent entre eux un climat malsain. La rémunération nette de 1 730 euros ne correspond pas au salaire de base. Quant aux infirmiers spécialisés, ils s'étonnent du manque de reconnaissance de leurs études dans la nouvelle grille. Même en augmentant les salaires, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, vous réussissez à accentuer les tensions internes à l'hôpital !
Il faut saluer ces augmentations, attendues depuis des années, mais les personnels soignants spécialisés ont le sentiment d'un véritable manque de considération – la preuve en est que plus de 65 % des IADE étaient en grève le 17 mai, tout comme 44 % des IBODE mardi dernier.
Loin de toute polémique, les personnels soignants en ont assez d'entendre qu'ils sont formidables, si derrière, cela ne suit pas. Comment entendez-vous répondre à l'injustice que vous créez ? Quel message voulez-vous envoyer aux jeunes infirmiers qui souhaitent se spécialiser en effectuant un à deux ans d'études supplémentaires pour ne gagner que 13 euros nets de plus par mois ? Leur dévouement total durant la crise sanitaire, et maintenant dans l'étape cruciale qu'est la vaccination, mérite une réponse rapide et adaptée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Joël Aviragnet applaudit également.
Un an après le Ségur, votre question me permet d'annoncer à la représentation nationale qu'avec Brigitte Bourguignon, Adrien Taquet et Sophie Cluzel, nous avons signé il y a trois jours un nouvel avenant au Ségur de la santé, accord-cadre majoritaire signé – pardonnez-moi de les citer – par Force ouvrière, la CFDT et l'UNSA. Troisième accord majoritaire conclu dans le cadre du Ségur de la santé pour les professions soignantes, il permettra d'étendre le complément de traitement indiciaire de 183 euros nets mensuels à quelque 100 000 soignants supplémentaires du secteur médicosocial – ceux qu'on appelait jusqu'alors les oubliés du Ségur – à partir du 1er janvier 2022. Le fait que nous signions des accords majoritaires avec des centrales syndicales – dont certaines n'avaient pas signé d'accord national depuis des années – doit vous mettre la puce à l'oreille quant au bilan de nos mesures !
J'ai réuni une première fois les infirmiers anesthésistes – j'étais le premier ministre de la santé à les recevoir depuis vingt ans –, après quoi j'ai convié à une visioconférence tous ceux qui le souhaitaient : ils ont été 4 300 à y participer pendant plus d'une heure, sur les quelque 12 000 diplômés que compte cette profession. Nous avons débattu des travaux en cours concernant l'évolution de leurs compétences et de leurs missions – et je n'oublie pas les IBODE dans ma réflexion.
En résumé, aux 13 euros de revalorisation de la grille salariale la première année s'ajoutent 183 euros nets mensuels pour tous – entrant dans le calcul de la retraite ; les infirmiers anesthésistes comme les IBODE bénéficient aussi de bonifications indiciaires du fait de leur spécialité – pour un IADE, cela représente près de 300 euros supplémentaires par mois. À cela s'ajoute la prime d'engagement collectif, pour près de 100 euros nets mensuels ; et en fin de carrière, ce sont quasiment 600 euros nets qui s'ajoutent à tout cela.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
À la fin des fins, un infirmier qui termine sa carrière touche donc 600 à 700 euros nets supplémentaires par mois grâce au Ségur de la santé. Vous pouvez chercher dans les archives, il n'y a jamais eu d'équivalent, même en cumulant les vingt dernières années de revalorisation salariale ! On peut toujours faire mieux, madame la députée : j'attends de voir ce que vous proposerez.
J'espère que ces mesures prendront effet rapidement, mais il faut aussi penser aux infirmiers des catégories A et B : vous ne m'avez pas répondu à leur sujet.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il y a un peu plus d'une semaine, monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, vous avez présenté vos principaux arbitrages concernant la déclinaison française de la future PAC. Après la victoire incontestable que représente le maintien du budget européen dédié, la répartition nationale des enveloppes suscitait légitimement des craintes : depuis l'automne dernier, de nombreux territoires et filières avaient exprimé leurs inquiétudes quant aux évolutions à venir. Vous avez su les entendre, et votre méthode de construction a été efficace. Aujourd'hui, ils saluent à la quasi-unanimité la concertation qui a présidé à l'élaboration du plan stratégique national. Cette concertation se poursuit s'agissant du déploiement de l'aide à l'unité de gros bétail (UGB) pour les producteurs de viande et de lait.
L'immense majorité des acteurs du monde agricole sont satisfaits de l'équilibre auquel vous êtes parvenu pour la future programmation. Les mesures que vous proposez accompagneront efficacement les transitions nécessaires de nos exploitations. Les agriculteurs français pourront ainsi relever plus sereinement les défis qui se présentent à eux : souveraineté alimentaire, adaptation au changement climatique et renouvellement des générations. Il est important de souligner qu'un soutien inédit a été consacré à la conversion à l'agriculture biologique, aux cultures protéiques et à l'investissement.
Pourtant, l'échec des négociations concernant la PAC, lors du dernier Conseil européen, suscite des doutes au sein de la profession : celle-ci craint que le bel équilibre trouvé en France soit mis à mal. Pouvez-vous la rassurer quant à l'issue des discussions qui s'annoncent à l'échelle européenne ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'enjeu qui nous occupe est massif : à quoi ressemblera notre agriculture en 2027 ? C'est un enjeu de souveraineté – vous m'avez entendu le dire plusieurs fois – car il n'y a pas de pays fort sans agriculture forte. L'enjeu est également massif concernant le renouvellement des générations, car la moitié de nos agriculteurs partiront à la retraite dans les cinq à dix prochaines années.
Nous avons obtenu une victoire en juillet dernier, lorsque, grâce à l'action du Président de la République, nous avons réussi à maintenir les budgets de la PAC. Nous avons par ailleurs appliqué une méthode de construction collégiale du plan stratégique national ; il reste encore beaucoup à faire, mais nous avons profondément avancé.
Le plan stratégique national que nous avons déployé affirme une vision très claire, avec des aides sans précédent à l'installation des jeunes, la volonté de sortir de la dépendance aux importations de protéines sud-américaines, qui participent de la déforestation, ainsi que la volonté de créer de la valeur dans nos territoires et de consolider les revenus – condition pour investir dans les transitions, notamment.
Désormais, le défi est de trouver un accord avec la Commission et le Parlement européens. Nous avons eu des discussions très difficiles et compliquées ; à l'unanimité, les ministres européens de l'agriculture ont décidé, en fin de semaine dernière, de mettre un arrêt aux discussions du trilogue : nous ne pouvions pas accepter une PAC beaucoup trop compliquée pour les agriculteurs, une PAC où la transition agro-écologique restait un vœu mais n'était pas accessible, et qui n'intégrait pas une régulation des importations. Ce sera tout l'enjeu pour le mois à venir, et je m'engagerai avec détermination.
En ce 1er juin, le Gouvernement vient d'autoriser les expulsions locatives. Pourtant, toutes les raisons qui avaient motivé leur suspension l'an passé restent d'actualité.
La crise sanitaire est là, et les revenus de nombreuses familles ont été affectés. Lors de la commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse, nous avons souligné combien les enfants hébergés en hôtel avec leur famille par le 115, souvent loin de leur école et sans internet, subissaient de dégâts dans leur scolarité. Aussi, j'attends de M. le ministre de l'éducation nationale l'engagement qu'aucune famille dont les enfants sont scolarisés ne sera expulsée. Le droit à l'éducation des enfants de notre République ne peut être malmené pour ceux qui n'ont pas les moyens de régler leur loyer. Ce droit doit aussi être garanti pour les jeunes relevant de l'aide sociale à l'enfance (ASE) : leur assurer à long terme un hébergement et une formation, loin de la rue, serait un investissement humain utile au pays.
Mme Muriel Ressiguier applaudit.
Durant la crise, nous avons tous ici salué l'engagement des personnels et des bénévoles, ainsi que les gestes de solidarité de nos compatriotes ; nous avons aussi salué notre système de protection sociale – mais, faisant fi de tout cela, les expulsions vont reprendre ! Où est la France des droits des êtres humains ?
En 2019, 16 700 expulsions ont été effectuées, touchant 36 000 personnes – et cela va recommencer, alors que les hébergements, vous le savez, sont saturés. Certes, vous avez augmenté le fonds de solidarité, mais insuffisamment ; il faut en outre porter le fonds d'indemnisation des bailleurs à 80 millions d'euros. Certes, Mme la ministre déléguée chargée du logement a demandé aux préfets de limiter le nombre d'interventions, mais limiter ne suffit pas : aucune expulsion locative ne doit avoir lieu sans un relogement digne et pérenne. En temps de crise, cette règle ne doit souffrir aucune exception et doit s'appliquer partout. Monsieur le Premier ministre, il est encore temps de surseoir aux expulsions locatives et de respecter le droit au logement, qui a valeur constitutionnelle. L'humain doit être au cœur de notre République.
Applaudissements les bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.
Pour la première fois cette année, au moment où s'achève la trêve hivernale, le 1er juin, nous maintiendrons ouvertes la totalité des places d'hébergement d'urgence, soit 200 000 places : jamais un niveau aussi élevé n'avait été atteint.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
En maintenant les places d'hébergement d'urgence ouvertes, grâce à un effort budgétaire important de 700 millions d'euros, nous permettrons aux personnes hébergées d'accéder à leurs droits et de se projeter dans un logement. Comme l'année dernière, à la fin de la trêve hivernale – le 1er juillet en 2020, le 1er juin cette année –, nous reprendrons différemment les expulsions locatives – je dis bien différemment, puisque, alors que 16 000 expulsions locatives avaient eu lieu en 2019, elles n'ont été que 3 500 en 2020. Il y a donc eu peu d'expulsions locatives en 2020, et peu d'expulsions locatives sans relogement ou hébergement. Nous avons accompagné et assuré une continuité.
Cette année, nous indemniserons les bailleurs davantage que les années précédentes, en rehaussant le montant du fonds d'indemnisation qui les concerne. Nous avons aussi refinancé les fonds de solidarité locaux pour la prévention des expulsions et le soutien aux locataires en difficulté. Ainsi, nous ferons montre d'un effort de solidarité considérable au bénéfice des personnes les plus fragiles – c'est l'honneur de la France de le faire en période de crise. Deux cent mille places d'hébergement, une reprise des expulsions locatives échelonnée et limitée, avec solution de logement ou d'hébergement : voilà aussi comment nous faisons face à la crise pour les personnes les plus en difficulté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux. Depuis plusieurs semaines, un vent mauvais souffle sur notre pays : on entend de hauts responsables politiques dire qu'ils sont prêts à voter avec le Rassemblement national au Parlement européen ;…
…on entend les mêmes, dans l'est de la France, déclarer qu'un candidat RN ne serait pas d'extrême droite ; on entend certains, dans le sud, rejeter le choix de l'intérêt général au profit de l'extrême droite.
Ces derniers jours, c'est l'État de droit lui-même qui a été remis en cause : supprimer la possibilité d'appel dans un procès pénal, il faut mesurer ce que cela signifie comme renoncement de civilisation !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Agir ens, LaREM, SOC, FI et GDR.
Rendez-vous compte ! Remettre en cause l'idée de procès équitable et notre conception de la justice, c'est mettre aux oubliettes notre longue histoire de progrès, celle de l'enseignement des Lumières, de Victor Hugo ou de l'affaire Dreyfus. Quel sombre destin pour notre pays ! Toutes ces voix émanent pourtant de personnes qui se réclament d'un parti dit de gouvernement ; on ne sait si elles révèlent la vérité et la profondeur des âmes, ou si elles répondent à de pures stratégies électoralistes. Quoi qu'il en soit, c'est désormais Mme Le Pen qui appelle ceux qu'elle qualifie « de la droite sincère » à la rejoindre.
C'est désormais le numéro deux – oui, le numéro deux du parti Les Républicains…
…qui affirme avoir les mêmes convictions que celles du maire de Béziers, élu avec le Rassemblement national. Ce ne sont plus des digues qui sautent, ce sont des ponts qui sont construits à vitesse grand V. Où est passée la droite républicaine chère à Jacques Chirac et Alain Juppé ?
Exclamations sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Jamais ces dérives n'auraient été acceptées par l'un et par l'autre. Que reste-t-il de républicain quand on sape les fondamentaux démocratiques, quand on déconstruit l'idéal républicain et que l'on détruit l'État de droit ?
Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous rappeler à ceux qui ont perdu la mémoire la boussole de la République et le respect de l'État de droit ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Agir ens et LaREM.
Vous avez raison, les vents mauvais qui soufflent n'ont sans doute pas le goût sucré des alizés. L'État de droit, c'est notre bien le plus précieux, l'État de droit distingue la démocratie de la tyrannie. Ceux qui jouent avec l'État de droit sont des pompiers incendiaires et, je le dis, des irresponsables.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
On nous propose, dans le cadre du débat parlementaire relatif à mon projet de loi, d'incarcérer automatiquement en détention provisoire. Fantastique ! Qui dit mieux ? On va dire mieux : cinquante ans de réclusion criminelle rétroactivement applicables. Qui dit mieux ?
Rires et applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Une automaticité, non plus de la détention provisoire, mais des peines automatiques qui interdiraient, nous dit l'un des vôtres, un acquittement. Qui dit mieux ? Et, cerise sur ce gâteau judiciaire : le rétablissement de la Cour de sûreté de l'État sans possibilité d'interjeter appel.
Toutes les digues ont été rompues.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Les principes que notre société civilisée a mis des millénaires à élaborer n'existent plus : la présomption d'innocence, le droit de faire examiner son affaire en appel, l'indépendance de la justice. L'État de droit, pour paraphraser le poète, c'est comme le bonheur, on sait ce qu'il représente quand il s'enfuit. Au secours, messieurs !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance. Avec un déconfinement espéré, certes progressif, la reprise de la culture dite prestigieuse ne doit pas se faire au détriment d'une culture populaire. Je pense particulièrement aux fêtes votives et traditionnelles qui sont le reflet de l'identité de chaque territoire.
Dans nos territoires déchirés par la crise, ce besoin de retrouver nos racines, grâce à un art de vivre festif lié à l'histoire de chaque région, est essentiel. En Provence, la crise sanitaire est fatale pour les manadiers, les gardiens des élevages de taureaux et de chevaux de race camargue qui, malgré leurs tentatives pour diversifier leur activité, ont perdu 90 % de leur chiffre d'affaires et doivent faire face à de lourdes charges d'exploitation incompressibles. Alors que les festivités génèrent 120 millions d'euros pour l'économie locale, les manadiers ne bénéficient que de 10 % de ces retombées et aujourd'hui leurs pertes atteignent 10 millions. Ils demandent un gel immédiat de leurs charges exceptionnelles, un fonds d'aide d'urgence pour leurs charges d'exploitation, la prorogation du fonds de solidarité jusqu'à la fin de l'année 2021, un message fort auprès des banques pour subvenir aux besoins de trésorerie, un soutien de l'État et des collectivités au plan de relance proposé par la Fédération des manadiers et un appui des élus au maintien de la politique agricole commune.
Monsieur le ministre, votre soutien est indispensable pour préserver leur avenir, gage de l'identité de tout un territoire et de ses traditions.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je veux vous remercier pour votre question et vous dire à quel point je partage les propos que vous avez tenus sur la nécessité, dans ce déconfinement, de faire vivre tout ce qui fait identité, tout ce qui fait France et tout ce qui en fait les spécificités. À ce titre, soyez assuré que nous avons, mon collègue ministre de l'économie et moi-même, bien conscience des problèmes des manadiers, de tout ce qu'ils ont vécu ces derniers mois et des difficultés financières auxquelles nous nous efforçons d'apporter des réponses concrètes, sous l'égide du Premier ministre.
Vous l'avez dit, nous avons d'abord déployé le fonds de solidarité, en particulier pour les manadiers. Ensuite, nous avons instauré, dans certains territoires, au plus près d'eux, des cellules de suivi pour traiter les questions fiscales que vous avez évoquées. Par ailleurs, des fonds sont disponibles, dans le cadre du plan de relance, pour accompagner les filières et l'ensemble des manadiers ont eu la possibilité de postuler pour en bénéficier.
Vous avez indiqué que ces mêmes manadiers ont demandé le soutien des élus au maintien de la PAC. Je crois que vous avez, au travers de vos propos, montré à quel point vous les soutenez. Soyez assuré que j'ai bien entendu votre demande.
Pas plus tard qu'il y a quarante-huit heures a eu lieu, au sein de mon ministère, une nouvelle réunion avec les manadiers pour travailler sur cette feuille de route. Elle est nécessaire, à la fois pour eux, pour ces territoires, pour nos traditions, et, en définitive, pour notre identité tellement mise à mal aujourd'hui et que nous avons tant de bonheur à retrouver en cette période de déconfinement. Vous pouvez donc compter sur mon engagement et sur celui de Bruno Le Maire.
Je vous remercie. Bien sûr, vos propos vous engagent. J'ajouterai que cette question est essentielle à ce territoire de la Provence où la biodiversité est déjà menacée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, jeudi dernier, à dix-neuf heures, plus de 931 000 candidats ont retenu leur souffle en ce début de la phase d'admission Parcoursup qui doit s'achever le 16 juillet. Vous mettrez certainement en avant les 1,5 million de propositions d'admission, mais, au-delà de ces chiffres, la crise de la covid a amplifié les failles de ce qui reste un outil de gestion de la pénurie de places dans l'enseignement supérieur. Ces difficultés sont d'ailleurs accentuées par la fin de l'entrée en vigueur de la réforme du lycée général. L'information sur l'orientation des lycéens est très perturbée. Tous ne sont pas égaux dans l'accès à ces informations, et le biais social joue à plein. Certains sollicitent l'appui de sociétés de conseil pour constituer leur dossier alors que d'autres ne peuvent pas compter ou s'appuyer sur leur famille pour établir leurs vœux ou pour rédiger leur lettre de motivation.
Nous avons vu certains lycées mettre en avant un enseignement à 100 % en présence, d'autres gonfler les notes ou les appréciations. J'ai également été saisi de cas de jeunes en situation de handicap qui font face à des difficultés accrues d'accès à certaines formations. Comment Mathis, qui demande une dérogation au motif de son handicap, peut-il se voir opposer que la copie de sa carte d'invalidité ne justifie pas de sa situation et se voir refuser une affectation dans un établissement lui permettant un accueil adapté ?
En résumé, deux mots prédominent : incertitude et inquiétude. Incertitude sur les modalités de sélection de dossiers, avec un risque réel d'arbitraire ; inquiétude sur certaines filières en grande tension, notamment en prévision d'un taux de réussite très élevé au baccalauréat.
Des phases complémentaires sont prévues dans les prochaines semaines, mais à ce jour combien de lycéens restent sans aucune proposition d'admission ? Comment comptez-vous mieux accompagner les jeunes au niveau de l'orientation comme au niveau pédagogique ? Si personne ne regrette l'ancienne plateforme Admissions post-bac (APB), peut-on pour autant dire que Parcoursup a atteint son objectif : remettre le mérite au centre de l'admission dans l'enseignement supérieur ?
M. Bertrand Pancher applaudit.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Tout d'abord, je tiens à féliciter les sept lycéens sur dix qui ont obtenu des réponses positives à leurs vœux et assurer les autres que, bien sûr, comme chaque année, les dizaines de milliers de professeurs du secondaire comme du supérieur resteront à leurs côtés jusqu'au bout pour les accompagner dans leur orientation.
Vous avez raison, c'est une année qui a été particulière à bien des points de vue, c'est une année où, plus encore que les autres années, les équipes de Parcoursup, mais aussi les rectorats, les lycées, les conseillers d'orientation, les établissements d'enseignement supérieur ont multiplié les moyens de communication envers les lycéens.
Vous évoquez la plateforme Parcoursup et le cas des jeunes en situation de handicap. Cette plateforme est accessible à 100 % à tous les types de handicap. Elle permet justement à un jeune, s'il le souhaite et seulement s'il le souhaite, de demander à être accompagné par la cellule d'accès à l'enseignement supérieur qui, dans ce cas, reprend avec lui les demandes formulées et contacte les établissements pour voir s'il peut y accéder.
Vous avez raison : je crois que personne ne regrette l'accès à l'enseignement supérieur par le tirage au sort. Oui, c'est le mérite qui a été remis en valeur ainsi que l'accompagnement des jeunes les plus en difficulté socialement, puisque nous sommes passés, en quatre ans, de 20 à 25 % des bacheliers boursiers dans l'enseignement supérieur. Grâce aux accompagnements que nous avons instaurés, un jeune sur six, bien que boursier, peut postuler dans une autre académie. On peut toujours améliorer les choses, mais nous serons aux côtés de tous les lycéens, comme nous le sommes tous les ans depuis quatre ans.
« C'était un professeur, un simple professeur, qui pensait que savoir était un grand trésor. […] Il y mettait du temps, du talent et du cœur. […] À sa tâche chaque jour, on pouvait dire de lui : il changeait la vie » Ces paroles d'un immense chanteur populaire français témoignent de l'importance capitale de ce million de femmes et d'hommes qui, en éduquant nos enfants, façonnent modestement le monde de demain.
À l'automne, vous avez lancé une large concertation pour repenser l'école du XXI
Nous, députés de la majorité, sommes allés nombreux recueillir la parole de ceux qui font l'école. Sous l'impulsion de nos collègues Gaël Le Bohec et Cécile Rilhac, nous avons réuni tous ces acteurs de terrain pour réfléchir collectivement à l'école que nous voulons. À Marseille comme ailleurs, les attentes des enseignants, parents, personnels, partenaires associatifs, chefs d'établissements étaient sensiblement les mêmes. Nous avons entendu qu'une revalorisation salariale s'imposait, que les professeurs souffraient d'être trop souvent isolés, qu'ils souhaitaient qu'on libère leur capacité à innover et que la formation devait être améliorée. Des inquiétudes, des besoins, mais toujours une envie : celle de faire bien, celle de faire mieux.
Mercredi dernier, vous avez annoncé plusieurs mesures en conclusion de ce Grenelle de l'éducation. Autour de la personnalisation, de l'esprit d'équipe et de l'amélioration du service public de l'éducation se construit une école plus reconnaissante envers ses professeurs. Plus de l milliard d'euros seront affectés en 2021 et 2022 à la revalorisation des personnels ; c'était très attendu et c'est inédit. Cette augmentation des rémunérations s'accompagne d'une protection sociale accrue et de nouveaux avantages sociaux. L'accent est également mis sur le développement de la mobilité des carrières et sur la valorisation des compétences. Le bien-être au travail enfin devient une promesse que vous leur faites.
Monsieur le ministre, vous vous êtes également engagé à renforcer la dimension collective de l'action éducative. Les alliances entre les établissements scolaires et les acteurs du territoire enrichissent les apprentissages. La synergie qui se construit autour de l'élève doit guider cette coopération. Faire ensemble pour construire nos futurs citoyens, quel beau projet collectif pour notre pays ! Alors, renforcer la place des professeurs dans la nation, n'est-ce pas leur donner les clefs d'un nouvel écosystème éducatif dont ils seraient les piliers ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je vous remercie d'avoir rappelé les enjeux fondamentaux du Grenelle de l'éducation. S'il y a bien une chose que la crise sanitaire a montrée, c'est l'attachement de notre pays à son école, donc à ses professeurs. Même si ce sujet préexistait à la crise sanitaire, il en a été comme renforcé parce que oui, il faut bien payer les professeurs, bien payer les personnels de l'éducation. C'est un enjeu français mais aussi un enjeu européen et un enjeu mondial. Ce faisant, l'enjeu du Grenelle était d'améliorer le service public.
Je voudrais remercier Gaël Le Bohec et Cécile Rilhac, que vous avez cités, mais aussi tous les autres députés, de différents partis d'ailleurs, qui ont organisé des Grenelle de l'éducation dans l'ensemble du territoire. Grâce à vous et à beaucoup d'énergie, 438 propositions ont été faites que nous avons structurées en douze engagements, lesquels correspondent en effet à trois grandes priorités sur lesquelles je voudrais revenir.
La première est la personnalisation des parcours. Il faut en finir avec l'idée selon laquelle l'éducation nationale est immobile et irréformable. Désormais, nous voulons personnaliser le parcours de chacun, qu'il s'agisse bien sûr des élèves, mais aussi des personnels, afin de renforcer leur épanouissement au travail.
Cela commence par une meilleure rémunération : 700 millions d'euros y seront consacrés l'an prochain, après les 400 millions que nous avons déjà déployés cette année. Depuis le mois de mai qui vient de s'achever, le salaire mensuel des plus jeunes a augmenté de 100 euros et la hausse se poursuivra l'année prochaine. Nous inscrivons cet engagement dans la durée, car nous voulons rejoindre le peloton de tête des pays de l'OCDE dans ce domaine.
Je précise que la personnalisation ne tient pas qu'à la rémunération : il s'agit aussi de mieux prendre en compte la situation des personnels lors des mutations et de sortir d'une forme d'anonymisation du sort de chacun.
La deuxième priorité est l'esprit d'équipe, grâce à l'amélioration de la situation des directeurs d'école, au renforcement de l'autonomie des établissements et à la responsabilisation de tous.
Quant à la troisième priorité, l'amélioration du service public, elle résultera des deux premières, car il est évident que le bien-être des professeurs engendre le bien-être des élèves.
La continuité du service public de l'éducation s'en trouvera améliorée, tout comme son efficacité pour nos élèves.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la transition écologique. Samedi 22 mai, une auréole de couleur bleue a été détectée sur la Seine par des militaires de la brigade fluviale de gendarmerie de Rouen. Ils sont intervenus avec les équipes spécialisées du SDIS 76 – service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime –, auxquelles je rends hommage. Cette tâche s'étalait sur une surface d'environ 500 mètres carrés. En cause : la fuite d'une cuve contenant du thiaméthoxame, ce fameux néonicotinoïde insecticide qui était interdit avant que votre majorité n'en réautorise l'usage il y a quelques mois, au mépris des engagements pris par le passé et de la sauvegarde de l'environnement.
Ces produits ultra-toxiques menacent non seulement les pollinisateurs et notre santé lors de leur utilisation, mais également notre cadre de vie lorsqu'ils sont stockés à proximité des lieux d'habitation. Un an et demi après l'accident de Lubrizol et la marée de nuages noirs qu'il a provoquée dans le ciel de la métropole rouennaise, nous connaissons donc une nouvelle pollution grave.
Sans comparer des événements de nature différente, nous voyons de mauvaises pratiques se reproduire. Trop peu d'informations claires ont été données spontanément au grand public, et l'on s'est contenté de déclarations laconiques. La préfecture, par quelques mots rapides, a passé sous silence la gravité de cette pollution de la Seine et de son écosystème, alors même que le produit qui s'y est déversé peut avoir des effets sur la biodiversité pendant 1 000 jours. Pour l'heure, le risque d'une pollution durable est donc malheureusement loin d'être écarté.
Mon groupe parlementaire l'a déjà dit lors de l'accident de Lubrizol, pour restaurer la confiance, il faut faire preuve de la plus grande transparence. Nous demandons donc un contrôle dans la durée des eaux de la Seine, avec des contre-expertises et en impliquant la population lors de la communication des résultats.
Madame la ministre, à quelle fréquence les contrôles des installations utilisant cette substance sont-ils effectués ?
Les préfectures ont-elles une connaissance fine de l'ensemble des entrepôts stockant ce produit ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Vous avez interrogé le Gouvernement sur la pollution de la Seine par un pesticide, le thiaméthoxame, qui a été constatée le samedi 22 mai au soir dans le port de plaisance de Rouen. Comme vous, nous avons été alertés sur cet épisode de pollution, auquel il convient de répondre de la façon la plus rapide, la plus efficace et la plus transparente.
Ce produit est un insecticide utilisé sur les cultures pour des raisons phytopharmaceutiques, mais aussi en tant que biocide. Cette substance peut effectivement être nocive en cas d'ingestion et toxique pour les milieux aquatiques. Ainsi, les services du ministère de la transition écologique ont été particulièrement attentifs aux conséquences de cette pollution.
Des opérations de pompage ont été entreprises dès son identification, ainsi que des prélèvements dans la Seine. De premières modélisations ont été réalisées par un service spécialisé, le CEDRE – Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux –, lesquelles semblent rassurantes. Sous l'égide de l'Office français de la biodiversité, les observations se poursuivront pour mesurer l'impact de cette pollution sur la biodiversité.
Enfin et surtout, une enquête a été ouverte sous l'autorité du procureur de la République. C'est dans ce cadre que toute la lumière sera faite sur cet épisode de pollution et ses conséquences.
Mmes Marie-Christine Verdier-Jouclas et Élisabeth Toutut-Picard applaudissent.
Monsieur le Premier ministre, je souhaite vous interpeller sur les prédations économiques, de plus en plus importantes et fréquentes, qui visent l'ensemble de nos secteurs d'activité, particulièrement ceux dans lesquels notre pays excelle toujours.
Il peut s'agir, comme dans le cas de la société Essilor International, implantée à Dijon, d'un mariage entre égaux qui, quatre ans plus tard, se transforme en véritable prise de contrôle, ou bien, comme dans le cas de Lapeyre, d'une simple cession à un fonds de pension dont les objectifs restent peu lisibles. Certes, il arrive aussi, dans quelques cas heureux, que le prétendant, issu des sphères de la finance mondialisée, rentre bredouille, laissant aux salariés de l'entreprise convoitée le soulagement de rester la force vive d'un fleuron sous pavillon français.
Alors que les quinze derniers mois ont révélé combien une nation ne peut rien sans sa souveraineté économique, la menace de groupes étrangers faisant main basse sur notre industrie de façon plus ou moins hostile est bien réelle. Les services de Bercy ont d'ailleurs eux-mêmes sonné l'alerte, devant des commissions parlementaires inquiètes – et inquiets, nous le sommes tous, sur tous les bancs –, sur la pérennité de notre tissu productif de recherche et surtout d'emploi.
Les derniers chiffres, accablants, du commerce extérieur nous renvoient à la nécessité de muscler notre stratégie de défense économique afin d'exporter notre production à l'étranger plutôt que d'y céder nos fleurons.
Face à la menace de prédations économiques, plutôt que d'entendre que nous sommes en guerre, je souhaiterais savoir, monsieur le Premier ministre, sur quels dispositifs vous comptez vous appuyer pour préserver notre souveraineté économique, nos fiertés technologiques, nos entreprises qui font réussir la France et, in fine, le savoir-faire des travailleurs de notre pays.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Sachez d'abord que l'ensemble du Gouvernement, et particulièrement les ministres de Bercy, suit avec attention la situation du groupe Essilor que vous avez évoquée. Nous savons que la fusion, engagée en 2019, s'est heurtée à des difficultés et a provoqué des contentieux. Nous veillons avec la plus grande attention au maintien de l'emploi et des activités d'Essilor en France, surtout en ce qui concerne les projets de recherche et développement, qui sont des gages de complémentarité avec d'autres acteurs de la filière et du maintien de l'activité sur le territoire.
Plus largement, vous nous interrogez sur la manière dont nous pouvons protéger des entreprises stratégiques. Nous disposons d'outils, avec l'Agence des participations de l'État, nous permettant d'entrer au capital d'entreprises. Nous disposons aussi de leviers de financement, avec la présence, accrue au fil de la crise, de Bpifrance au capital d'entreprises afin, là aussi, d'influer sur leur gouvernance. L'entreprise à laquelle vous avez fait référence en est d'ailleurs l'un des exemples, étant donné que Bpifrance a intégré il y a peu le capital du nouveau groupe Essilor et dispose d'un siège au sein de son conseil d'administration.
En outre, en réponse à la crise, nous avons créé deux nouveaux dispositifs. Le premier, que vous connaissez puisque le Parlement l'a adopté, est un compte d'affectation spéciale permettant la prise de participation de l'État dans des entreprises considérées comme stratégiques. Ce compte a été doté de 20 milliards d'euros grâce au vote du Parlement. Quant au second dispositif, il concerne des entreprises qui pourraient être fragilisées à la sortie de la crise.
Ce matin, Bruno Le Maire et le garde des sceaux ont annoncé d'autres dispositions, dont la transformation du fonds de développement économique et social en un fonds de transition. Doté de 3 milliards d'euros, il permettra à l'État d'intervenir sur les fonds propres et les liquidités des entreprises et ainsi de soustraire à la prédation des sociétés qui pourraient être stratégiques.
Madame la ministre de la cohésion des territoires, notre économie locale, à l'image de nos montagnes, est une économie du ruissellement. La montagne a été particulièrement touchée par la crise sanitaire et la fermeture des remontées mécaniques de nos stations de sports d'hiver. Le Gouvernement a tenu compte des conséquences d'une telle fermeture : c'est la raison pour laquelle il a institué un dispositif spécifique et massif de soutien économique, à hauteur de 5,4 milliards d'euros.
Il est désormais temps de se tourner vers l'avenir de nos territoires montagnards et la relance de notre économie.
M. Jean Lassalle applaudit.
Les acteurs de la montagne sont confrontés à des défis structurels, qui préexistaient à la crise sanitaire. Nous aurions donc dû y faire face tôt ou tard. Les secrétaires d'État Joël Giraud et Jean-Baptiste Lemoyne ont consulté l'ensemble des acteurs concernés pour construire collectivement la montagne de demain.
À cet égard, je me réjouis des annonces faites jeudi dernier par le Premier ministre en Savoie. Le plan Avenir montagnes dégage un horizon clair : relancer l'investissement, au service d'un objectif de transformation. Ce plan, qui vise à faire émerger une économie pérenne et responsable, s'articule autour de trois grands axes : la diversification de l'offre et la recherche de nouvelles clientèles, l'accélération de la transition écologique et la dynamisation de l'immobilier de loisir – ce qui reviendra à réchauffer nos lits froids.
Ce plan est pertinent, car il répond aux exigences d'aujourd'hui tout en tenant compte des problématiques de demain. Nos montagnes font face à un avenir prometteur, et ce plan est à la fois pragmatique et à la hauteur de nos besoins. Il a d'ailleurs été bien reçu par l'ensemble des professionnels de la montagne. Je souhaite donc connaître la façon dont le Gouvernement entend appliquer les mesures qu'il contient ainsi que son calendrier prévisionnel.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Le Premier ministre a rappelé jeudi dernier, en Savoie, devant le Conseil national de la montagne et les acteurs du tourisme, que 5,4 milliards d'euros avaient déjà été déployés en faveur des territoires de montagne, soit pour gérer l'urgence, soit pour soutenir la relance. Il s'agit désormais d'accentuer la relance de l'économie touristique de la montagne, mais aussi de la rendre plus résiliente et durable, notamment face aux enjeux de la transition écologique. C'est l'objectif du plan Avenir montagnes, qui mobilise un total de 650 millions.
Vous avez rappelé les trois axes qui l'articulent, je n'y reviens donc pas. L'une des principales mesures est le fonds d'investissement de 300 millions cofinancé par les régions, en plus d'une enveloppe de 31 millions dédiée à l'ingénierie. Vous l'avez remarqué, ces deux mesures étaient très attendues, étant donné que certains projets relatifs à la montagne peuvent être très complexes à monter et coûteux. D'excellentes initiatives sont ainsi bloquées depuis plusieurs années, faute d'un appui suffisant pour leur conception et de moyens financiers pour leur réalisation. Les projets en question sont des investissements portés par les acteurs du tourisme ou, bien sûr, par les collectivités territoriales.
Le Gouvernement souhaite que ces 300 millions de crédits soient répartis de manière équitable entre les différents massifs, dans le cadre des CPIER – contrats de plan interrégionaux État-région – 2021-2027 et que les commissariats de massif et les préfets soient les correspondants des territoires pour les obtenir. Cela permettra non seulement une adaptation aux enjeux spécifiques de chaque massif,…
…mais aussi un suivi de programmation. Je ne doute pas que le secrétaire d'État Joël Giraud suivra ce dossier de près.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, depuis plusieurs années maintenant, les entreprises et élus du Calaisis vous alertent sur l'importance cruciale du retour du duty free dans le tunnel sous la Manche, le Royaume-Uni étant redevenu un pays tiers, désormais définitivement sorti de l'union douanière avec l'Union européenne. Supprimé il y a vingt ans, le duty free entre la France et le Royaume-Uni est à nouveau autorisé pour les liaisons aériennes et maritimes, mais pas dans le tunnel sous la Manche, ce qui crée une distorsion de concurrence majeure entre la liaison fixe transmanche et les ports.
S'il existe une différence d'interprétation entre la France et la Commission européenne sur le statut juridique de la liaison fixe transmanche, je vous rappelle que la décision du retour du duty free dans le tunnel relève de la compétence exclusive de votre gouvernement.
En décembre dernier, à mon initiative, la commission des affaires européennes de notre assemblée adoptait à l'unanimité des groupes politiques les conclusions d'une communication que j'ai menée avec mon collègue Pichereau et vous demandait expressément, conformément au traité de Cantorbéry et à l'accord de concession quadripartite, d'autoriser la société exploitant la liaison fixe transmanche d'y ouvrir des comptoirs de vente hors taxe.
Depuis, monsieur le Premier ministre, vos ministres se succèdent à Calais, où vous-mêmes étiez venu en décembre, mais sans qu'aucune réponse ne soit donnée sur la possibilité d'autoriser le duty free dans le tunnel sous la Manche.
Il suffirait pourtant d'une simple autorisation de vos services.
Le tunnel est prêt, mais vous restez muet face aux revendications du territoire. Des centaines d'emplois sont en jeu et votre silence, depuis cinq mois, représente un affront pour toutes les familles, les entreprises et les élus du territoire, au premier rang desquels Xavier Bertrand, Natacha Bouchart et moi-même, qui attendons une réponse qui ne vient pas.
Alors, oui ou non, autoriserez-vous le duty free dans le tunnel sous la Manche et, si oui, quand ?
Comme vous l'avez rappelé, vous avez commis, avec l'un de vos collègues, un rapport qui a été adopté à l'unanimité par la commission des affaires européennes et vous connaissez parfaitement la question du duty free, sa complexité et sa difficulté juridique. La décision d'autoriser ou non un duty free sur le terminal de Coquelles ne relève pas du seul État français. Les directives en matière de TVA et de droit d'accise de 2006 et 2008 sont contraignantes pour la France et le traité de Cantorbéry comme le contrat de concession que vous avez rappelé précisent tous les deux que leurs dispositions s'appliquent à condition que les États et les opérateurs respectent les obligations internationales qui leur incombent, ce qui contredit votre argument.
La deuxième difficulté, également juridique, tient à la qualification du port sec : hier encore, j'ai échangé avec les dirigeants de la société Getlink pour évoquer cette question.
Il est encore une autre difficulté, que vous connaissez tout aussi bien : la Grande-Bretagne est le seul pays frontalier sur le territoire duquel le prix du tabac est supérieur à ce qu'il est en France. Vous connaissez comme moi l'inquiétude et les risques reconventionnels suscités par la perspective de l'ouverture d'un duty free, notamment de la part de la confédération des buralistes.
Cela dit, la France, Gouvernement comme Assemblée nationale, a saisi à plusieurs reprises la Commission européenne…
…et les discussions avec cette dernière sur la possibilité d'obtenir une dérogation à cette règle sont encore en cours. Nous espérons avoir une réponse de la Commission dans les jours qui viennent et pouvoir accompagner la société Getlink dans son développement. Nous voulons le faire à la condition que le montage juridique et les dispositions que nous mettrons en œuvre soient parfaitement conformes au droit français et au droit communautaire. Clément Beaune et moi suivons avec attention ce dossier,…
…sous l'autorité du Premier ministre, et nous espérons que les prochains jours et les prochaines semaines permettront d'obtenir une décision ferme et sécurisée de part de la Commission européenne.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre délégué, vous refusez de répondre clairement par oui ou par non à une question pourtant simple.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Si vous n'autorisez pas à nouveau le duty free pour l'emploi du Calaisis, faites-le au moins par solidarité gouvernementale, pour éviter aux ministres candidats Pannier-Runacher et Dupond-Moretti le risque de repartir sur une déroute le soir du 20 juin.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Nouvelles exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, le bruit associé aux infrastructures ferroviaires, aériennes et routières est devenu un véritable enjeu de santé publique : déficits auditifs, perturbation du sommeil, hypertension, stress, risques cardio-vasculaires sont autant de conséquences dramatiques de l'exposition excessive de plus de 9 millions de Français au bruit. Il était temps d'agir, et cette majorité l'a fait dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités, avec les avancées notables que sont la consécration de la pollution sonore dans le code de l'environnement et la prise en compte des vibrations, des pics d'intensité et de la répétitivité du bruit dans les infrastructures de transport.
Il y a cependant encore beaucoup à faire, notamment en matière de contrôle du bruit routier. Assistant, voilà dix jours, à une vaste opération de contrôle au sonomètre menée par la gendarmerie des Yvelines, j'ai vu de mes yeux, ou plutôt entendu de mes oreilles, des motos dont les pots trafiqués émettaient plus de 105 décibels, soit le volume sonore d'une tronçonneuse ou d'une scie circulaire.
M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.
Comme vous le savez, monsieur le Premier ministre, les nuisances sonores des deux-roues trafiqués constituent le principal motif de plainte auprès des maires.
C'est la raison pour laquelle nous avons inscrit à l'article 92 de la loi d'orientation des mobilités (LOM) le principe d'une expérimentation pour la mise au point de radars sonores, avec l'objectif simple de verbaliser à la volée pour inciter les usagers à des comportements vertueux et pour soulager les forces de l'ordre. Six collectivités sont parties prenantes : Paris, Nice, Bron, Rueil-Malmaison, Villeneuve-le-Roi et la communauté de communes de la Haute-Vallée de Chevreuse. Sur le plan technique, tout est prêt. Les industriels ont conçu les machines et les collectivités ont identifié leurs emplacements, mais le lancement de l'expérimentation est conditionné à la publication du décret qui en fixe les modalités. Comme je l'ai dit, les collectivités sont prêtes. Un an et demi après la promulgation de la loi, pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, leur confirmer et nous confirmer l'imminence de sa publication ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'accorde comme vous une très grande importance à la lutte contre le bruit et les nuisances sonores, et je rappellerai l'avancée que représente en la matière la loi d'orientation des mobilités, défendue par Élisabeth Borne avec cette majorité parlementaire. Vous appelez l'attention du Gouvernement sur l'une des innovations de cette loi : l'expérimentation qui permettra de mettre en place des radars sonores. Nous en avons effectivement besoin pour pouvoir sanctionner à la volée, comme vous le disiez, les motos trafiquées et les véhicules qui émettent ces bruits à des niveaux de décibels insupportables.
Nous avons cependant encore besoin d'avancer un peu techniquement dans ce domaine car, à ce stade, nous en sommes encore au niveau des prototypes. Cette expérimentation nécessite des travaux actuellement en cours, la réalisation de tests sur piste, la signature d'un arrêté de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, pour le traitement de données, la réalisation de tests en conditions réelles dans les collectivités volontaires pour cette expérimentation et que vous avez citées, l'homologation des radars et la publication d'un décret qui précisera les modalités de réalisation de cette expérimentation.
Je tiens à vous rassurer sur le fait que la publication de ce décret est imminente, que nous y travaillons en interministériel sous l'autorité de M. le Premier ministre et avec M. le ministre de l'intérieur. Ce décret permettra de donner un cadre cette expérimentation et de mettre ces radars sonores là où ils doivent être : au bord des routes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
« Ah ! » et sourires sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Vous avez fait de la France un paradis des riches et, de fait, un enfer des pauvres.
M. Jean Lassalle applaudit longuement.
Pendant qu'une petite poignée de milliardaires se gave et voit son patrimoine s'accroître de 55 % en pleine crise sanitaire, un Français sur cinq a vu ses revenus baisser. Plus de dix millions vivent sous le seuil de pauvreté. C'est dans ce contexte que sonne aujourd'hui la fin de la trêve hivernale, que vous avez refusé de prolonger jusqu'à l'année prochaine, menaçant 60 000 familles d'expulsion.
Mais ce n'est pas tout ! Ce matin, les Français apprenaient qu'à partir de 2022, ils devront payer pour rembourser le compteur d'électricité Linky, qui leur a été imposé sans consentement.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Pourtant, en 2011, Éric Besson, ministre de l'industrie et des énergies, affirmait que ce compteur ne coûterait pas un centime aux particuliers. Mensonge ! Ce scandale n'est pas sans lien avec vos négociations en cours, dans l'opacité la plus totale, avec la Commission européenne pour aller encore plus loin dans l'ouverture du marché de l'énergie et de la concurrence. En effet, vous prévoyez que le gestionnaire du réseau Enedis se retrouve dans une société ouverte aux capitaux privés. C'est donc clair : les Français équipés d'un compteur Linky paieront pour rémunérer des actionnaires privés.
Depuis l'ouverture de l'électricité à la concurrence, les factures ont augmenté de 60 % pour les particuliers. Pourtant, quand il s'est agi d'ouvrir la concurrence, on leur avait dit, la main sur le cœur, que les prix allaient baisser.
Mensonge ! Pour l'usager devenu client, c'est la triple peine : c'est plus cher, plus compliqué, et ce sont des démarchages commerciaux agressifs et incessants.
Au début de la crise sanitaire, Emmanuel Macron disait qu'il y a des biens qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Pour nous, c'est le cas de l'énergie. Les vingt dernières années de libéralisation du secteur ont semé une pagaille indescriptible et fragilisé une entreprise que la France a patiemment construite pendant des décennies. Le 22 juin, les électriciens et gaziers viendront à Paris vous dire que l'avenir, c'est un pôle 100 % public de l'énergie. En voilà assez de faire payer aux Français la facture de choix idéologiques au seul bénéfice des actionnaires privés !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Mme Marie-George Buffet et M. Stéphane Peu applaudissent également.
Votre question me donne l'occasion de rectifier un point important et de dire ici, devant l'Assemblée nationale, que les consommateurs ne paieront pas davantage au titre de Linky.
M. Jean-René Cazeneuve applaudit.
Enedis exerce une mission de service public régulée, rémunérée selon un tarif d'utilisation des réseaux d'électricité et sous le contrôle de la Commission de régulation de l'énergie, qui définit à la fois ce tarif et le mécanisme de financement de Linky.
Ce mécanisme intègre bien un différé tarifaire mis en place par le régulateur et, dans sa dernière délibération de janvier 2021 sur ce tarif, la Commission de régulation de l'énergie a vérifié et confirmé que le coût total du projet sera, in fine, inférieur au budget initial et que les économies de charges prévues sont bien au rendez-vous, donc incluses dans le tarif. Je vous le répète : les consommateurs ne paieront pas un coût supplémentaire dû à Linky …
Protestations sur les bancs du groupe FI
…et le déploiement de ce programme se déroule dans de bonnes conditions.
Ainsi, 8 millions de foyers suivent désormais leur consommation au moyen d'applications dédiées, ce qui permet d'organiser des économies d'énergie et de réduire les factures. C'est une avancée majeure dans une politique énergétique claire : décarboner, équilibrer et faire des économies d'énergie. Décarboner en fermant les dernières centrales à charbon et en réduisant l'usage des centrales à gaz ; équilibrer en baissant la part du nucléaire et en augmentant la part des énergies renouvelables ; économiser pour plus de sobriété énergétique dans notre système. C'est la politique que nous menons et celle qui nous permettra d'atteindre les objectifs de l'accord de Paris.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Fake news ! Les gens paieront les compteurs !
Je souhaite interpeller le Gouvernement sur les conséquences de la hausse des prix des matériaux de construction et de matières premières dans le secteur du bâtiment. Certains pays – la Chine et les États-Unis – se livrent à un véritable accaparement de matières premières ,
MM. Jean-Paul Dufrègne et Jean Lassalle applaudissent
ce qui crée une pénurie à l'échelle mondiale. Les conséquences en sont importantes : le prix de certains matériaux comme le bois, certains aciers, l'aluminium et certains plastiques connaît une flambée, augmentant de 10 % à 70 %, ce qui crée de vraies difficultés, notamment pour les entreprises françaises du bâtiment, qui ont du mal à approvisionner les chantiers. Les retards de chantiers se traduisent par des retards de facturation, donc par des problèmes de trésorerie pour les entreprises : il y a là une vraie difficulté.
La puissance publique, dont nous faisons collectivement partie, est interpellée pour plusieurs raisons. La première est que, compte tenu de la flambée des cours, les entreprises se demandent comment renégocier les marchés conclus avant le confinement et pendant la crise sanitaire. Or les règles des marchés sont strictes. Le Gouvernement peut-il porter un regard attentif sur cette question ?
Enfin, l'Union européenne et la France sont confrontées au défi de la reprise d'après-crise. Nous nous trouvons dans une configuration qui évoque un peu celle qui a suivi la seconde guerre mondiale, les mêmes parties du monde dominant et écrasant les autres. Si l'Union européenne et la France dans l'Union européenne ne s'organisent pas, une véritable inflation peut se produire. Que peut faire le Gouvernement pour, d'un côté, régler ce problème des marchés publics et, de l'autre, contenir cette inflation qui entraînerait le pays dans une crise économique profonde et grave ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur plusieurs bancs du groupe Dem. – M. André Chassaigne applaudit également.
Nous souscrivons pour une large part au constat que vous établissez quant aux difficultés d'approvisionnement en matières premières : c'est vrai dans le secteur du bâtiment et dans certains secteurs industriels, notamment celui de l'automobile, pour certains éléments nécessaires, comme les systèmes de navigation.
Face à ces difficultés, parfois même à cette pénurie, nous essayons de répondre de trois manières. D'abord en facilitant l'ensemble des échanges et des importations, avec la mobilisation des services de la douane et de tous les services du ministère de l'économie pour que tous les dispositifs et tous les circuits d'approvisionnement puissent être aussi mobilisés que possible.
Par ailleurs, Bruno Le Maire, Agnès Pannier-Runacher et moi-même avons réuni les fédérations professionnelles pour permettre une circulation des matières premières entre opérateurs et convaincre, ou du moins sensibiliser les grands donneurs d'ordre à la nécessité de ne pas faire de surstocks, afin que leur gestion des stocks ne soit pas susceptible de priver les acteurs économiques de plus petite taille de l'accès aux matières premières.
Enfin, nous invitons l'ensemble des collectivités locales, dans le respect du principe de libre administration, à ne pas appliquer, quand elles le peuvent, les clauses de pénalités applicables aux retards dans les délais de travaux. De la même manière, nous avons demandé aux acheteurs de l'État d'être particulièrement bienveillants et de ne pas appliquer ces pénalités lorsque le retard est lié à une difficulté d'approvisionnement.
Au-delà de ces mesures de court terme, nous devons travailler sur la question de la souveraineté économique. C'est l'objet du plan de relance, avec la volonté de réinstaller en France des filières de production et de maîtriser la totalité des chaînes de valeur afin que, pour un grand nombre de matières premières, notre économie ne soit pas dépendante d'un approvisionnement étranger, comme c'est aujourd'hui le cas. Cela prend plus de temps que les mesures que je citais au début de mon propos, mais c'est en tout cas le cap que nous suivons pour ne plus avoir à connaître la situation que connaissent aujourd'hui les entreprises du BTP, de l'automobile et d'autres secteurs, et que vous avez décrite.
M. Rémy Rebeyrotte applaudit.
Monsieur le Premier ministre, je vais faire appel à votre bon sens et à votre humanité. Depuis le début de la crise sanitaire, afin de limiter les déplacements et, partant, la diffusion du virus, le Gouvernement a dressé une liste de motifs impérieux permettant de voyager en outre-mer.
Lorsque l'un des parents proches travaille ou étudie sur le continent, les familles sont séparées. Cette séparation, parfois synonyme de délaissement ou d'isolement, qui dure maintenant depuis quinze mois, est vécue douloureusement par les familles réunionnaises.
Dans son communiqué de presse du 19 mai, le ministre des outre-mer, a indiqué vouloir supprimer dès le 9 juin la justification d'un motif impérieux pour voyager en outre-mer, mais La Réunion a été exclue du dispositif. Cette décision a particulièrement choqué les Réunionnais, car elle est injuste et méprisante.
Monsieur le Premier ministre, ma demande rejoint celle de très nombreux élus. Il ne s'agit pas d'ouvrir la circulation à tous les voyageurs sans contrôle : toutes les mesures de régulation – présentation d'un test PCR négatif réalisé moins de soixante-douze heures avant le voyage, auto-isolement de sept jours à l'arrivée et réalisation d'un nouveau test PCR à l'issue de ce délai – seraient conservées, de sorte que le variant sud-africain ne passerait pas plus les frontières qu'il ne l'a fait ces derniers mois.
Comme vous le savez, seuls 9 % de la population ont eu accès à la seconde dose du vaccin, ce qui empêchera de très nombreuses familles de voyager à partir du 1er juillet, car elles n'auront pas le temps de respecter le schéma vaccinal complet, qui nécessite deux mois.
Face à cette situation, qui priverait les familles réunionnaises de déplacement pour la deuxième année consécutive, je vous demande, monsieur le Premier ministre, de revenir sur cette décision et de bien vouloir intégrer à la liste des motifs impérieux les déplacements des membres de la famille proche – parents, enfants, grands-parents. En effet, les voyages des parents ou grands-parents pour retrouver leurs enfants ou petits-enfants ne sauraient être assimilés à des voyages touristiques : ne les privez pas du bonheur de se revoir, que vous accordez à toutes les autres familles françaises.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Depuis le début de la crise, nous avons eu à prendre des mesures difficiles pour lutter contre l'épidémie. L'une des plus difficiles a probablement été de restreindre les déplacements entre les territoires ultramarins et l'hexagone car, comme vous l'avez souligné, cela a séparé des familles et isolé certaines personnes. Devoir justifier d'un motif impérieux pour se déplacer est une mesure que nous n'avons pas prise à la légère, mais dans un seul et unique but : protéger respectivement les territoires ultramarins et l'hexagone de l'arrivée de nouveaux variants, notamment des variants dominants dans les territoires ultramarins. C'est une décision difficile, et c'est pour cette raison que, chaque fois que nous en avons la possibilité et que nous considérons que les conditions sanitaires sont réunies, nous assouplissons les mesures de restriction des déplacements.
Le ministère des outre-mer a annoncé un assouplissement puis une levée progressive de ces restrictions, suivant un calendrier différent selon les territoires. Vous le savez, la spécificité de La Réunion et de Mayotte est de présenter une large dominance du variant sud-africain. Il faut donc tout faire pour éviter l'arrivée de cas supplémentaires du variant sud-africain dans l'hexagone et du variant britannique, très présent dans l'hexagone, dans les territoires ultramarins.
Ainsi, la levée des restrictions de déplacement à partir du 9 juin n'est prévue, dans ces territoires, que pour les personnes déjà vaccinées. Il faut vraiment insister sur cette dimension : grâce à la vaccination, la lumière est au bout du tunnel. Je sais que la situation est difficile, mais la vaccination s'accélère : au cours des trois prochaines semaines, 175 000 doses de vaccin supplémentaires arriveront à La Réunion et 50 000 créneaux sont ouverts chaque semaine – seuls 37 000 en moyenne sont utilisés : il faut donc continuer à faire connaître la vaccination.
J'entends votre volonté d'intégrer le déplacement des membres de la famille proche qui seraient isolés, et je suis certain que votre proposition sera étudiée de près par le ministère des solidarités et de la santé et le ministère des outre-mer.
Mme Maina Sage applaudit.
Madame la ministre déléguée chargée du logement, depuis son lancement le 1er janvier 2020, le dispositif MaPrimeRénov' connaît un fort succès auprès des Françaises et des Français. Accessible à tous les propriétaires, qu'ils soient occupants ou bailleurs, ainsi qu'aux copropriétaires pour des travaux dans les parties communes, il vise à supprimer les logements les plus énergivores. Près de 280 000 dossiers ont été déposés depuis le début de l'année : c'est plus de la moitié de l'objectif fixé pour 2021.
Le 20 mai dernier, vous êtes allée à la rencontre d'un couple de ma circonscription, dans les Pyrénées-Orientales, qui a pu bénéficier de ce dispositif. Les travaux, réalisés grâce à la prise en charge importante des coûts par l'État, ont permis un gain d'énergie de 45 %.
Une enquête de satisfaction, réalisée par Ipsos auprès des bénéficiaires, montre que 88 % d'entre eux sont satisfaits à plus d'un titre : en particulier, 82 % sont satisfaits du délai de traitement des dossiers…
…et 87 % du montant de l'aide accordée. Surtout, l'enquête confirme l'utilité de MaPrimeRénov' pour accélérer la rénovation énergétique des logements…
…et ainsi réussir la transition écologique de notre pays : en effet, sans cette aide, 69 % des ménages n'auraient pas entrepris de travaux.
MaPrimeRénov' est cumulable avec le dispositif des certificats d'économie d'énergie, ce qui permet de couvrir jusqu'à 90 % du montant des travaux pour les foyers les plus modestes. Les travaux éligibles concernent le plus souvent le changement du système de chauffage, l'installation d'une ventilation ou l'isolation du logement. Pour obtenir des conseils gratuits, un numéro de téléphone et un site internet sont à la disposition des Français.
Qu'est-ce que c'est que cette question ? Un copier-coller du site du Gouvernement !
Les logements et bâtiments sont à l'origine de 25 % de nos émissions de gaz à effet de serre : leur rénovation est donc un impératif pour la France et l'une de nos priorités. MaPrimeRénov' est un dispositif d'aide à la rénovation au succès incontestable auprès des particuliers : lorsque je l'ai lancé le 1er janvier 2020 avec Julien Denormandie – alors ministre chargé de la ville et du logement – nous espérions recevoir 200 000 demandes pour l'année 2020. C'était avant le début de la crise de covid mais, malgré cette dernière, l'objectif a été atteint. Pour 2021, nous avions prévu 400 000 à 500 000 dossiers : pas moins de 300 000 dossiers ayant d'ores et déjà été déposés, nous pensons désormais que 700 000 à 800 000 demandes d'aide MaPrimeRénov' seront en réalité formulées cette année, soit quatre fois plus que l'an passé.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
MaPrimeRénov' est un dispositif soutenu par le plan de relance. C'est une aide efficace, juste et redistributive, puisque l'aide est d'autant plus grande que les moyens des ménages sont modestes. Je rappelle que le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), que MaPrimeRénov' a remplacé, n'était pas un dispositif redistributif : la moitié des sommes versées au titre de ce crédit d'impôt ont bénéficié aux 20 % les plus riches.
Redistributive, MaPrimeRénov' est aussi une aide d'autant plus efficace qu'elle soutient réellement les travaux d'économie d'énergie. En quatre ans, grâce à un meilleur ciblage progressif des aides, nous avons augmenté de 50 % les économies d'énergies chez les particuliers, passées de 4,8 à 7,2 térawattheures. Cela nous permet de suivre la trajectoire décidée lors de l'accord de Paris.
Avec le soutien du plan de relance, nous améliorerons encore MaPrimeRénov'. Par ailleurs, la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets permettra, l'année prochaine, l'instauration d'un accompagnement neutre, libre et gratuit, ainsi que le financement bancaire du reste à charge garanti par l'État, afin que chacun, en France, puisse rénover son logement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre de la finance et des inégalités, la semaine dernière, un Français devenait l'homme le plus riche du monde : 152 milliards d'euros pour Bernard Arnault et son groupe aux multiples filiales.
M. Jean Lassalle applaudit longuement.
Ce capitaine d'industrie, si prompt aux gestes de générosité pendant la crise sanitaire, illustre cette formidable image du milliardaire généreux : comme le disait Paul Lafargue, « voler en grand et restituer en petit, c'est ça la philanthropie ».
M. Jean Lassalle applaudit.
Au classement des milliardaires du magazine Forbes, Bernard Arnault est accompagné par plus de quarante autres compatriotes : notre pays sait faire naître des talents, quelle belle réussite française !
L'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a disparu, et le CAC40 annonce des dividendes records, en hausse de 22 % en pleine pandémie.
M. Jean Lassalle applaudit.
Ainsi, cette année, les actionnaires empochent la coquette somme de 51 milliards. Or je rappelle que 100 % de ces grandes entreprises françaises ont touché des aides publiques, sans aucune contrepartie : pour les riches, c'est toujours fromage, dessert et café gourmand ! Ils dévorent goulûment le plan de relance. Pourtant, ces mêmes entreprises françaises du CAC40, biberonnées à l'argent public, annoncent plus de 60 000 suppressions de postes.
Les petits commerçants se battent pour leur survie, ceux qui sont privés d'emplois sont pris pour cible avec votre honteuse réforme de l'assurance chômage. On atteint 11 millions de pauvres, 7 millions de chômeurs, 300 000 personnes privées d'un toit ; une partie de la jeunesse doit faire la queue à l'aide alimentaire ! .
M. Jean Lassalle applaudit
Comme le disait Victor Hugo, « c'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches ». Monsieur le ministre, cette anecdote d'un pays champion du monde des inégalités est-elle vraie ou fausse ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à M. Olivier Dussopt, qui ne porte pas le titre que vous lui avez donné, monsieur le député, mais celui de ministre délégué chargé des comptes publics.
Je vais répondre très directement à votre question : cette anecdote est fausse. La France est le pays où la réduction des inégalités est la plus poussée. Un certain nombre de rapports, écrits notamment par des autorités indépendantes ou des associations comme Oxfam, soulignent que notre système social est le plus à même de tous les pays de l'OCDE et du monde à réduire les inégalités primaires. Nous sommes capables de transformer les inégalités primaires et de les réduire, et ainsi d'atténuer les écarts de revenus entre le premier et le dernier décile.
Mme Barbara Bessot Ballot applaudit.
Nous le faisons grâce à la fiscalité et aux cotisations sociales, mais aussi à des outils particuliers, comme le taux marginal d'impôt – plus élevé de 13 points en moyenne en France que dans les autres pays de l'OCDE – la taxation sur les détenteurs des plus hauts revenus, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, créée en 2011 pour une durée provisoire et qui est encore en vigueur aujourd'hui. Tous ces outils nous permettent de réduire les inégalités.
Parallèlement, nous avons pris plusieurs décisions : d'ici à la fin du quinquennat, nous aurons diminué les impôts des Français de 25 milliards d'euros, dont 23 milliards relèvent de la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des Français – pas 80 % des Français les plus riches, mais bien 80 % de tous les Français. Une évolution devrait cependant concerner les 20 % de Français les plus aisés, qui y sont encore assujettis, dans les prochains mois. Nous avons également diminué l'impôt sur le revenu, cette baisse étant concentrée sur les premier et deuxième déciles. Cela représente un gain moyen de 300 euros par ménage imposé, pour un coût total de 5 milliards d'euros pour l'État.
La politique fiscale que nous appliquons est à la fois redistributrice et correctrice des inégalités : la fable, l'anecdote que vous avez voulu raconter est donc fausse.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Monsieur le Premier ministre, si l'État a déployé un soutien important aux acteurs économiques, certains, dans nos territoires, demeurent sinistrés et sans aucune solution. Lors d'une récente visite en montagne, vous avez vous-même reconnu des trous dans la raquette.
Depuis plusieurs mois, j'appelle l'attention de vos ministres sur la situation des propriétaires de magasins de ski et des restaurateurs, notamment ceux ayant acheté leur fonds de commerce en 2020, et qui sont en proie à d'importantes difficultés en raison de la fermeture des remontées mécaniques. Pour qu'ils aient accès au fonds de soutien, il conviendrait que soit pris en compte le chiffre d'affaires du cédant sur l'année n-1. Ils espéraient que le décret du 20 mai leur apporterait une bouffée d'oxygène, mais il n'en a rien été : la faute à des critères trop stricts, qui imposent aux sociétés de remplir six conditions cumulatives, en particulier d'avoir subi une interdiction d'accueil du public sans interruption entre novembre 2020 et mai 2021, et de n'avoir généré aucun chiffre d'affaires en 2020. Convenez qu'il est extrêmement difficile pour une grande partie des sociétés de remplir ces conditions : elles ont bien été autorisées à ouvrir en dehors du mois de mai, mais dans une station fermée ! Pour les magasins de ski, cela revient à ne pas avoir d'activité.
La famille Canale Parola, pour mettre un nom sur ces trous dans la raquette, a acheté du fonds de commerce à l'Alpe d'Huez en 2020 et n'a, à ce jour, bénéficié d'aucune aide. Ils ne savent pas comment ils tiendront : avec les charges à payer et les indemnités qu'ils doivent à leurs dix-huit salariés permanents, ils sont plongés dans une grande détresse économique et humaine, sans compter les conséquences négatives sur l'emploi local et la vie de leurs salariés.
Malheureusement, ils ne sont pas les seuls à être dépourvus de soutien, et ont d'ailleurs créé un collectif avec d'autres acteurs du territoire isérois et montagnard.
Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez pas vous réfugier derrière des ordres de grandeur macroéconomiques : le Gouvernement doit apporter une solution aux structures qui ne bénéficient d'aucun soutien, notamment dans les territoires de montagne.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Je vous répondrai en trois points. Le premier concerne le cas particulier dont vous avez fait état. Nous aurons l'occasion de nous entretenir à ce sujet : nous examinerons les conditions qui empêcheraient cette entreprise d'avoir accès aux aides et nous verrons avec les services de la direction générale des finances publiques, la DGFIP, ce qui peut être fait.
Le deuxième point figurait dans votre question, si bien que vous vous êtes en quelque sorte donné la réponse à vous-même. Pour les reprises intégrales de fonds de commerce dans des secteurs soumis à des fermetures administratives, le décret du 20 mai permet la prise en charge des coûts fixes à hauteur de 70 %, voire de 90 %. Vous l'avez précisé, cette mesure vaut pour les entreprises qui ont fait l'objet d'une longue interdiction d'ouverture au public.
Enfin, toutes les entreprises dont l'activité a débuté avant le 31 janvier 2021, quels que soient leur chiffre d'affaires et le secteur auquel elles appartiennent, peuvent bénéficier des aides versées à compter d'avril 2021 au titre du fonds de solidarité dès lors qu'il leur a été interdit d'accueillir du public – peu importe la durée de cette interdiction – et qu'elles ont perdu au moins 50 % de leur chiffre d'affaires. Ces dispositions devraient couvrir l'intégralité des situations problématiques. S'il en demeurait – je me répète à dessein –, nous serions évidemment prêts à les étudier attentivement, à améliorer ce qui peut l'être, notamment pour les activités saisonnières. Pour le cas d'espèce que vous avez mentionné, je vous invite donc, encore une fois, à me transmettre les éléments du dossier afin que nous les examinions ensemble.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. David Habib.
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d'un projet de loi
C'est un texte important que nous présentons ici, au nom du Premier ministre, avec le garde des sceaux – Mme la ministre des armées ayant également participé à la discussion parlementaire. Il touche en effet aux libertés et il traite d'un des droits les plus fondamentaux de notre pays, le droit à la sûreté. Il donne à la souveraineté les moyens de ne pas rester un simple concept et nous permettra de lutter contre les ennemis de la République, ceux qui veulent nous toucher au cœur.
Ce texte est indispensable à l'activité des femmes et des hommes qui, tous les jours, luttent contre la menace terroriste : les femmes et les hommes de la police et de la gendarmerie nationales et du ministère de la justice, mais aussi celles et ceux qu'on connaît peu ou qu'on ne connaît pas, et qui, au sein des services secrets intérieurs et extérieurs, travaillent avec courage derrière une arme, un ordinateur ou devant des documents, pour que la France reste le pays protégé de la liberté et de l'égalité. C'est à eux que je pense en tant que responsable d'un des services de renseignement, et c'est à eux que chacun pense lorsque, attentat déjoué après attentat déjoué, la France et ses services se montrent à la hauteur des moyens que le Parlement leur concède.
Ce texte n'est pas guidé par l'émotion. Voilà de très nombreux mois, sinon de très nombreuses années, que le Parlement et le Gouvernement y travaillent de concert, en harmonie avec la quasi-totalité des groupes parlementaires, y compris ceux de l'opposition. Après beaucoup de travail, le projet de loi concilie efficacité et équilibre entre l'action antiterroriste, les moyens nécessaires – technologiques et juridiques – et la préservation de nos libertés, de la transparence et de l'État de droit.
Lors de sa campagne, le Président de la République s'était engagé, alors même que la France avait été particulièrement endeuillée par la menace terroriste, à sortir de l'état d'urgence. Il ne l'a pas fait avec naïveté, puisqu'il a fait transposer, par le Gouvernement et le Parlement, des dispositions qui avaient été prévues par le gouvernement de Manuel Valls et le ministre de l'intérieur de l'époque, Bernard Cazeneuve. Mais il ne l'a pas fait non plus avec facilité. Il aurait pu prendre le prétexte de la menace terroriste qui reste fortement présente sur notre territoire pour justifier le maintien d'un état d'urgence permanent ; mais c'eût été renier notre conception de l'État de droit et des libertés fondamentales.
Depuis 2017, conscients de la prégnance de la menace terroriste, nous avons collectivement œuvré au renforcement des dispositifs de lutte correspondants. En matière de ressources humaines, 1 900 personnes ont été recrutées depuis 2017 au sein de la DGSI – direction générale de la sécurité intérieure – et des renseignements territoriaux pour lutter contre la menace terroriste. Cette augmentation des moyens humains et budgétaires est incomparable, elle se justifie dans les projets de lois de finances que j'ai eu l'honneur de défendre lorsque j'étais ministre de l'action et des comptes publics.
Je laisserai M. le garde des sceaux évoquer les grandes avancées, tout aussi impressionnantes, intervenues au sein du ministère de la justice.
Le 1er novembre 2017, l'état d'urgence prenait fin et les dispositions de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, sont entrées en vigueur avec effet immédiat. Les Français doivent savoir – c'est tout l'intérêt de la publicité des débats parlementaires – que les mesures prises alors par le législateur, votées à une très large majorité, y compris par une grande partie de l'opposition, ont assuré un cadre législatif efficace de protection.
Le ministère de l'intérieur a ainsi mis en place, conformément à la loi, 617 périmètres de protection afin d'assurer la sécurité d'un lieu ou d'un événement. Ces périmètres de protection n'ont pas été créés à la légère ; à ce jour, aucun n'est actif, ce qui montre à quel point, après quelques semaines ou mois de rodage, les services préfectoraux les ont utilisés d'une main tremblante. Le ministère a procédé à la fermeture de huit lieux de culte où circulaient des théories ou se tenaient des propos incitant au terrorisme ou faisant l'apologie d'actes de terrorisme. Il a également pris 449 MICAS – mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance –, dont 72 sont encore en vigueur et qui ont montré, notamment au lendemain de la mort atroce de Samuel Paty, leur intérêt afin d'éviter d'autres attentats. Il a enfin rendu possible de solliciter du juge judiciaire l'autorisation de procéder à la visite d'un lieu fréquenté par de tels individus. Ces mesures sont toujours prises sous l'autorité du juge judiciaire ou du juge administratif, parfois des deux.
En raison du caractère novateur de ces quatre mesures, que vous aviez adoptées à l'issue de l'état d'urgence pour accroître le pouvoir de police – et singulièrement de police administrative –, vous avez souhaité, dans un premier temps et par souci de la séparation des pouvoirs, en limiter l'application au 31 décembre 2020. Nous vous proposions de les pérenniser ; nous le proposons encore. Le Gouvernement a ainsi saisi, au premier trimestre 2020, le Conseil d'État d'un projet de loi ayant cet objectif, mais l'émergence de la crise sanitaire l'a finalement conduit, en accord avec vous – la décision a été prise sur ces bancs il y a quelques mois –, à organiser un débat parlementaire serein en dehors des urgences du moment. La décision de repousser l'examen du texte que je vous présente aujourd'hui avec le garde des sceaux me semble conforme à l'idée d'un débat serein ; le travail en commission des lois l'a démontré et je vous remercie, madame la présidente de la commission, pour la façon dont vous avez mené les travaux, en lien avec la délégation parlementaire au renseignement (DPR), dont je salue la présidente, Mme Françoise Dumas, et plus largement avec les représentants du Sénat qui participent à cette œuvre commune si utile.
La menace terroriste évolue, mais les Français doivent savoir qu'elle reste élevée. Depuis janvier 2017, la France a subi quatorze attentats terroristes islamistes qui ont abouti : trois en 2017, trois en 2018, un en 2019, six en 2020, un en 2021 – le parquet national antiterroriste a considéré qu'il ne devait pas se saisir des faits s'étant déroulés près de Nantes, la semaine dernière. Ces attentats ont causé vingt-cinq morts et quatre-vingt-trois blessés. Nous pensons évidemment aux victimes de ce terrorisme islamiste barbare.
Les services français sont parvenus à déjouer trente-six attentats : vingt en 2017, sept en 2018, quatre en 2019, deux en 2020 et déjà trois en 2021.
Le travail d'anticipation, de détection et d'identification de la menace est, on le sait, complexe et difficile, et ce de plus en plus. Nous sommes confrontés à des profils particuliers, protéiformes : sympathisants de la cause jihadiste, détenus radicalisés en détention ou sortant de prison, condamnés pour terrorisme ou complicité de terrorisme, individus psychiatriquement atteints, mais aussi individus sensibles au débat – je pense au débat autour du blasphème –, responsables de ce « djihadisme d'atmosphère » qu'évoquait Gilles Kepel. Ils sont de plus en plus isolés, sans ancrage, sans réseau, ne fréquentant parfois même pas un lieu de culte, inconnus des services de renseignement ; ils se radicalisent souvent seuls, dans une forme d'autonomisation de la menace. La totalité des passages à l'acte, depuis les attentats de novembre 2015, sont le fait d'individus n'ayant jamais séjourné dans la zone syro-irakienne. Sur les neuf derniers attentats commis sur notre sol, aucun ne l'a été par un individu connu des services de renseignement français. Les services secrets sont mis au défi de détecter de nouvelles menaces dont les auteurs et les modes opératoires ne sont pas connus et ne peuvent, par définition, faire l'objet d'une surveillance ciblée. Les dispositifs existants ne sont donc pas adéquats.
Bien sûr, une menace exogène, c'est-à-dire venant d'un théâtre extérieur – commando frappant, comme nous l'avons malheureusement vu en 2015, une cible que l'on pourrait qualifier de médiatique : une terrasse de café, une salle de spectacle, un lieu de vie –, reste possible ; mais, nous le voyons bien, la principale menace est endogène. L'ennemi de l'intérieur existe, il peut frapper à tout moment. Dans la quasi-intégralité des cas il n'a aucun contact avec une organisation terroriste et, s'il s'en réclame, c'est souvent par opportunité.
En commission j'ai déjà eu l'occasion d'énoncer le but de ce projet de loi, à travers un triptyque dont je répète ici qu'il doit tous nous guider : ce texte doit être humain d'abord, technologique ensuite, éthique enfin.
Humain parce qu'il concentre, sur des profils particuliers, une vigilance accrue qui va de pair avec l'augmentation considérable des effectifs de la DGSI et des renseignements territoriaux : sortants de prison condamnés pour terrorisme, individus présentant un profil à caractère psychiatrique, individus qui recourent de plus en plus à des applications autres que les communications téléphoniques classiques, lesquelles présentent donc de moins en moins d'intérêt. M. le garde des sceaux aura l'occasion de souligner, j'imagine, la mesure touchant aux individus qui sortent de prison, l'une des plus importantes du texte.
Technologique ensuite, ce texte l'est parce que la menace et la technologie même de ceux qui nous veulent du mal et nous frappent en plein cœur évoluent. Dans ces conditions, il est normal que l'État fasse évoluer ses propres moyens : je pense aux captations de l'évolution du comportement des individus et aux moyens nouveaux dont nous avons besoin en ce domaine. La technique dite de l'algorithme a été expérimentée par la DGSI. La délégation parlementaire au renseignement a eu à en connaître, ce dont, je l'espère, elle témoignera ici. Nous vous demandons la pérennisation de ces techniques dont, notons-le, la plupart des grandes majors informatiques font usage. Il serait un peu étonnant que l'État français souverain, contrôlé par au moins quatre instances, ne puisse en faire de même : comment refuser à la DGSI ce que nous acceptons de Facebook ou de Google ?
Le texte est enfin éthique, avec la pérennisation et l'évolution qui entourent les garanties renforcées dans le strict respect des libertés individuelles. J'y ajoute la volonté personnelle du Président de la République d'ouvrir les archives, sujet important que le Parlement n'a d'ailleurs pas oublié puisqu'une grande partie des amendements le concernent, la fermeture des archives devenant l'exception et l'ouverture la règle.
Lorsqu'une technique de renseignement qui touchera aux nouveaux moyens technologiques visés par le projet de loi sera sollicitée par les services, nul ne peut penser que cela se fera de manière sauvage, dans le secret d'un bureau obscur ou dans un sous-sol du centre de Paris. Il faudra quatre signatures, comme lorsqu'on procède à une écoute téléphonique, pour l'autoriser : celle du chef du service, qui s'en justifie directement auprès du ministre de l'intérieur, lequel signe de sa main sous le contrôle – troisième signature –du Premier ministre, qui, comme vous le savez, a la défense nationale dans ses compétences constitutionnelles ; le dernier contrôle, enfin, est celui de l'autorité administrative indépendante, qui, je puis en témoigner, s'acquitte de ce rôle avec une vigilance toute particulière.
Nous proposons ainsi de pérenniser les dispositions issues de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, à savoir les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, mais aussi de rendre possible la fermeture de certains locaux pour éviter leur utilisation par des associations qui en sont gestionnaires dans le but de faire échec à la fermeture du lieu de culte, abus de droit qu'il convient bien entendu de condamner. La mesure n'a rien à voir avec la disposition présentée dans la loi contre le séparatisme, même si elle la complète utilement.
Interdiction sera faite aussi à une personne sous surveillance administrative et tenue de résider dans un périmètre géographique déterminé de paraître dans un lieu où doit se tenir un événement important. Chacun comprend le risque terroriste lié à tel ou tel rassemblement de foule ou rendez-vous médiatique : ce sont autant d'événements qui peuvent déclencher un passage à l'acte. Quant au possible allongement de la durée de surveillance des personnes sortant de prison après une condamnation à une peine d'au moins cinq ans ferme – ou trois ans lorsque l'infraction a été commise en état de récidive – pour des faits à caractère terroriste, M. le garde des sceaux en parlera bien mieux que je ne pourrais le faire.
Le projet de loi vise également à améliorer les techniques de renseignement. On s'arrête sans doute beaucoup, dans les médias, sur les mesures de lutte contre le terrorisme, et peu sur les mesures importantes que le Gouvernement soumet au Parlement pour améliorer le renseignement, lequel, apanage des grandes démocraties, est toujours contrôlé par la délégation parlementaire, quelle que soit sa forme. Le Gouvernement donnera un avis favorable, je le dis à Mme la présidente de la commission des lois et à Mme la présidente de la DPR, aux demandes d'une transparence accrue sur l'action du Gouvernement et d'un renforcement des pouvoirs de la DPR : assorties d'un respect des pouvoirs constitutionnellement dévolus à chacun, de telles demandes sont bien légitimes en démocratie.
Plusieurs dispositifs sont ainsi créés, et non des moindres, comme l'élargissement à l'URL, le localisateur uniforme de ressource, des données susceptibles d'être recueillies en temps réel par le biais de la technique de l'algorithme. À ceux qui qualifient ces mesures de liberticides, je veux répondre que quelqu'un qui aurait consulté dix fois dans la matinée une vidéo de décapitation par un terroriste islamiste ne serait pas repéré, aujourd'hui, par les services de renseignement : ce n'est pas un très bon signe pour la sécurité nationale, avouons-le. On peut avoir une bonne raison de regarder de telles vidéos, certes, mais cela mérite sans doute d'être vérifié. Que dirait d'ailleurs la vox populi – et même les représentants de la nation lors des questions au Gouvernement – s'il était prouvé que telle ou telle personne a pu regarder des dizaines, des centaines, des milliers de fois des vidéos, photos ou messages publiés par Daech, l'État islamique ? « Pourquoi n'êtes-vous pas intervenus ? », nous demanderait-on. « Parce que nous ne savions pas », répondrions-nous, « et que le Parlement ne nous a pas donné, à ce jour, les moyens de le savoir. »
L'élargissement des possibilités de concours des opérateurs de communications électroniques, mais aussi l'augmentation de la durée d'autorisation de la technique du recueil d'informations informatiques sont également essentiels. La conservation des renseignements à des fins de recherche et développement – étant entendu que, M. le rapporteur l'a longuement expliqué, ces données doivent anonymisées – et le développement des interceptions des correspondances échangées par voie satellitaire permettent d'accompagner l'arrivée de nouvelles technologies.
Ce projet de loi tend enfin à fluidifier, tout en les encadrant – et ce sera une très bonne chose –, les échanges de renseignements entre services. Ce point est tout particulièrement souhaité par M. le Premier ministre comme par l'autorité administrative indépendante qui nous contrôle.
Je termine en évoquant les données de connexion, indispensables aux services de renseignement et d'enquête. Plusieurs dispositions, tardivement introduites par lettre rectificative, ont fait l'objet d'une deuxième délibération en conseil des ministres à la suite de la décision « french data network » – en patois tourquennois
Sourires
…rendue le 21 avril par le Conseil d'État sur la conservation générale des données. Nous en avons tiré toutes les conséquences pour aider la France à continuer d'exercer sa souveraineté. Nous remercions donc le Conseil d'État pour cette décision qui donne une interprétation à une jurisprudence européenne dont le contenu ne laissait pas de nous inquiéter.
Je défends le présent texte avec M. le garde des sceaux, que je remercie pour son travail important, à travers la mobilisation de nos services respectifs, au service de la souveraineté de notre pays, et Mme la ministre des armées, les missions de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la DGSI se complétant réciproquement. Ce texte, j'aurais aimé pouvoir en débattre intégralement avec vous, comme je l'ai fait en commission, mais, demain après-midi, si son examen n'est pas achevé malgré le peu d'amendements dont il fait l'objet, je devrai accompagner M. le Premier ministre en Tunisie pour évoquer les sujets relatifs au renseignement dans la lutte contre le terrorisme, ce pays, que je remercie pour cela, étant particulièrement engagé à nos côtés en ce domaine.
La lutte antiterroriste nous oblige tous. Le renseignement, lorsqu'il est contrôlé par le Parlement, est le gage d'une nation souveraine ; finalement, il garantit notre liberté à tous, la liberté de ceux qui sont nés quelque part, comme disait Georges Brassens. Merci pour le débat en commission, merci pour l'œuvre que nous ferons ensemble.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, UDI-I et Agir ens.
Je suis heureux de vous présenter, aux côtés du ministre de l'intérieur Gérald Darmanin, le projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement.
Depuis 2017, la lutte contre le terrorisme est une priorité absolue du Président de la République et du Gouvernement, qui ont donné des moyens sans précédent aux services de sécurité et aux magistrats pour répondre à cette menace et atteindre cet objectif. Ainsi, 1 000 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes se sont ajoutés aux effectifs existants, le budget de la justice a historiquement augmenté, le parquet national antiterroriste (PNAT) a été créé, le nombre de quartiers d'évaluation de la radicalisation et de quartiers de prise en charge a été revu à la hausse. Depuis 2017, près de trente-six attentats ont été déjoués.
Si notre action porte ses fruits, ses succès sont toujours silencieux, là où, en matière de lutte contre le terrorisme, les échecs ne le sont jamais. À chaque attaque, c'est la France tout entière qui est touchée, et je tiens à avoir une pensée solennelle pour Mme Monfermé ainsi que pour tous ceux qui nous protègent, qu'ils soient policiers, gendarmes, magistrats ou membres des services de renseignement. De leur action conjointe dépend notre réussite dans ce combat contre le terrorisme. Nous le menons sans répit.
Dans l'engagement qui est le nôtre contre le terrorisme islamiste, je viens présenter devant vous l'objectif que s'est fixé la chancellerie : réduire au maximum la menace des personnes condamnées pour des actes de terrorisme qui présenteraient encore, alors que leurs peines arrivent à terme, des signes de dangerosité.
Parce que notre action doit s'adapter à des réalités mouvantes, il convient de se confronter à un constat que nous sommes nombreux à faire depuis un certain temps. D'ici à la fin de l'année 2024, 163 personnes détenues pour actes de terrorisme en lien avec la mouvance islamique auront purgé leur peine. Parmi elles, un certain nombre présenteront sans doute encore des signes de radicalisation à l'approche de cette échéance. Je tiens à saluer avec force la qualité du travail engagé au quotidien dans nos établissements pénitentiaires pour prévenir la radicalisation. Il nous faut dire que ce sont ces mêmes détenus qui, si le droit n'est pas modifié, pourront bénéficier d'une mesure de surveillance judiciaire lorsqu'ils seront libérés sans suivi, sans accompagnement.
De ce constat découle le diagnostic porté sur notre arsenal pénal, diagnostic qui identifie une lacune majeure qu'il est grand temps de combler. Je tiens d'ailleurs à saluer votre engagement sans faille en la matière, madame la présidente de la commission des lois, ainsi que celui de votre rapporteur, Raphaël Gauvain, aux côtés du député Jean-François Eliaou.
Il est impératif de renforcer le suivi des personnes condamnées pour actes de terrorisme après la fin de leur peine. C'est pourquoi, en réponse à cette menace nouvelle, l'article 5 tend à créer une nouvelle mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion. Avec ce dispositif, que je défends au nom du ministère de la justice et dont votre commission a préservé l'équilibre, il sera possible de contraindre une personne condamnée à une série d'obligations destinées à prévenir le risque de récidive, ce que la loi ne peut lui imposer à ce stade.
Comme vous l'imaginez, cette proposition tire toutes les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 7 août dernier, venue rappeler la vigilance qui doit être celle du législateur sur le caractère adapté, nécessaire et proportionné de mesures restrictives de liberté lorsqu'elles sont imposées à des personnes ayant purgé leur peine.
Toutefois, dans cette même décision, le Conseil constitutionnel a validé les objectifs visés et tracé une voie juridique ténue afin de prévoir une mesure de sûreté fondée sur la dangerosité avérée, évaluée à partir d'éléments objectifs, de l'auteur d'un acte terroriste et visant à prévenir la récidive d'une telle infraction.
Dans notre République, le respect des valeurs démocratiques impose que le régime applicable aux détenus terroristes ayant purgé leur peine s'inscrive dans un objectif de réinsertion, tout en s'attachant à neutraliser leur éventuelle dangerosité. Dès lors, les obligations et interdictions pouvant être prononcées dans le cadre de cette nouvelle mesure de sûreté ont été recalibrées, en vue d'imposer au condamné de respecter les conditions d'une prise en charge prioritairement envisagée sous l'angle de la déradicalisation. Cette mesure pourra être prononcée à l'encontre de toute personne condamnée à une peine d'emprisonnement ferme d'au moins cinq ans pour un acte de terrorisme et d'au moins trois ans s'il s'agit d'une condamnation en récidive, alors que la loi censurée permettait qu'elle soit également prononcée à l'encontre de personnes condamnées à des peines assorties d'un sursis.
Chaque renouvellement de la mesure, initialement fixée à un an, sera subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. Enfin, les manquements aux obligations fixées par le tribunal de l'application des peines de Paris seront sanctionnés de la peine d'emprisonnement prévue en ce cas.
Les nouvelles dispositions prévues par le projet de loi s'inscrivent dans une parfaite complémentarité entre l'autorité administrative chargée de la surveillance et du contrôle des individus sortant de détention et l'autorité judiciaire qui facilitera leur réinsertion et leur suivi au moyen d'obligations et d'interdictions spécifiques. Comme l'a indiqué le Conseil d'État dans son avis du 21 avril, la proposition qui vous est faite par cet article 5 concilie à la fois la protection des libertés individuelles et la nécessité d'une vigilance accrue à l'égard des profils les plus dangereux.
Le propre d'une démocratie est de savoir répondre aux impératifs de sécurité liés à la lutte contre le terrorisme sans céder un pouce de son modèle de société. Loin des promesses d'estrade, au mieux grotesques, au pire dangereuses, c'est cette voie, soucieuse de l'équilibre entre efficacité et liberté, que le Gouvernement adopte avec le projet de loi et vous propose de suivre, mesdames et messieurs les députés – cette voie qui, eu égard à la décision du Conseil constitutionnel, est aujourd'hui la seule possible.
Je ne doute pas un instant que notre débat sera apaisé et que nous éviterons la surenchère à laquelle jamais nous ne pourrons nous accoutumer.
Aux arguments qui, sans doute, nous seront opposés, nous répondrons : sagesse, liberté, efficacité, Conseil constitutionnel.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
La parole est à M. Raphaël Gauvain, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Le terrorisme islamiste est l'un des défis majeurs de notre temps. Cette menace n'est pas l'affaire de six mois, d'un an ou de quelques années : elle sera l'affaire d'une ou de plusieurs générations. Cette menace est forte, endogène et de plus en plus difficile à détecter.
À la suite des attentats du Bataclan de novembre 2015, la France avait été placée sous le régime de l'état d'urgence. Face à un péril imminent, celui-ci permet de donner des pouvoirs exceptionnels à l'exécutif. Mais nous ne pouvions pas rester perpétuellement dans cette situation : par nature, l'état d'urgence est temporaire ; par essence, il est exceptionnel. C'est la raison pour laquelle les menaces durables doivent être traitées par des instruments permanents de lutte contre le terrorisme. Tel était l'objectif de la loi SILT adoptée le 30 octobre 2017.
Les dispositions de l'état d'urgence n'étaient absolument pas pérennisées dans cette loi, qui s'inspirait de quatre – seulement quatre – mesures permises par ce régime en les adaptant aux nécessités du droit commun et en les entourant de garanties importantes, au premier rang desquelles l'inscription de la seule finalité de lutte contre le terrorisme. Rappelons quelles sont ces quatre mesures, dont nous reparlerons sans doute au cours du débat : l'encadrement des périmètres de protection, la fermeture temporaire des lieux de culte, les MICAS et les visites domiciliaires. Lorsque nous avions débattu de cette loi, en 2017, nous étions convenus, par la voie d'un amendement de la commission des lois, de donner un caractère temporaire à ces nouvelles mesures. L'objectif était de pouvoir les évaluer avec précision dans le cadre d'un contrôle parlementaire renforcé. Cela explique que le Gouvernement revienne aujourd'hui devant nous pour les pérenniser, après évaluation.
Ces mesures ont fait la preuve de leur efficacité et de leur pertinence opérationnelle dans la lutte contre le terrorisme, comme l'attestent nos auditions et le travail approfondi conduit avec la présidente de notre commission et notre collègue Éric Ciotti, membre de l'opposition, dans le cadre du contrôle parlementaire renforcé.
Ainsi, certains des attentats déjoués depuis 2017 l'ont été grâce aux instruments créés par la loi SILT. On peut citer, par exemple, une visite domiciliaire effectuée en 2018 à Paris qui a permis de déjouer un attentat majeur projeté dans un bus. Plus récemment, à Marseille, une visite domiciliaire a également permis de déjouer un attentat important.
Le deuxième pilier du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement concerne les sortants de prison. M. le garde des sceaux l'a rappelé, dans les années à venir, entre 150 et 200 personnes condamnées au début des années 2010 pour des faits de terrorisme vont sortir des prisons françaises.
Ces personnes, actuellement suivies par le service de renseignement pénitentiaire, présentent encore, pour certaines d'entre elles, des profils très préoccupants. Pourtant – vous avez souligné ce paradoxe, monsieur le garde des sceaux –, elles ne seront, à la fin de leur peine, éligibles à aucun aménagement de peine et feront l'objet de sorties sèches, comme on les appelle, sans bénéficier d'aucune mesure de suivi ou de réinsertion.
L'année dernière, nous avons adopté une proposition de loi de Mme la présidente de la commission des lois visant à confier au juge judiciaire le soin de prendre une nouvelle mesure de sûreté pour ces sortants de prison condamnés pour terrorisme. Le Conseil constitutionnel a censuré ce dispositif, que nous avons donc retravaillé avec Yaël Braun-Pivet et l'ensemble des acteurs de la lutte contre le terrorisme. Le dispositif de l'article 5 du présent projet de loi est le fruit de ces travaux. Nous faisons dorénavant une distinction entre les mesures de suivi administratif – l'article 3 porte la durée des MICAS de douze à vingt-quatre mois – et la mesure de sûreté en matière judiciaire, destinée exclusivement à la réinsertion, que M. le garde des sceaux a longuement présentée. Ce dispositif nous paraît pertinent et présente, selon les personnes auditionnées, un intérêt opérationnel. Surtout, il devrait obtenir l'aval du Conseil constitutionnel.
Nous sommes lucides quant à la menace terroriste, mais nous refusons l'escalade et la surenchère sécuritaires. Afin d'assurer la continuité de l'arsenal législatif de prévention du terrorisme, notre objectif est que ce projet de loi soit adopté par l'Assemblée nationale et le Sénat avant la fin du mois de juillet et qu'il reçoive l'aval du Conseil constitutionnel.
La défense de l'État de droit est l'affaire de tous. Personne ne dispose de prérogatives en la matière. J'espère donc que nous éviterons, dans notre débat, de nous enfermer dans des divisions inutiles et des oppositions caricaturales entre droite et gauche, entre sécuritaires et laxistes.
Comme les générations de parlementaires qui nous ont précédés, il nous revient de définir un équilibre délicat entre l'impératif de maintien de l'ordre public et la préservation des libertés individuelles, en ayant pour seul objectif la protection efficace des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Loïc Kervran, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Pendant quatre ans, comme membre de la commission de la défense nationale et des forces armées, j'ai siégé sous cette citation du général de Gaulle : « La défense ! C'est la première raison d'être de l'État. Il n'y peut manquer sans se détruire lui-même. » J'ai mûri cette leçon pour l'appliquer au renseignement,…
…qui est la défense par excellence : par la connaissance et l'anticipation, il permet d'écarter le bras de celui qui veut nous frapper avant qu'il ne sème mort et destruction.
J'ai la conviction profonde que le texte que nous examinons contribuera à la création d'une France plus forte parce que plus sûre, plus souveraine et plus démocratique.
Avec ce texte, notre pays sera plus sûr parce qu'il permet aux services de renseignement de s'adapter à une nouvelle donne juridique, technologique et opérationnelle. Depuis 2017, la France se réarme : un réarmement juridique, avec la loi SILT, évoquée par mon collègue Raphaël Gauvain ; un réarmement en moyens budgétaires et humains, avec 1 900 agents supplémentaires pour la DGSI et le service central du renseignement territorial – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre de l'intérieur ; un réarmement technologique, avec la mise en œuvre, pendant ce quinquennat, de l'outil algorithmique.
Le présent texte s'inscrit dans le prolongement de ces différentes mesures. Ainsi les articles 10 et 11 permettront-ils de faire face à l'utilisation des communications satellitaires et de cinquième génération, tandis que les articles 15 et 16 tirent les enseignements des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne et permettront de préserver les moyens d'action des services spécialisés.
Mais le projet de loi défend aussi une France plus souveraine, notamment parce qu'il donne des outils au renseignement, qui, dois-je le rappeler, n'a pas un ennemi unique, le terrorisme, mais des ennemis multiples : tous ceux qui veulent porter atteinte à la souveraineté de notre pays en l'attaquant, en le pillant, en le manipulant, en l'appauvrissant. Concrètement, l'article 8 pose les bases d'outils souverains d'exploitation du renseignement en prévoyant l'allongement de la durée de conservation des renseignements à des fins de recherche et de développement. Les services français de renseignement auront désormais la capacité de développer leurs propres outils de traitement des données sans dépendre de l'achat de prestations étrangères.
Enfin, le projet de loi contribuera à la construction d'une France plus démocratique. Permettez-moi de m'attarder quelque peu sur ce point, car je suis toujours frappé de voir combien les agents des services de renseignement – est-ce un effet du secret qui les entoure et qui entraîne immanquablement méconnaissance et fantasme ? – sont perçus par certains comme des menaces pour la démocratie. Je pense pour ma part qu'ils en sont les remparts, discrets, souvent méconnus, mais dévoués. Ils protègent la cité des attaques de l'extérieur, mais ils la protègent aussi de ce poison insidieux par lequel chaque attentat diminue le nombre des partisans d'une organisation démocratique de notre pays.
Souvent, le renseignement est à la pointe de la pratique démocratique. Prenez le contrôle parlementaire : pendant deux ans, en ma qualité de président de la commission de vérification des fonds spéciaux, j'ai contrôlé, parfois dès le premier euro, le bon usage de l'argent consacré à cette politique publique. Dans quel autre domaine existe-t-il un contrôle parlementaire aussi intrusif, précis, mené de manière transpartisane, par une commission où la majorité est minoritaire ?
Face aux nouveaux moyens dont disposent les services, le texte met donc dans la balance de nouveaux outils de contrôle démocratique et en particulier le renforcement des prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, l'encadrement des échanges et la consécration du rôle de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).
Avant de terminer, permettez-moi une incise. À une époque où il est de bon ton de tout mettre sur le dos de la Constitution, qui semble avoir pris récemment la place peu enviée qu'occupait l'Union européenne pour justifier tous les échecs, toutes les limites et tous les choix non assumés, le renseignement nous offre une nouvelle perspective.
Alors même qu'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne menaçait de désarmer complètement notre démocratie, le Conseil d'État s'est appuyé sur notre Constitution pour justifier son interprétation du texte : en effet, si celle-ci défend les libertés publiques, elle affirme également que la protection des intérêts fondamentaux de la nation et la recherche des auteurs d'infractions pénales sont des principes tout aussi essentiels. C'est bien la Constitution, accusée par certains de tous les maux, qui permet de préserver les moyens et les outils protégeant les Français.
Le renseignement est un domaine dans lequel la loi éclot d'une manière particulière. Le texte est issu du temps long, il a pu mûrir et être enrichi par les travaux d'évaluation et de contrôle parlementaire, eux-mêmes nourris par une approche transpartisane forgée autour de mon groupe, Agir ensemble, des autres groupes de la majorité, et même au-delà. En cela, il se place dans la continuité de la grande loi de 2015. La discussion en commission l'a encore montré : c'est un texte amélioré mais surtout équilibré qui en est ressorti. Grâce à lui, la France sera plus sûre, plus souveraine et plus démocratique, et je suis fier de le défendre avec Raphaël Gauvain et vous toutes et tous.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens. – Mme Frédérique Dumas applaudit également.
La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je suis issue d'un territoire, les Yvelines, qui a été particulièrement frappé par le terrorisme. Tout le monde a en mémoire les attentats de Magnanville, de Conflans-Sainte-Honorine, récemment, et de Rambouillet, encore plus récemment. Le terrorisme est là, présent sur notre territoire, et nous devons nous y adapter. Comme vous l'avez expliqué, monsieur le ministre de l'intérieur, cette menace évolue, elle mute et il faut que les outils, les moyens qui nous permettent d'y faire face évoluent en même temps qu'elle pour mieux protéger nos concitoyens et continuer à le faire.
L'évolution doit être matérielle – les services doivent disposer de moyens financiers accrus –, organisationnelle – je pense au chef de filat de la DGSI et au renforcement de nos renseignements territoriaux –, technologique – une partie du projet de loi doit y concourir en accroissant les moyens et les pouvoirs de nos services de renseignement – et enfin législative. Mais il faut – je le crois profondément – que l'évolution législative se fasse dans le cadre de notre État de droit, et une partie du texte que nous allons examiner illustre d'ailleurs cette nécessité.
L'année dernière, à la même époque, Raphaël Gauvain et moi-même défendions devant vous un texte qui visait à instaurer des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine. Il avait été voté à une très large majorité, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, et la commission mixte paritaire avait abouti. Cela montre bien que la représentation nationale dans son ensemble avait saisi les dangers représentés par ces individus pour nos concitoyens. Le Conseil constitutionnel avait estimé que nous étions allés trop loin et que nous avions parfois rédigé la loi de manière imprécise ; depuis, nous avons remis l'ouvrage sur le métier et le dispositif a été retravaillé pour parvenir au texte qui est présenté devant vous aujourd'hui.
C'est ce qui fait la force d'une démocratie : le respect des règles de l'État de droit, celles que nous avons élaborées patiemment au fil de l'histoire, celles que le général de Gaulle avait voulues en faisant adopter la Constitution de la V
C'est dans le cadre de ces règles que nous devons mieux protéger nos concitoyens. Les mesures de sûreté contenues dans le projet de loi permettront de le faire.
En ces matières, faire vivre notre démocratie, c'est aussi s'appuyer sur le Parlement et sur le contrôle parlementaire – nous en avons beaucoup parlé mais c'est essentiel. Je pense d'abord au contrôle des mesures issues de la loi SILT : depuis 2017, Éric Ciotti, Raphaël Gauvain, et moi avons contrôlé leur application au quotidien.
Les actes instituant les 617 périmètres de protection dont vous en avez fait état, monsieur le ministre, ont tous été adressés à la présidente de la commission des lois, afin que nous puissions les contrôler. Nous avons aussi reçu copie des documents relatifs aux 449 MICAS et aux 463 visites domiciliaires que vous avez également évoquées. Le contrôle que nous effectuons après réception des actes est important : il permet d'accroître le regard parlementaire sur l'application de la loi. Il est renforcé par les déplacements et les auditions qu'Éric Ciotti, Raphaël Gauvain et moi avons réalisés. Il faut bien évidemment rendre compte de ce contrôle et nous l'avons fait sous la forme d'un rapport parlementaire, mais nous le ferons également devant vous, mes chers collègues, pour que vous puissiez pérenniser ces mesures qui nous apparaissent utiles, nécessaires et adaptées à la menace terroriste.
Le renseignement est une matière particulière, dans laquelle l'État mène une action spécifique. Dans ce domaine, le contrôle parlementaire s'effectue au sein de la DPR, dont vous parlera plus précisément ma chère collègue qui la préside. La DPR est diversifiée et bicamérale ; l'opposition y est majoritaire ; elle est soumise au secret défense et peut aussi effectuer des auditions et se faire communiquer des actes. Elle rend bien entendu un rapport annuel qui est lui aussi transparent, et communicable à l'ensemble des parlementaires et évidemment à nos concitoyens.
En politique, je fais mienne cette phrase de Victor Hugo qui s'applique particulièrement en matière de terrorisme : « Persévérance, secret de tous les triomphes. » Si nous adoptons le projet de loi, nous réussirons à mieux protéger nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens ainsi que sur quelques bancs du groupe LR. – Mme Frédérique Dumas applaudit également.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, rapporteur pour l'application du projet de loi.
J'approuve les dispositions du projet de loi relatives au renseignement pour trois raisons.
En premier lieu, le texte s'inscrit dans la continuité des efforts juridiques et opérationnels entrepris par la nation depuis une trentaine d'années. Ce soir, nous n'allons pas partir d'une page blanche, bien au contraire ; nous nous inscrivons dans la nécessaire continuité de l'État. J'ai à l'esprit la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques que le gouvernement de Michel Rocard avait fait voter pour réglementer les interceptions de sécurité, mais aussi, pour avoir participé aux débats dans cet hémicycle, les textes que Nicolas Sarkozy, comme ministre de l'intérieur puis comme Président de la République, a présentés pour créer la délégation parlementaire au renseignement, pour réorganiser le périmètre de la communauté du renseignement, notamment en musclant le renseignement intérieur, et aussi pour créer à l'Élysée, auprès de lui, l'instance de coordination nationale des techniques de renseignement.
Je veux aussi rendre hommage au travail très minutieux que Jean-Jacques Urvoas, en tant que député, et Manuel Valls, en tant que Premier ministre, avaient entrepris il y a six ans lorsque nous avions, avec les députés de l'UMP de l'époque, conçu de manière très consensuelle la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, qui a permis de définir à la fois les techniques de renseignement et leur cadre juridique, grâce à une autorité administrative de contrôle, la CNCTR, et à un contrôle juridictionnel nouveau du Conseil d'État.
Nous nous inscrivons ce soir dans la continuité de ces évolutions. Le rapport d'évaluation de la mission que j'avais présidée avec Jean-Michel Mis et Loïc Kervran l'année dernière a formulé plusieurs propositions et je me réjouis qu'elles soient pour l'essentiel reprises par le Gouvernement.
J'en viens à la deuxième raison qui motive mon approbation du texte : vous avez su, messieurs les ministres, faire prévaloir l'intérêt national sur des jurisprudences hasardeuses de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Tous les Français qui s'intéressent à ces questions savent combien nous avons été inquiets, ces dernières années, d'évolutions justifiées par une interprétation tout à fait contestable de la directive du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques.
Vous avez eu raison de donner instruction à vos services de plaider devant le Conseil d'État pour une rébellion face à la jurisprudence de la CJUE. C'était la première fois depuis le traité de Rome qu'un gouvernement défendait une telle position. Le Conseil d'État, de manière assez inédite et très satisfaisante pour les patriotes et les républicains que nous sommes, a su neutraliser l'arrêt de la CJUE pour faire prévaloir les exigences constitutionnelles de respect de la sécurité nationale et de préservation de l'ordre public.
C'est ce qui vous permet de présenter un texte qui, me semble t-il, respecte pour l'essentiel la jurisprudence européenne tout en faisant prévaloir ce qui doit être prioritaire, à savoir la nécessité de conserver des données pour fournir à nos services d'espionnage et de contre-espionnage la matière leur permettant d'assurer notre sécurité.
Enfin – c'est la troisième et dernière des raisons pour lesquelles je l'approuve –, le projet de loi dote nos services des outils technologiques utiles. Dans le monde de 2021, il serait extravagant – je le dis notamment à l'extrême gauche, qui conteste beaucoup ce point – que seuls les GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – puissent utiliser les techniques de l'algorithme et que la DGSI et la DGSE en soient privées. Ce serait absurde. Il est donc absolument nécessaire que nous encadrions le recours à l'algorithme. De même, est-il tout à fait pertinent que nous autorisions nos services à faire travailler les machines dotées d'intelligence artificielle ; les dispositions du texte concernant la recherche et le développement le permettent et cela me paraît tout à fait heureux.
En somme, il ne s'agit pas d'un texte révolutionnaire, heureusement ; il s'inscrit dans une continuité, celle d'un État nation qui assume la volonté de protéger ses citoyens, celle d'un État de droit, la République française, qui poursuit son objectif de paix civile mais aussi de puissance.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et LaREM ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme Françoise Dumas, présidente de la délégation parlementaire au renseignement.
Le projet de loi est pour notre pays d'une importance particulière, tant il concerne au premier rang notre sécurité mais aussi notre souveraineté. Attentats, espionnage, cybercriminalité, trafics en tout genre : chaque jour, l'actualité nous rappelle combien les menaces, omniprésentes, prennent des formes de plus en plus variées, s'affranchissent des frontières et se nourrissent du progrès technologique.
Ces dernières années, des dizaines d'attentats ont pu être déjoués – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre – grâce au travail minutieux effectué dans le plus grand secret par nos services de renseignement. Des vies sont à chaque fois sauvées, parfois au prix de celles de nos agents, sans que personne ne le sache. Je veux ici, à cette tribune, leur rendre un hommage appuyé.
Il y a six ans, la loi de 2015 relative au renseignement est venue poser le cadre juridique nécessaire, en démocratie, à l'activité de nos services de renseignement. Ce cadre juridique a fait ses preuves et il ne s'agit pas de bouleverser le juste équilibre auquel nous sommes parvenus, celui d'une loi qui a pour but d'encadrer et non d'entraver l'action des services. De nouvelles règles sont cependant nécessaires pour adapter notre arsenal juridique à une triple évolution.
C'est d'abord la menace terroriste qui évolue : elle est de plus en plus endogène et de moins en moins projetée depuis l'étranger. Nous devons faire face au problème des sortants de prison, qui seront de plus en plus nombreux ces prochaines années, et aussi détecter le mieux possible les signaux faibles, qui doivent donner l'alerte de possibles passages à l'acte. C'est dans ce contexte qu'est proposée la pérennisation de la technique dite de l'algorithme.
Ensuite, les évolutions technologiques donnent de nouveaux outils aux terroristes et aux trafiquants. Qu'il s'agisse de la 5G ou de la massification à venir des communications satellitaires, la course aux technologies est un véritable contre-la-montre qui ne doit souffrir aucun vide juridique.
Nous devons donner à la communauté du renseignement la capacité et les moyens de conserver son temps d'avance et son agilité. Enfin, il est nécessaire de transcrire dans notre droit les conséquences de la jurisprudence Tele2 de la CJUE quant aux règles applicables à la conservation des données.
En France comme dans la plupart des grandes démocraties occidentales, le renseignement a pris une place de plus en plus importante dans la société. Au cours des dernières années, le Gouvernement a donné la priorité au renforcement des moyens humains, techniques et budgétaires alloués à la communauté du renseignement. C'est indispensable si nous voulons lutter à armes égales avec ceux qui nous combattent, qui veulent notre perte et notre mort.
Cette montée en puissance doit s'accompagner du renforcement des contrôles qui pèsent sur la communauté du renseignement au titre d'une exigence démocratique indispensable dans un État de droit. Le rôle de la CNCTR est ainsi reconnu et conforté dans la mise en œuvre des nouvelles dispositions prévues par le projet de loi.
Ce rendez-vous législatif doit aussi être l'occasion de franchir une nouvelle étape dans le contrôle parlementaire de la politique publique du renseignement. C'est dans cet esprit que j'ai déposé avec tous les députés membres de la DPR – de façon transpartisane, ainsi que l'a rappelé la présidente de la commission des lois –, un amendement destiné à renforcer les prérogatives de cette instance dont j'assure actuellement la présidence.
Créée par la loi de 2007, la DPR exerce sa mission dans le respect du secret de la défense nationale. Au fil du temps, le milieu fermé du renseignement et celui de la représentation nationale ont appris à se connaître et ont noué, je crois pouvoir le dire, une relation de confiance. Cependant, la confiance n'exclut pas le contrôle. Déposé en commission, l'amendement fait du renforcement du contrôle parlementaire du renseignement une contrepartie nécessaire aux nouvelles prérogatives accordées au service, en élargissant le droit à l'information et le pouvoir d'audition de la DPR. Il s'agit de permettre à la représentation nationale d'assurer pleinement son contrôle dans le respect de la séparation des pouvoirs.
Le projet de loi fixe le cadre juridique dont nous aurons absolument besoin pour lutter efficacement contre toutes les formes de terrorisme. Il donne à la communauté du renseignement la capacité d'agir dans un cadre démocratique respectueux des droits et libertés. Il permet de protéger les droits et libertés de nos concitoyens et, in fine, notre souveraineté et notre indépendance.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
J'ai reçu de M. Jean-Luc Mélenchon et des membres du groupe La France insoumise une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
Vous vous en doutez, nous déposons une telle motion parce que nous sommes opposés au texte. Pourquoi y sommes-nous opposés ?
Oui, pourquoi ?
Ces quinze minutes me donnent l'occasion de vous détailler les raisons profondes de notre opposition à cet énième texte relatif à la lutte contre le terrorisme. Sans m'appesantir, je signale d'ailleurs que nous adoptons un nouveau texte sur le terrorisme tous les ans ou tous les deux ans, au point que cette accumulation sur trente ans rend les mesures difficiles à appliquer par la police administrative ou par l'autorité judiciaire.
Le concept de dangerosité, rappelé par le garde des sceaux, nous inquiète particulièrement tant il peut être lourd de conséquences en matière de restriction, voire de suppression, de la liberté d'aller et venir, en raison de l'application de mesures de sûreté. Il faut nous y arrêter car nous sommes dans un contexte, dans une séquence politique, où chacun y va de sa surenchère personnelle ou politique concernant la Constitution. En fait, c'est le bloc de constitutionnalité qui est en cause, et plus précisément la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Qu'est-il écrit dans cette Déclaration qui soit si scandaleux que l'on soit obligé de pousser le Conseil constitutionnel dans ses retranchements interprétatifs – avec succès la plupart du temps ? Je vous en lis quelques extraits, notamment l'article 2 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. »
C'est la notion de sûreté qui m'intéresse ici. Comme chacun sait, le droit à la sûreté protège contre les atteintes à la personne ou à ses biens. Il garantit aussi de ne pas être mis en cause arbitrairement par la puissance publique – différence sensible avec le principe de sécurité. La protection contre l'arbitraire est notamment assurée par des procédures judiciaires telles que le recours effectif qui fait débat en ce moment.
Lisons maintenant l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »
Dans un État de droit, on est donc présumé innocent ; les poursuites doivent reposer sur des éléments de preuve tangibles soumis à une éventuelle contestation dans le cadre d'une procédure. Avec le concept de dangerosité, le mis en cause a sous les yeux des notes blanches contenant très peu d'éléments : il n'a donc rien à y opposer. Il est là, à se débattre sans savoir ce qu'on lui reproche exactement et à subir des mesures restrictives de liberté. On peut se dire : tant que c'est du terrorisme, ça va, ça passe. D'ailleurs, c'est ainsi que le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel repoussent à tour de rôle les limites de l'interprétation de ce qui est possible au titre du bloc de constitutionnalité.
Poursuivons avec la lecture de l'article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. » Les termes sont très importants, notamment à la lumière du texte que nous avons adopté sur le séparatisme. Même si personnellement je le désapprouve, les gens peuvent avoir une vision rigoriste de leur religion – peu importe laquelle – dès lors qu'ils ne troublent pas l'ordre public.
Dans bien des cas, on considérera désormais comme dangereux des gens qui n'ont pas commis de troubles à l'ordre public, mais dont on sait qu'ils ne pensent pas correctement dans leur tête. Oui, on appelle cela les lois des suspects, comme il y en a déjà eu dans l'histoire.
En voilà une énième. Avec des garanties constitutionnelles, on peut aller très loin.
Article 16 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. » Nous touchons ici à des points déterminants : la séparation des pouvoirs – notamment exécutif et judiciaire ; l'article 66 de la Constitution qui rend l'autorité judiciaire garante des libertés individuelles. Ils sont tellement importants qu'ils ont motivé des censures – trop peu à mon goût, mais suffisamment pour que l'on s'en contente – de la loi sur la sécurité globale.
Pourquoi est-ce que je passe du temps à établir cette liste ? À cause des propos que j'ai entendus en commission ou sur les plateaux de télévision où les uns et les autres défilent pour expliquer : « La Constitution empêche de mettre tous les gens suspectés dans les centres de rétention. » Lors de la manifestation de policiers, le 19 mai, on entendait : « On ne peut pas arrêter qui on veut. C'est la faute de la Constitution. On ne peut pas mettre qui on veut en prison. C'est la faute de la Constitution. On est obligé de les laisser sortir. C'est la faute de la Constitution. »
Pourquoi avons-nous une Constitution ? Pourquoi la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est-elle dans le bloc de constitutionnalité ? Parce que c'est ce qui fonde la République, l'État de droit, notre société, notre capacité à vivre ensemble. C'est ce que nous devons mettre en avant face à ceux qui veulent s'en prendre à la République. Ceux qui commettent des actes terroristes, quelles que soient leurs motivations, s'en prennent à cet idéal de la République, à l'humanisme qui nous a construits collectivement…
…et qui puise ses racines dans la Déclaration de 1789.
Sachant que l'objectif des terroristes de tout poil est de s'en prendre à nos fondamentaux républicains, vous pouvez y renoncer en vous disant « ça passe, le fait de faire appel au juge des libertés de la détention suffit pour respecter la Constitution ». Vous pouvez aussi être de ceux qui le refusent, considérant que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est un point d'appui dans la lutte contre le terrorisme, un outil efficace et déterminant, que sans elle nous ne serions plus un État de droit, une République.
Voyons un peu plus en détail les mesures du projet de loi. Les dispositifs prévus sont attentatoires aux libertés par nature : on va vous écouter, vous regarder, vous enregistrer – c'est le principe. Mais sont-ils proportionnés au but recherché ? Est-ce efficace ? On nous rétorquera que la loi SILT a permis d'arrêter des gens. Très bien, je n'en doute pas ; à aucun moment, je n'en ai douté. Mais aurions-nous pu le faire dans le cadre judiciaire, c'est-à-dire sous le contrôle d'un magistrat ? À mon avis, oui.
On ne peut évidemment pas expérimenter deux dispositifs en même temps, l'un administratif et l'autre judiciaire. On prend alors souvent le chemin le plus court. En 2017, ce sont les arguments qui ont été avancés ici pour justifier le recours à des procédures administratives : elles sont plus courtes – sinon plus rapides – que les procédures judiciaires. Elles impliquent moins d'intervenants et surtout pas de magistrats indépendants qui pourraient s'inquiéter du respect des libertés fondamentales et demander les raisons de la mise sur écoute de celui-ci ou de celle-là, ou de la pose d'une balise là-bas. On ne se pose pas toutes ces questions lors d'une procédure administrative, ce que je comprends, mais le recours au juge fait la force d'un l'État de droit.
L'effet cliquet contamine le reste du droit pénal et du droit administratif, il faut le dire. Sur le plan sémantique, vous êtes passé du séparatiste au terroriste. La durée de la rétention de sûreté a été portée de vingt-deux à trente ans, par le biais d'un amendement déposé après la mort d'un policier. J'espère que, dans cet hémicycle, personne ne croit que le tireur n'aurait pas abattu le policier s'il avait su que la période de sûreté serait de trente ans. Dans cette escalade perpétuelle, on s'est aligné sur les infractions en matière terroriste.
L'effet cliquet a joué dans le cadre de la mobilisation contre le projet Cigéo d'enfouissement des déchets nucléaires à Bure. Je cite cet exemple à dessein : le procès des opposants au projet vient de s'ouvrir devant le tribunal correctionnel de Bar-le-Duc. On apprend que des moyens habituellement réservés à la lutte contre le terrorisme ont été utilisés contre les militants politiques.
Je veux saluer ceux qui se battent contre ce projet : il faut avoir bien du courage pour le faire alors que vous avez une épée de Damoclès au-dessus de votre tête, la surveillance, matin, midi et soir.
Selon un article paru en 2018 dans Libération, le procureur de la République de Bar-le-Duc a souligné, évoquant l'enquête : « Ni moi dans un premier temps, ni le juge ensuite, n'a utilisé des méthodes qui ne seraient pas comprises dans le code de procédure pénale. » Mais pourquoi peut-il affirmer cela ? Parce que les méthodes auxquelles il fait référence ont été adoptées ici ! C'est pourquoi notre responsabilité politique est immense, chers collègues : lorsque vous votez en faveur d'un texte censé porter sur le terrorisme, dites-vous bien que les mesures qu'il comporte peuvent servir à tout autre chose.
Voulez-vous un autre exemple ? Il y a celui des décrocheurs de portraits d'Emmanuel Macron – de dangereux terroristes, comme chacun le sait !
Certaines des enquêtes les concernant ont été supervisées par le bureau de lutte antiterroriste de la gendarmerie nationale ! Les agents n'ont-ils donc pas mieux à faire ? Vous comprenez bien qu'il y a là un problème de fond. Je ne prétends pas qu'il ne faut rien faire, mais simplement qu'il faut agir dans un cadre judiciaire et que, si des moyens méritent d'être adaptés, ce sont les moyens humains, et non les moyens juridiques – et pas au prix du renoncement à nos libertés fondamentales et individuelles.
Je pourrais poursuivre en soulignant que le fameux dispositif des boîtes noires, que nous nous apprêtons à prolonger, a fait l'objet d'un rapport remis par le Gouvernement. N'y ayant pas eu accès – en tant que simple député non-membre de la délégation parlementaire au renseignement, je n'ai pas le droit d'en connaître, comme dirait l'autre –, je lis la presse. J'apprends ainsi, dans le journal Le Monde, que les boîtes noires n'ont permis de déboucher sur aucun objectif opérationnel. J'en déduis bêtement que le dispositif n'a pas atteint son but et qu'il s'éteindra donc de lui-même. Eh bien non ! Que nous explique-t-on, au contraire ? Que si nous n'avons rien trouvé, c'est que nous n'avons pas tout regardé. On nous propose donc d'étendre le champ des données recueillies aux URL, c'est-à-dire aux sites internet consultés par un utilisateur. C'est une fuite en avant permanente !
Certains demandent pourquoi, puisque les GAFAM utilisent des algorithmes, nous n'en ferions pas autant. Soit ils méconnaissent ce qu'est un algorithme, soit ils tiennent des propos d'estrade – à moins qu'une autre option m'échappe –, parce que cela n'a rien à voir avec le dispositif qui nous est soumis. Un algorithme est un mécanisme permettant d'automatiser du traitement de données : chacun en a utilisé directement ou indirectement au cours de sa vie. Tout l'enjeu réside dans l'objectif qu'on se fixe. À ceux qui estiment que, puisque les GAFAM savent utiliser des algorithmes, nous devrions les imiter, je réponds que je ne suis pas tout à fait d'accord pour que nous leur laissions ce pouvoir. C'est pourquoi j'estime que le règlement général sur la protection des données (RGPD) qui s'applique à l'échelon européen ne va pas assez loin.
Chacun comprend que tous ces éléments ne permettent pas de contenir parfaitement la menace. On l'a d'ailleurs constaté : après l'assassinat abject de Samuel Paty, quelle a été la réaction du ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin ? Estimant qu'il ne pouvait pas rester sans rien faire, il a cherché quels moyens d'action il avait sous la main et s'est tourné vers les mesures administratives lui permettant de fermer des lieux de culte : ainsi, s'est-il dit, les intéressés reviendraient dans le droit chemin et il en attraperait peut-être quelques-uns au passage ! La décision serait contestée devant le Conseil d'État, mais cela ne passerait pas et cela aura au moins eu son effet médiatique et politique : le ministre aura montré qu'il agit.
Nous en avions déjà fait l'expérience auparavant, dans une plus large mesure, sous le régime de l'état d'urgence à proprement parler, au cours duquel le gouvernement socialiste de Manuel Valls avait fait procéder à plus de 4 900 perquisitions administratives – rien que ça !
On comprend bien en quoi ces mesures administratives sont porteuses d'un potentiel arbitraire, qui n'est pas la marque d'un État de droit ni d'une République qui s'assume comme garante des libertés fondamentales et individuelles. Je vous le dis, chers collègues :…
…faisons bien attention aux mesures que nous adoptons ici. Les conséquences dépasseront largement le cadre du présent texte et se feront sentir bien plus longtemps que vous ne l'imaginez. Avec ceux qui le voudront – et je souhaite que nous soyons nombreux –, nous devrons saisir le Conseil constitutionnel.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par les groupes La République en marche et Agir ensemble d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre.
J'ai été heureux, monsieur le député, d'écouter vos rappels de première année de droit sur les articles qui figurent dans la Constitution de la V
Vous avez évoqué la Constitution. Les libertés fondamentales incluent d'ailleurs celle de s'exprimer lorsqu'on le souhaite, me semble-t-il.
Monsieur Bernalicis, le ministre vous a écouté. Laissez-le vous répondre !
Vous avez évoqué la Constitution. Il n'y a pas de honte à cela : c'est un beau texte. J'observe simplement que vous la soutenez désormais. C'est une très bonne nouvelle pour les gaullistes que nous sommes tous – puisque chacun l'a été, l'est ou le sera.
Indépendamment de ces rappels, je constate qu'en quinze minutes, vous n'avez pas eu un mot pour qualifier d'islamistes les attentats qui ont été perpétrés.
Voilà qui me paraît intéressant : en quinze minutes d'intervention sur le terrorisme, vous ne parvenez pas à mentionner une seule fois que nous faisons face à une menace terroriste islamiste !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ce n'est pas très grave, mais s'il s'agit d'un acte manqué, il me semble qu'on peut y lire bien des choses, auxquelles je vous renvoie volontiers.
Cependant, la raison qui me pousse à vous répondre réside surtout dans les inexactitudes qui parsèment votre propos et qui n'en renforcent pas la qualité. Vous avez évoqué à la tribune, en des termes choisis, le fait que le ministre de l'intérieur – moi-même, en l'occurrence – avait, au lendemain de la mort atroce de Samuel Paty, fait fermer un lieu de culte, parce qu'il devait absolument le faire, poussé par je ne sais quelle volonté d'affichage médiatique, comme si nous attendions les attentats pour communiquer.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Vous avez souligné le fait qu'une telle décision ne passerait pas le filtre du Conseil d'État. Mais dans quel monde vivez-vous ? D'abord, ce que vous dites est parfaitement inexact : le tribunal administratif puis le Conseil d'État ont validé la mesure que j'ai proposée.
Laissez le ministre poursuivre, monsieur le député. Chers collègues, nous traitons ici de questions importantes. Je rappelle que la séance est retransmise en direct. Nous devons à nos concitoyens un débat apaisé.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
M. Ugo Bernalicis proteste.
Vous êtes le seul orateur, parmi ceux qui se sont exprimés à la tribune, à qui j'ai accordé vingt secondes au-delà de son temps de parole, parce que je ne souhaitais pas interrompre votre démonstration. Ayez le même respect pour M. le ministre.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Je rappelle donc, monsieur le député, que le tribunal administratif puis le Conseil d'État ont validé la mesure de fermeture administrative des lieux de culte que j'ai prise. Vous avez affirmé l'inverse à la tribune.
Quand bien même le ministre de l'intérieur aurait fait un usage volontariste de la loi votée par le Parlement, cette décision a été validée par le juge des libertés qu'est le Conseil d'État.
Par ailleurs, il serait tout de même incroyable, après n'avoir pas qualifié d'islamiste l'attentat subi par Samuel Paty, de considérer qu'aucun lien n'existe entre la mosquée de Pantin et cet attentat !
Rumeurs sur les bancs du groupe FI
Je constate, monsieur Bernalicis, que ce que je dis ne vous intéresse pas. En réalité, vous êtes venu faire le spectacle : vous discutez, vous interrompez, vous faites de l'obstruction !
Protestations sur les bancs du groupe FI.
La liberté, vous la réclamez surtout pour vous-même, et pas pour les autres ! Si vous ne souhaitez pas mener un débat argumenté, ne le faisons pas, mais n'utilisez pas des arguments erronés.
Nous évoquons ici des mesures très sensibles, qu'il faut prendre d'une main tremblante, surtout lorsqu'elles touchent à la liberté de culte. En l'espèce, elles ont été validées par le Conseil d'État : le juge administratif a bien établi un lien direct entre la mosquée de Pantin et l'assassinat de Samuel Paty. La très grande majorité des pratiquants qui fréquentent cette mosquée n'étaient effectivement pas concernés. C'est pourquoi, indépendamment du cadre législatif, une fois le ménage fait, j'ai pris les dispositions nécessaires pour la rouvrir, avant l'expiration du délai prévu par le Conseil d'État. Ne proférez pas de contre-vérités sur des questions aussi importantes. Je suis sûr que nous aurons d'autres moyens de nous opposer que de dire des bêtises à la tribune de l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à Mme Frédérique Dumas.
Notre groupe ne votera pas en faveur de la motion de rejet, parce que le projet de loi mêle, malheureusement, les dispositions de deux textes plus anciens, dont l'un auquel nous sommes plutôt favorables – même si nous le sommes moins au second.
Je m'offusquais, parce que le ministre me prête des propos que je n'ai pas tenus.
J'ai répété ce que vous avez dit !
Non ! Je vous suggère de lire le compte rendu qui paraîtra au Journal officiel et de regarder l'enregistrement vidéo de la séance, monsieur le ministre, avant de dire des bêtises : j'ai rappelé que vous aviez fermé la mosquée de Pantin en sachant que le Conseil d'État vous donnerait potentiellement…
Mais si ! C'est d'ailleurs ainsi que vous fonctionnez, par vagues successives : si le Conseil constitutionnel vous fait savoir que vous allez trop loin alors que le Conseil d'État, dans son avis, estimait que votre projet pourrait passer – ce fut le cas, par exemple, concernant l'instauration de mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes ayant purgé leur peine –, vous revenez devant nous avec un texte légèrement modifié et mieux écrit. Il semblerait que le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel se livrent une bataille juridique pour savoir lequel cédera le moins vite, même s'ils finiront par le faire, dans l'interprétation des principes que j'évoquais précédemment.
Je maintiens par ailleurs que je n'ai pas fait référence à la Constitution de 1958 : j'ai souligné que ceux qui estiment que la Constitution est un problème ne s'en prennent pas à la Constitution elle-même, mais à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ce qui est fondamentalement différent.
Si certains veulent remettre en cause la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'ils le disent ! Mais qu'ils arrêtent de prétendre que la Constitution est un problème : ce qui leur pose problème, en réalité, c'est le bloc de constitutionnalité !
C'est ce que j'ai expliqué durant quinze minutes à la tribune, mais vous préférez écouter je ne sais qui ou consulter je ne sais quel message sur votre téléphone, plutôt que d'essayer de comprendre les interventions des orateurs. C'est dommage, parce que, pour examiner ce genre de texte, nous devons écouter attentivement les propos des uns et des autres et connaître avec exactitude leurs positions réelles. Mais cela, vous vous en fichez. Encore une fois, vous vous montrez à la mesure des propos que vous tenez habituellement : démagogique et populiste – surtout démagogique, d'ailleurs !
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Vous avez épuisé votre temps de parole et donc terminé votre intervention, monsieur le député.
La parole est à M. Stéphane Peu.
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et LR.
Il ne me revient pas de faire des rappels au règlement, monsieur le député. Je ne crois pas que le fait de vous agiter en levant les bras au ciel, monsieur Bernalicis, constitue un mode d'expression politique approprié. Vous disposez, comme tous les orateurs, d'un temps de parole prévu par le règlement. Je me contente de l'appliquer.
Au cours des dix dernières années, nous avons légiféré environ une fois par an sur le terrorisme. Cela peut se comprendre, à condition de rester toujours soucieux d'assurer un équilibre en la matière – et je ne crois pas que le débat oppose les laxistes aux sécuritaires. Une question, me semble-t-il, tenaille chacun d'entre nous, quel que soit le banc sur lequel il siège : celle de l'équilibre entre la sécurité de nos concitoyens et le respect des libertés fondamentales et individuelles. Ce débat et ce questionnement sont légitimes.
On constate qu'au fil de la dizaine de lois votées récemment, le curseur a toujours été poussé dans le même sens.
…qui nous ont frappés durement ces dernières années, il y a la volonté de s'attaquer à ce qu'est la France, dans ses éléments les plus fondamentaux : notre mode de vie, mais aussi notre système démocratique, l'État de droit, la séparation des pouvoirs, la justice, la délibération collective par l'Assemblée nationale, le peuple souverain, etc. Or, chaque fois que nous inscrivons dans le droit commun des régimes d'exception comme celui de l'état d'urgence, nous devons nous demander si nous ne donnons pas le point à l'adversaire.
Parfois – et c'est le sens de notre vote sur les précédents textes –, nous avons considéré que ce risque existait.
En effet, s'agissant de l'efficacité des mesures prises, je peux vous dire, en tant que député de Seine-Saint-Denis, ayant vécu de très près l'attentat au Stade de France, que les services de renseignement sur le terrain se trouvaient alors dans un état déplorable, par manque de moyens humains, ce qui a laissé des failles béantes, propices à des actes terroristes.
Comme l'a souligné le ministre tout à l'heure, le renforcement des effectifs au sein de nos services de renseignement a été plus efficace que les différentes lois qui ont été votées. C'est la raison pour laquelle nous voterons la motion, que nous envisageons non pas comme une motion de rejet préalable mais comme la motion de renvoi en commission qui existait auparavant.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Le débat doit être calme et serein car nous abordons des sujets très importants. Je reviendrai évidemment plus tard sur l'opportunité et la nécessité d'un encadrement législatif en la matière.
En tant que parlementaires, nous devons débattre. La discussion doit se tenir dans l'hémicycle. Or, dès lors qu'une motion de rejet préalable est adoptée, le débat n'est plus possible. C'est pourquoi le groupe La République en marche votera contre la motion.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Notre groupe votera contre la motion de rejet préalable. Il est évidemment nécessaire de débattre aujourd'hui, mais sur des questions de forme car il convient avant tout de maintenir les mesures de protection qui sont appliquées et surtout d'en créer de nouvelles en tenant compte des jurisprudences du Conseil constitutionnel.
Il importe aussi de protéger les Français. De ce point de vue, monsieur Bernalicis, votre intervention me semble quelque peu indécente. Je pense aux 271 victimes du terrorisme islamiste. Oui, je désigne les barbares – ce que vous avez refusé de faire – qui ont attaqué notre nation, qui lui ont déclaré une guerre.
Oui, il faut mieux protéger notre nation. Face aux menaces, il faut renforcer les dispositions actuelles. Nous en débattrons sereinement au cours de l'examen des articles et des amendements. Nous devons tenir compte des menaces qui pèsent aujourd'hui sur notre pays, du danger extrême que représentent les islamistes, qu'ils soient terroristes et condamnés pour cette raison ou détenus de droit commun radicalisés. Entre 2018 et 2022, 2 540 d'entre eux seront sortis de prison. La menace est maximale.
Nous devons aussi prendre en considération une évidence qui s'impose aujourd'hui à tous : le lien entre immigration et terrorisme, tel qu'il est apparu à l'occasion des six derniers attentats. C'est dans cet esprit que notre groupe travaillera, avec pour unique objectif de renforcer la sécurité des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous voterons bien évidemment contre la motion de rejet préalable, tout d'abord parce que tout texte qui arrive dans cette assemblée mérite d'être débattu. Que l'on soit ou non d'accord avec son contenu, le débat est nécessaire, le Parlement doit faire son travail.
Deuxièmement, comme l'a rappelé Éric Ciotti, on déplore 271 victimes. Certains des attentats, évoqués par Mme la présidente de la commission des lois, ont été perpétrés dans les Yvelines. Je n'oublie pas Jean-Baptiste Salvaing, Jessica Schneider, Samuel Paty ou Stéphanie Monfermé, toutes ces personnes assassinées par des terroristes islamistes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'ai moi aussi été choqué, monsieur Bernalicis, qu'à aucun moment vous n'ayez mentionné le terrorisme islamiste. Je n'irai pas jusqu'à vous accuser de verser dans l'islamo-gauchisme, mais je n'en suis pas loin.
Qu'est-ce donc que cette République que vous nous proposez, dans laquelle les droits de ceux qui la mettent en danger vaudraient plus que les droits de nos forces de l'ordre ?
Depuis le début de la législature, vous n'avez eu de cesse de taper sur les forces de l'ordre et d'ajouter de l'huile sur le feu. Vous défendez davantage les délinquants. Quand j'entends certains d'entre vous parler de la pénibilité du travail des dealers, cela me fait doucement rire.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.
Sans suspense ni grande surprise, le groupe Agir ensemble votera contre la motion de rejet préalable, tout d'abord pour des raisons de forme car nous souhaitons débattre du projet de loi.
Ensuite, sur le fond, le texte inscrit dans le droit commun des mesures qui ont été évaluées et qui sont notamment issues de la loi SILT de 2017, de la loi relative au renseignement de 2015 ou encore de la proposition de loi de la présidente de la commission des lois instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des détenus auteurs d'infraction terroriste.
Il nous paraît donc absolument nécessaire de débattre et d'adopter certaines mesures indispensables pour nos services de renseignement et de sécurité intérieure.
Nous avons écouté avec attention les arguments avancés à l'appui de la motion de rejet préalable. Comme d'autres collègues, nous souhaitons travailler sur le fond. Nous approuvons certaines mesures, d'autres méritent vraiment d'être revues. Cependant, vous le savez, les motions de renvoi en commission n'existent plus.
C'est pourquoi notre groupe ne soutiendra pas la motion. Nous souhaitons que les deux ministres puissent apporter des éléments nouveaux et faire preuve d'ouverture sur les amendements que nous proposerons.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Le groupe UDI et indépendants votera évidemment contre la motion de rejet préalable. Si le projet de loi est le quatrième dont nous débattons depuis le début du quinquennat sur le terrorisme, et le neuvième depuis 2012, c'est hélas parce que, chaque fois, il reste des failles, nous obligeant à légiférer de nouveau.
Si la loi permet d'éviter un seul attentat, de sauver une seule vie, d'épargner une seule famille du drame qu'est le terrorisme islamiste, alors nous aurons gagné. Cela a été rappelé, notre pays a subi près de quatre-vingts attentats terroristes. Tous ont été perpétrés par des islamistes, monsieur Bernalicis. Vous avez parlé de terroristes de tout poil. Non, tous sont islamistes, tous sont djihadistes.
Notre groupe considère évidemment qu'il y a matière à débat. Nous regrettons même que certaines dispositions qui auraient mérité d'être débattues afin de renforcer les moyens de lutter contre le terrorisme, ne puissent pas l'être en raison d'une application très stricte de l'article 45 de la Constitution.
Monsieur Bernalicis, la lutte contre le terrorisme et contre l'islamisme nous oblige tous, y compris vous, membres de La France insoumise. Comment pouvez-vous, à travers la motion de rejet préalable, vous opposer à l'examen du projet de loi ? Qui cherchez-vous à câliner dans le sens du poil ? Je ne comprends pas.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 165
Nombre de suffrages exprimés 165
Majorité absolue 83
Pour l'adoption 11
Contre 154
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Je suis particulièrement choqué par les propos de M. Bernalicis. Nous parlons de la nécessité d'assurer un suivi des détenus condamnés pour des faits de terrorisme à cinq ans d'emprisonnement, ou à trois ans dans le cas d'une récidive, dont la dangerosité persistante a été évaluée – j'insiste sur ce point –, et ce en garantissant un débat contradictoire dans le cadre judiciaire.
Il ne s'agit donc pas d'un débat entre laxistes d'un côté et sécuritaires de l'autre mais d'une discussion entre personnes raisonnables. On nous oppose parfois, comme vous-même l'avez fait, la multiplicité des textes sur le sujet. Mais – le ministre de l'intérieur l'a dit – le terrorisme mute, comme un sale virus. Il est protéiforme. Ce qui était vrai en 1995 pour l'attentat à la station de RER Saint-Michel ne l'est plus aujourd'hui. Il est donc tout à fait normal que nous suivions les évolutions, que nous essayions de les anticiper.
Au fond, que souhaitez-vous, les députés de la France insoumise ? Qu'un terroriste, encore dangereux, puisse sortir de prison sans aucun suivi ? Est-ce cela que vous nous proposez ? Mais c'est scandaleux ! Vous vous drapez dans les oripeaux de la liberté pour ne rien nous proposer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Comme j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, monsieur Bernalicis, si j'accepte bien sûr la critique – c'est l'essence même du débat démocratique –, en revanche, le nihilisme m'est insupportable.
Vous êtes le premier à vous lever pour réagir : « Que faites-vous ? », « Vous n'avez pas fait ceci ! », « Vous auriez dû faire cela ! », « Y a qu'à, faut qu'on ! ». Or voilà que vous acceptez l'idée que des individus, considérés comme étant encore dangereux, puissent circuler tranquillement parmi nous. C'est totalement irresponsable et indigne.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 58, à la suite de la mise en cause personnelle du ministre. De manière sans doute subtile, celui-ci fait de nous les alliés des personnes dangereuses, de tous ceux qui pourraient s'en prendre à nos concitoyens. Ça, c'est un procédé politique abject.
Monsieur le garde des sceaux, alors que les mesures de sûreté ne sont pas votées et ne sont donc pas en vigueur, existe-t-il aujourd'hui un moyen d'assurer un suivi des personnes dangereuses ? Comment les suivez-vous ?
Vous êtes en train de nous dire que l'on ne peut rien faire, qu'ils sont dans la nature. Quel constat d'échec ! À travers ce raisonnement par l'absurde, il apparaît clairement que l'on sait évidemment suivre ces individus dangereux.
M. Bernalicis s'est exprimé dans le cadre d'un rappel au règlement, fondé sur un article qu'il a cité et dans un temps de parole inférieur à deux minutes. Il a donc respecté le règlement.
Le texte se compose de deux parties distinctes, l'une visant à pérenniser et à renforcer les dispositions de la loi SILT, l'autre à réviser la loi relative au renseignement de 2015. Nous regrettons le choix tactique du Gouvernement de regrouper au sein d'un projet de loi unique deux textes différents car vous le savez bien, la position de notre groupe n'est pas la même sur les deux textes.
Actuellement, selon les chiffres du coordonnateur national du renseignement, 500 détenus purgent une peine de prison pour terrorisme en France. Une centaine d'entre eux devraient sortir au cours des deux prochaines années, 70 dès cette année. À ceux-là s'ajoutent 900 prisonniers de droit commun radicalisés. Il est nécessaire et totalement justifié de prendre des mesures permettant de prévenir la récidive et de lutter contre la menace terroriste.
En revanche, nous sommes très réservés sur la pérennisation et l'aggravation de certains dispositifs de la loi SILT, et ce pour trois raisons.
Tout d'abord, les données objectives pour la justifier, telles que l'analyse des procédures ouvertes ou de l'efficacité des mesures elles-mêmes, sont rares.
La pérennisation de la loi SILT a pour effet de normaliser, en les intégrant dans le droit commun, les mesures d'exception de l'état d'urgence. La possibilité de prolonger jusqu'à deux ans les MICAS donne un pouvoir disproportionné à l'autorité administrative, au détriment de l'autorité judiciaire ; c'est une constante du Gouvernement depuis quatre ans, qui n'a pourtant encore résolu aucun des problèmes soulevés – on a pu le constater ces derniers temps. Le Conseil d'État souligne dans son avis les difficultés constitutionnelles que pose une telle prolongation dès lors que le Conseil constitutionnel insiste dans le bilan des MICAS qu'il a dressé sur la limitation de leur durée à douze mois et non portée à vingt-quatre mois comme vous le proposez.
Le Conseil d'État considère également que leur efficacité n'est pas suffisamment établie. Pour ces deux raisons, cette disposition ne nous paraît pas nécessaire, d'autant que le droit pénal a été aménagé ces dernières années afin de pouvoir engager plus précocement une procédure judiciaire contre les personnes susceptibles de passer à l'acte terroriste. Notons, en outre, que les MICAS vont souvent de pair avec les contrôles judiciaires. Ainsi, du fait du transfert de si nombreuses compétences à l'autorité administrative, au détriment de l'autorité judiciaire et de la séparation des pouvoirs, de surcroît sur la base de notes blanches, le risque est élevé de voir le dispositif utilisé dans un autre contexte et de manière beaucoup plus large : je pense, par exemple, aux opposants politiques, écologistes, altermondialistes, animalistes, corses ou basques, et vous savez à quel point le groupe Libertés et territoires est attaché à leur droit d'expression. S'ajoute le fait que l'exercice des voies de recours est rendu bien plus difficile sous le régime SILT. Les visites domiciliaires sont tout autant contestables puisqu'elles peuvent être utilisées à la place de perquisitions judiciaires.
Troisième raison de notre opposition : s'il faut bien proposer des sanctions devant certains comportements, il devient indispensable d'agir sur leurs causes et les prévenir lorsque ceux-ci se démultiplient. À cet égard, la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion reprend en partie les dispositions de la loi du 10 août 2020 qui avaient été censurées par le Conseil constitutionnel après leur avoir apporté des corrections. Une majorité des députés de notre groupe estiment que la notion demeure imprécise et le risque d'inconstitutionnalité sérieux. À titre personnel, je suis plutôt favorable à ce type de mesures, mais sont-elles vraiment applicables et efficaces en pratique ?
En ce qui concerne les dispositions relatives au renseignement, nous saluons le fait que la France conserve l'objectif de se doter d'un encadrement et d'un contrôle de l'activité des services de renseignement qui, avant la loi de 2015, agissaient en dehors de tout cadre légal. La loi de 2015 a constitué un progrès indéniable, grâce notamment à la création de la CNCTR. Plusieurs dispositions du projet de loi visent à renforcer l'encadrement – vous les avez présentées, madame la présidente de la délégation au renseignement, et nous les soutiendrons. Nous comprenons la nécessité d'adapter le cadre légal aux évolutions technologiques liées au développement des drones ou encore aux communications satellitaires ; le recours aux technologies est utile et nécessaire. Toutefois, certaines mesures ne nous paraissent pas suffisamment encadrées ni contrôlées, et nous proposerons des amendements, notamment pour accroître le rôle de la CNCTR. Il n'est pas nécessaire de prévoir des délais de conservation des données à des fins de recherche tandis que le principe d'un cloisonnement de ces données devrait être inscrit explicitement dans la loi.
Quant à la pérennisation du dispositif des algorithmes, le rapport détaillé et complet qui devait être remis à la fin de l'expérimentation n'a toujours pas été transmis au Parlement. Pourtant, le projet de loi prévoit la généralisation du dispositif. Il n'est pas concevable, à nos yeux, d'étendre une mesure sans qu'elle ait donné lieu à une évaluation précise. Ce procédé constitue un dévoiement du principe de l'expérimentation dont le Gouvernement devient coutumier : le récent projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, qui généralise les cours criminelles départementales, avant la fin de l'expérimentation et en l'absence de tout bilan, en est un exemple flagrant. Nous proposerons d'interdire de prolonger ou de pérenniser l'expérimentation tant que l'évaluation n'a pas été remise au Parlement.
En définitive, le projet de loi rassemblant malheureusement deux textes très différents, les membres du groupe Libertés et territoires prendront position, une nouvelle fois, en fonction de l'équilibre auquel le projet de loi parviendra entre le nécessaire maintien de la sécurité publique, fondé sur des dispositifs efficaces et évalués, d'une part, et la préservation des libertés fondamentales, d'autre part.
Il me faut commencer par évacuer, une fois de plus, un argument qui a été avancé ici : non, le fait de défendre une motion de rejet préalable et de critiquer le texte ne signifie pas que nous approuvons les terroristes. De grâce, arrêtons d'user d'arguments de cette nature qui déshonorent ceux qui les manient et qui cachent parfois une charge antiparlementaire.
Nous utilisons les outils parlementaires à notre disposition pour réclamer un nouvel examen par la commission. Mais vous y répondez de la pire manière politicienne : le fait de mettre en doute l'efficacité du texte revient, le garde des sceaux l'a dit à l'instant, à accepter que les assassins puissent se promener librement. Un tel argument montre bien la nature du texte : il s'agit de faire de l'agitation politique, raison pour laquelle vous refusez d'entendre toute critique.
Notre critique est fondée sur une analyse de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. L'évaluation est nécessaire pour améliorer notre politique de lutte contre le terrorisme. Cessons de nous opposer de manière stérile. Il est d'autant plus piquant de vous entendre que nombre d'entre vous avez exercé des responsabilités en la matière. Nous brûlons de vous interroger sur le bilan que vous dressez de la législation antiterroriste.
Un attentat terroriste est un acte politique. Comprenez bien le sens de ce que je suis en train de dire : c'est un acte politique parce qu'il vise à mettre sous tension la société, à en modifier les comportements, notamment sous l'effet de la législation. Nous devons dès lors juger avec délicatesse et mesure les dispositions qui nous sont présentées afin de ne pas tomber dans le piège que nous tendent les terroristes, celui de la surenchère législative sans même souvent nous donner les moyens d'appliquer les lois qui existent déjà en raison des politiques d'austérité frappant les services publics.
Comment pérenniser le dispositif issu de la loi SILT, qui n'a pour l'instant fait l'objet d'aucune évaluation sérieuse et indépendante ? Notre seul repère est un rapport du ministère de l'intérieur qui relève plus du rapport comptable que d'une étude détaillée et sérieuse qui nous permettrait de juger de son efficacité. Pourtant, après trois ans d'application, quel bilan pouvons-nous en tirer ? Les attentats sur notre sol ont-ils été empêchés par les mesures qui font l'impasse sur toutes les procédures judiciaires ? Le respect de la légalité en devient presque illégitime tant il faut agir et encore agir, s'agiter sans juger de l'efficacité des lois. Cela a déjà été rappelé, mais j'insiste : depuis 1986, seize lois antiterroristes ont été adoptées, je dis bien seize ! Quel bilan pouvons-nous en faire ? Ont-elles été efficaces alors que des attentats ont continué d'être commis ? Il est légitime de discuter et de juger les stratégies adoptées et leur efficacité contre le terrorisme, monsieur Ciotti, sans pour autant faire preuve de laxisme.
Agir contre le terrorisme, ce n'est pas s'agiter de manière politicienne ni faire croire que ceux qui vous critiquent seraient du côté des assassins islamistes terroristes qui nous frappent et veulent nous faire peur. Ayez la modestie de vous souvenir que vous avez tous exercé le pouvoir et que la situation sur le front de la lutte antiterroriste ne s'est pas améliorée.
S'agissant du renforcement de PHAROS – plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements –, vous nous avez entendus, monsieur le ministre de l'intérieur, et c'est tant mieux puisque nous avons souvent pointé le manque de moyens humains – voyez, monsieur le garde des sceaux, que nous faisons des propositions.
Mais les derniers attentats nous l'ont appris, Stéphane Peu l'a souligné, ce sont souvent les défaillances des services de l'État qui fabriquent, hélas, des radicalisés – qu'il s'agisse des insuffisances du suivi psychiatrique ou des conditions de détention, monsieur le garde des sceaux. Travaillons là-dessus ! Dans le cas de la policière poignardée, il est établi que l'auteur de l'attentat s'est radicalisé au sein même de la prison alors qu'il souffrait de troubles psychiatriques. Le fait de le dire ne nous place du côté des assassins mais de celui de la réalité et de l'efficacité, loin du baratin qui vise à faire croire que vous agissez ! Aujourd'hui, la prison et les défaillances dans le suivi psychiatrique fabriquent des terroristes. Et c'est dans ces domaines que nous voulons agir.
Qu'en est-il du traitement massif des données dans la surenchère technologique que vous nous proposez ? Je note que sur les cinquante-neuf attentats déjoués depuis 2013, cinquante-huit l'ont été grâce à des interventions humaines et à du renseignement. La société américaine Palantir, liée à la CIA – Central Intelligence Agency –, travaille avec la DGSI depuis 2016 : se verra t-elle confier de nouvelles tâches ? Si tel est le cas, nous pouvons nous inquiéter d'une possible ingérence.
Enfin, notre position reste inchangée sur les visites domiciliaires dont vous souhaitez le maintien. Un rapport du Sénat indique que de 2017 à 2019, une seule des 149 visites domiciliaires a permis de déjouer un attentat terroriste.
Vous l'aurez compris, messieurs les ministres, chers collègues : l'ensemble de nos critiques et notre attitude ne traduisent pas un soutien aux terroristes. Le style, c'est l'homme, monsieur le garde des sceaux, et le vôtre indiscutablement est assez reconnaissable. Je laisse les arguments simples aux esprits simplistes. À nos yeux, l'agitation gouvernementale cache l'affaiblissement des libertés dont le texte est porteur.
Mais oui, bien sûr !
Exclamations sur divers bancs.
Mes chers collègues, inutile de vous invectiver en vous lançant des noms d'oiseaux, ils sont inaudibles.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, et à elle seule.
Le terrorisme continue de semer l'horreur et l'effroi sur notre territoire. Les attentats plongent des familles dans la douleur et blessent notre nation tout entière. Ces crimes odieux commis au nom de l'islamisme politique n'ont qu'un seul objectif : alimenter la peur et attiser la haine de l'autre pour propager les idéologies les plus obscurantistes. À l'obscurité, nous leur opposons la lumière de l'humanisme et nous ne céderons rien. La connaissance de ce qui nous entoure, le respect de l'autre et le développement des facultés de chacun et de chacune, les libertés individuelles sont les garants de l'émancipation de l'être humain et de son épanouissement. Ce sont les valeurs que nous prônons, celles de la République, loin des idéologies mortifères que certains souhaitent ériger en modèle.
Dans le combat contre la menace terroriste, le rôle des services de renseignement est crucial. Depuis 2017, trente-trois attentats ont été déjoués en France…
Trente-six !
…grâce à l'action des femmes et des hommes qui travaillent pour le renseignement français.
Mais, malgré leur grand professionnalisme, la menace demeure élevée, les récents passages à l'acte nous l'ont tristement démontré. Les missions du renseignement restent nombreuses alors que les signaux faibles sont de plus en plus difficiles à détecter. Entre 2013 et 2019, cinquante-huit des cinquante-neuf attentats déjoués l'ont été grâce au renseignement humain. Tous les moyens nécessaires, notamment humains, doivent donc être mobilisés pour soutenir les services dans leur mission.
Le développement de techniques de renseignement fondées sur les communications informatiques et cellulaires peut représenter un atout majeur. Vous nous proposez d'autoriser la transcription ou l'extraction de renseignements utiles à une finalité différente de celle qui en a justifié le recueil ; d'étendre l'utilisation de l'IMSI-catcher, jusqu'à présent exceptionnelle car le dispositif est jugé très intrusif pour la vie privée ; d'expérimenter l'interception des communications empruntant la voie satellitaire ou encore de pérenniser l'expérimentation des boîtes noires. Vous nous demandez de voter toutes ces mesures aussi complexes que sensibles en accordant une confiance aveugle au Gouvernement, faute d'évaluation confirmant ou infirmant l'efficacité des mesures existantes. Le groupe GDR ne peut donc pas voter en faveur de leur extension.
En outre, nous regrettons la pérennisation des mesures adoptées dans la loi SILT, et la reprise de la proposition de loi de Mme la présidente Braun-Pivet pourtant jugée inconstitutionnelle. Là encore, nous nous interrogeons sur l'utilité de dispositions déjà appliquées, faute d'un rapport précis, chiffres à l'appui, permettant de nous prononcer en toute connaissance de cause sur leur prolongation.
Par ailleurs, nous nous étonnons de la présence d'un énième article sur la fermeture des lieux de culte alors que la question est déjà traitée par l'article 44 du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
Enfin, nous émettons également des doutes sur les définitions imprécises du projet de loi qui permettront la surveillance d'individus à l'égard desquels « il existe des raisons sérieuses » de penser que leur comportement constitue « une menace » d'une particulière gravité « pour la sécurité et l'ordre publics ». Comment ne pas s'inquiéter du risque de détournement de leur usage à d'autres fins que la détection des risques terroristes ? La rédaction succincte n'incite pas à la confiance. Nous ne sommes pas les seuls à exprimer de telles craintes : la CNIL a fait part de ses inquiétudes sur plusieurs articles du projet de loi et a formulé des recommandations afin qu'il respecte davantage la vie privée ; le Syndicat de la magistrature souligne pour sa part que l'adéquation et la proportionnalité des mesures ne sont pas évidentes à la lecture attentive des dispositions ; enfin, l'association La Quadrature du net s'inquiète d'un texte qui aurait pour conséquence un effondrement des moyens de protéger le secret de nos correspondances. La sécurité du pays ne peut en aucun cas servir de prétexte à une surveillance généralisée des citoyens et des citoyennes.
Malheureusement, le projet de loi franchit plusieurs lignes rouges, ce que nous ne pouvons pas accepter.
Enfin, je tiens à saluer l'action du collectif Accès aux archives publiques, dont les travaux ont abouti au dépôt de plusieurs amendements par des députés issus de nombreux bancs de l'hémicycle afin de concilier le droit d'accès aux archives et la protection des intérêts fondamentaux de la nation, en préservant un juste équilibre.
En l'état actuel du texte, le groupe GDR votera contre le projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Sabine Rubin applaudit également.
Dans le cadre d'une sortie maîtrisée de l'état d'urgence instauré en 2015 à la suite des attentats terroristes meurtriers du 13 novembre de la même année, la loi SILT a permis d'appliquer d'importantes dispositions de police administrative pour prévenir les actes terroristes. La loi de 2015 relative au renseignement, adoptée après les attentats de janvier 2015 visant Charlie Hebdo, a permis d'expérimenter la technique de renseignement par traitement automatisé, dite technique de l'algorithme, pour les seuls besoins de la lutte antiterroriste.
Le Parlement a souhaité évaluer la pertinence et l'efficacité des différents outils, avec le souci permanent de maintenir un équilibre entre les libertés publiques et individuelles, d'une part, et, d'autre part, la nécessité de protéger nos concitoyens. L'application des dispositions a fait l'objet d'un contrôle parlementaire particulièrement renforcé, qui a donné lieu à plusieurs rapports, ce dont il faut se féliciter.
En juin 2020, nos collègues Loïc Kervran, Jean-Michel Mis et Guillaume Larrivé ont évalué la loi de 2015 relative au renseignement et ont conclu à la nécessité de proroger la technique de l'algorithme, compte tenu des résultats très prometteurs obtenus en matière d'identification des individus dangereux et d'évaluation du degré de menace qu'ils représentent. En décembre 2020, les articles 1er à 4 de la loi SILT ont fait l'objet d'une évaluation parlementaire, laquelle a abouti à une appréciation également positive de l'efficacité des mesures, ainsi que de leur utilisation proportionnée et adaptée par l'autorité administrative.
Ainsi, les travaux parlementaires de contrôle et d'évaluation nourrissent le texte que nous examinons et dont l'objet est la pérennisation et le renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme. Il répond à une actualité malheureusement brûlante. En effet, nous le constatons chaque jour : notre pays reste soumis à une menace terroriste forte qui se diversifie et qui utilise des moyens techniques de plus en plus élaborés.
Les attaques islamistes récentes le montrent : nous devons pérenniser et renforcer notre arsenal législatif pour maintenir un niveau de protection, de prévention et de réponse adapté aux technologies utilisées par nos ennemis. Mais nous devons aussi, comme parlementaires, être vigilants et nous assurer que les mesures que nous adopterons soient efficacement contrôlées, afin qu'elles n'entravent pas les libertés publiques et individuelles.
Dans le cadre de la lutte antiterroriste, le texte vise à maintenir dans le code de la sécurité intérieure les dispositions issues de la loi SILT, d'une part, et, d'autre part, à les modifier et à les compléter. L'article 2 permet ainsi d'étendre le champ d'application de la fermeture des lieux de culte aux locaux qui en dépendent, tandis que l'article 3 renforce les dispositions relatives aux MICAS, en prolongeant jusqu'à vingt-quatre mois la surveillance des individus sortis de prison et condamnés pour terrorisme. Élément important : les renouvellements n'excéderont pas trois mois et devront être justifiés. Dans le même esprit, l'article 5 instaure, dans le code de procédure pénale, les mesures judiciaires de prévention de la récidive et de réinsertion.
Bien entendu, ces mesures pourraient faire l'objet de débats. En réalité, nous savons qu'environ 163 terroristes islamistes condamnés à de lourdes peines pour faits de terrorisme sortiront de prison dans les trois ans qui viennent. Sans les dispositions proposées dans le texte, ce seront des sorties sèches ; au nom de la protection de nos concitoyens, nous ne pouvons pas l'accepter. Le groupe majoritaire soutiendra ces mesures car nous ne pouvons pas relâcher notre surveillance à l'égard d'individus qui peuvent rester dangereux.
En matière de renseignement, les mesures proposées par le Gouvernement encadrent très significativement les échanges d'informations entre les services, les possibilités de recherche et de développement, ainsi que l'interception de communications satellitaires. Ces techniques d'interception font l'objet d'une expérimentation jusqu'au 31 juillet 2025, qui donnera lieu à un rapport du Gouvernement au Parlement six mois avant l'échéance.
En outre, le contrôle préalable de la CNTCR est renforcé, la délégation parlementaire au renseignement voit ses missions précisées et ses prérogatives étendues, et la communication entre les juridictions et les services de l'État compétents en matière de sécurité et de défense est facilitée tout en étant strictement encadrée. Enfin, et je n'insisterai pas sur ce point, les conditions de déclassification des documents classés secret défense seront également précisées.
Voici, mes chers collègues, rapidement abordés, les quelques points importants du texte, qui me paraît donc complet, opérationnel et équilibré. Il apporte des réponses techniques et une sécurité juridique aux services sur le terrain, tout en maintenant un équilibre entre la protection de la France et des Français et le respect de nos libertés. Le groupe La République en marche est favorable au projet de loi, et il lui apportera tout son soutien.
Le groupe Les Républicains votera en faveur du texte, parce que la loi SILT ne saurait s'interrompre ; sa prolongation est naturellement nécessaire. Mais nous voterons en ayant conscience que le projet de loi est insuffisant. C'est la raison pour laquelle nous essaierons de l'amender.
La menace terroriste est toujours maximale. Je le disais il y a quelques instants : 271 de nos compatriotes ont péri du terrorisme islamiste, lequel a installé sur notre territoire une barbarie de la peur. Vous le disiez, monsieur le ministre : depuis 2017, il a fait 25 morts, à Romans-sur-Isère, Conflans-Sainte-Honorine, Nice, Paris, Rambouillet ou, encore récemment, à La Chapelle-sur-Erdre. Vous l'avez dit, le terrorisme a muté – bien sûr, nous partageons ce constat ; il est désormais beaucoup plus endogène, il vient de notre territoire, de nos quartiers ; il est plus difficile à identifier, malgré l'excellence de nos services d'enquête et de renseignement, et la mobilisation du parquet national antiterroriste auquel je veux rendre hommage.
Parmi les caractéristiques de ce terrorisme, nous pouvons identifier le lien désormais avéré entre immigration et terrorisme. Ce lien est quasi systématique dans les six derniers attentats et apparaît aussi en examinant le profil des 42 terroristes qui, depuis 2017, ont frappé notre pays : 16 étaient étrangers ; 5 étaient Français avec une double nationalité. Les deux tiers étaient donc Français, me direz-vous ; certes, mais parmi ces derniers, 90 % étaient issus de l'immigration.
C'est une caractéristique qu'il faut prendre en considération. Nous proposerons d'ailleurs des amendements pour que ceux qui représentent une menace pour la France et qui bénéficient d'un titre de séjour soient systématiquement expulsés du territoire national. Nous devons aussi tenir compte de la menace terrifiante et spécifique que représentent les sortants de prison. Ce sont 2 540 détenus qui soit sont déjà sortis de prison depuis 2018, soit en sortiront d'ici à 2022. Ces chiffres, ce sont les vôtres, monsieur le garde des sceaux.
Non, non !
Ils additionnent les individus qui ont été condamnés pour terrorisme islamiste et – c'est là où nous divergeons peut-être – les détenus de droit commun qui se sont radicalisés en prison. Ce sont les chiffres de l'administration pénitentiaire, nous pourrons en débattre.
Lors de son audition en présence de Mme la présidente de la commission des lois et du rapporteur Raphaël Gauvain, le procureur national antiterroriste, Jean-François Ricard, nous disait que, plus qu'une inquiétude, il nourrissait une vraie peur s'agissant du devenir d'une dizaine de détenus très dangereux qui vont sortir de prison et dont les convictions sont absolues.
Depuis 2017, les réponses législatives ont été imparfaites. La loi SILT a dégradé le niveau de protection par rapport à celui qui prévalait sous l'empire de l'état d'urgence décrété le 13 novembre 2015 dans la nuit tragique des attentats qui ont touché le Bataclan. En effet, sous le régime de l'état d'urgence, 750 assignations à résidence à domicile avaient été prononcées et 4 469 perquisitions effectuées ; sous l'empire de la loi SILT, ce sont à peine 425 MICAS et 462 visites domiciliaires, soit dix fois moins pour ces dernières.
Le projet de loi doit poursuivre deux objectifs : d'une part, protéger nos concitoyens en prolongeant les dispositions de la loi SILT qui bien qu'imparfaites, ont tout de même le mérite d'exister ; d'autre part, tirer toutes les conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel de la loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine dont Mme Braun-Pivet était à l'origine.
Nous approuverons les dispositions du projet de loi mais, en conscience, je vous le dis, messieurs les ministres : le texte n'est pas à la hauteur de la menace. Afin d'apporter notre contribution, nous proposons donc d'aller beaucoup plus loin, notamment en instaurant une rétention de sûreté pour ceux qui menacent notre territoire, par le biais d'une réforme constitutionnelle qui pourrait être approuvée par la voie du référendum.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Dans les débats à venir, nous parlerons de libertés et de la restriction de certaines d'entre elles, mais aussi d'algorithmes, de méthodes intrusives, de surveillance des réseaux ou de contournement des données cryptées. Sur certains bancs – d'ailleurs désertés –, il n'est question que de cela.
Mme Blandine Brocard désigne les bancs du groupe FI.
Mais il faut toujours garder à l'esprit ce dont nous débattons : la prévention de la pire menace qui pèse sur notre société ; la sécurité de nos concitoyens ; les possibilités données à nos services de renseignement de détecter le risque dès les premières lueurs – dès les premières ténèbres, devrais-je dire –, bien avant qu'un acte irréparable ne soit commis. Il s'agit de s'attaquer aux racines d'un mal qui détruit des vies, qui annihile le cœur même de notre manière de vivre, en autorisant le recours à des moyens tout aussi modernes que ceux utilisés pour disséminer cette gangrène mortifère.
Certains nous diront qu'ils craignent les fameux effets de bord ; qu'en pêchant avec un filet aux mailles trop serrées, on peut redouter une trop grande intrusion dans la vie privée de nos concitoyens. Mais les algorithmes dont nous parlons n'ont rien à voir avec ceux utilisés par de grandes sociétés qui sont précisément destinés à analyser les comportements de tous pour ensuite cibler individuellement chacun de nous en nous adressant de la publicité personnalisée. Ce que nous acceptons de Google, ne pourrions-nous pas l'accepter de nos services de renseignement ?
À partir de milliards d'octets de données, il s'agit d'extraire certaines chaînes de comportements identifiés et connus afin de cibler quelques dizaines, au mieux quelques centaines, d'individus pour lesquels on pourra envisager ensuite le recours à des méthodes d'investigation plus actives. Les données qui n'entrent pas dans le champ de la recherche seront effacées. Qui plus est, de très nombreux garde-fous sont prévus : le contrôle par la justice, par le Conseil d'État et par la CNTCR, qui est une autorité administrative indépendante.
Nos services de renseignement doivent absolument être dotés de moyens nouveaux, parce que les terroristes, eux, disposent de moyens nouveaux et ne s'encombrent pas de la moindre hésitation vis-à-vis du respect et de la protection de nos libertés numériques. Désamorcer en amont le maximum de comportements qui amèneraient un terrible drame, voilà l'ambition du volet relatif au renseignement du texte. Hélas, malgré le travail extraordinaire de nos services de renseignement et de tous ceux qui œuvrent dans l'ombre, certains individus commettent des actes irréparables qui meurtrissent, au plus profond de leur chair, les Français et la France. Il nous faut donc agir contre ces personnes et introduire des mesures de sûreté à l'encontre de celles qui ont été condamnées pour acte de terrorisme, en faisant preuve d'une fermeté draconienne et d'une proportionnalité mesurée au regard du risque que font peser certains comportements pour notre société.
À travers ce texte, nous pérennisons les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance qui s'adressent à des personnes susceptibles de passer à l'acte mais qui n'ont pas commis de crime. Ces mesures doivent répondre à une menace réelle, étayée et appréciée par le juge. Elles pourront aussi viser des personnes qui ont été condamnées pour un acte terroriste et qui ont certes purgé leur peine mais dont le comportement fait toujours craindre une récidive. D'autres mesures de sûreté pourront concerner ces dernières. Il faudra veiller à ce que les modalités d'application permettent de cibler tout ce que l'on pourrait qualifier de comportements « gris ». Car personne évidemment, à moins de se voiler dramatiquement la face, ne pourrait comprendre qu'un terroriste condamné et présentant toujours un comportement à risque soit relâché dans nos villes, sans qu'aucun contrôle ne soit possible.
Grâce à la pérennisation des mesures instaurées en 2017 qui ont prouvé leur efficacité, ainsi qu'aux leçons tirées de leur application, qui conduisent à les renforcer, nous nous dotons d'outils efficaces pour poursuivre la lutte contre ceux qui menacent notre société de l'ultime violence qu'est le terrorisme islamiste.
Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés fera plusieurs propositions visant à simplifier et à renforcer certaines procédures. Nous souhaitons notamment supprimer le délai de quarante-huit heures et la procédure contradictoire lorsqu'est prise la décision de fermeture d'un lieu de culte, parce que ces seules quarante-huit heures peuvent hélas être largement mises à profit pour fomenter un acte. Nous proposerons également que l'interdiction du territoire français puisse être prononcée à l'encontre d'un étranger violant une mesure de fermeture de lieu de culte ou d'un lieu en dépendant. Nous souhaitons par ailleurs marquer clairement la différence entre les MICAS appliquées de manière préventive et celles qui concernent des terroristes avérés et condamnés. Protéger la vie de nos concitoyens et préserver notre État de droit, tel est l'équilibre délicat et fragile mais fondamental que permettent les différentes mesures que nous allons étudier. Notre groupe votera en faveur du texte et lui apporte son plein soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Certes, cela a été dit, le terrorisme a changé de visage. Mais les nouvelles mesures déployées semblent toujours en retard sur celles qui pourraient mieux nous protéger. Disons d'emblée que la prévention des actes de terrorisme est un objectif hautement légitime. Reste à savoir si les mesures en discussion le sont aussi et surtout si elles seront efficaces. Nous avons connu les attaques préparées depuis l'étranger, dont les assaillants s'échappaient au-delà des frontières et qui étaient financées par des flux issus de réseaux de comptes internationaux. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à des assaillants isolés ou en petit nombre, agissant de concert ou pas et passant, en raison même de leur isolement, entre les mailles des radars habituels de surveillance et de lutte contre les organisations criminelles. L'évolution de la menace terroriste se traduit en effet par la commission d'actes solitaires par des individus qui se réclament d'une cause, sans organisation qui les aurait préparés et, de ce fait, difficiles à repérer.
Le projet de loi comporte plusieurs dispositifs. Il reprend le principe d'une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion visant les anciens condamnés pour terrorisme. Si les conditions de la mesure ont été précisées pour éviter la censure du Conseil constitutionnel, les concepts mêmes de dangerosité et de risque de récidive restent flous. Est-ce par manque de moyens matériels et humains ? De plus, on ne peut que s'interroger sur la condition selon laquelle la personne condamnée a été mise en mesure de bénéficier de mesures de nature à favoriser la réinsertion tant l'état actuel des prisons et la maigreur des moyens ne semblent pas de nature à en assurer l'effectivité.
Le texte vise également à pérenniser l'utilisation des algorithmes introduite par la loi de 2015 relative au renseignement. Il prévoit également l'échange de renseignements entre différents services pouvant relever d'une finalité différente de celle qui a justifié leur recueil : on s'affranchit ainsi du principe de l'individualisation de la surveillance qui prévalait et l'on crée une voie de transmission de renseignements à des services qui n'auraient pas pu les obtenir, donc éventuellement à des services de renseignement non habilités à les requérir. Comme l'ont noté plusieurs experts, le risque est grand que lesdits services demandent à des services habilités d'utiliser une technique de renseignement à laquelle ils n'ont pas accès pour obtenir des informations. Certes, la demande serait transmise à la CNCTR mais, compte tenu du caractère profondément attentatoire aux libertés et à la vie privée de la mesure, il serait légitime que les décisions soient confiées à une autorité indépendante.
Parallèlement, pourra désormais être transmise par les autorités administratives toute information, même couverte par un secret protégé par la loi, strictement nécessaire à l'accomplissement des missions des services de renseignement et susceptible de concourir à la défense et à la promotion des intérêts fondamentaux de la nation. Ni la nature des informations – qui peuvent être liées par exemple à l'état de santé d'un patient dans un établissement public – ni leur durée de conservation ne sont précisées, ce qui est inquiétant.
De plus, l'article 8 du projet de loi instaure un régime autonome de conservation des renseignements pour les seuls besoins de la recherche et du développement en matière de capacité technique de recueil et d'exploitation des renseignements. La durée de cinq ans retenue paraît excessive au vu des risques encourus. Le principe même de la validation de la conservation massive de données à des fins de recherche et de développement pose des difficultés sur le fond, alors même que la CNCTR doit se contenter d'adresser une recommandation au Premier ministre tendant à la suspension d'un programme de recherche lorsqu'elle estime que ce dernier ne respecte plus les conditions posées dans le texte.
Enfin, le projet de loi autorise une nouvelle technique de renseignement, l'interception de correspondances émises ou reçues par la voie satellitaire. L'expérimentation prévue permettrait la collecte systématique et automatique des données relatives à des personnes pouvant n'avoir aucun lien autre qu'une simple proximité géographique avec l'individu effectivement surveillé. Le champ est donc large.
Notons aussi que l'État a été rappelé à l'ordre en octobre 2020 par la Cour de justice de l'Union européenne, qui lui a reproché d'obliger des fournisseurs d'accès à internet à conserver pendant un an les données de connexion de leurs utilisateurs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Cette décision ne me semble pas hasardeuse. Le terrorisme constitue un fléau international, qui impose de prendre des mesures à la même échelle. Les États de l'Union européenne soumis à la même jurisprudence n'y ont pas vu une quelconque atteinte à leur souveraineté juridique.
En conclusion, nous souhaitons que le débat ait lieu en séance afin que l'ensemble des groupes puissent prendre clairement position.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Depuis plus d'un an, la crise de la covid-19 a envahi l'espace médiatique mais aussi la vie quotidienne de tous les Français. Pourtant, plusieurs événements dramatiques se sont chargés de nous rappeler que la menace terroriste est toujours bien présente. Le terrorisme n'est pas l'expression d'une fureur incontournable ; il est devenu aujourd'hui une arme politique, notamment grâce aux nouvelles technologies. Le but du terrorisme est tout simplement de provoquer peur et terreur. La peur mine toute confiance de nos concitoyens dans notre propre système démocratique, elle affaiblit l'ennemi de l'intérieur et démoralise le public. C'est la raison pour laquelle le projet de loi est indispensable.
Le texte n'est pas circonstanciel. Les mesures qu'il est ici proposé d'inscrire dans le droit commun ont été éprouvées et évaluées depuis plusieurs années. Ceux qui accusent le Gouvernement de réagir à chaque événement par une loi ont tort en ce qui concerne celle que nous examinons aujourd'hui, je le dis avec fermeté. Ils ont tort et, par là même, font du tort à nos institutions. Le projet de loi devait être discuté l'année dernière. Hélas, nous avons dû reporter la discussion à cause justement de la crise de la covid-19. Je tiens à souligner le travail exceptionnel de nos deux rapporteurs. Le groupe Agir ensemble est particulièrement fier que la partie concernant le renseignement ait été confiée à Loïc Kervran, dont la finesse d'expertise n'a d'égal que l'humilité.
« Protéger l'individu sans désarmer l'État est l'impératif qui s'impose au législateur » : c'est ainsi que le rapporteur de la loi relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques, le député François Massot, s'exprimait. Ce qui était l'enjeu de la loi de 1991 le reste aujourd'hui.
Le projet de loi regroupe, d'une part, les mesures de la loi SILT de 2017, d'autre part, les mesures de la loi relative au renseignement de 2015, avec quelques améliorations, et enfin une mesure visant à pallier la déclaration d'inconstitutionnalité de la proposition de loi de Yaël Braun-Pivet instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine.
Le projet de loi prévoit notamment de pérenniser la technique dite de l'algorithme, expérimentée depuis 2015, et d'étendre la surveillance algorithmique aux URL, c'est-à-dire aux adresses de connexion internet. La conservation des données de connexion est également réformée. Le projet de loi tire les conséquences de la décision French Data Network du Conseil d'État en date du 21 avril 2021. Les modalités de conservation spécifiques sont introduites pour les données relatives à l'identité civile, aux adresses IP – internet protocol – et aux informations autres que l'identité fournie lors de la souscription d'un contrat. En cas de menace grave sur la sécurité nationale, le Premier ministre pourra enjoindre aux opérateurs de conserver les données de connexion des utilisateurs pendant un an au maximum. Pour les besoins des autorités disposant d'un accès à ces données, un mécanisme de conservation rapide est insaturé. Par ailleurs, en cas d'avis défavorable de la CNCTR préalablement à la mise en œuvre d'une technique de recueil de renseignements, le Conseil d'État devra se prononcer, sauf urgence.
Le texte fluidifie, tout en les encadrant, les échanges de renseignements et d'informations entre services de renseignement et autorités administratives. Il permet également la transmission d'informations par l'autorité judiciaire aux services de renseignement ainsi qu'à l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI) dans les affaires complexes de criminalité organisée et d'attaques informatiques. Il autorise le brouillage des drones pour prévenir les menaces lors de grands événements, à l'occasion de certains convois ou en cas de survol d'une zone interdite.
En commission des lois, le travail a été fructueux. Plus de quatre-vingts amendements ont été adoptés, dont sept présentés par le groupe Agir ensemble, permettant notamment de limiter à un seul renouvellement l'institution d'un périmètre de protection ou encore de simplifier la procédure de renouvellement des MICAS.
Le travail des trois groupes de la majorité a également permis l'adoption d'un amendement visant à aggraver les peines encourues en cas de violation des obligations imposées par les mesures de sûreté créées par l'article 5 du projet de loi. La peine encourue sera la même que celle prévue en cas de violation d'une MICAS, c'est-à-dire non plus un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende mais trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Le groupe Agir ensemble se réjouit également de l'introduction par voie d'amendement de l'article 17 bis , qui permet d'élargir les missions et les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement. Le travail accompli par cette instance créée en 2007 est fondamental pour notre démocratie ; il doit être encouragé.
Le texte qui nous est présenté est le fruit de plusieurs années de travail et d'observations de terrain. Il est indispensable à ceux qui ont pour mission de nous protéger et le groupe Agir ensemble votera en sa faveur bien évidemment.
Je vous le dis d'emblée, le groupe UDI et indépendants accueille favorablement le projet de loi. Ses dispositions, inscrites dans la loi en 2017 mais aussi dans le règlement au moment de la sortie de l'état d'urgence, visaient à nous doter des moyens de mieux lutter contre le terrorisme. Depuis, la crise sanitaire a frappé et a un peu détourné notre attention. Mais ne l'oublions jamais : alors qu'en avril 2020, la France était totalement à l'arrêt, confinée et tétanisée, un père de famille, qui faisait ses courses dans une boucherie, était poignardé à mort sous les yeux de son fils à Romans-sur-Isère.
Vous avez rappelé, monsieur le ministre, la triste liste des attentats, de celui de la basilique Notre-Dame à Nice à celui contre Stéphanie Monfermé, fonctionnaire de police à Rambouillet. La menace reste intacte. Depuis l'attentat contre des militaires à Montauban et contre l'école juive Ozar Hatorah à Toulouse, en 2012, notre pays a subi des dizaines d'attentats terroristes, tous islamistes : 271 morts, des milliers de blessés et des milliers de familles brisées. Avec le projet de loi, nous adopterons pour la quatrième fois une loi antiterroriste depuis le début du quinquennat, et pour la neuvième fois depuis 2012 !
Il faut nommer le mal – vous l'avez fait, monsieur le ministre. Notre pays est confronté à un phénomène massif : la radicalisation islamiste qui soutient, exalte, annonce le terrorisme et qui en est le terreau. C'est une idéologie du chaos qui glorifie la mort et corrompt les esprits au sein même de notre société.
Aucun enfant ne naît raciste, djihadiste ou terroriste mais l'islamisme transforme les individus qui ont grandi ici, qui ont fréquenté les écoles de la République, en ennemis mortels prêts à frapper et à retourner les armes contre leurs propres compatriotes. Depuis mon entrée à l'Assemblée, j'ai siégé dans la plupart des commissions d'enquête, participé à des dizaines d'heures d'auditions, effectué des dizaines de déplacements et fait des dizaines de visites dans les prisons et il me faut constater que nous sommes le plus souvent en présence d'hommes structurés idéologiquement, déterminés à mener une guerre totale contre la France. Il ne s'agit ni de fous sous l'emprise de bouffées délirantes, ni de déséquilibrés mais de soldats de l'islam radical.
Une règle doit être appliquée : s'il y a un doute, car parfois, il y en a, il doit bénéficier à nos concitoyens, seulement à eux, et non aux djihadistes, même s'ils sont repentis. Un État de droit, c'est un État qui protège avant tout ses citoyens, lorsqu'ils vont au théâtre, lorsqu'ils font leurs courses ; c'est un État qui protège ses enfants lorsqu'ils regardent, émerveillés, un feu d'artifice le jour de la fête nationale.
Les services de l'État ont utilisé les dispositifs en faisant preuve de discernement ; ils ont su les adapter face aux menaces. Pour le groupe UDI-I, tout l'enjeu porte sur leur proportionnalité aux atteintes aux libertés fondamentales qu'ils impliquent. En outre, leur pérennisation ne doit pas être synonyme de banalisation.
À titre personnel, je ne vous cache pas que j'aurais aimé que le texte aille plus loin. Plusieurs de mes amendements ont été déclarés irrecevables, ce que je regrette. Je proposais la déchéance de nationalité – au moins pour les binationaux –, l'interdiction du retour sur le territoire des individus ayant séjourné sur un terrain d'opérations terroristes, la suppression des allocations familiales, sur décision d'un juge après examen du dossier, en cas de déficience des parents d'un enfant condamné pour terrorisme. Je souhaitais aussi la création de centres de rétention administrative destinés aux terroristes les plus dangereux ayant purgé leur peine.
Cette dernière mesure est très efficace et parfaitement compatible avec l'État de droit comme l'atteste le cas d'Israël, État démocratique que je connais bien, exposé depuis sa création au terrorisme. En vingt ans, la rétention administrative a permis – écoutez bien, messieurs les ministres –, de diviser par quinze le nombre des victimes et d'éviter des milliers d'attentats. Lorsqu'un djihadiste passe à l'acte, il est déjà trop tard ; avant, le risque n'est pas toujours avéré. Je vous invite à venir visiter ma circonscription pour constater par vous-mêmes l'efficacité d'Israël dans la lutte contre le terrorisme.
Chers collègues, face à ce défi existentiel, une République de combat s'impose. Concernant le volet terroriste, notre groupe a formulé plusieurs propositions de bon sens pour compléter le projet de loi : possibilité de procéder à la fouille d'un véhicule sans le consentement du conducteur, fermeture automatique des annexes des lieux de culte fermés, interdiction pour une personne condamnée d'administrer et de diriger une association cultuelle, etc.
Pour le groupe UDI-I, le volet consacré au renseignement couvre un champ extrêmement technique dont la portée tend à s'accroître à mesure que l'on avance dans le projet de loi. Cette partie du texte requiert donc, et je vais vite, une vigilance accrue afin de s'assurer que les dispositifs instaurés font l'objet d'un encadrement strict empêchant tout dévoiement de leur utilisation. Les techniques algorithmiques posent question, de même que la durée de la conservation des données ; le contrôle exercé par la CNCTR n'est pas assez poussé ; certaines techniques ou échanges d'informations nécessiteraient, à notre sens, un avis conforme.
Nous serons donc très attentifs aux débats sur tous ces sujets, ainsi qu'à l'accueil qui sera réservé à nos amendements.
Mme Agnès Thill applaudit.
28 mai 2021, 23 avril 2021, 29 octobre 2020, 16 octobre 2020, 25 septembre 2020 : ces dates, dont la litanie n'est malheureusement pas exhaustive, correspondent aux jours où notre pays a été ensanglanté par des fous d'Allah, ces islamistes qui frappent, poignardent, égorgent, décapitent sous nos fenêtres, dans nos rues, ou à côté de chez nous. La France, pays le plus touché par les attentats islamistes commis en Europe et en Amérique du Nord, concentre à elle seule près de 44 % des attentats islamistes et 42 % des victimes en Europe.
Je vais vous le dire franchement, j'en ai assez : assez des mauvaises réponses apportées à de vrais problèmes, assez de cette fausse pudeur des gouvernements successifs trop lâches pour nommer le mal, assez de voir la France se scléroser et les Français ne plus se sentir en sécurité chez eux, assez d'entendre, lorsque certaines mesures fortes sont proposées : « Impossible, c'est anticonstitutionnel. »
Quel est donc ce pays qui se cache derrière des normes qui ne sont manifestement plus adaptées ? Si la Constitution n'est plus capable d'offrir le cadre nécessaire pour assurer la sécurité des Français, alors je le dis : changeons-la, et de toute urgence. Stop, donc, aux Beauvau de la sécurité, aux marches blanches et aux bougies ; stop aux énièmes lois antiterroristes en demi-teinte qui ne nous donnent pas les moyens de gagner cette guerre contre les terroristes, contre les islamistes, afin de protéger notre art de vivre, notre identité, notre héritage, notre civilisation.
Si nous devons encore une fois légiférer, alors que ce soit la bonne.
Je suis donc d'accord avec vous pour élargir la fermeture des lieux de culte aux locaux qui y sont rattachés mais pourquoi la limiter à six mois ? Qu'elle soit appliquée autant que de besoin, selon une durée laissée à l'appréciation des juges.
D'accord avec vous pour que de véritables mesures de surveillance des islamistes sortant de prison soient instaurées, mais, s'il vous plaît, pas de fausse naïveté : notre système ne fonctionne pas. Il y a pourtant urgence : en mars 2020, dans les prisons françaises, 534 personnes étaient détenues pour des actes de terrorisme en lien avec la mouvance islamiste et 154 d'entre elles devaient être libérées dans les trois ans qui viennent ; selon le renseignement pénitentiaire, 853 détenus de droit commun sont considérés comme radicalisés, dont 327 doivent être libérés avant fin 2022.
D'accord avec vous pour fluidifier la coopération entre les services de renseignement car dans un contexte de guerre asymétrique, plus nos services de renseignement travailleront de concert, plus notre action sera efficace. Je le dis avec d'autant plus de conviction que seul un renseignement affûté permettra de renforcer la prévention des actes terroristes. Je tiens d'ailleurs à saluer et à rendre hommage à tous nos services de renseignement qui ont aidé à déjouer pas moins de 36 attentats en France depuis 2017, comme ce fut le cas à Béziers, en avril dernier, contribuant ainsi à sauver de nombreuses vies.
Alors faites donc mais, par pitié, ne nous dites plus, comme j'ai pu l'entendre en commission, que le bracelet électronique serait trop intrusif ; ne demandez plus aux personnes qui doivent être fouillées si elles sont d'accord. Arrêtez de vous voiler la face et de retoquer toutes les mesures de protection des Français sous prétexte que, peut-être, le Conseil constitutionnel les censurera. Au contraire, renforçons les sanctions pénales à l'encontre de toute personne encourageant la commission d'actes terroristes ; rendons possible aux maires l'accès au fichier national automatisé des auteurs d'infractions terroristes ; expulsons hors de France toute personne de nationalité étrangère figurant dans ce FIJAIT dès lors qu'elle a fait l'objet d'une condamnation ; enfin, contrôlons davantage ce qui se passe dans nos prisons en réglementant strictement l'accès au téléphone et à internet des personnes radicalisées.
Il n'est plus temps d'opposer sécurité et liberté car la sécurité est le socle préalable à l'exercice de nos libertés ; il est temps, en revanche, de regarder en face les liens entre immigration et terrorisme. C'est une évidence, l'idéologie islamiste s'est développée en France et en Europe à la suite des politiques migratoires des quarante dernières années. Faut-il vous le rappeler, parmi les 42 auteurs d'attentats terroristes recensés depuis l'attentat contre Charlie Hebdo, seuls quatre ne sont pas d'origine immigrée. C'est un fait, pas une affaire d'idéologie, simplement un fait. Tant que nous refuserons de regarder cette réalité en face, notre lutte antiterroriste sera vaine. Au fond, tout cela n'est qu'une affaire de lucidité et de courage.
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures quarante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra