…et qui puise ses racines dans la Déclaration de 1789.
Sachant que l'objectif des terroristes de tout poil est de s'en prendre à nos fondamentaux républicains, vous pouvez y renoncer en vous disant « ça passe, le fait de faire appel au juge des libertés de la détention suffit pour respecter la Constitution ». Vous pouvez aussi être de ceux qui le refusent, considérant que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est un point d'appui dans la lutte contre le terrorisme, un outil efficace et déterminant, que sans elle nous ne serions plus un État de droit, une République.
Voyons un peu plus en détail les mesures du projet de loi. Les dispositifs prévus sont attentatoires aux libertés par nature : on va vous écouter, vous regarder, vous enregistrer – c'est le principe. Mais sont-ils proportionnés au but recherché ? Est-ce efficace ? On nous rétorquera que la loi SILT a permis d'arrêter des gens. Très bien, je n'en doute pas ; à aucun moment, je n'en ai douté. Mais aurions-nous pu le faire dans le cadre judiciaire, c'est-à-dire sous le contrôle d'un magistrat ? À mon avis, oui.
On ne peut évidemment pas expérimenter deux dispositifs en même temps, l'un administratif et l'autre judiciaire. On prend alors souvent le chemin le plus court. En 2017, ce sont les arguments qui ont été avancés ici pour justifier le recours à des procédures administratives : elles sont plus courtes – sinon plus rapides – que les procédures judiciaires. Elles impliquent moins d'intervenants et surtout pas de magistrats indépendants qui pourraient s'inquiéter du respect des libertés fondamentales et demander les raisons de la mise sur écoute de celui-ci ou de celle-là, ou de la pose d'une balise là-bas. On ne se pose pas toutes ces questions lors d'une procédure administrative, ce que je comprends, mais le recours au juge fait la force d'un l'État de droit.
L'effet cliquet contamine le reste du droit pénal et du droit administratif, il faut le dire. Sur le plan sémantique, vous êtes passé du séparatiste au terroriste. La durée de la rétention de sûreté a été portée de vingt-deux à trente ans, par le biais d'un amendement déposé après la mort d'un policier. J'espère que, dans cet hémicycle, personne ne croit que le tireur n'aurait pas abattu le policier s'il avait su que la période de sûreté serait de trente ans. Dans cette escalade perpétuelle, on s'est aligné sur les infractions en matière terroriste.
L'effet cliquet a joué dans le cadre de la mobilisation contre le projet Cigéo d'enfouissement des déchets nucléaires à Bure. Je cite cet exemple à dessein : le procès des opposants au projet vient de s'ouvrir devant le tribunal correctionnel de Bar-le-Duc. On apprend que des moyens habituellement réservés à la lutte contre le terrorisme ont été utilisés contre les militants politiques.