Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mardi 1er juin 2021 à 15h00
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Certaines des enquêtes les concernant ont été supervisées par le bureau de lutte antiterroriste de la gendarmerie nationale ! Les agents n'ont-ils donc pas mieux à faire ? Vous comprenez bien qu'il y a là un problème de fond. Je ne prétends pas qu'il ne faut rien faire, mais simplement qu'il faut agir dans un cadre judiciaire et que, si des moyens méritent d'être adaptés, ce sont les moyens humains, et non les moyens juridiques – et pas au prix du renoncement à nos libertés fondamentales et individuelles.

Je pourrais poursuivre en soulignant que le fameux dispositif des boîtes noires, que nous nous apprêtons à prolonger, a fait l'objet d'un rapport remis par le Gouvernement. N'y ayant pas eu accès – en tant que simple député non-membre de la délégation parlementaire au renseignement, je n'ai pas le droit d'en connaître, comme dirait l'autre –, je lis la presse. J'apprends ainsi, dans le journal Le Monde, que les boîtes noires n'ont permis de déboucher sur aucun objectif opérationnel. J'en déduis bêtement que le dispositif n'a pas atteint son but et qu'il s'éteindra donc de lui-même. Eh bien non ! Que nous explique-t-on, au contraire ? Que si nous n'avons rien trouvé, c'est que nous n'avons pas tout regardé. On nous propose donc d'étendre le champ des données recueillies aux URL, c'est-à-dire aux sites internet consultés par un utilisateur. C'est une fuite en avant permanente !

Certains demandent pourquoi, puisque les GAFAM utilisent des algorithmes, nous n'en ferions pas autant. Soit ils méconnaissent ce qu'est un algorithme, soit ils tiennent des propos d'estrade – à moins qu'une autre option m'échappe –, parce que cela n'a rien à voir avec le dispositif qui nous est soumis. Un algorithme est un mécanisme permettant d'automatiser du traitement de données : chacun en a utilisé directement ou indirectement au cours de sa vie. Tout l'enjeu réside dans l'objectif qu'on se fixe. À ceux qui estiment que, puisque les GAFAM savent utiliser des algorithmes, nous devrions les imiter, je réponds que je ne suis pas tout à fait d'accord pour que nous leur laissions ce pouvoir. C'est pourquoi j'estime que le règlement général sur la protection des données (RGPD) qui s'applique à l'échelon européen ne va pas assez loin.

Chacun comprend que tous ces éléments ne permettent pas de contenir parfaitement la menace. On l'a d'ailleurs constaté : après l'assassinat abject de Samuel Paty, quelle a été la réaction du ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin ? Estimant qu'il ne pouvait pas rester sans rien faire, il a cherché quels moyens d'action il avait sous la main et s'est tourné vers les mesures administratives lui permettant de fermer des lieux de culte : ainsi, s'est-il dit, les intéressés reviendraient dans le droit chemin et il en attraperait peut-être quelques-uns au passage ! La décision serait contestée devant le Conseil d'État, mais cela ne passerait pas et cela aura au moins eu son effet médiatique et politique : le ministre aura montré qu'il agit.

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