Mais il faut toujours garder à l'esprit ce dont nous débattons : la prévention de la pire menace qui pèse sur notre société ; la sécurité de nos concitoyens ; les possibilités données à nos services de renseignement de détecter le risque dès les premières lueurs – dès les premières ténèbres, devrais-je dire –, bien avant qu'un acte irréparable ne soit commis. Il s'agit de s'attaquer aux racines d'un mal qui détruit des vies, qui annihile le cœur même de notre manière de vivre, en autorisant le recours à des moyens tout aussi modernes que ceux utilisés pour disséminer cette gangrène mortifère.
Certains nous diront qu'ils craignent les fameux effets de bord ; qu'en pêchant avec un filet aux mailles trop serrées, on peut redouter une trop grande intrusion dans la vie privée de nos concitoyens. Mais les algorithmes dont nous parlons n'ont rien à voir avec ceux utilisés par de grandes sociétés qui sont précisément destinés à analyser les comportements de tous pour ensuite cibler individuellement chacun de nous en nous adressant de la publicité personnalisée. Ce que nous acceptons de Google, ne pourrions-nous pas l'accepter de nos services de renseignement ?
À partir de milliards d'octets de données, il s'agit d'extraire certaines chaînes de comportements identifiés et connus afin de cibler quelques dizaines, au mieux quelques centaines, d'individus pour lesquels on pourra envisager ensuite le recours à des méthodes d'investigation plus actives. Les données qui n'entrent pas dans le champ de la recherche seront effacées. Qui plus est, de très nombreux garde-fous sont prévus : le contrôle par la justice, par le Conseil d'État et par la CNTCR, qui est une autorité administrative indépendante.
Nos services de renseignement doivent absolument être dotés de moyens nouveaux, parce que les terroristes, eux, disposent de moyens nouveaux et ne s'encombrent pas de la moindre hésitation vis-à-vis du respect et de la protection de nos libertés numériques. Désamorcer en amont le maximum de comportements qui amèneraient un terrible drame, voilà l'ambition du volet relatif au renseignement du texte. Hélas, malgré le travail extraordinaire de nos services de renseignement et de tous ceux qui œuvrent dans l'ombre, certains individus commettent des actes irréparables qui meurtrissent, au plus profond de leur chair, les Français et la France. Il nous faut donc agir contre ces personnes et introduire des mesures de sûreté à l'encontre de celles qui ont été condamnées pour acte de terrorisme, en faisant preuve d'une fermeté draconienne et d'une proportionnalité mesurée au regard du risque que font peser certains comportements pour notre société.
À travers ce texte, nous pérennisons les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance qui s'adressent à des personnes susceptibles de passer à l'acte mais qui n'ont pas commis de crime. Ces mesures doivent répondre à une menace réelle, étayée et appréciée par le juge. Elles pourront aussi viser des personnes qui ont été condamnées pour un acte terroriste et qui ont certes purgé leur peine mais dont le comportement fait toujours craindre une récidive. D'autres mesures de sûreté pourront concerner ces dernières. Il faudra veiller à ce que les modalités d'application permettent de cibler tout ce que l'on pourrait qualifier de comportements « gris ». Car personne évidemment, à moins de se voiler dramatiquement la face, ne pourrait comprendre qu'un terroriste condamné et présentant toujours un comportement à risque soit relâché dans nos villes, sans qu'aucun contrôle ne soit possible.
Grâce à la pérennisation des mesures instaurées en 2017 qui ont prouvé leur efficacité, ainsi qu'aux leçons tirées de leur application, qui conduisent à les renforcer, nous nous dotons d'outils efficaces pour poursuivre la lutte contre ceux qui menacent notre société de l'ultime violence qu'est le terrorisme islamiste.
Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés fera plusieurs propositions visant à simplifier et à renforcer certaines procédures. Nous souhaitons notamment supprimer le délai de quarante-huit heures et la procédure contradictoire lorsqu'est prise la décision de fermeture d'un lieu de culte, parce que ces seules quarante-huit heures peuvent hélas être largement mises à profit pour fomenter un acte. Nous proposerons également que l'interdiction du territoire français puisse être prononcée à l'encontre d'un étranger violant une mesure de fermeture de lieu de culte ou d'un lieu en dépendant. Nous souhaitons par ailleurs marquer clairement la différence entre les MICAS appliquées de manière préventive et celles qui concernent des terroristes avérés et condamnés. Protéger la vie de nos concitoyens et préserver notre État de droit, tel est l'équilibre délicat et fragile mais fondamental que permettent les différentes mesures que nous allons étudier. Notre groupe votera en faveur du texte et lui apporte son plein soutien.