Le projet de loi est pour notre pays d'une importance particulière, tant il concerne au premier rang notre sécurité mais aussi notre souveraineté. Attentats, espionnage, cybercriminalité, trafics en tout genre : chaque jour, l'actualité nous rappelle combien les menaces, omniprésentes, prennent des formes de plus en plus variées, s'affranchissent des frontières et se nourrissent du progrès technologique.
Ces dernières années, des dizaines d'attentats ont pu être déjoués – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre – grâce au travail minutieux effectué dans le plus grand secret par nos services de renseignement. Des vies sont à chaque fois sauvées, parfois au prix de celles de nos agents, sans que personne ne le sache. Je veux ici, à cette tribune, leur rendre un hommage appuyé.
Il y a six ans, la loi de 2015 relative au renseignement est venue poser le cadre juridique nécessaire, en démocratie, à l'activité de nos services de renseignement. Ce cadre juridique a fait ses preuves et il ne s'agit pas de bouleverser le juste équilibre auquel nous sommes parvenus, celui d'une loi qui a pour but d'encadrer et non d'entraver l'action des services. De nouvelles règles sont cependant nécessaires pour adapter notre arsenal juridique à une triple évolution.
C'est d'abord la menace terroriste qui évolue : elle est de plus en plus endogène et de moins en moins projetée depuis l'étranger. Nous devons faire face au problème des sortants de prison, qui seront de plus en plus nombreux ces prochaines années, et aussi détecter le mieux possible les signaux faibles, qui doivent donner l'alerte de possibles passages à l'acte. C'est dans ce contexte qu'est proposée la pérennisation de la technique dite de l'algorithme.
Ensuite, les évolutions technologiques donnent de nouveaux outils aux terroristes et aux trafiquants. Qu'il s'agisse de la 5G ou de la massification à venir des communications satellitaires, la course aux technologies est un véritable contre-la-montre qui ne doit souffrir aucun vide juridique.
Nous devons donner à la communauté du renseignement la capacité et les moyens de conserver son temps d'avance et son agilité. Enfin, il est nécessaire de transcrire dans notre droit les conséquences de la jurisprudence Tele2 de la CJUE quant aux règles applicables à la conservation des données.
En France comme dans la plupart des grandes démocraties occidentales, le renseignement a pris une place de plus en plus importante dans la société. Au cours des dernières années, le Gouvernement a donné la priorité au renforcement des moyens humains, techniques et budgétaires alloués à la communauté du renseignement. C'est indispensable si nous voulons lutter à armes égales avec ceux qui nous combattent, qui veulent notre perte et notre mort.
Cette montée en puissance doit s'accompagner du renforcement des contrôles qui pèsent sur la communauté du renseignement au titre d'une exigence démocratique indispensable dans un État de droit. Le rôle de la CNCTR est ainsi reconnu et conforté dans la mise en œuvre des nouvelles dispositions prévues par le projet de loi.
Ce rendez-vous législatif doit aussi être l'occasion de franchir une nouvelle étape dans le contrôle parlementaire de la politique publique du renseignement. C'est dans cet esprit que j'ai déposé avec tous les députés membres de la DPR – de façon transpartisane, ainsi que l'a rappelé la présidente de la commission des lois –, un amendement destiné à renforcer les prérogatives de cette instance dont j'assure actuellement la présidence.
Créée par la loi de 2007, la DPR exerce sa mission dans le respect du secret de la défense nationale. Au fil du temps, le milieu fermé du renseignement et celui de la représentation nationale ont appris à se connaître et ont noué, je crois pouvoir le dire, une relation de confiance. Cependant, la confiance n'exclut pas le contrôle. Déposé en commission, l'amendement fait du renforcement du contrôle parlementaire du renseignement une contrepartie nécessaire aux nouvelles prérogatives accordées au service, en élargissant le droit à l'information et le pouvoir d'audition de la DPR. Il s'agit de permettre à la représentation nationale d'assurer pleinement son contrôle dans le respect de la séparation des pouvoirs.
Le projet de loi fixe le cadre juridique dont nous aurons absolument besoin pour lutter efficacement contre toutes les formes de terrorisme. Il donne à la communauté du renseignement la capacité d'agir dans un cadre démocratique respectueux des droits et libertés. Il permet de protéger les droits et libertés de nos concitoyens et, in fine, notre souveraineté et notre indépendance.