Mais, malgré leur grand professionnalisme, la menace demeure élevée, les récents passages à l'acte nous l'ont tristement démontré. Les missions du renseignement restent nombreuses alors que les signaux faibles sont de plus en plus difficiles à détecter. Entre 2013 et 2019, cinquante-huit des cinquante-neuf attentats déjoués l'ont été grâce au renseignement humain. Tous les moyens nécessaires, notamment humains, doivent donc être mobilisés pour soutenir les services dans leur mission.
Le développement de techniques de renseignement fondées sur les communications informatiques et cellulaires peut représenter un atout majeur. Vous nous proposez d'autoriser la transcription ou l'extraction de renseignements utiles à une finalité différente de celle qui en a justifié le recueil ; d'étendre l'utilisation de l'IMSI-catcher, jusqu'à présent exceptionnelle car le dispositif est jugé très intrusif pour la vie privée ; d'expérimenter l'interception des communications empruntant la voie satellitaire ou encore de pérenniser l'expérimentation des boîtes noires. Vous nous demandez de voter toutes ces mesures aussi complexes que sensibles en accordant une confiance aveugle au Gouvernement, faute d'évaluation confirmant ou infirmant l'efficacité des mesures existantes. Le groupe GDR ne peut donc pas voter en faveur de leur extension.
En outre, nous regrettons la pérennisation des mesures adoptées dans la loi SILT, et la reprise de la proposition de loi de Mme la présidente Braun-Pivet pourtant jugée inconstitutionnelle. Là encore, nous nous interrogeons sur l'utilité de dispositions déjà appliquées, faute d'un rapport précis, chiffres à l'appui, permettant de nous prononcer en toute connaissance de cause sur leur prolongation.
Par ailleurs, nous nous étonnons de la présence d'un énième article sur la fermeture des lieux de culte alors que la question est déjà traitée par l'article 44 du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
Enfin, nous émettons également des doutes sur les définitions imprécises du projet de loi qui permettront la surveillance d'individus à l'égard desquels « il existe des raisons sérieuses » de penser que leur comportement constitue « une menace » d'une particulière gravité « pour la sécurité et l'ordre publics ». Comment ne pas s'inquiéter du risque de détournement de leur usage à d'autres fins que la détection des risques terroristes ? La rédaction succincte n'incite pas à la confiance. Nous ne sommes pas les seuls à exprimer de telles craintes : la CNIL a fait part de ses inquiétudes sur plusieurs articles du projet de loi et a formulé des recommandations afin qu'il respecte davantage la vie privée ; le Syndicat de la magistrature souligne pour sa part que l'adéquation et la proportionnalité des mesures ne sont pas évidentes à la lecture attentive des dispositions ; enfin, l'association La Quadrature du net s'inquiète d'un texte qui aurait pour conséquence un effondrement des moyens de protéger le secret de nos correspondances. La sécurité du pays ne peut en aucun cas servir de prétexte à une surveillance généralisée des citoyens et des citoyennes.
Malheureusement, le projet de loi franchit plusieurs lignes rouges, ce que nous ne pouvons pas accepter.
Enfin, je tiens à saluer l'action du collectif Accès aux archives publiques, dont les travaux ont abouti au dépôt de plusieurs amendements par des députés issus de nombreux bancs de l'hémicycle afin de concilier le droit d'accès aux archives et la protection des intérêts fondamentaux de la nation, en préservant un juste équilibre.
En l'état actuel du texte, le groupe GDR votera contre le projet de loi.