Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mardi 1er juin 2021 à 21h00
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Après l'article 1er bis

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

J'essaie de comprendre ce qui se trouve derrière votre amendement, madame la députée, car je ne vois pas très bien quel est l'intérêt de la disposition que vous proposez. À moins que vous ne soyez prête à accepter que l'on puisse procéder à un contrôle d'identité sans l'accord du procureur de la République et en dehors de la procédure judiciaire ?

Vous le savez, en France, un contrôle d'identité ne peut être effectué que sous l'autorité du procureur de la République, ou lorsque quelque chose de grave vient de se produire à quelques mètres des services de police. Dans le cas d'un refus de se soumettre à une palpation, aucune de ces deux possibilités ne s'applique. Soit le procureur de la République autorise les policiers et les gendarmes à contrôler l'identité d'une personne et ils peuvent le faire avant même qu'elle ait éventuellement refusé une palpation pour entrer, soit un contrôle d'identité a lieu parce que quelque chose de grave vient d'être commis et peu importe que la palpation ait été refusée ou non. Votre amendement n'est donc pas si anodin que cela.

Je reviendrai aussi sur la portée politique de la présentation que vous avez faite de votre amendement, madame la députée. Vous avez évoqué l'irrecevabilité d'un autre de vos amendements. Je ne sais quel était son objet : fort heureusement, au nom de la séparation des pouvoirs, le Gouvernement ne s'en mêle pas. Quant au présent amendement, dont Mme Le Pen est la première signataire, si je comprends bien votre démonstration, son objet est de savoir si les personnes qui refusent la fouille sont étrangères. En effet, à quoi pourrait donc bien servir un contrôle d'identité si ce n'est à savoir si la personne est étrangère ?

Quoi qu'il en soit, je voulais vous dire que réaliser ce contrôle d'identité ne nous donnerait pas grand-chose. Prenons l'exemple de l'attentat du Stade de France. Lors de l'examen de la proposition de loi relative à la sécurité globale, nous avons loué le courage des agents de sécurité privée qui s'y trouvaient et qui contribuent à la protection de notre territoire. Pour autant que je me souvienne, car je n'étais pas ministre à l'époque – nous étions sous un autre gouvernement –, un agent de sécurité a voulu empêcher quelqu'un d'entrer au Stade de France et procéder à sa palpation préalable. La personne en question a refusé et s'est fait sauter, entraînant la mort avec elle – je caricature sans doute largement ce qui s'est passé. Or je ne suis pas certain que l'outil du contrôle d'identité serait très dissuasif pour une personne qui aurait des intentions malveillantes et serait munie d'une bombe ou d'une arme. Et procéder à ce contrôle d'identité ne serait pas non plus très sûr pour la personne chargée de le faire, laquelle n'est pas, d'ailleurs, le plus souvent un policier ou un gendarme : c'est un agent de sécurité privée.

C'est pourquoi je crois que vous attraperiez tout sauf ce que vous souhaitez si cet amendement était adopté. Et en le rejetant, nous ne sommes pas naïfs : nous considérons qu'il est totalement inepte. Si quelqu'un a des intentions malveillantes, veut commettre un attentat terroriste dans un périmètre de protection et qu'il refuse une palpation, mieux vaut qu'il s'en aille et qu'il ne se fasse pas sauter, plutôt qu'un agent de sécurité privée ou un policier lui demande son identité. Cela ne donnerait pas grand-chose et pourrait l'inciter à se faire sauter car son projet d'attentat serait un échec et il pourrait se faire arrêter.

En outre, vous dites, madame la députée, que les personnes honnêtes ne refusent pas les contrôles, mais ce n'est pas tout à fait vrai. De nombreuses personnes refusent les contrôles à l'entrée d'un périmètre de protection parce qu'elles ont autre chose à cacher qu'un projet d'acte terroriste. Par exemple, il y a des gens qui ont des stupéfiants sur eux : vous conviendrez que cela peut arriver. Ces personnes pourront penser que la palpation à laquelle ils ne veulent pas se soumettre relève de la lutte contre les stupéfiants et non de la lutte contre le terrorisme. Il y a aussi des gens qui refusent une palpation parce qu'ils ont une bombe d'autodéfense sur eux. Il est interdit d'en avoir une sur la voie publique, mais ces personnes en détiennent une quand même car elles ont peur quand elles sortent dans la rue : cela peut arriver. D'autres personnes encore ont toujours leur couteau sur elles, alors que, selon la catégorie à laquelle il appartient, elles n'en ont peut-être pas le droit : cela peut également arriver.

Vous voyez donc, madame la députée, ce qui pourrait se passer si des policiers et des gendarmes contrôlaient les identités de toutes les personnes qui refusaient une palpation dans un endroit où il y a beaucoup de monde. Lors de l'arrivée du tour de France ou de je ne sais quel grand événement sportif, il faudrait un grand nombre de policiers et de gendarmes pour réaliser ces contrôles. L'agglutination ainsi provoquée donnerait une occasion plus importante aux terroristes pour toucher un grand nombre de personnes : jamais suffisamment de policiers et de gendarmes ne seraient réunis en un même lieu.

Je crois donc que votre amendement, qui était sans doute un amendement d'appel, ne vole pas, comme on disait à la commission des finances. J'émets donc un avis défavorable.

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