Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mardi 1er juin 2021 à 21h00
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Article 2

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Le fait que la personne soit ministre du culte importe peu ; l'important, c'est qu'elle soit directement liée aux discours séparatistes qui prônent la haine de notre pays, incitent à la violence, rabaissent les femmes ou les « mécréants ». Il n'y a aucune raison de se limiter aux ministres du culte. J'appelle d'ailleurs votre attention sur le fait que « ministre du culte » et imam, ce n'est pas la même chose ; c'est d'ailleurs un des problèmes sémantiques que nous avons rencontrés dans le cadre du projet de loi confortant le respect des principes de la République. Toute personne qui profère de tels propos, qui commet ou montre l'intention de commettre des actes contraires aux règles de la République, ou qui est ou pourrait être liée avec un attentat terroriste, mériterait la censure que vous évoquez dans l'amendement.

Au niveau administratif, cette personne peut avoir trois statuts : Française ou binationale, étrangère en situation régulière et étrangère en situation irrégulière.

Dans ce dernier cas, les choses sont très simples : à quelques rares exceptions près, où nous ne pourrions pas le faire car leur pays d'origine serait un théâtre de guerre – c'est par exemple le cas de la Libye ou de la Syrie –, nous expulsons du territoire national les personnes qui n'ont déjà pas le droit de se trouver sur le territoire national. Vu la difficulté que peut représenter l'expulsion, nous donnons la priorité aux personnes inscrites dans un fichier de radicalisation et aux responsables de désordres publics graves. La loi le permet déjà et c'est ce que je fais depuis que je suis ministre de l'intérieur. Un « ministre du culte » – je mets des guillemets – qui proférerait des propos entrant dans le champ de l'article 2 mériterait à coup sûr l'inscription au FSPRT (fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste) et l'expulsion. Mais comme le dit M. le rapporteur, c'est déjà ce qui est fait.

Deuxième cas de figure : la personne est étrangère en situation régulière. C'est possible ! Les gens qui profèrent des propos contraires aux lois de la République, qui sont ou qui pourraient être en lien direct avec un attentat, peuvent être présents sur le territoire national de façon régulière. Le cas se divise en deux : le régulier qui bénéficie d'une protection au titre de l'asile, ce qui limite quelque peu les possibilités d'action ; et le régulier qui ne bénéficie pas d'une telle protection, mais qui détient un titre de séjour.

Pour les étrangers en situation régulière sans protection d'asile, votre amendement viendrait interrompre la démarche normale que j'ai demandé au préfet de suivre : ils doivent d'abord transformer le régulier en irrégulier en lui retirant son titre de séjour, puis procéder comme dans le cas précédent, c'est-à-dire l'expulser, par exemple parce qu'il est inscrit au FSPRT. Ainsi, depuis le mois de septembre, 20 000 titres ont été refusés ou dégradés.

Si l'étranger bénéficie d'un asile, c'est-à-dire d'une protection décidée par l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), votre amendement ne pourrait pas fonctionner. En effet, il faudrait d'abord passer par une procédure de retrait de cette protection. Ainsi, 179 procédures ont abouti – y compris après décision des juridictions administratives, souvent très protectrices de l'asile en vertu des conventions européennes –, nous permettant de retirer la protection d'asile à des personnes qui, malgré même le risque qu'elles encourent elles-mêmes dans leur pays, représentent un danger pour le territoire national. Mais votre amendement ne provoquerait pas automatiquement leur expulsion puisque nous sommes obligés de passer par le processus que je viens de décrire, un peu plus complexe que la disposition que vous proposez.

Enfin, la personne peut être Française ou binationale, auquel cas, vous le savez, nous ne pouvons l'expulser du territoire national : c'est un des problèmes que nous rencontrons.

Je comprends l'esprit qui anime votre amendement, mais celui-ci viendrait fragiliser le travail que nous menons déjà, un travail difficile car minutieux, au cas par cas. Les personnes qui relèvent de l'article 2 et de votre amendement sont à coup sûr inscrites au FSPRT, et si elles ne le sont pas, il faut les y inscrire. Si elles sont en situation irrégulière, il faut les expulser, et c'est ce que nous faisons, comme l'a rappelé M. le rapporteur. Si elles sont en situation régulière, il faut leur retirer leur titre de séjour. Si elles bénéficient d'une protection au titre de l'asile, il faut lancer une procédure qui dépasse votre amendement. Nous sommes donc d'accord sur l'esprit, mais en matière de droit, votre amendement fragilise notre action.

J'espère néanmoins que mes propos vous ont rassuré.

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