Intervention de Frédéric Petit

Séance en hémicycle du lundi 18 décembre 2017 à 16h00
Protocole annexe à la convention france-algérie sur la sécurité sociale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Petit :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, permettez-moi tout d'abord de féliciter mon collègue Michel Fanget pour son rapport, qui témoigne à la fois de sa fibre médicale et de sa fibre sociale. Bien entendu, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés soutiendra ce projet de loi de ratification.

Comme cela a été rappelé, nous avions commencé l'étude du protocole annexe de cette convention et nous aurions pu hâter le vote mais notre commission a préféré prolonger sa réflexion pour mieux appréhender ce projet de loi, son contexte, non pour en vérifier la nécessité, qui nous paraissait évidente, mais pour lever certaines interrogations qui s'étaient fait jour sur nos bancs.

Parmi les interrogations soulevées lors de nos débats en commission, la principale était due à l'insuffisance des chiffres. Le rapporteur collègue Michel Fanget en a fourni quelques-uns qui devraient aider à dissiper un certain nombre de fantasmes – je rappelle en particulier la comparaison entre les quelques dizaines de millions d'euros dont nous parlons et les 94 milliards d'euros que représente l'activité du système hospitalier en France.

Cela étant posé, pourquoi avons-nous intérêt à ratifier cette convention ? Plusieurs raisons évidentes à cela : trois raisons pratiques ; trois raisons plus profondes.

S'agissant des raisons pratiques, il convient d'abord de mieux appréhender le système des impayés étrangers. Comme Mme la présidente de la commission l'a rappelé, le travail que nous avons effectué a permis d'être plus efficaces et de disposer de chiffres plus précis.

Ensuite, il fallait régler un contentieux extrêmement ancien, datant des années quatre-vingt. Il faut reconnaître que la résorption de la créance est en bonne voie : non seulement la créance de l'AP-HP a diminué de 43 % en trois ans mais le protocole permettra un plus grand contrôle puisqu'il intégrera un bien plus grand nombre de citoyens algériens. Nous n'allons donc pas ajouter des problèmes à ceux qui existent déjà.

Il fallait également répondre à une situation d'urgence créée par l'obsolescence du texte originel et le vide juridique conséquent. La convention entrée en vigueur en 1982 paraissait prometteuse mais son champ d'action a rapidement montré les limites du texte, qui, petit à petit, s'est trouvé concurrencé par une galaxie d'accords bilatéraux entre la CNAS algérienne et les hôpitaux français.

Trop limitée, pas assez efficace et protectrice, délaissée, la convention a entraîné l'insécurité juridique et laissé la dette s'installer et se creuser. Trente-cinq années plus tard, nous souhaitons redonner un sens à cet accord que les gouvernements passés ont laissé dépérir et que le précédent gouvernement a sobrement repoussé à une législature lors de laquelle il n'aurait plus la main.

Il est aussi nécessaire de prendre le relais des établissements hospitaliers. L'AP-HP et les autres établissements ne doivent pas lutter seuls contre les impayés. La représentation nationale doit au contraire prendre ses responsabilités et offrir un cadre sain et favorable à la résolution des créances et à une gestion des flux plus cohérente.

J'en viens aux trois raisons plus profondes.

D'abord – je suis très fier que le rapporteur Michel Fanget l'ait rappelé, car tel est l'esprit de notre système hospitalier – , quoi qu'en disent certains sur ces bancs, nous avons vocation à l'universalité, nous disposons d'un système médical reconnu et admiré, dont la gestion des soins, accessibles à tous, est unique. Étendre le nombre de citoyens algériens bénéficiaires, c'est non seulement se montrer plus efficace dans les recouvrements mais c'est surtout honorer notre principe selon lequel les soins doivent être accessibles à tous. Là où certains systèmes médicaux ont besoin d'aide, le savoir-faire français peut intervenir. C'est aussi montrer la force de notre système de protection sociale, qui sait s'ouvrir et coopérer avec d'autres. Il s'agit d'un véritable exemple, en dépit des difficultés que la précédente convention a provoquées. C'est aussi notre capacité de prise en charge qui est mise en valeur, notamment dans la création du dispositif d'autorisation et d'évaluation financière préalable. Le sérieux et la responsabilisation sont aussi à l'oeuvre de l'autre côté de la Méditerranée puisque la CNAS elle-même s'engage à fournir des attestations de droits aux soins comparés, dont la délivrance sera issue d'un dialogue conjoint entre la CNAS et l'établissement français concerné. Notre collègue a précisé tout à l'heure l'ensemble des domaines, jusqu'à la molécule, qui seront intégrés dans ces conventions.

C'est l'occasion aussi de rappeler la solidarité qui unit nos deux pays. Ce contentieux diplomatique n'a plus sa place, après tant d'années. La France et l'Algérie sont désireuses de travailler main dans la main à travers ce dispositif unique et même historique. C'est ce désir qui a notamment donné naissance au comité intergouvernemental de haut niveau, lequel a lui-même contribué à la signature de ce protocole. En tant que parlementaires, il est essentiel que devons honorions les engagements pris par la France a pris, qui s'inscrivent dans l'esprit d'un champ d'application désormais quasi universel.

Enfin, une dernière raison profonde réside dans la nécessité d'engager le dialogue avec d'autres États. Ce type d'accord, singulier dans son existence, doit justement être l'occasion de nous interroger sur la dette étrangère en matière de soins dispensés en France. La République algérienne est concernée pour un tiers de la créance totale, mais nous devons aussi nous pencher sur le reste de cette créance – la part du Maroc représente 9 %, celle des États-Unis 5 %, le reste étant réparti entre nombreux États. Cet accord nous permettra d'aller plus loin car il n'est en réalité qu'une étape dans le droit international et un point dans le règlement de nos créances.

Responsabilité éthique et engagement animent notre volonté de voter en faveur de la ratification de ce protocole, même s'il fut victime de discours simplistes, déformés, hantés par de fausses rumeurs dont la philosophie n'est pas de se pencher réellement sur les enjeux chiffrés qu'il représente et sa réelle utilité. On parlera de fraudes, de profiteurs, alors qu'il s'agit en réalité de soins programmés mais aussi d'une procédure associée à l'assainissement de nos finances, maintenant et surtout pour l'avenir.

Ce sont autant de raisons, chers collègues, qui déterminent notre groupe à voter sans hésitation pour la ratification de ce protocole. Cette ratification doit être non seulement votée mais elle doit entrer dans le droit positif rapidement car il n'est plus question de laisser la dette courir.

Oui à l'assainissement de nos finances et à la résolution des dettes ! Oui à un système social ouvert et plus accessible, reconnu et plus performant ! Oui à la sécurité juridique apportée par les élus de la nation aux établissements ! Oui à l'accès aux soins pour tous ! Oui à la fin d'un contentieux diplomatique usé ! Oui à l'amitié franco-algérienne ! Oui à la ratification !

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