Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous entretenons une relation privilégiée avec nos homologues algériens, laquelle s'est notamment traduite par la mise en oeuvre de nombreux accords bilatéraux touchant à un large spectre de thématiques. Parce que la santé des citoyens se situe au coeur des préoccupations d'un État et qu'un nombre important de ressortissants algériens cherche à bénéficier de la qualité des soins dispensés par nos hôpitaux, les coopérations en la matière entre nos deux pays doivent appeler toute notre attention.
Par le passé, des mécanismes ont d'ores et déjà été mis en place dans le cadre de la convention de 1980, qui affirme le principe de l'égalité de traitement des ressortissants des deux États au regard de la législation de sécurité sociale de chacun.
Favorisé dans sa mise en place par des systèmes de santé relativement symétriques, ce dispositif est le premier du genre à s'établir avec un pays tiers de l'Union européenne et témoigne, de fait, de la relation particulière qui unit la France et l'Algérie.
Aujourd'hui, les dispositifs introduits par la convention de 1980 ne sont pas assez efficients. Pour pallier ces lacunes, les conventions établies directement entre la Caisse nationale de sécurité algérienne et les hôpitaux se sont substituées à l'instrument bilatéral initialement prévu. Là encore, ce système est loin de satisfaire les deux parties.
Les hôpitaux français, déjà en proie à un déficit public important, observent un retard régulier des paiements à la charge des ressortissants algériens et de leur caisse sociale. L'exemple de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui cristallise à elle seule la majeure partie des problèmes d'impayés recensés en France, est particulièrement ubuesque. Le rapport préalable à l'examen de ce projet de loi indique que le montant des créances à recouvrer sur des patients étrangers s'élevait à 118,6 millions d'euros en 2014. Parmi celles-ci, les Algériens possédaient à eux seuls une dette de 31 millions d'euros. Cette situation a contraint l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à prendre des mesures pour éviter une multiplication des contentieux financiers, en demandant aux patients algériens un paiement systématique d'une avance sur devis.
Quand bien même plusieurs versements de la partie algérienne ont permis de recouvrer une grande partie des créances, la nécessité d'une rénovation des mécanismes existants semble évidente. Nous devons également introduire de nouveaux dispositifs pour permettre la mise en place de procédures d'admission adaptées, dans un cadre législatif clarifié, garant d'un équilibre financier pour les établissements français.
Le groupe UDI, Agir et indépendants se prononce donc en faveur de la ratification du présent protocole, qui vise à établir le cadre administratif unifié permettant de sortir des relations contractuelles qui s'étaient établies entre les établissements français et la caisse sociale algérienne, et de rendre parallèlement caduques les certificats d'hébergement qui permettaient jusqu'ici aux ressortissants algériens de bénéficier des services français.
Le protocole prévoit également une extension salutaire de son champ d'application en incluant les assurés sociaux mais aussi les démunis non assurés sociaux. La vocation quasi universelle de ce protocole permettra donc de résoudre les cas d'imprévu, ou dit « inopinés », dans lesquels la déontologie médicale invitait les médecins français à traiter les patients quand bien même le recouvrement des frais s'avérerait difficile. De son côté, l'Algérie a développé sur fonds budgétaire des mécanismes à destination de ses démunis, pour apporter des éléments de réponse à ces cas particuliers.
L'annexe à la convention prévoit une rénovation du partenariat en introduisant un dispositif rigoureux d'autorisation préalable des soins programmés prévus pour les patients algériens, assorti d'une clarification des moyens de paiement par la sécurité sociale algérienne. Le protocole entend ainsi assurer une meilleure organisation du traitement des facturations et une baisse des litiges financiers associés.
Qui plus est, le protocole est accompagné de dispositions institutionnelles pertinentes comme le renforcement de la commission mixte qui, déjà prévue dans le cadre de la convention de 1980, assurera la cohésion du système en disposant d'un droit de regard sur les avances annuelles versées par la partie algérienne et permettra de régler les différends qui pourraient subvenir.
En outre, notons que la mise en place du présent texte a été conditionnée par le recouvrement des dettes passées, ce qui démontre la bonne volonté de notre partenaire algérien de renforcer les dispositifs déjà existants et de bâtir un partenariat équilibré et durable.
Néanmoins, nous pensons que ce traité comporte encore de nombreuses zones d'ombre. En vérité, sa philosophie s'inscrit dans le phénomène nouveau et grandissant du tourisme médical. Ce phénomène peut être lu comme la conséquence directe d'un monde globalisé et le fait d'une classe moyenne issue de pays émergents toujours plus importante et désireuse d'accéder aux meilleurs soins possibles.
Le cas algérien est loin d'être isolé, les Marocains et les Américains contractant également des dettes importantes auprès de nos hôpitaux. La France, forte d'un système médical reconnu, est en effet une destination de choix pour de nombreux étrangers qui souhaitent bénéficier, à des tarifs relativement compétitifs, de la qualité des soins que nous dispensons. La question qui se pose est donc la suivante : doit-on généraliser ce système au-delà du seul cas algérien ?
Nous n'ouvrirons pas aujourd'hui ce débat, quand bien même il semble à première vue difficile de trouver une solution globale adaptée à des recouvrements dont la majeure partie s'effectue auprès d'assurances privées.
Toutefois, si cet usage était appelé à se généraliser, il convient de tout faire pour éviter l'avènement d'un système médical à deux vitesses, susceptible de pénaliser nos concitoyens vis-à-vis d'étrangers plus ou moins fortunés. Par ailleurs, la ratification de ce traité, si elle permet à de nombreux ressortissants algériens de bénéficier de la qualité des traitements dispensés par nos hôpitaux, ne doit pas se faire au détriment de l'intérêt que le gouvernement algérien porte à l'amélioration de ses propres structures médicales nationales, qui ont vocation à terme à répondre aux besoins des patients algériens.
Sur un tout autre sujet, eu égard aux difficultés économiques conjoncturelles que rencontre actuellement l'Algérie, compte tenu notamment de la chute des prix du pétrole et de l'importance de son déficit public, des mécanismes de contrôle doivent être prévus pour assurer que notre partenaire respecte ses engagements sur le long terme. Le Comité intergouvernemental de haut niveau, mis en place en 2012, peut constituer le cadre de discussion privilégié pour mener des débats plus poussés sur le sujet.
Les mesures prévues dans le cadre de ce traité méritent également d'être accompagnées dans leur mise en oeuvre d'un travail important d'information à destination de la population algérienne susceptible de bénéficier de ce dispositif. De l'autre côté de la Méditerranée, des précisions méritent d'être apportées sur l'impact de ce protocole sur le budget de la Sécurité sociale comme sur le fonctionnement de nos établissements français.
Aussi, si le protocole annexe à la convention de 1980 nous semble incomplet et appelle à un débat plus approfondi sur de nombreux sujets, le groupe UDI, Agir et indépendants appelle de ses voeux la ratification de ce traité qui, s'il ne règle pas tout, contribue à apporter les mécanismes correctifs nécessaires qui permettront d'accueillir et de soigner, dans les meilleures conditions possibles, des patients algériens, tout en garantissant aux hôpitaux français une gestion financière et administrative simplifiée et plus rigoureuse.