Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du vendredi 11 juin 2021 à 9h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Ce premier projet de loi de finances rectificative pour 2021 aurait pu être appelé « PLFR 5 », tant il s'inscrit dans la continuité des mesures prises depuis le début de la crise. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'y opposera, comme il s'est opposé aux précédents projets de loi de finances rectificative, moins pour les mesures qu'il contient que pour celles qu'il ne contient pas. Ce PLFR est à l'image des précédents : vous abondez de nouveau les crédits des programmes visant à soutenir les entreprises, entre autres, ceux qui financent le fonds de solidarité et l'activité partielle. Vous peaufinez certains dispositifs et vous en déployez de nouveaux qui permettront d'annuler une partie de la dette des entreprises en difficulté financière, quoique viables.

Oui, nous pensons que le soutien aux entreprises est essentiel. Nous l'avons toujours affirmé, mais nous regrettons qu'il n'ait pas été davantage ciblé, qu'il n'ait pas été subordonné au respect d'exigences sociales, écologiques et, parfois, tout simplement éthiques. Il est difficilement concevable pour de nombreux Français que les entreprises puissent en même temps profiter d'une partie des aides de l'État, appliquer des plans sociaux et distribuer des dividendes. Nous regrettons que vous vous obstiniez à refuser de donner un caractère conditionnel aux aides de l'État. Ces aides ont néanmoins eu un mérite, celui de montrer que la comptabilité publique ne prime pas nécessairement sur la volonté politique et que, lorsque la situation l'exige, les contraintes, qui sont usuellement présentées comme insurmontables, peuvent être levées pour agir efficacement et obtenir des résultats.

Le fameux « quoi qu'il en coûte » et votre politique sont à géométrie variable. Comment expliquer, sinon, que vous n'ayez pas instauré une politique sociale d'une ampleur équivalente pour les ménages, parfois en très grande difficulté ? Laisser près d'1 million de personnes supplémentaires passer sous le seuil de pauvreté relève d'un choix politique qui accroît les inégalités et la misère dans notre pays. Nous vous avons pourtant alertés sur les difficultés qu'engendre la perte de 14 % de revenus liée au chômage partiel, pour les bas salaires. Nous vous avons alertés sur la situation de nombreux salariés qui ne comptent pas uniquement sur leur salaire de base pour vivre, mais aussi sur les heures supplémentaires, les extras et les pourboires et qui, avec le chômage partiel, perdent parfois près de 50 % de leurs revenus. Nous vous avions également alertés sur la situation des étudiants précaires, souvent contraints à exercer des petits boulots et, donc, violemment touchés par leur disparition.

Alors que les contraintes sanitaires se lèvent progressivement et que l'activité économique semble repartir, la crise sociale est loin d'être terminée. Avec les 763 plans sociaux de 2020, on peut craindre que la vague de licenciements se poursuive encore en 2021, la faute en revenant en partie, je l'ai dit, à la non-conditionnalité des aides. Alors qu'il est plus nécessaire que jamais de protéger nos concitoyens les plus fragiles, vous n'anticipez pas la quatrième vague, qui sera sociale.

Pourtant, l'avenir n'est pas sombre pour tous. Quand les uns redoutent de ne pouvoir payer leur loyer ou leurs traites, les patrimoines des milliardaires explosent et le CAC40 s'autorise une distribution record de dividendes, de 51 milliards d'euros. C'est indécent, comme vous l'êtes, vous qui renoncez toujours à mettre ces richesses à contribution. Pourtant, nous avions formulé de nombreuses propositions en ce sens. Même si nous savons tous qu'aucun impôt, aucune contribution exceptionnelle ne permettra de couvrir totalement le coût de la crise, s'engager pour une contribution proportionnée de tous à l'effort de solidarité nationale est une exigence morale et politique.

Mes chers collègues, si nous sortons progressivement d'une crise sanitaire majeure, la crise sociale est toujours aussi vive. Or ce projet de loi de finances rectificative ne tente pas d'améliorer notre réponse sur ce point. À moins que notre nouvelle mise en garde ne vous conduise à une révélation et à un changement radical de paradigme, durant l'examen du texte, nous nous opposerons donc à celui-ci.

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