Intervention de Hervé Martel

Réunion du mercredi 13 décembre 2017 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Hervé Martel, président du directoire du Port du Havre et président de l'Union des Ports de France :

En tant que directeur du port du Havre, je pense être tout naturellement désigné pour intervenir sur cette question.

Cette année, le port du Havre aura traité près de 3 millions de conteneurs, contre 2,5 millions l'an dernier, soit une forte progression. Sur ces 2,5 millions de conteneurs, 2 millions environ sont destinés à l'arrière-pays, les autres conteneurs étant transbordés d'un navire sur un autre. À peine plus de 4 % de ce trafic destiné à l'arrière-pays est acheminé par voie ferroviaire – c'est beaucoup trop peu – et 10 % environ l'est par voie fluviale, ce qui veut dire que plus de 85 % du trafic est acheminé par voie routière. Cela pose donc un problème environnemental et de compétitivité pour notre port parce que, au-delà de 400 ou 500 kilomètres, c'est par le train que l'on atteint les marchés de façon compétitive en concurrence avec les ports du nord de l'Europe. Ce sujet est au coeur des préoccupations du port du Havre et de ses tutelles depuis longtemps.

Pour le transport fluvial, le marché pertinent c'est l'Île-de-France. Au-delà, pas de rivière, pas de canaux. Nous sommes donc sur un marché fermé. Nous avons connu une croissance assez forte depuis les années 1980 et le milieu des années 1990. Le transport par barges représente environ 20 % de parts de marché sur cet axe Seine, niveau qui n'est pas si mauvais au regard du marché pertinent, mais qui est encore trop faible. Tout doit donc être fait pour développer l'activité du transport fluvial sur l'axe Seine, notamment l'accès à Port 2000, c'est-à-dire le transfert des barges depuis les terminaux à conteneurs jusqu'à la Seine. Il y a maintenant dix ans que Port 2000 a été livré, mais il a été construit avec un vice initial puisqu'il n'y a pas d'accès direct à la Seine ! Différentes solutions sont encore recherchées pour pallier ce manque initial de l'infrastructure. Nous avons organisé, sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), une large consultation publique pour déterminer la meilleure façon d'assurer l'accès des conteneurs destinés à des barges entre la rivière et les terminaux portuaires.

Par ailleurs, en ce qui concerne le modèle économique de ces opérateurs, le Premier ministre a annoncé que le système d'aide à la pince c'est-à-dire une aide publique au transport combiné, fluvial et ferroviaire, qui arrive à terme à la fin de l'année 2017, ne disparaîtra pas et que le Gouvernement mettra en place, sous une forme qui reste à déterminer, un autre dispositif d'aide. Ces secteurs ne peuvent pas fonctionner sans cette aide nationale qui représente, si je ne me trompe pas, près de 30 millions d'euros par an.

L'autre sujet pour l'axe Seine, c'est la plateforme multimodale. Le port du Havre a investi 140 millions d'euros dans une plateforme multimodale qui permet de traiter à la fois des barges et des trains. Après un démarrage que l'on peut qualifier de difficile, cette plateforme multimodale fonctionne aujourd'hui. À la fin du mois de décembre de cette année, elle aura traité 140 000 conteneurs équivalents vingt pieds (EVP). C'est un outil de développement, de préparation des modes massifiés, donc des barges et des trains, entre la place portuaire havraise et le réseau national.

Aujourd'hui, le marché du port du Havre s'étend, pour les trois quarts, au-delà de l'Île-de-France, c'est-à-dire à des destinations pour lesquelles le train est pertinent. Nous avions identifié avec Réseau Ferré de France (RFF), aujourd'hui SNCF Réseau, un grave problème de saturation du réseau national entre Paris et la Normandie liée aux travaux programmés sur Eole, aux travaux de régénération du réseau qui sont effectués la nuit et à une saturation de la section Paris-Mantes-la-Jolie. Un investissement assez lourd, de l'ordre de 250 millions d'euros, a été décidé pour électrifier une ligne alternative qui serait dédiée au fret par le nord de la vallée de la Seine – électrification du tronçon entre Serqueux et Gisors. Les premiers coups de pioche ont été donnés, je crois, la semaine dernière. Cette nouvelle ligne devrait être mise en service en 2020. C'est un élément essentiel du désenclavement des ports de Rouen et du Havre.

Mais il ne suffit pas d'avoir des infrastructures, encore faut-il que les opérateurs aient accès au réseau. Depuis maintenant plus de deux ans, le préfet Philizot préside, avec l'ensemble des autorités organisatrices de transport, avec SNCF Réseau et avec les ports, un groupe qui vise à favoriser l'accès au réseau des opérateurs de transport de fret. En clair, il s'agit de savoir comment obtenir des sillons, c'est-à-dire des places sur le réseau en intercalant des trains, étant entendu qu'historiquement le système a tendance à donner la priorité au transport de voyageurs. Du coup, lorsque les opérateurs de fret expriment leurs besoins, il est trop tard et le réseau est saturé – je simplifie, mais c'est ce qui se passe. Nous avons travaillé avec l'ensemble de ces acteurs et le système qui consiste à préréserver une capacité pour les besoins du fret commencera à être opérationnel en 2018-2019. Des démarches similaires ont été menées notamment à La Rochelle pour optimiser l'utilisation du réseau ferroviaire.

Voilà ce que je pouvais vous dire sur ce sujet assez complexe et extrêmement stratégique pour l'ensemble de nos ports, et en particulier pour l'axe Seine.

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