La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a organisé une table ronde sur la situation des ports en France dans le cadre du rapport sur l'application de la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue (Mmes Sophie Auconie et Sophie Panonacle, rapporteures), avec la participation de représentants de l'Union des Ports de France ; de l'Union nationale des industries de la manutention dans les ports français (UNIM) ; de Nantes Saint-Nazaire ports ; d'Armateurs de France ; du Secrétariat général de la mer ; du Grand Port Maritime de La Rochelle ; du Grand Port Maritime du Havre ; de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGTIM) Direction des affaires maritimes (DAM) ; de la Délégation interministérielle au développement de la vallée de la Seine ; du Groupement des Industries de Construction et Activités Navales (GICAN) ; du Cluster Maritime Français ; de la Fédération nationale des Ports et Docks CGT.
Chers collègues, mesdames, messieurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de notre présidente, Barbara Pompili, qui est entendue en tant que membre du Comité d'orientation des infrastructures aux Assises de la mobilité.
Nous accueillons aujourd'hui des représentants de l'ensemble de l'économie portuaire de notre pays et je les remercie en notre nom à tous d'avoir accepté notre invitation pour faire le point avec nous sur la situation des ports en France. L'organisation de cette table ronde doit beaucoup à nos deux collègues Sophie Auconie et Sophie Panonacle, toutes deux rapporteures de la mission d'application de la loi du 21 juin 2016 pour l'économie bleue, dont elles présenteront les conclusions la semaine prochaine.
Cette loi est le fruit d'un travail approfondi mené sous la précédente législature au sein de la commission du développement durable. Elle est issue d'une proposition de loi de notre ancien collègue Arnaud Leroy, qui était parti du constat que la France, grande puissance maritime, souffrait d'une détérioration de l'attractivité et de la compétitivité de son pavillon. Elle s'était fixé pour objectif de mettre en place des politiques de soutien à la flotte de commerce et à l'emploi maritime français et les participants de cette table ronde vont pouvoir nous dire s'ils estiment que le but a été atteint.
Nous commencerons par une présentation croisée de nos rapporteures. Chaque intervenant pourra ensuite prendre la parole pour une durée maximale de cinq minutes. Chaque représentant des groupes aura le droit à une intervention de trois minutes puis nous terminerons par une série de questions.
Je suis élue d'une circonscription littorale, celle du bassin d'Arcachon. S'il ne dispose pas d'un grand port maritime, il compte néanmoins un port de plaisance qui offre plus de 2 600 places et des ports communaux, du Cap Ferret à La Teste en passant par Andernos, qui ont leur importance pour valoriser notre attractivité touristique. Par ailleurs, son port de pêche, avec sa trentaine de chalutiers et de fileyeurs, sa dizaine de vedettes côtières et sa criée génère, une activité économique non négligeable.
Vous pardonnerez ce chauvinisme, et je veux vous dire l'intérêt croissant que j'ai nourri, au cours de cette mission d'application, pour la situation des ports et les enjeux cruciaux qui s'y attachent.
Présente aux Assises de l'économie de la mer qui se sont tenues au Havre les 21 et 22 novembre dernier, j'ai été attentive au discours prononcé par le Premier ministre. Il a défini une stratégie portuaire reposant sur trois axes – la complémentarité, la compétitivité et l'amélioration de la fluidité du passage portuaire – et a annoncé la mise en place de deux structures administratives dédiées au désenclavement du Grand Port Maritime du Havre (GPMH) et au développement de l'axe méditerranéen. Nous aurons l'occasion d'évoquer ces questions au cours de nos débats dans quelques instants.
Je souhaite saluer la présence parmi nous de représentants de la délégation interministérielle au développement de la vallée de la Seine qui suit nos travaux – le délégué interministériel, François Philizot, n'a pu être présent, car il préside en ce moment même une réunion sur le sujet.
À titre personnel, je regrette vivement que les industriels intéressés par le rejet des sédiments de dragage ne soient pas représentés alors qu'une société a été conviée. J'espère que nous parviendrons tout de même à faire le point sur l'article 85 de la loi.
S'il en était besoin, l'intérêt pour l'avenir de nos ports serait confirmé ce soir par votre présence très large, et je vous souhaite à tous la bienvenue.
En ce qui me concerne, je ne suis pas élue d'une circonscription littorale, mais je suis première vice-présidente du Comité national de l'eau et membre du conseil des gouverneurs du Conseil mondial de l'eau. La situation portuaire, le désenclavement du GPMH, le développement du trafic transmanche à la veille du Brexit, mais aussi certaines questions plus matérielles, comme la mise en place toujours retardée d'une responsabilité élargie du producteur pour l'enlèvement des épaves de navires dans les ports, les fleuves et les jardins, ne peuvent que susciter l'intérêt. J'ai beaucoup de plaisir à vous accueillir. Il nous a semblé utile, à Sophie Panonacle et à moi-même, de faire le point sur la situation portuaire au terme d'une série d'auditions riches, même si la loi pour l'économie bleue sur laquelle porte notre mission traite de très nombreux autres sujets.
La situation des ports en France est préoccupante. La loi n'aborde pas frontalement cette question économique mais son titre Ier fait du renforcement de la compétitivité l'objet même du texte et le chapitre II situe dans ce cadre les dispositions qui portent principalement sur la gouvernance.
Le constat est facile à dresser. Je citerai ici des données chiffrées qui me semblent particulièrement parlantes.
La France a régressé à la trente et unième place mondiale pour le pavillon commercial.
Le rapport Fourneyron-Revet, remis en juillet 2016, souligne qu'en 2015 « la situation s'est fortement dégradée pour les ports français puisque Rotterdam les dépasse de 40 % et qu'Anvers représente 62 % de leur activité. ». Leur part de marché pour le trafic des conteneurs par rapport aux ports du range nord est passée de 9 % en 1990 à 6 % en 2015.
Les six principaux terminaux et treize des vingt premiers ports à conteneurs au monde sont situés en Asie. Seuls, en Europe, figuraient parmi les vingt premiers de ces ports, Rotterdam, au septième rang, Hambourg, au huitième, Anvers au douzième, Le Havre n'occupant que le trente et unième rang.
L'enveloppe annuelle dédiée au dragage à Anvers s'est élevée en moyenne à 204,5 millions d'euros pour la période 2009-2014 et a été intégralement financée par la région.
Comment mettre un terme à cette spirale ?
J'ajoute, pour lancer le débat sur le désenclavement, que l'acheminement des marchandises se fait par route dans une proportion de 85 % pour le port du Havre et de 71 % pour celui de Rouen, ce qui conduit évidemment à un bilan environnemental lourd, dont nul ne peut se satisfaire.
Pour bien prendre la mesure de la nécessité de la préservation de l'emploi maritime français, il me semble important de citer quelques chiffres. Le nombre de salariés diminue dans ce secteur : en 1950, il y avait 118 000 actifs ; en 1980, ils étaient 58 000 ; aujourd'hui, ils sont environ 30 000. En 1982, on comptait 13 000 dockers, il y en a environ 3 200 aujourd'hui dont 2 000 au Havre selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), qui constate que ce port a perdu près de 2 000 emplois entre 2011 et 2014.
On ne peut donc que partager l'approche du Premier ministre : « Il faut bouger. Vite. Et pas qu'un peu. Parce que sans ports puissants, pas de puissance maritime. Pas d'industrie portuaire, pas d'emplois, pas d'avenir pour Le Havre, Marseille, Dunkerque. Pas de France dans la mondialisation. »
Notre table ronde ne sera utile que si nous abordons les questions par thèmes. Nous vous proposons donc de vous entendre sur quatre thèmes successifs : la gouvernance et les aspects humains ; le dragage, avec la question de savoir si les grands ports maritimes seront prêts pour l'échéance de 2025 ou si les obstacles seront dirimants ; le désenclavement du port du Havre et du développement de l'axe Seine ; enfin, last but not least, la nature juridique des conventions de terminal à la suite à la décision du Conseil d'État du 14 février 2017 qui a retenu la qualification de concession, avec la distinction que cela entraîne dans la dévolution des biens affectés à l'exploitation entre biens de retour et biens de reprise, donc rachetables par le port.
Nous avons soutenu les travaux menés par Arnaud Leroy pour la mise en place d'une commission paritaire des investissements, afin que les investisseurs, qu'ils soient publics ou privés, puissent participer aux décisions importantes d'intérêt général dans les ports. Elle a été instituée à l'article 23 de la loi pour l'économie bleue, qui a modifié l'organisation du conseil de développement. Cette commission n'est que consultative – point qui a fait débat – et permet aux collectivités locales, aux autorités portuaires, aux entreprises ayant investi de manière significative de donner un avis sur des projets concernant le domaine de chaque grand port maritime.
Le décret d'application est sorti en mars, si ma mémoire est bonne. À l'Union nationale des industries de la manutention dans les ports français (UNIM), nous constatons que, huit mois plus tard, seuls deux des sept grands ports maritimes ont procédé à la nomination des membres de cette commission : celui de La Rochelle et celui de Nantes-Saint-Nazaire. Autrement dit, ces commissions des investissements ont du mal à se mettre en place.
Dans la loi pour l'économie bleue, deux dispositions concernaient spécifiquement la gouvernance.
La première, mise en place aussi rapidement que les délibérations des collectivités concernées le permettaient, est le renforcement du poids des régions dans la gouvernance des ports, avec l'ajout d'un second administrateur et la participation statutaire d'un représentant de la région au comité d'audit des ports.
La deuxième est la commission des investissements. D'un point de vue formel, Christian de Tinguy a raison : seuls deux ports ont procédé à l'installation de cette instance au sein de leur conseil de développement. Pour le port du Havre, elle n'est pas encore constituée, mais le travail pour élargir le conseil de développement a déjà été mené avec Mme la préfète de Normandie. Les seuils d'investissements significatifs réalisés par les entreprises ont été fixés. Il ne reste au président du conseil de développement qu'à rendre publique sa composition, qui a fait l'objet de débats au sein du conseil de développement. Nous envisageons de saisir cette commission au cours du prochain semestre de l'année 2018 car il faudra prendre des décisions sur les investissements dans la perspective de la clause de rendez-vous des contrats de plan État-régions et de la loi de programmation annoncée par la ministre des transports. Nous pouvons donc prévoir que ces commissions vont entrer en phase opérationnelle dans les différents ports dans les mois qui viennent.
Le Premier ministre a annoncé beaucoup de choses en matière de gouvernance. Il a d'abord réaffirmé la prééminence de l'État dans les systèmes portuaires de l'axe Seine, de Marseille et de Dunkerque. Il a missionné deux délégués interministériels et un préfet de région pour travailler à un rapport sur l'évolution de la gouvernance des systèmes portuaires, avec la volonté d'intégrer sur chaque territoire les systèmes portuaires au-delà des limites actuelles de chacun des établissements publics portuaires. Il a ouvert la porte à un dialogue avec les collectivités territoriales au sujet des ports métropolitains. Enfin, sujet fondamental pour nous, il a clairement posé la question du modèle économique en évoquant l'effet de ciseau provoqué par la diminution des recettes du fait de la baisse historique des trafics de produits énergétiques, notamment du pétrole, et l'augmentation de la fiscalité. Nous savons que le Gouvernement se saisira de cette question dans les mois qui viennent.
Pour le grand port maritime de Saint-Nazaire, la composition de la commission des investissements a été fixée lors de la dernière réunion du conseil de développement. Il est probable qu'elle sera saisie dans le courant de l'année 2018, en fonction des seuils qui ont été fixés.
La loi du 4 juillet 2008 avait déjà modifié la gouvernance des ports en transformant les ports autonomes en grands ports maritimes et en les dotant de nouvelles instances, les conseils de surveillance et les conseils de développement. Et quand la loi pour l'économie bleue a créé la commission des investissements, la fédération des ports et docks de la CGT n'a pas caché sa surprise. Nous estimons que nous n'avons pas été suffisamment consultés.
Ce qui nous gêne, c'est qu'il a été décidé de créer cette nouvelle instance sans qu'une analyse de la loi du 4 juillet 2008 ait été menée au préalable. Nous nous interrogeons sur sa pertinence : quelle sera son utilité, et comment fonctionnera-t-elle ?
Ce qui nous déplaît encore davantage, c'est qu'il n'est pas prévu que les organisations syndicales soient représentées dans ces commissions des investissements alors qu'elles le sont aux conseils de développement. Or la question des investissements est centrale. Nous avons consacré plusieurs documents à ce sujet en 2011 et nous en avons publié un autre en avril dernier. Une des problématiques pour les ports français est que les investissements ne sont pas aussi élevés que dans les ports de la rangée nord-européenne. Nous redisons donc ici notre souhait d'être présents au sein de ces commissions.
Nous avons également été surpris par les annonces du Premier ministre, lors des Assises de l'économie de la mer. Il a expliqué qu'il fallait revoir la gouvernance des ports, sans avoir fait le bilan de l'application des lois précédentes ni avoir dialogué avec les différentes professions portuaires.
Pour ce qui est des aspects humains, je tiens à souligner que le personnel des ports rassemble une multitude de professions. Il y a au total 12 000 travailleurs dans les ports. Les dockers, eux, sont au nombre de 4 150 contre 12 000 au début des années quatre-vingts – je ne veux pas raviver la polémique, l'histoire s'est écrite ainsi, et la réforme de 1992 est passée par là, diminuant de moitié leurs effectifs.
J'aimerais apporter une précision au sujet du grand port maritime de La Réunion. Selon une information qui m'a récemment été fournie, la commission des investissements n'a pu s'y réunir car le seuil fixé pour le montant des investissements que doivent réaliser les entreprises privées pour y siéger est tel qu'aucun membre du conseil de développement ne répond à ce critère.
Vous répondez en partie à la question que nous nous posions sur l'utilité du comité d'audit créé par l'article 20 de la loi. Comment peut-il être indépendant ? Comment déterminer ses compétences ?
L'idée est de rapprocher le plus possible la gouvernance des établissements publics que sont les grands ports maritimes de celle des entreprises. Le comité d'audit, émanation du conseil de surveillance, doit être le garant d'une bonne gestion, comme c'est le cas pour les entreprises privées. Il n'y a pas de différences majeures entre le secteur public et le secteur privé sur ce point.
Nous abordons la deuxième thématique : le dragage. Les grands ports maritimes seront-ils prêts en 2025 ou les obstacles seront-ils dirimants ?
La loi pour l'économie bleue instaure une interdiction du rejet en mer des sédiments et résidus de dragage pollués à partir du 1er janvier 2025 et prévoit que les seuils seront définis par voie réglementaire.
Cette mesure renvoie à trois grands enjeux.
Le premier est la préservation la qualité des estuaires et des zones situées juste à l'extérieur des ports, enjeu fondamental compte tenu du fait que la plupart des grands ports maritimes se trouvent dans des zones de biodiversité, notamment des zones Natura 2000.
Le deuxième est l'équation économique pertinente pour permettre aux ports de continuer à contribuer à l'économie nationale. Aujourd'hui, 100 millions d'euros sont dépensés chaque année par l'ensemble des ports français pour assurer la circulation des navires qui entrent et qui sortent. S'ils ne se livraient pas à ces opérations, les navires se détourneraient de la France pour privilégier d'autres ports européens comme Anvers, ce qui pénaliserait le commerce extérieur, les exportateurs français en particulier, car ils seraient doublés par leurs concurrents plus proches des ports étrangers. Rappelons que, dans ces ports, le financement des frais de dragage est entièrement assuré par la puissance publique, qu'il s'agisse de l'État ou des régions. Le Premier ministre a clairement souligné, lors du Comité interministériel de la mer (CIMER), le fait que la couverture financière de l'État français n'était pas complète.
Le troisième est le traitement des sédiments. Le dragage représente 30 millions de mètres cubes par an sur l'ensemble des ports, volume impressionnant ! À partir du moment où l'interdiction sera effective, il faudra stocker à terre les sédiments pollués, ce qui suppose de renforcer la filière de retraitement qui est aujourd'hui modeste. Cela pose de multiples questions, en termes de faisabilité technico-économique, mais aussi en termes d'acceptabilité sociale, car les produits pollués font peur. En même temps, il ne faut pas perdre de vue que les sédiments concourent à l'équilibre sédimentaire. Enlever la totalité des 30 millions de mètres cubes serait pire que d'en laisser l'essentiel, du fait de l'érosion. Nous sommes en train de mener, avec les différents services administratifs concernés, une étude technique pour proposer un bon équilibre. Il fera bien sûr l'objet d'une concertation qu'il faudrait mener idéalement d'ici un an ou deux, le temps de mûrir nos réflexions. Un décret pourrait être proposé deux ans avant l'échéance du 1er janvier 2025, de sorte que la filière de retraitement des sédiments ait un délai suffisant pour se structurer.
Le 1er janvier 2025 peut paraître une date lointaine mais il est nécessaire de travailler à cette question dès aujourd'hui. Et c'est ce que font les administrations.
Effectivement, c'est un sujet majeur qui nous préoccupe beaucoup.
Comme vient de l'indiquer Marc Sandrin, il convient de créer une filière économique. Pour l'instant, nous ne sommes pas en mesure de recevoir le tonnage ou le volume qui sera défini. J'avais d'ailleurs abordé cette question avec Arnaud Leroy lorsqu'il a élaboré sa proposition de loi, ainsi qu'avec Jean-Pierre Chalus, président du directoire de Nantes-Saint-Nazaire Port. Il est nécessaire de s'organiser. En tout cas, le cluster fera son travail de liaison avec la direction des ports, dont le représentant n'est pas là aujourd'hui. Mais je sais bien qu'il est difficile de se mobiliser sur ce sujet-là parce que 2025, c'est loin – mais c'est pourtant demain en termes d'organisation. En tout cas, vous pouvez compter sur nous sur ce point, car il y a urgence.
Je veux simplement ouvrir une parenthèse sur la redevance d'archéologie préventive sur les travaux sous-marins, dont il a été question la semaine dernière à l'Assemblée nationale et qui devrait être discutée au Sénat ces jours-ci. Il faut porter une grande attention sur ce sujet, parce que si cette redevance devait être appliquée selon les modalités prévues dans le projet de loi de finances rectificative pour 2017, cela alourdirait fortement les dépenses de dragage et d'autres travaux comme ceux concernant les énergies marines renouvelables (EMR) et les câbles sous-marins qu'il faut accélérer et qui ont été évoqués par le Premier ministre. Or mettre un frein sur quelque chose qu'il faut accélérer est plutôt contradictoire… Je voulais juste vous alerter sur une question qui sera sans doute débattue en commission mixte paritaire.
En tant que président du directoire du port de Nantes Saint-Nazaire et que président du groupe d'études et d'observation sur le dragage et l'environnement (GEODE), je souhaite ajouter une précision aux propos de Marc Sandrin. Il faut noter que la question du dragage ne concerne pas seulement les grands ports maritimes, mais l'ensemble des structures. Effectivement, les pratiques de dragage sont extrêmement diversifiées : soit on raisonne par chantier, c'est-à-dire de manière ponctuelle au cours de l'année, soit de manière continue, comme c'est souvent le cas dans des estuaires par nature diversifiée. Ce sujet est extrêmement sensible.
Je crois pouvoir dire que l'ensemble des grands ports maritimes avec lesquels nous avons échangé abordent ce sujet de manière positive et souhaitent s'investir. Nous y voyons également une opportunité. Aujourd'hui, le dragage est une charge. La perspective du développement d'une filière de traitement et de valorisation est une opportunité qui ne concerne pas que ce qui est extérieur aux grands ports maritimes. Nous souhaitons donc être partie prenante de ces dispositions. D'ailleurs, Arnaud Leroy a réuni de manière informelle, au printemps 2016, un certain nombre de structures privées – grands ports maritimes, bureaux d'études scientifiques – pour aborder cette question extrêmement technique. Les sédiments qui circulent dans l'estuaire constituent avant tout un phénomène naturel. Il conviendra donc de garantir ce fonctionnement de manière la plus fluide possible. Aujourd'hui, nous assurons un suivi extrêmement précis, rigoureux, de l'ensemble de nos sédiments.
Ce sujet est également technique puisque, dès qu'ils sont sortis de l'eau, les sédiments deviennent des déchets au sens de la réglementation française. Nous devrons donc animer des groupes de travail à la fois sur le plan scientifique et réglementaire. Nous prévoyons de nous investir sur cette question de manière importante. Être opérationnels au 1er janvier 2025, c'est-à-dire dans un délai extrêmement court, sera difficile car des aspects techniques avec des suivis nécessitent d'être définis avec les services de l'État. Il faudra sans doute aussi faire évoluer nos pratiques et donc les matériels, ce qui entraînera des investissements. Je le répète, nous voyons ce modèle économique comme une opportunité avec une feuille de route qui reste à élaborer dans un temps extrêmement bref.
Mesdames, messieurs les députés, je suis vice-président de l'UNIM et directeur général d'un groupe de manutention en France. La question de la compétitivité a été annoncée comme un point important avec la complémentarité. La compétitivité de nos ports doit être comparée à ce qui se fait notamment dans la zone Anvers-Rotterdam-Amsterdam (ARA). Ce ne sont pas eux qui payent le dragage, mais la région. En tout cas, ce n'est pas la marchandise qui paye, mais la collectivité. Comme l'a dit tout à l'heure Marc Sandrin, nous sommes présents à Rouen, à Nantes, à Bordeaux. Ce sont des ports qui vivent, qui servent un territoire et qui ont besoin d'être dragués. Combien coûtent les routes en France ? Combien coûtent les rénovations à la SNCF ? Que représentent les frais de dragage, d'entretien qui permettent de faire vivre des territoires et des industries ? L'emploi généré par les ports est important.
Il faut réfléchir à ce qui peut permettre de réaliser ces investissements. S'il n'y a pas de dragage, si les bateaux ne peuvent pas venir, il ne sert à rien de faire des investissements. Vous avez donc tous compris qu'il est indispensable de traiter ce problème essentiel du dragage. C'est comme un aéroport qui a besoin de pistes. La force de la France, c'est d'avoir vingt-quatre ports décentralisés, sept grands ports maritimes. Les ports décentralisés ne doivent pas être les oubliés. Contrairement à la Belgique ou aux Pays-Bas, la France a une façade maritime importante, et ses ports décentralisés sont peut-être les ports de demain, de la nouvelle économie, d'une économie circulaire, d'un cabotage qui permettra de limiter la circulation des camions sur les routes. Le dragage est donc vraiment une question importante.
Je parlerai enfin de la taxe foncière, même si cette question ne figure pas parmi les points sur lesquels vous nous interrogez. Les opérateurs privés considèrent que c'est une question essentielle, car la taxe foncière les empêche parfois de réaliser des investissements. Le niveau de taxation en France n'a rien à voir avec celui de la Belgique par exemple. Il n'y a pas si longtemps, en 2009-2010, lorsque ces grands ports français s'appelaient ports autonomes, ils ne payaient pas de taxe foncière. Aujourd'hui, on voit des contrôleurs zélés, qui font leur travail, qui changent de méthode et qui pensent qu'il faut taxer sur la base industrielle et non sur la base commerciale. Un vent de charges potentielles commence à souffler, qui peut mettre en péril une activité qui sert une industrie dans des territoires.
Vous parliez des ports autonomes qui ne payaient pas de taxe foncière. Qu'en est-il aujourd'hui ? Il y a toujours des ports autonomes.
Je pourrais laisser la parole à des représentants de l'Union des ports de France… Des contentieux existent sur différents ports, des refus, des contestations. Aujourd'hui le débat est en cours.
Je ne dis pas qu'il ne faut pas payer de taxe foncière, car le monde change. Mais elle doit être compatible avec la marchandise qui transite dans nos ports et elle doit être calculée sur des valeurs locatives. Les élus de la nation savent ce que la taxe foncière représente pour une collectivité locale puisque pour eux c'est une recette. On est capable de déterminer quelle est la valeur locative d'un magasin. Je pense que l'UPF a évoqué ce sujet avec l'administration puisque le Premier ministre en a parlé lors du Comité interministériel de la mer – c'est la mesure 11. Il faut se mobiliser sur cette question car, actuellement, ce que l'on construit dans les ports, ce sont des hangars en toile. Or ce n'est pas cela, l'avenir de notre pays.
Je vous propose d'en venir à la question suivante, celle du désenclavement du port du Havre et du développement de l'axe Seine. Mais les interventions des représentants des groupes permettront sûrement de relancer le débat sur les questions que nous venons d'évoquer.
En tant que directeur du port du Havre, je pense être tout naturellement désigné pour intervenir sur cette question.
Cette année, le port du Havre aura traité près de 3 millions de conteneurs, contre 2,5 millions l'an dernier, soit une forte progression. Sur ces 2,5 millions de conteneurs, 2 millions environ sont destinés à l'arrière-pays, les autres conteneurs étant transbordés d'un navire sur un autre. À peine plus de 4 % de ce trafic destiné à l'arrière-pays est acheminé par voie ferroviaire – c'est beaucoup trop peu – et 10 % environ l'est par voie fluviale, ce qui veut dire que plus de 85 % du trafic est acheminé par voie routière. Cela pose donc un problème environnemental et de compétitivité pour notre port parce que, au-delà de 400 ou 500 kilomètres, c'est par le train que l'on atteint les marchés de façon compétitive en concurrence avec les ports du nord de l'Europe. Ce sujet est au coeur des préoccupations du port du Havre et de ses tutelles depuis longtemps.
Pour le transport fluvial, le marché pertinent c'est l'Île-de-France. Au-delà, pas de rivière, pas de canaux. Nous sommes donc sur un marché fermé. Nous avons connu une croissance assez forte depuis les années 1980 et le milieu des années 1990. Le transport par barges représente environ 20 % de parts de marché sur cet axe Seine, niveau qui n'est pas si mauvais au regard du marché pertinent, mais qui est encore trop faible. Tout doit donc être fait pour développer l'activité du transport fluvial sur l'axe Seine, notamment l'accès à Port 2000, c'est-à-dire le transfert des barges depuis les terminaux à conteneurs jusqu'à la Seine. Il y a maintenant dix ans que Port 2000 a été livré, mais il a été construit avec un vice initial puisqu'il n'y a pas d'accès direct à la Seine ! Différentes solutions sont encore recherchées pour pallier ce manque initial de l'infrastructure. Nous avons organisé, sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), une large consultation publique pour déterminer la meilleure façon d'assurer l'accès des conteneurs destinés à des barges entre la rivière et les terminaux portuaires.
Par ailleurs, en ce qui concerne le modèle économique de ces opérateurs, le Premier ministre a annoncé que le système d'aide à la pince c'est-à-dire une aide publique au transport combiné, fluvial et ferroviaire, qui arrive à terme à la fin de l'année 2017, ne disparaîtra pas et que le Gouvernement mettra en place, sous une forme qui reste à déterminer, un autre dispositif d'aide. Ces secteurs ne peuvent pas fonctionner sans cette aide nationale qui représente, si je ne me trompe pas, près de 30 millions d'euros par an.
L'autre sujet pour l'axe Seine, c'est la plateforme multimodale. Le port du Havre a investi 140 millions d'euros dans une plateforme multimodale qui permet de traiter à la fois des barges et des trains. Après un démarrage que l'on peut qualifier de difficile, cette plateforme multimodale fonctionne aujourd'hui. À la fin du mois de décembre de cette année, elle aura traité 140 000 conteneurs équivalents vingt pieds (EVP). C'est un outil de développement, de préparation des modes massifiés, donc des barges et des trains, entre la place portuaire havraise et le réseau national.
Aujourd'hui, le marché du port du Havre s'étend, pour les trois quarts, au-delà de l'Île-de-France, c'est-à-dire à des destinations pour lesquelles le train est pertinent. Nous avions identifié avec Réseau Ferré de France (RFF), aujourd'hui SNCF Réseau, un grave problème de saturation du réseau national entre Paris et la Normandie liée aux travaux programmés sur Eole, aux travaux de régénération du réseau qui sont effectués la nuit et à une saturation de la section Paris-Mantes-la-Jolie. Un investissement assez lourd, de l'ordre de 250 millions d'euros, a été décidé pour électrifier une ligne alternative qui serait dédiée au fret par le nord de la vallée de la Seine – électrification du tronçon entre Serqueux et Gisors. Les premiers coups de pioche ont été donnés, je crois, la semaine dernière. Cette nouvelle ligne devrait être mise en service en 2020. C'est un élément essentiel du désenclavement des ports de Rouen et du Havre.
Mais il ne suffit pas d'avoir des infrastructures, encore faut-il que les opérateurs aient accès au réseau. Depuis maintenant plus de deux ans, le préfet Philizot préside, avec l'ensemble des autorités organisatrices de transport, avec SNCF Réseau et avec les ports, un groupe qui vise à favoriser l'accès au réseau des opérateurs de transport de fret. En clair, il s'agit de savoir comment obtenir des sillons, c'est-à-dire des places sur le réseau en intercalant des trains, étant entendu qu'historiquement le système a tendance à donner la priorité au transport de voyageurs. Du coup, lorsque les opérateurs de fret expriment leurs besoins, il est trop tard et le réseau est saturé – je simplifie, mais c'est ce qui se passe. Nous avons travaillé avec l'ensemble de ces acteurs et le système qui consiste à préréserver une capacité pour les besoins du fret commencera à être opérationnel en 2018-2019. Des démarches similaires ont été menées notamment à La Rochelle pour optimiser l'utilisation du réseau ferroviaire.
Voilà ce que je pouvais vous dire sur ce sujet assez complexe et extrêmement stratégique pour l'ensemble de nos ports, et en particulier pour l'axe Seine.
Je suis opérateur de manutention au port du Havre, mais, étant donné ma qualité de président de l'UNIM, il m'est difficile de m'exprimer sur ce sujet. Je préfère laisser la parole à François Guérin, directeur général du groupe Terminaux de Normandie, donc opérateur au port du Havre, et à mon collègue Stéphane Courcoux dont le groupe est opérateur à Rouen. Ainsi, vous aurez à la fois le son de cloche de l'opérateur du Havre et de celui de Rouen.
Je souhaite exprimer le point de vue des opérateurs du Havre sur le sujet clé du désenclavement. Comme l'a très bien dit Hervé Martel, c'est un élément central par rapport aux perspectives de développement du port. Un port est opérationnel parce qu'il y a des quais et des terminaux, et parce qu'il y a des dessertes vers l'intérieur du pays qui permettent de pré ou de post acheminer les marchandises.
Avec ses terminaux et ses quais, l'outil Port 2000 est tout à fait adapté et de nature à relever les défis des navires du futur. Nous avons accueilli, par le passé, toutes les générations progressivement de plus en plus grosses des géants des mers et nous recevons toutes les semaines plusieurs navires de dernière génération, entre 18 000 et 20 000 équivalents vingt pieds (EVP). Nous avons donc tout ce qu'il faut pour accueillir ces bateaux dans de bonnes conditions. Il faut maintenant que l'on puisse traiter le fret qui doit arriver ou repartir naturellement du port du Havre.
Comme cela a été indiqué tout à l'heure, 89 % du fret repart malheureusement par la route, 4 % par le rail et le reste, soit 7 %, par la barge. Le port du Havre doit se fixer comme objectif de servir son bassin premier qu'est l'Île-de-France : il doit regagner des parts de marché sur l'Île-de-France. Selon les éléments connus et partagés dans le cadre de la concertation publique qu'évoquait Hervé Martel tout à l'heure, une boîte sur deux à destination d'Île-de-France passe par Anvers. Il nous faut donc regagner des parts de marché sur ce marché-là, ce qui pourra se faire grâce au fleuve. Je rappelle que, lors de la dernière année de plein exercice de nos terminaux dans le port intérieur, notre part de marché sur l'hinterland par le fleuve était de 25 %. Cette année, elle est passée à 8 % sur Port 2000. Cette baisse est due notamment à l'absence d'accès direct qu'a évoqué tout à l'heure Hervé Martel. Contrairement à nos concurrents, Rotterdam et Anvers, qui ont à la fois les solutions d'accès direct pour les barges et des solutions un peu plus élaborées pour répondre à des problématiques spécifiques, nous avons la solution plus élaborée, c'est-à-dire le terminal multimodal, mais pas l'accès direct. C'est un peu comme si vous construisiez une maison sans faire les fondations : à un moment donné, cela pose problème.
Un certain nombre d'instances publiques et les opérateurs privés sont unanimes pour dire qu'il est indispensable que cet accès direct qu'on appelle la chatière soit réalisé rapidement, de manière que Le Havre soit prêt lorsque le canal Seine-Nord sera en service. Je ne dis pas cela contre le canal Seine-Nord, mais il est indispensable que nous puissions nous battre avec les mêmes armes que nos concurrents et faire en sorte que Port 2000 soit relié à la Seine avant Anvers.
Je confirme les propos de François Guérin en ce qui concerne la nécessité d'un accès direct. L'accès direct est un élément tout à fait complémentaire du terminal multimodal. Il ne faut surtout pas opposer les deux, chacun ayant sa vocation. Une marchandise pressée aura intérêt à passer par l'accès direct, la massification passera par l'accès direct. En revanche, des volumes plus spécifiques qui permettent la création de valeur ajoutée peuvent être acheminés par le terminal multimodal.
Il est indispensable de développer la massification et impératif d'améliorer le transport modal si l'on veut atteindre l'objectif, fixé par le Premier ministre lors des Assises de l'économie de la mer, de gagner quasiment vingt points par rapport aux ports du Nord. L'implantation de l'ensemble des acteurs, de l'importation à l'exportation, doit être favorisée sur les axes de massification, qu'il s'agisse de l'axe Seine ou des réseaux ferroviaires. D'autres sujets interviennent, comme celui de la domanialité dont on a parlé tout à l'heure, de la fiscalité, etc., bref tout ce qui doit favoriser l'implantation des acteurs le long de ces sites, sachant que la concurrence avec la route est virulente. Il faut savoir que développer une plateforme logistique le long d'une autoroute ne coûte pas cher et que les conditions sont nettement plus favorables que celles que l'on peut avoir au port de Rouen par exemple.
Cette année, Rouen enregistre une baisse de 10 % de ses flux par l'axe Seine, et Paris de 2 %, alors que la tendance devrait être complètement opposée.
Je propose que nous abordions le quatrième thème, à savoir la nature juridique des conventions de terminal à la suite de leur requalification en concession par le Conseil d'État, à l'issue des interventions des différents intervenants des groupes, ce qui permettra de relancer aussi le débat sur d'autres sujets.
La loi pour l'économie bleue, qui était issue d'une proposition de loi, témoigne donc d'un succès de l'initiative parlementaire, du dialogue avec le Gouvernement, ainsi que de la prise en compte de la nécessaire modernisation des procédures administratives et des impératifs de sécurité dans les navires, ce dont on doit se réjouir.
L'initiative parlementaire, souvent critiquée, est couronnée de succès lorsqu'elle est suffisamment mûrie, même si les sujets d'inquiétude, en particulier le Brexit mais aussi et surtout la concurrence internationale notamment chinoise, sont nombreux.
Je souhaite poser trois brèves questions sur trois grands ports maritimes et deux, plus larges, sur l'équipement.
Sur Nantes, quels sont les grands axes de développement du port, et quels sont les freins à l'investissement ? En particulier de quelle manière résoudre le manque d'entrepôts logistiques portuaires à Saint-Nazaire ? À quelle date le nouveau président du conseil de surveillance sera-t-il désigné ? Je rappelle qu'à La Rochelle, le siège est vacant depuis le mois de février. Quand sera mise en place la commission des investissements ?
Pour Le Havre, le port accueille environ 330 000 passagers chaque année. Quelles seront les incidences du Brexit ? Pour rester dans le cadre de la loi pour l'économie bleue qui a autorisé les casinos sur les ferries français, quelles seront, sur ce point, les suites du Brexit ?
Pour La Rochelle, est-il prévu un financement de l'accueil des marins, conformément à l'article 29 de la loi et au décret du 28 mars 2017 ? Je souligne une nouvelle fois le bon résultat de l'initiative parlementaire, multiple sur ce sujet.
Par ailleurs, l'article 86 de la loi vise à généraliser l'implantation systèmes de distribution de gaz naturel liquéfié et de bornes d'avitaillement électriques dans les ports à compter du 1er janvier 2025, à moins qu'il n'y ait pas de demande et que les coûts soient disproportionnés. Où en est l'application de ce dispositif, dont je rappelle qu'il correspond à la mise en oeuvre d'une directive européenne ?
Je terminerai mon propos sur une note plus générale. Il faut faire bénéficier nos territoires des atouts et du dynamisme de l'économie bleue – 14 % du produit intérieur brut (PIB), 800 000 emplois – et accroître la complémentarité des espaces portuaires avec leur arrière-pays. Les ressources économiques, énergétiques ou encore liées au développement durable sont immenses. C'est une chance à saisir, par exemple en matière d'énergies renouvelables avec l'implantation récente d'une filière d'éoliennes en mer, à Saint-Nazaire. Comment renforcer le rayonnement de nos ports pour que leur croissance bénéficie plus largement aux territoires voisins ?
Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont accepté de participer à cette table ronde. Permettez-moi de vous dire, monsieur le président, que nous regrettons seulement qu'elle se déroule en même temps que les conclusions des Assises de la mobilité – mais je sais bien qu'il n'est pas toujours simple de fixer un ordre du jour.
La loi pour l'économie bleue ne se bornait pas, bien évidemment, à la gestion des casinos sur les bateaux en bordure de nos terres françaises. Elle était en effet essentiellement axée sur le renforcement de la compétitivité des ports français. Il est intéressant de savoir si, dix-huit mois après le vote de cette loi, la compétitivité s'est améliorée ou si l'écart est encore malheureusement trop grand avec nos concurrents.
Chacun le sait ici, l'activité essentielle c'est la conteneurisation. Il y a quelques années, à l'arrière du camion il y avait un petit autocollant sur lequel on pouvait lire ceci : « Si vous l'avez acheté, c'est qu'un camion l'a transporté. » Aujourd'hui, en matière de commerce international, on peut plutôt dire que si vous l'avez acheté, c'est que, dans 95 % des cas, un conteneur l'a transporté. En quelques années, le trafic par conteneurs a été multiplié par deux pour atteindre 9 milliards de tonnes, et l'on peut considérer que le transport maritime représente désormais plus de 90 % du transport mondial.
Tout à l'heure, les intervenants ont cité des chiffres. Certes, le port du Havre progresse, mais il progresse assez faiblement, en tout cas beaucoup plus faiblement que ses concurrents ou ses collègues – je ne sais pas comment les appeler. L'écart se creuse par rapport à Rotterdam, Anvers et Hambourg. Pis encore, plus de 50 % de ce que la France a besoin en matière de transport passent aujourd'hui par un autre port qu'un port français. J'aimerais connaître le sentiment de celles et ceux qui appliquent la loi qui a été votée. Cet écart est-il voué, quels que soient les textes de loi, à se creuser ou bien faut-il continuer à légiférer pour améliorer cette réflexion ? Existe-t-il des filières industrielles de retraitement des sédiments récupérés à la suite du désensablement des ports, et si oui, lesquelles ? Dans les routes, dans les bâtiments ? C'est bien de draguer, mais je sais qu'il est compliqué de réutiliser les sédiments.
Enfin, j'ai bien compris qu'il était important d'avoir un canal pour pouvoir donner suite au port. Mais je voudrais m'assurer qu'il n'y a aucun risque de concurrence entre la voie maritime du port du Havre et le canal Seine-Nord-Europe.
Le développement des infrastructures portuaires en France est un enjeu majeur pour la croissance économique et l'emploi. Il est admis que, dans ce domaine, la France est moins compétitive que ses concurrents européens. Nos ports souffrent notamment d'un retard quant à la modernisation et la simplification des procédures, d'un déficit d'image lié aux conflits sociaux, de la réforme inachevée de leur gouvernance, mais aussi d'une moins grande connectivité aux réseaux de transports terrestres et fluviaux.
En conséquence, l'activité des ports de nos voisins européens – belges et hollandais en particulier – est bien supérieure à la nôtre. Les flux de marchandises y sont plus importants. Plus préoccupant encore, une large proportion de marchandises à destination du marché français transite par ces ports, les importateurs préférant l'offre de services et la qualité des réseaux de transports de nos voisins.
La table ronde d'aujourd'hui doit nous permettre de connaître l'état d'avancement de l'application de la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue. Un an et demi après son adoption, quels résultats a-t-elle produit ? Quels sont ses effets sur la compétitivité des ports français ? Et surtout, alors que le Gouvernement a annoncé son intention de poursuivre les efforts engagés dans ce domaine, comment aller plus loin ?
J'aimerais recueillir le sentiment des acteurs du secteur sur les annonces faites par le Premier ministre, Édouard Philippe, à l'occasion des Assises de l'économie de la mer en novembre. Il a présenté les trois axes d'une future stratégie portuaire, fondée sur la complémentarité, la compétitivité et la fluidité.
D'abord, renforcer la complémentarité des infrastructures portuaires appelle une réforme de leur gouvernance. Des réflexions sont menées en ce sens. La loi pour l'économie bleue fait davantage participer les régions. Selon vous, poursuivre la régionalisation de la gouvernance permettrait-il une gestion plus efficace des ports ? Ou, au contraire, faut-il y voir un désengagement de l'État préjudiciable à leur activité ? Par ailleurs, quelles seraient les conditions d'une régionalisation réussie ?
Ensuite, améliorer la compétitivité des ports impose de simplifier et dématérialiser les procédures de l'ensemble de la chaîne logistique. Où en est-on dans ce domaine ?
Enfin, accroître la fluidité exige le développement de la multimodalité, afin de mieux connecter les réseaux de transports – comme le fret ferroviaire ou le transport fluvial – aux infrastructures portuaires. Le Premier ministre a affirmé que l'État soutiendrait le transport combiné ferroviaire et fluvial sur l'ensemble du territoire. Quelles sont vos attentes à cet égard ? Nous avons ainsi beaucoup parlé de la « chatière » – accès fluvial direct – du port du Havre.
La multimodalité est aussi liée à la nécessité de développer les modes de transport dont les émissions de gaz à effet de serre sont inférieures à celles du transport routier. Dans cet esprit, la loi pour l'économie bleue a également organisé la montée en puissance des énergies alternatives plus respectueuses de l'environnement. De grands groupes ont déjà fait le choix du gaz naturel liquéfié (GNL). C'est le cas de la Compagnie maritime d'affrètement-Compagnie générale maritime (CMA-CGM). Lundi, au ministère des affaires étrangères, j'ai assisté à la signature du lancement de la construction du premier ferry de Brittany Ferries fonctionnant au GNL, cofinancé par la Banque européenne d'investissement (BEI). Les acteurs du secteur ont donc pris pleinement conscience de la nécessité de la transition énergétique et de son caractère inéluctable. Il s'agit à présent d'accélérer ce mouvement. Quels sont les blocages sur lesquels la puissance publique peut agir ? Quels mécanismes incitatifs – fiscaux ou réglementaires –, pourraient compenser le coût de la transition afin d'en accélérer la mise en oeuvre ?
Au sommet One Planet, voulu par Emmanuel Macron, la France a défendu sa vision de la participation du shipping à la lutte contre le réchauffement climatique, dans la Déclaration « Tony de Brum ».
Je vous remercie pour l'ensemble de vos exposés qui nous ont donné un éclairage précis de la situation de nos ports. Nous avons eu un peu trop tendance à oublier ces ports, alors qu'ils sont des éléments clés de la structuration de bon nombre de nos territoires – et sont fort heureusement revenus au coeur de nos débats.
En tant que député du Nord, sensible aux questions d'aménagement du territoire, vous comprendrez qu'il m'est impossible de commencer mon propos sans évoquer le projet du canal Seine-Nord Europe. Depuis le début, j'en suis un fervent défenseur. Ce projet ne peut être déconnecté de l'évolution des ports maritimes et fluviaux.
Rappelons tout d'abord qu'il s'agit d'un des cinq grands projets prioritaires de l'Union européenne. Un projet qui – hélas – va de rebondissement en rebondissement depuis plus de trente ans et n'en finit plus de se faire attendre. Encore aujourd'hui, nous sommes suspendus au respect de l'engagement de l'État, qui ne veut pas rester administrateur dans la société de projet et qui est incapable de dire par le biais de quelles recettes il compte financer le milliard d'euros qu'il doit apporter, alors que les collectivités ont déjà pris plus que leur part…
Bien évidemment, les ports du Havre, de Rouen et de Paris seront directement concernés, mais il ne faut pas oublier les retombées d'un tel projet sur les ports intérieurs, tels que Béthune par exemple. La portée de ce projet doit donc être évaluée dans sa globalité.
D'ailleurs, dans son discours d'ouverture des Assises de l'économie de la mer le 21 novembre dernier, le Premier ministre a heureusement abordé le canal Seine-Nord en appelant à « en faire un succès pour tous nos ports ». Le regain d'activité engendré arrosera l'ensemble des secteurs concernés et sera générateur de près de 50 000 emplois à terme, ce qui – vous en conviendrez – n'est pas négligeable, surtout pour les Hauts-de-France. Il entraînera également une très forte diminution de nos émissions de gaz à effet de serre, car cela reviendra à supprimer pas moins de 500 000 camions sur les routes par an. Un tel projet est donc totalement « économie bleue compatible ».
Pourriez-vous évoquer les impacts concrets que ce projet aura sur l'ensemble des ports concernés. Ne sera-t-il pas un atout, surtout si la desserte fluviale directe Port 2000 est réalisée au Havre.
Pour revenir plus précisément à la loi pour l'économie bleue et à la situation globale de nos ports, à l'heure où le Premier ministre vient de nous annoncer une nouvelle stratégie portuaire, pourriez-vous faire un bilan de la Stratégie nationale de relance portuaire de 2013 ? A-t-elle réellement permis des avancés et lesquelles ?
L'un des principaux piliers de la loi pour l'économie bleue est la gouvernance des ports. Elle vient d'être évoquée. Le décret concernant cette gouvernance est paru en mars dernier : pourriez-vous nous indiquer où nous en sommes ? Les avances prévues par le décret sont-elles aujourd'hui effectives ?
La desserte terrestre de nos ports semble être problématique. Où en est-on sur cette question ? Enfin, nos ports ne connaissent-ils pas un déficit de compétitivité par rapport à leurs concurrents européens, moins chers ? Cela a déjà aussi été évoqué.
En tant qu'élu de Rouen-Sud, je concentrerai mon propos sur l'axe Seine. Les élus communistes sont attachés à un État stratège et opposés à une posture girondine, et donc régionalisée, tendant notamment à confier aux régions une part décisive dans l'administration de nos ports. S'agissant de transport, la fluidité doit prévaloir.
Ces questions relèvent par ailleurs d'un contrat de plan. Ce contrat a provoqué le mécontentement les élus, bien au-delà de nos rangs, au regard de la faiblesse des investissements dans les ports de l'axe Seine. Le point d'étape sur les contrats de plan permettra de remédier à cela. Édouard Philippe, en tant qu'ancien maire du Havre, veillera sans doute à rétablir des investissements à la hauteur des enjeux liés à l'axe Seine.
La « chatière » du Havre, comme la plateforme de transit fret de Sotteville-lès-Rouen, sont concernées. Cette plateforme accueille aujourd'hui à cent vingt trains de fret et les problématiques techniques ont été évoquées. La perte de capacité de cet outil industriel est considérable.
Il n'y a pas opposition entre le canal Seine-Nord et l'axe Seine. La Représentation nationale doit aider à sortir ces projets par le haut. Certes, cela appelle des investissements, des réorientations et des décisions. À l'heure actuelle, les plateformes multimodales le long de l'axe Seine, notamment à Port-Jérôme et sur Seine-Sud, sont compromises, car elles ne sont pas mises en valeur. Quel est votre point de vue ?
Au Havre ou à Rouen, un port est un port s'il permet de générer des complexes industriels et de créer des « grappes industrielles ». Quel environnement inventer pour attirer autour de nos ports, afin de s'adapter aux mutations économiques auxquelles nous assistons ? J'ai été long, mais j'espère que vous le comprendrez : je suis Rouennais…
Avant de redonner la parole à nos invités afin qu'ils répondent à ces très nombreuses questions, regroupées malgré tout en grandes thématiques, nous avons deux dernières questions. Je propose qu'elles soient posées maintenant afin que nous redonnions ensuite, de manière globale, la parole à nos invités, ce qui n'empêchera pas, en fin de réunion, de poser des questions ponctuelles.
Dans le rapport du conseil économique, social et environnemental régional de Nouvelle-Aquitaine sur les ports de commerce, dont j'ai eu communication récemment, le rapporteur du dossier, M. Vincent Nuchy, écrit qu'il faut saisir l'opportunité que constituent les cinq ports de la façade Atlantique, afin qu'ils deviennent une porte ouverte sur le monde et un des éléments clés de l'avenir de la nouvelle Aquitaine. Il s'interroge sur les complémentarités entre les ports de cette grande région. À ce titre, j'évoquerai le grand port maritime de La Rochelle. Je suis élue de Charente-Maritime, à Rochefort, où le port de commerce est en développement. Le port de La Rochelle est, quant à lui, le premier port de commerce du bois au niveau national, et s'est fixé des objectifs de développement ambitieux.
La loi pour l'économie bleue renforce la compétitivité des exploitations maritimes, des ports de commerce, et prévoit la création d'un conseil de développement dans chaque port . Je voudrais mettre l'accent sur ces investissements, car ils sont un vrai sujet pour les gouvernances régionales. Comment envisagez-vous d'optimiser l'intermodalité du transport de marchandises, en provenance et à destination des ports ?
Par ailleurs, je m'intéresse au feedering maritime, système de cabotage qui fonctionne à Bordeaux et à Saint-Nazaire, et qui permet de réduire la part du transport routier, mais aussi de capter de nouveaux clients pour les filières n'utilisant que le transport routier. En Charente-Maritime, pour La Rochelle et Rochefort, je pense notamment aux filières du cognac et du bois. Les investissements se développent-ils dans ce secteur ?
Les conditions contribuant au développement des ports passent aussi par l'économie circulaire et le développement d'une filière de récupération. Je pense à la ferraille, aux granulats. Ce modèle économique est-il envisagé pour faire évoluer les pratiques ?
J'associe à ma question ma collègue Bérangère Couillard. La question de la gouvernance portuaire est largement abordée par la loi pour économie bleue. On y a vu des mesures de portée limitée. Pourtant, même ces mesures tardent à s'appliquer. Comment se fait-il que les commissions des investissements, dont la création est prévue dans chaque grand port maritime par l'article 23 de la loi, tardent à se mettre en place ? Il y en a une à La Rochelle, celle de Nantes est en cours de création. Où en sont les autres et pourquoi de tels retards ?
La même question vaut pour les conseils de coordination interportuaire – un seul a été mis en place – et pour les conseils de façade qui, conformément à l'article 26 de la loi, devraient inclure des ports décentralisés. Les présidences des conseils de surveillance des ports de La Rochelle et de Nantes sont vacantes – depuis février à La Rochelle. Pouvez-vous nous dire quand ces sièges seront pourvus ?
Pourriez-vous par ailleurs, messieurs, nous préciser la nature juridique des conventions de terminal, suite à la décision du Conseil d'État ?
On a souvent tendance en France à voir le verre à moitié vide et trop rarement à le voir à moitié plein. Permettez-moi de vous dire quelques mots sur la situation réelle du port du Havre cette année. Elle résulte d'ailleurs beaucoup plus de l'action des entreprises privées que de celle de l'autorité portuaire. Plus exactement, c'est le résultat de l'action conjointe de l'ensemble de la communauté portuaire. Le port du Havre est touché par les trois grandes alliances mondiales – il y a peu de ports dans le monde pour lesquels c'est le cas. Grâce à la qualité des prestations de manutention et de ses infrastructures, les plus grands navires sont reçus au port du Havre, sans restriction. Un armateur me disait récemment que ce port est la « Rolls-Royce » des ports en Europe. Un autre estimait qu'il est le seul qui fonctionne aujourd'hui, car les armateurs rencontrent des problèmes à Anvers et à Rotterdam. Les armateurs sont satisfaits de la qualité de service offerte par le port et ses opérateurs de manutention. Les volumes par escale sont un peu faibles, c'est vrai. Fin novembre, la croissance du port du Havre était de 15 %. Ce sera, de très loin, la croissance la plus forte en Europe du Nord : Rotterdam, qui vient ensuite, est à moins de 10 %, les autres ports sont entre 2 % et 3 %. Une inflexion s'est donc produite, une réelle dynamique est enclenchée. Quelques mois d'évolution ne font pas forcément une tendance, mais la confiance des armateurs est là.
On parle de simplification administrative. Savez-vous que les douanes françaises sont classées en première position par la Banque mondiale pour ce qui concerne le nombre de documents à fournir pour le dédouanement ? Aucun document papier ne doit être fourni pour dédouaner des marchandises au port du Havre, et il faut quatre minutes en moyenne pour faire passer un conteneur. C'est probablement le port le plus compétitif d'Europe dans le domaine du dédouanement, avec des systèmes d'information très performants, même s'il faut encore les développer – le Premier ministre en a parlé.
L'un d'entre vous a parlé de conflits sociaux, Au cours des deux ou trois dernières années, hormis des conflits nationaux, le port du Havre est probablement l'un des plus fiables en Europe. Il y a eu beaucoup plus de grèves dans d'autres ports européens – je ne vais pas les citer – que dans nos ports. Mais on a tendance à en parler beaucoup en France et à ne pas en parler dans les autres ports… La confiance des armateurs dans nos ports est liée à cette fiabilité sociale : les conflits sociaux dans les ports sont revenus à un niveau faible. Je le dis en présence des représentants de la Fédération nationale des ports et docks : espérons que cela continue, monsieur Hautbois !
En matière de logistique, on constate une vraie inflexion chez les investisseurs privés. Puisque M. Courcoux est là, je vais citer le groupe Bolloré, dernier en date à avoir inauguré un entrepôt de 35 000 mètres carrés au port du Havre. Les investisseurs privés investissent aujourd'hui lourdement dans nos ports pour y créer des entrepôts – c'était un autre de nos points faibles. Je pourrai continuer en citant la croissance exponentielle du trafic de croisière au port du Havre – près de 30 % de croissance – ou la croissance du trafic de véhicules neufs, de 18 % cette année.
En conclusion, de très nombreux indicateurs sont au vert et une dynamique s'est enclenchée. Cela ne veut pas dire que tout aille bien : les dessertes terrestres sont très clairement un point faible. La santé économique et financière des acteurs privés comme publics mérite attention. Il faut désormais une stratégie pour porter cette dynamique. La plupart des éléments se trouve dans le discours du Premier ministre. Nous attendons maintenant la mise en oeuvre.
La gouvernance est importante, mais ce n'est pas l'alpha et l'oméga de la compétitivité des ports. La gouvernance d'établissements publics ne fait pas venir les bateaux et les clients.
Je soutiens totalement les propos d'Hervé Martel sur le port du Havre. En tant qu'opérateur au Havre, nous sommes effectivement satisfaits de la croissance depuis deux ans, et en particulier cette année. Nous y participons largement. C'est la raison pour laquelle les investissements doivent être bien ciblés. On en revient toujours à notre sujet d'origine…
Le fameux arrêt du 14 février dernier du Conseil d'État, relatif à la requalification des conventions de terminal – en l'espèce celle du Verdon – en concession de services, au titre de la directive « Concessions », pose un véritable problème. Nous avons pu construire les terminaux de Port 2 000 grâce à ces conventions de terminal, modernes et « pro-business », comprenant les modalités de reprise des biens en fin de titre et permettant à nos financeurs de financer ces investissements. L'arrêt du Conseil d'État nous ramène au XXe siècle, avant les conventions de terminal créées sous forme d'une convention d'exploitation de terminal en 1999.
Nous avons évidemment été extrêmement étonnés de cette décision, qui nous semble être un arrêt d'espèce. Le Verdon est le terminal à conteneurs de Bordeaux. C'est un cas un peu particulier, puisqu'il a du mal à sortir de terre depuis un certain nombre de décennies. De ce fait, peut-être qu'au Verdon, l'opérateur choisi est plus en délégation de service qu'en situation de développer une activité florissante sur le terminal.
Malgré tout, cet arrêt a été rendu et est extrêmement important. Nous sommes intervenus en concertation avec Marc Sandrin, sous-directeur des ports à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGTIM), afin de voir comment en sortir. À cet égard, la décision n° 13 du dernier Comité interministériel de la mer (CIMER) est importante : le Premier ministre a demandé aux parties prenantes de réformer la domanialité. Dans ce cadre, les fameuses conventions de terminal seront étudiées. Nous espérons que cette concertation sera transversale entre les parties prenantes – opérateurs terminaux, logisticiens et industriels qui investissent aussi sur le domaine public. Les délais sont très courts puisque tout doit être décidé avant le 1er juillet 2018, à la demande du Premier ministre.
Mais nous allons nous y atteler. Nous avons tenu une première réunion hier avec la DGTIM et pensons que le lieu pour traiter ce sujet transversal, interprofessionnel et interministériel, serait le Comité France Maritime, dirigé par Éric Banel, et qui représente à la fois le public et le privé. La réflexion sera extrêmement intéressante. Si elle est organisée avec toutes les parties prenantes – y compris peut-être le Conseil d'État –, on pourra sortir de cette impasse.
Je rejoins pleinement le constat d'Hervé Martel sur le verre à moitié vide ou à moitié plein. Lors de nos discussions avec les adhérents du Cluster Maritime Français, nous constaonse que le verre se remplit doucement. La tendance est bonne sur de nombreux sujets.
Sur le feedering, Mme Tuffnell est intervenue, estimant que l'on n'en parlait pas beaucoup. C'est au contraire un sujet qui nous préoccupe et nous occupe beaucoup, puisqu'il s'agit d'intermodalité et de cabotage intra-européen. C'est également un sujet de transition écologique, puisque cela permet de reporter des marchandises de la route vers la mer, en l'espèce, et non pas vers les fleuves. D'ailleurs, je vous quitterai peut-être un peu avant la fin de l'audition, car la soirée du cabotage européen – du shortsea shipping – se tient tout à l'heure à partir de 19 heures 30.
Mais c'est aussi une question de moyens. Jusqu'à la fin de l'année existe un bureau de promotion du cabotage européen, le Bureau de promotion du shortsea shipping (BP2S), actif depuis plusieurs années grâce à un financement public et privé. Les financements publics se raréfiant, il devient difficile de le faire vivre. Avec Armateurs de France, nous souhaitons qu'il retrouve une nouvelle vie, car c'est un lieu important de rassemblement de tous les opérateurs de cabotage intra-européens – pas seulement les marins, mais les entreprises de fret, les camionneurs – et c'est aussi le seul maillon qui nous permet d'être présents dans ce réseau de développement du cabotage intra-européen en Europe.
À partir du début de l'année prochaine, la France risque d'être absente sur ce sujet, ce qui serait dommageable. Nous ferons sans doute appel à votre soutien pour que ce bureau puisse continuer à exister.
La fiscalité des ports a déjà été évoquée, je ne rentrerai donc pas dans le détail. Pour autant, il faut le redire ici, n'oublions pas les ports d'outre-mer, mentionnés dans une de vos interventions. La fiscalité évolue, en même temps que la réglementation européenne. Deux types de traitements doivent être appliqués : chacun comprendra que le port du Havre peut être en concurrence avec celui de Rotterdam et que les conditions de cette concurrence doivent être rendues aussi égales que possible. Mais il est plus difficile de comprendre que Fort-de-France est en concurrence avec Kingston en Jamaïque. Dans cet exemple, les échelles sont très différentes. Le traitement des ports d'outre-mer doit être étudié avec attention.
Une dernière information, sans vouloir abuser de la parole, pour compléter ce que vient de dire Christian de Tinguy sur la domanialité : nous sommes extrêmement attentifs à ce sujet, qui doit réunir les ports et les opérateurs et est abordé depuis maintenant plusieurs mois au sein du Comité France Maritime, que pilote Éric Banel et que je copréside avec le secrétaire général de la mer. Nous devons travailler vite et être extrêmement attentifs, car il en va de la compétitivité de nos ports.
MM. Haury et Pahun ont respectivement évoqué le Brexit et l'adaptation des navires à des modes de propulsion plus écologiques.
Ainsi que l'a souligné le député Paul Christophe dans son rapport sur le commerce extérieur, le Brexit représente un défi majeur pour les ports. Il apparaît indispensable que l'État veille à protéger l'économie maritime des conséquences lourdes qu'il pourrait avoir, s'agissant en particulier de la fluidité des échanges et de la concurrence équitable. Le président d'Armateurs de France, que je représente aujourd'hui, souhaite que le Gouvernement et le Parlement s'emparent de ce dossier pour envisager, dès à présent, toutes les mesures de niveau national qui permettraient d'amoindrir les conséquences négatives du Brexit pour notre économie. Je pense en particulier à la promotion touristique de la destination France ou à des réflexions qui pourraient être conduites sur le développement de zones franches portuaires.
Les jeux de hasard à bord des navires, également évoqués, sont autorisés par la loi pour l'économie bleue, mais le champ d'application de la loi, limite la possibilité d'exploiter des jeux de hasard à bord aux navires effectuant des liaisons « intracommunautaires ». Il conviendra de modifier ce point une fois le Royaume-Uni sorti de l'Union européenne, les liaisons outre-Manche étant alors exclues du dispositif.
Concernant la poursuite et l'accélération de la transition écologique et énergétique dans les transports et les ports maritimes, je vous confirme que la réduction des émissions atmosphériques par les navires est un enjeu majeur dont se sont emparés les armateurs, bien conscients de leur rôle et de leur contribution nécessaire à cette démarche.
M. Pahun a salué l'annonce récente de la compagnie CMA-CGM et le premier financement maritime vert au profit de la compagnie Brittany Ferries. Il convient de souligner l'effort et la démarche volontariste que les armateurs ont entrepris. C'est un défi technique mais aussi logistique, qui implique l'adaptation des installations portuaires et le développement d'une nouvelle chaîne d'approvisionnement en gaz. Armateurs de France compte évidemment sur le soutien du Gouvernement pour contribuer à cet effort.
M. Montcany de Saint-Aignan a évoqué le développement des ports de commerce ultramarins. À l'occasion des Assises de l'économie de la mer, le Premier ministre a souhaité que l'on s'inspire de l'exemple de La Réunion pour créer une grande plateforme de transbordement aux Antilles. C'est un facteur de développement économique important pour les territoires ultramarins. Il faut saisir rapidement les opportunités offertes par l'agrandissement du canal de Panama, en encourageant les investissements privés et le bénéfice d'autorisation d'occupation du domaine public en concordance avec l'amortissement de ces investissements.
La CGT n'est nullement opposée à la relance du projet du canal Seine-Nord-Europe, car il représente un enjeu essentiel pour l'activité et l'emploi dans les territoires. Cependant, imaginez la surprise des représentants des travailleurs portuaires que nous sommes quand nous avons appris la relance d'un projet qui va coûter des milliards d'euros d'investissement alors que les ports français ont des besoins importants, notamment pour financer leur désenclavement. La « chatière » du Havre a été évoquée, mais il faut également citer les besoins urgents des ports de Bordeaux et de Nantes-Saint-Nazaire. Les ports de l'Atlantique ne sont toujours pas reliés au réseau ferroviaire, ce qui pose des problèmes d'acheminement des marchandises. Nous craignons donc une concurrence déloyale de la part du futur canal Seine-Nord, surtout si les besoins d'investissement des grands ports français ne sont pas pris en compte, mais cette concurrence pèsera également sur le transport fluvial, dont les conventions collectives se trouvent être aussi du ressort de la Fédération nationale des ports et docks. Nous craignons de voir se croiser des travailleurs aux statuts sociaux différents. Il est donc nécessaire d'assurer une complémentarité entre l'investissement dans le canal Seine-Nord et l'investissement dans les ports français.
En ce qui concerne la régionalisation, nous reconnaissons que les régions jouent un rôle essentiel en matière d'investissements dans les ports. Il est donc nécessaire d'améliorer le lien entre l'État et les régions, mais il ne faut pas précipiter les choses. On aurait plutôt intérêt à faire un bilan des stratégies portuaires adoptées en 2008, puis en 2013, avant d'envisager des évolutions. Compte tenu de la nécessité d'assurer une complémentarité entre les ports, la régionalisation de ces derniers serait selon nous une aberration.
S'agissant du dragage, le Comité interministériel de la mer (CIMER) de 2016 avait annoncé que la dotation de l'État serait à la hauteur des besoins des ports français de façon à ne pas alourdir la charge des établissements. Nous avons donc été surpris d'apprendre que le nouveau gouvernement entendait revenir sur cette position, ce qui aura des conséquences majeures sur les établissements portuaires et les entreprises de manutention. Nous partageons l'idée que le dragage contribue à la compétitivité des ports français. Il permet aussi de maintenir l'emploi des marins, aujourd'hui en diminution, et dans les ateliers des grands ports d'estuaire de Bordeaux, Rouen et Nantes-Saint-Nazaire.
Enfin, nous nous félicitons qu'ait été reconnue et saluée la qualité de la manutention. Il y a certes eu des conflits dans ce secteur lors des réformes de 1992 puis de 2008 mais en dehors de ces difficultés, le dialogue social a été fructueux. La prestation de manutention a été améliorée depuis 1992 car nous avons été les premiers en Europe à nous doter de certificats de qualification professionnelle pour les ouvriers dockers – certificats qui servent désormais de modèle dans le cadre du dialogue social européen.
Ce n'est une révélation pour personne : le port de Bordeaux, situé dans ma circonscription, rencontre depuis plusieurs années des difficultés – structurelles d'une part, du fait de la situation de l'estuaire de la Gironde, et conjoncturelles d'autre part, en raison de la baisse constante de l'activité industrialo-portuaire, sans grande perspective de retournement – malgré de nombreux projets.
En revanche, compte tenu de l'attractivité de la métropole bordelaise, renforcée par l'ouverture de la liaison ferroviaire Bordeaux-Paris en deux heures, les réserves foncières importantes dont dispose le port ne cessent de prendre de la valeur, si bien que la gestion du domaine foncier est devenue une source de revenus croissante, à un moment où le trafic portuaire est en stagnation.
Le port de Bordeaux est en train de développer une activité d'aménageur urbain qui n'est pas sans poser problème, notamment dans les relations du port avec les collectivités territoriales qui en supportent la charge. Est-ce là la vocation d'un port ? Comme le souligne le rapport du conseil économique, social et environnemental régional de Nouvelle Aquitaine publié en juillet 2017, le développement des activités industrielles ne doit-elle pas primer face aux tentations urbanistique, résidentielle et touristique ?
Député de la Seine-Maritime, je salue l'organisation de cette table ronde et m'associe aux propos qui ont été tenus par mes collègues concernant le désenclavement des ports.
Je souhaiterais aborder la question de la transition énergétique. Les décisions prises en matière d'énergie décarbonée évoluent très vite, et l'activité de la centrale thermique du Havre sera mise en cause dans quelques années à peine. Il est possible qu'à très court terme, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques n'autorise plus en Europe que les ports ayant une très faible empreinte carbone. Il est donc d'une urgence vitale que la France investisse dès maintenant dans les secteurs ferroviaire et fluvial et équipe les quais de plateformes intermodales. Qu'en pensez-vous ?
Le financement de l'accueil des marins est bien prévu par un arrêté préfectoral du 29 novembre 2017. Le port de La Rochelle n'a pas attendu que la loi sur l'économie bleue rende obligatoire une telle participation pour que cette dernière soit effective, et à un très bon niveau.
En ce qui concerne les sédiments, nous avons créé à La Rochelle une unité de traitement et de valorisation des sédiments pollués à terre pour répondre aux besoins de la collectivité mais également à ceux du port. Cependant, ce n'est pas une solution palliative au dragage qui est indispensable. D'où la question, évoquée tout à l'heure, de la définition de la notion de sédiments pollués.
S'agissant toujours de la région Nouvelle-Aquitaine, le rapport du CESER fait effectivement état de la nécessité de développer encore plus la coopération entre les ports. J'insiste sur ce « encore plus » car des actions sont déjà menées entre les grands ports maritimes, en particulier entre Bordeaux et La Rochelle, mais également avec des ports décentralisés comme Bayonne ou Tonnay-Charente-Rochefort. L'idée est d'aller plus loin, mais comme certains se disent déçus de l'absence de résultats immédiats à la suite du vote de la loi sur l'économie bleue, je tiens à souligner qu'il ne faut pas tout ramener à des questions de gouvernance, même si elles sont importantes, et que la dynamique collective est réelle.
J'apporterai quelques réponses aux questions de Yannick Haury. Nous avons identifié trois axes dans le projet stratégique que nous avons voté en avril 2015 et qui, d'après le comité d'audit, est cohérent avec les objectifs visés.
Tout d'abord, un premier axe de veille et d'animation de nos filières. Il y a, derrière nos terminaux, des industries, des entreprises et des emplois – en particulier dans le secteur énergétique. L'une des questions qui se posent est celle de l'avenir des centrales à charbon. Comme elle aura un impact majeur pour les ports, il serait bon qu'elle soit traitée dans une approche d'ensemble, ne se restreignant pas aux seuls personnels des centrales thermiques mais prenant aussi en compte les travailleurs portuaires et nos opérateurs de manutention. Les autres secteurs très dynamiques chez nous sont l'aéronautique, la construction navale, l'automobile, l'agroalimentaire et les énergies marines renouvelables – en particulier, l'éolien offshore. Nous souhaitons dans ce dernier domaine un desserrement des contraintes réglementaires pour pouvoir installer des champs d'éoliennes au large de nos côtes. Ces espaces, aujourd'hui occupés dans nos ports, créent des emplois – 430 à l'usine General Electric de Saint-Nazaire, par exemple, ce qui correspond à peu près aux engagements qui avaient été pris par l'industriel à l'époque.
Le deuxième axe que nous avons identifié concerne les services et la compétitivité de notre port. Nous devons améliorer nos propres structures de coût mais également l'offre de services proposée, notamment dans les domaines fluvial et ferroviaire car le marché ne permet pas à lui seul de développer ce type d'activités. Nous allons donc instaurer à partir de janvier 2018 un système de barges fluviales entre nos sites de Nantes et de Saint-Nazaire, appelé « Flexiloire ». Ce système, qui bénéficie d'un accompagnement du port et des collectivités de Nantes et de Saint-Nazaire, permettra de décharger des flux routiers aujourd'hui très saturés entre ces deux villes.
Enfin, comme l'estuaire de la Loire est très sensible, le troisième axe vise le développement durable et la protection des milieux. Nous avons engagé des actions majeures en ce domaine avec les collectivités locales et les associations environnementales.
Le sujet qui nous inquiète le plus est celui de la fiscalité. La taxe foncière a déjà été évoquée, mais l'impôt sur les sociétés pose également problème depuis la publication récente d'un bulletin officiel des finances publiques (BO-FIP) très imprécis. Nous allons devoir mener un travail très poussé pour déterminer les modalités de notre imposition sur les sociétés en 2018. Le modèle économique des ports est perturbé par plusieurs paramètres, parmi lesquels l'évolution des trafics énergétiques d'origine fossile et la fiscalité. Il est donc nécessaire de remodeler les dispositifs qui avaient été prévus.
Je souhaiterais évoquer l'article 86 de la loi sur l'économie bleue, relatif au gaz naturel liquéfié (GNL), qui a été cité tout à l'heure. Un schéma national du GNL a été publié à la fin de l'année 2016 et une nouvelle disposition a également été prise au cours du dernier Comité interministériel de la mer (CIMER). Nous nous inscrivons donc dans une logique de coopération avec le ministère de tutelle, mais également dans une démarche interministérielle avec le Comité France Maritime pour travailler avec l'Union des Ports de France (UPF) et tout autre acteur concerné. Nous serons également impliqués dans le traitement de la question de la domanialité. Je voudrais saluer le travail qui est fait actuellement en bonne intelligence avec les différentes fédérations – la loi Leroy ayant permis à ces dernières de se rapprocher les unes des autres et d'identifier des synergies possibles pour développer l'économie maritime du pays.
Je voudrais revenir sur l'obligation, prévue à l'article 85 de la loi sur l'économie bleue, de sortir les sédiments de l'eau, lorsqu'ils sont considérés comme pollués. Il nous faudra être très vigilants lorsque le décret déterminant le seuil de pollution autorisé sera publié afin, d'une part, d'éviter d'avoir à sortir de l'eau des quantités colossales de sédiments et, d'autre part, de nous assurer d'une certaine souplesse dans l'édiction de la règle car la composition de ces matériaux diffère d'un port à l'autre. Au port de La Réunion, par exemple, la rivière des Galets descend des métaux lourds considérés comme pollués, mais qui sont naturellement sur place. J'appelle par ailleurs votre attention sur la nécessité d'exclure le dragage et le clapage du champ de la redevance d'archéologie préventive, sans quoi les conséquences économiques risquent d'être très lourdes pour nos ports.
En ce qui concerne l'article 86, j'ai l'impression, comme M. Lambert, qu'une filière est en train de se constituer, comme le prouve la commande de navires au GNL. Il y a en France trois grands ports maritimes disposant de terminaux méthaniers. Des dispositifs de soutage par mer ou par route se mettent en place et des propositions de formation au soutage nous ont été faites récemment. Je suis donc assez optimiste sur ce point.
Un autre point qui n'a pas été discuté dans la loi Leroy et qui bénéficie directement à l'attractivité des ports est l'autoliquidation de la TVA. S'il importe, pour favoriser l'attractivité des ports, de les doter d'infrastructures d'hinterland performantes, il faut aussi qu'ils bénéficient d'une attractivité administrative. L'autoliquidation de la TVA a permis à des milliers d'entreprises, qui passaient auparavant par les ports du Nord, de revenir dans les ports français et a contribué à la reconquête de parts de marché par les ports du Havre et de Dunkerque.
Enfin, en matière fiscale, la Commission européenne, en obligeant la France et la Belgique à assujettir leurs ports à l'impôt sur les sociétés à partir de 2018, a elle-même créé une distorsion de concurrence entre Marseille et ses deux concurrents naturels, Gênes et Barcelone, qui vont bénéficier de conditions fiscales bien plus intéressantes.
Vous avez souligné que le décret déterminant le seuil de pollution des sédiments à draguer pourrait poser problème. Ne faudrait-il pas prendre un arrêté (pour chaque zone portuaire), plutôt qu'un décret traitant la question de façon globale ?
Ce décret pourra effectivement prendre en compte ce qu'on appelle le bruit de fond. La loi, qui prévoit que les sédiments pollués ne devront plus être rejetés en mer à partir de 2025, renvoie au décret le soin de définir cette notion de sédiments pollués. Nous sommes en train d'élaborer ce texte avec le plus de précision possible afin de préserver le milieu marin et de favoriser le recyclage de ces sédiments. Les grands ports maritimes ont beaucoup fait évoluer leurs techniques de dragage et les lieux où le clapage est autorisé font l'objet de nombreuses analyses.
Je m'associe aux propos qui ont été tenus concernant la loi Leroy : c'est une loi fondatrice que je salue. Je souhaiterais répondre aux questions soulevées à la suite du Comité interministériel de la mer (CIMER) qui s'est tenu, sous l'égide du Premier ministre, il y a quelques semaines.
La situation des ports d'outre-mer y a été discutée : on a parlé du développement de la croisière, de l'expérimentation d'une zone duty free et de la création d'un transbordement aux Antilles. Des décisions ont été prises concernant la domanialité publique portuaire de façon à mettre en adéquation les durées de concession ou d'autorisation d'occupation temporaire avec les nécessités de sécurisation des investissements.
Le CIMER a par ailleurs évoqué la transition vers le gaz naturel liquéfié et notamment le recours à des outils fiscaux. Nous envisageons de modifier les dispositions de l'article 39 C du code général des impôts relatives à la durée d'amortissement des biens, au périmètre de l'article et pour traiter la question du premier arrêt technique. Ces mesures visent à soutenir le financement de la transition énergétique.
La question de la gouvernance a souvent été soulevée au cours de cette table ronde. Le Gouvernement a souhaité lancer des missions sur l'axe Seine, sur l'axe Rhône-Méditerranée, sur l'axe Nord, sur le modèle économique et sur l'implication des régions – cette dernière, en concertation étroite avec les partenaires sociaux et les collectivités territoriales concernées.
Le Brexit a été abordé lors du CIMER, sous l'angle des ports, du transport maritime, de la pêche et des jeux embarqués – il faudrait d'ailleurs plutôt parler de machines à sous que de casinos. La première phase de la négociation du Brexit étant terminée, nous entrons désormais dans une deuxième phase de discussion sur chaque sujet particulier. Nous comptons associer tous les acteurs à cette négociation dans le cadre du Comité France Maritime.
Ce CIMER est fondé sur un principe méthodologique d'association à ses travaux de l'ensemble des partenaires, des régions et des acteurs professionnels. Le Comité France Maritime concrétise la volonté du Gouvernement d'associer les acteurs concernés le plus en amont possible dans la prise de décision.
La question des machines à sous à bord des navires a bien été identifiée. Nous serons donc amenés à proposer des modifications législatives.
L'accueil des marins a déjà été évoqué, s'agissant notamment du Grand Port Maritime de La Rochelle (GPMLR). Les ports ont fait en sorte d'être prêts à financer ce service au 1er janvier 2018, comme le prévoit la loi.
Quant au GNL, il est assez emblématique des évolutions importantes auxquelles le transport maritime est confronté. Hier, grâce au rôle très actif qu'a joué la France, trente-quatre pays ont signé une déclaration ambitieuse en matière de changement climatique et les négociations se poursuivront à l'Organisation maritime internationale (OMI). La question du GNL est également emblématique de l'accompagnement que le Gouvernement veut offrir aux filières. Le GNL est tout aussi important pour la qualité de l'air que pour la réduction des gaz à effet de serre. Nous avons sollicité la Banque européenne d'investissement (BEI) il y a plusieurs mois et les acteurs économiques utilisent désormais cet outil.
Enfin, nous souhaitons accompagner la filière de construction navale et redynamiser la réflexion du Conseil d'orientation de la recherche et de l'innovation pour la construction et les activités navales (CORICAN).
Je vous remercie de ces nombreux échanges qui nourriront notre rapport. Ce dernier sera présenté le 20 décembre prochain – à huis clos mais nous ne manquerons pas de le mettre à votre disposition. Comme vous l'avez souligné, la loi Leroy est une première étape. Comme nous n'avons pas l'intention d'en rester là, nous aurons l'occasion de nous retrouver très prochainement pour continuer à parler d'économie maritime, et faire évoluer cette législation.
Je vous remercie à mon tour. Étant élu du département de l'Aude, je suis assez inquiet de ne pas avoir entendu parler des ports de la Méditerranée, excepté celui de Marseille qui a été cité une seule fois. Il y a pourtant Port-la-Nouvelle dans ma circonscription, mais nous en parlerons ultérieurement… (Sourires)
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 13 décembre 2017 à 17 heures
Présents. - M. Christophe Arend, Mme Sophie Auconie, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Fabrice Brun, M. Lionel Causse, M. Jean-Charles Colas-Roy, Mme Bérangère Couillard, Mme Jennifer De Temmerman, M. Bruno Duvergé, M. Olivier Falorni, M. Yannick Haury, Mme Sandrine Josso, Mme Sandrine Le Feur, M. Stéphane Le Foll, M. David Lorion, M. Gérard Menuel, M. Adrien Morenas, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, M. Alain Perea, M. Patrice Perrot, M. Napole Polutele, M. Loïc Prud'homme, Mme Véronique Riotton, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, M. Vincent Thiébaut, Mme Frédérique Tuffnell, M. Pierre Vatin, M. Hubert Wulfranc
Excusés. - Mme Bérangère Abba, Mme Nathalie Bassire, M. Christophe Bouillon, M. Loïc Dombreval, M. Jean-Luc Fugit, M. Jacques Krabal, Mme Aude Luquet, Mme Sandra Marsaud, M. Bruno Millienne, M. Bertrand Pancher, Mme Laurianne Rossi, M. Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, M. Michel Vialay
Assistaient également à la réunion. - Mme Dominique David, Mme Audrey Dufeu Schubert, M. Jean-Paul Lecoq, M. Jean-Pierre Pont