Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du mardi 15 juin 2021 à 9h00
Questions orales sans débat — Plan de relance aéronautique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Parmi les secteurs très touchés par la crise, l'aéronautique et ses 202 000 salariés bénéficient d'un fort engagement de l'État, à hauteur de 15 milliards d'euros. Malgré les demandes répétées de plusieurs groupes parlementaires, le Gouvernement n'a pas subordonné l'obtention de ces aides publiques à l'interdiction de distribuer des dividendes aux actionnaires pendant cette période. En conséquence de quoi un groupe comme Safran, dont l'État est actionnaire et au conseil d'administration duquel il siège, a pu réaliser en 2020, au plus fort de la crise, un résultat net de 850 millions d'euros, dont 180 millions ont été reversés à ses actionnaires. Or ce groupe a perçu, cette même année, 250 millions d'euros d'argent public si l'on retient uniquement l'aide apportée au titre de l'activité partielle de longue durée.

Il existe un sentiment de double peine pour ces salariés qui, en tant que contribuables, se financent leur activité partielle et subissent aussi des pertes de salaire et d'emploi, alors que certains se versent des primes. Pour ne prendre que l'exemple du site installé près du Havre, à Gonfreville-l'Orcher, que je connais bien, l'effectif de l'entreprise est passé de 1 720 emplois en 2019 à 1 551 aujourd'hui. Les actionnaires, non contents des 5 % de marges obtenues par Safran Nacelles en pleine crise, ont annoncé l'objectif d'un retour à deux chiffres dès 2024, c'est-à-dire au même niveau que le résultat de 2019, année qualifiée de référence en matière de niveau de performance. Que compte faire le Gouvernement pour imposer aux entreprises qui ont bénéficié de l'argent public que leurs effectifs retrouvent eux aussi leur niveau de cette même année ?

Par ailleurs, et contrairement à ce qui se pratique dans d'autres pays comme l'Allemagne, le Gouvernement a refusé de subordonner les aides publiques massives au maintien de l'emploi et des sites de production en France. Pourtant, l'un des enseignements de cette crise, c'est la nécessité – cela a été dit à plusieurs reprises par les ministres dans cet hémicycle – de réindustrialiser, de relocaliser dans notre pays et en Europe. Résultat concret : le programme de production de l'Airbus A320neo, programme phare de Safran Nacelles réparti de manière équilibrée avant la crise entre ses sites de production en Angleterre, en France et au Maroc, a été réorienté pour se passer du site britannique et de ses 110 000 heures de travail. Vous me direz que l'Angleterre a quitté l'Union européenne et que ce n'est plus notre problème – sauf que ces 110 000 heures de travail ne seront réaffectées qu'à hauteur de 20 000 heures seulement en France et 90 000 heures au Maroc, un pays où la main-d'œuvre est à bas coût, et ce malgré l'opposition exprimée par le comité d'entreprise européen de Safran le 21 avril dernier et par le comité social et économique central. Cette situation place d'ailleurs le site de Gonfreville-l'Orcher en situation de quasi-monoproduction et l'expose ainsi à un risque en cas de revers sur ce programme.

Comment le Gouvernement compte-t-il faire pour que le plan de relance serve l'emploi en France plutôt que les marges actionnariales et les délocalisations à l'étranger ?

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