Intervention de Christophe Jerretie

Séance en hémicycle du mardi 15 juin 2021 à 15h00
Restitution des travaux des commissions des finances et des affaires sociales sur le printemps de l'évaluation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Jerretie :

…lesquels ont, j'en suis sûr, contribué à faciliter la vie de nos concitoyens. Mais je suis persuadé que parmi les principales réussites dont nous pouvons nous féliciter figure indiscutablement la volonté que nous avons eue collectivement, et qui nous anime depuis le début de cette législature, de donner corps à cette phrase : « Le Parlement évalue les politiques publiques. » Rien ne symbolise plus cette volonté que le Printemps de l'évaluation, dont je souhaite rendre compte de quelques éléments avec fidélité, à l'occasion de sa quatrième édition.

Le Printemps de l'évaluation est un rendez-vous de l'année parlementaire dont nous mesurons, année après année, l'utilité et l'importance tant il contribue à alimenter un cercle vertueux par lequel l'évaluation des politiques publiques enrichit l'action publique. L'exercice d'évaluation auquel nous avons été invités cette année, s'il était moins extraordinaire qu'au printemps 2020, reste particulier. Contrairement à l'année dernière, nous avons eu le plaisir de recevoir nos chers membres du Gouvernement, invités à rendre des comptes devant la commission des finances. Toutefois, le danger était grand pour nous, rapporteurs spéciaux, de ne mettre l'accent dans nos travaux que sur la crise du covid mais je tiens ici à saluer mes collègues : ils n'ont pas cédé à cette facilité et ont ainsi pu analyser le reste des crédits budgétaires classiques.

Je m'attarderai sur quelques éléments notables mis en relief par mes collègues rapporteurs spéciaux du groupe Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates apparentés, certainement les meilleurs…

En ce qui concerne la mission "Immigration, asile et intégration" , nos collègues Jean-Noël Barrot et Stella Dupont se sont penchés cette année, comme vous l'avez souligné, monsieur le président, sur les moyens affectés dans les préfectures à l'instruction des titres de séjour. Cette politique de délivrance a bénéficié d'une rénovation de son cadre juridique ainsi que d'un effort important en matière de numérisation comme de ressources humaines. Rendre plus diligent le traitement des demandes, c'est donner une plus grande sécurité juridique à ceux qui obtiennent le droit de rester en France, c'est aussi déterminer plus rapidement ceux qui ne sont pas autorisés à y demeurer pour les inviter à quitter le territoire. Il y va de la souveraineté nationale. Nos collègues ont toutefois souligné que les efforts réalisés étaient imparfaits et que de nombreuses difficultés subsistaient. Ils ont préconisé, par exemple, d'améliorer la procédure pour les demandeurs victimes de la fracture numérique.

Bruno Duvergé travaille depuis plusieurs années déjà sur la sécurité civile. Vous le savez, les équipes qui en relèvent ont été fortement sollicitées au cours de l'année 2020 pour répartir rapidement matériels et patients atteints par la covid. Notre collègue a souhaité s'appesantir sur la flotte aérienne de la sécurité civile. Vieillissante, elle présente des menaces car elle n'est pas sécurisante pour les agents. Il a aussi relevé des difficultés en matière de disponibilité des appareils et des coûts élevés de maintenance. Parmi les facteurs d'amélioration qu'il a cernés, citons la mutualisation de la maintenance de l'ensemble de la flotte opérationnelle. Il y va de notre réactivité.

Notre collègue Jean-Paul Mattei dans son rapport sur le compte d'affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l'État, pose à nouveau la question légitime de l'équilibre financier de ce compte. Les cessions immobilières sont en effet appelées à s'essouffler, alors que les redevances domaniales restent trop faibles pour garantir une politique immobilière efficace. Comme nous l'avons dit au ministre délégué, il faut faire évoluer cette dernière avec force et sans contrefaçon.

Toujours dans ce rapport, M. Mattei a souligné l'importance de l'ambitieuse politique de rénovation énergétique. Nous ne pouvons que saluer cet effort qui permettra de réduire la facture carbone des bâtiments publics tout en améliorant la qualité du travail des agents. Toutefois, nous nous inquiétons avec lui de la capacité des entreprises à répondre en deux ans à l'ensemble des demandes de travaux de rénovation, compte tenu notamment des difficultés d'approvisionnement et, bien évidemment, d'embauche de personnels qualifiés.

Pour sa part, notre collègue Mohamed Laqhila a réalisé une évaluation pluriannuelle des contrats de plan État-Région (CPER) qui représentent plus d'un tiers des crédits du programme 112. Il a mis l'accent sur certains de leurs stipulations particulièrement utiles pour développer des actions conjointes entre l'État et les régions. Toutefois, l'intérêt de ces derniers reste limité par de nombreux dysfonctionnements et surtout par le manque d'évaluation et la faiblesse du pilotage stratégique. Il a formulé le souhait que les prochains contrats apportent des solutions à ces problèmes.

Je terminerai mon tour d'horizon par le rapport que Jean-René Cazeneuve et moi-même avons consacré aux relations avec les collectivités territoriales. Ce fut l'occasion de rappeler la bonne adéquation des mesures de soutien qui leur ont été apportées et leur résilience face à la crise du covid-19, que vous avez aussi soulignée, monsieur le président de la commission. Nous avons insisté une nouvelle fois sur la nécessité de globaliser les discussions sur les relations avec les collectivités territoriales au sein du projet de loi de finances, qui a consacré 116 milliards d'euros aux transferts de l'État vers celles-ci. En matière de crédits, nous avons, comme l'année dernière, constaté une augmentation des restes à payer des dotations d'investissement. Il ne faut pas l'oublier : les collectivités et l'État sont de la même famille.

L'ensemble des travaux réalisés par les rapporteurs spéciaux du groupe Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates apparentés et, bien évidemment, plus largement par l'ensemble de nos collègues des commissions des finances et des affaires sociales n'aura pas forcément de conséquences pratiques dès l'année prochaine ; peut-être d'ailleurs n'auront-ils vocation dans un premier temps qu'à dormir dans les tiroirs ou à caler des meubles, mais je tiens tout de même à saluer le travail que nous menons depuis quatre ans dans ces domaines.

Nul ne peut nier le fait que cet effort d'évaluation est susceptible de faire avancer la réflexion sur de nombreux sujets. Ces dernières années, nous avons ainsi su cerner des éléments utiles pour nos successeurs.

J'illustrerai mon propos en évoquant deux politiques emblématiques de notre réponse collective à la crise. Le prêt garanti par l'État (PGE), le président Woerth se le rappelle sans doute, avait été expérimenté en 2008 – à une échelle bien plus réduite toutefois. Les études économiques et les évaluations menées depuis ont permis d'identifier plusieurs des avantages de cette mesure. Elles ont notamment montré que les salariés des entreprises y ayant eu recours ont une probabilité plus faible de perdre leur emploi : en préservant 217 000 emplois entre 2009 et 2015, ce programme a eu un coût négatif pour les finances publiques, les administrations publiques ayant bénéficié d'un retour sur investissement plus que proportionnel. Il y a donc fort à parier que le mécanisme du PGE instauré en mars 2020 aura les mêmes effets sur l'économie.

J'en viens à mon deuxième exemple : l'activité partielle. La littérature économique mais aussi les rapports institutionnels et parlementaires ont longuement étudié la gestion du chômage partiel entre 2009 et 2019 et ont permis d'identifier une faiblesse dans le dispositif français. Ces travaux ont certainement su nous guider lorsque, au printemps dernier, nous avons été appelés à mettre en place dans un temps extrêmement réduit un dispositif de chômage partiel d'une ampleur sans précédent. La résilience du marché de l'emploi marque sa réussite aujourd'hui.

Enfin, je crois pouvoir féliciter tout le monde et déclarer être fier du bilan de ces quatre années. L'évaluation, souvent considérée comme le parent pauvre du Parlement, n'est pas seulement, nous l'avons vu, mes chers collègues, un concept abstrait énoncé à l'article 24 de la Constitution. Toutefois, je formule le souhait, monsieur le président de la commission des finances, que les deux semaines du Printemps de l'évaluation soient exclusivement réservées au contrôle et aux commissions d'évaluation des politiques publiques, afin de permettre à plus de collègues de participer et de marquer cet espace comme essentiel pour l'avenir du Parlement.

Évaluer, c'est une pratique vivante, utile et nécessaire pour le pays. Il s'agit aussi d'une nécessité financière, impérative pour légitimer l'action publique et son renouvellement. Substituons les politiques publiques les unes aux autres, monsieur le ministre, au lieu de les cumuler. Il y va de l'avenir de notre stabilité financière future. Et en ce jour particulier, je conclurai en disant : « Allez la France ! »

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