Petit-fils d'un militaire qui a servi la France, en l'occurrence la Polynésie française, je veux exprimer ici, au nom du groupe Libertés et territoires, mon soutien plein, entier, sincère et indéfectible au combat que les Polynésiens, nos compatriotes, mènent depuis des décennies pour que justice leur soit rendue. Y a-t-il plus violent que de se battre contre son propre pays pour obtenir justice et réparation ? C'est pourtant ce qu'endurent les Polynésiens, et aussi quelques métropolitains, depuis au moins vingt ans, à la suite des 193 expérimentations nucléaires que l'État français a perpétrées pendant près de trente ans en Polynésie française.
En 2019, il a été reconnu dans cet hémicycle que l'État français a une dette nucléaire envers la Polynésie française. Cette reconnaissance a été un pas supplémentaire, après la loi Morin en 2010 et la loi EROM en 2017, vers la reconnaissance des dommages causés. Pourtant, elle est toujours très loin d'être suffisante car des familles Polynésiennes en subissent les conséquences désastreuses sur leur santé : combien de cancers, combien de décès s'en sont suivis ? On sait que près de 150 000 personnes ont été en contact direct avec ces essais. Comment peut-on dès lors continuer à dérouler le même discours, même si nous saluons, comme cela a été dit par mes collègues Maina Sage et Nicole Sanquer, des avancées ? Depuis si longtemps, la corrélation entre les essais nucléaires et la dégradation de la santé des Polynésiens – parfois des métropolitains ayant participé aux essais –, est réelle. Il est vrai qu'eux ne portaient pas de masques.
Ce texte aborde aussi un autre sujet fondamental, celui de l'environnement, de la protection de notre terre, alors qu'aujourd'hui Moruroa et Fangataufa sont des atolls fissurés, sans doute encore radioactifs à certains endroits. On ne sait même pas comment régler le problème. La proposition de loi impulse l'idée d'un programme de dépollution : soutenons cette initiative politique puisqu'elle va dans le bon sens !
Être à la troisième place des neuf puissances nucléaires mondiales a un prix, que les Algériens, les Polynésiens et nos militaires connaissent. La France doit se regarder en face et accéder aux demandes légitimes de ses peuples à être reconnus victimes d'essais nucléaires et à être indemnisés à un niveau décent, même si, comme cela a été dit précédemment, beaucoup a été fait ces dernières années. N'oublions pas que notre souveraineté, notre indépendance, notre influence internationale, nous la devons à des gens sacrifiés ! Jacques Chirac l'avait bien compris. Aujourd'hui, l'occasion nous est donnée de tendre la main, de cesser ce combat contre l'oubli et de réparer un peu plus cette blessure ouverte il y a cinquante ans.
Au sein de la représentation nationale, les députés de Polynésie française sont les représentants de ces personnes victimes et lésées. Ne renvoyons pas le sujet des essais nucléaires à une énième table ronde – qui est tout de même à saluer –, à un énième comité Théodule cher au général de Gaulle, hors des murs du Palais-Bourbon. Notre parlement peut montrer aujourd'hui qu'entre représentants du peuple, nous pouvons éprouver de la compassion et être solidaires – encore que cela reste à prouver, au vu des débats que nous avons eus ce matin sur la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé (AAH).
Ne manquons pas cette occasion de nous élever collectivement et votons en faveur de ce texte, pour votre « fenua » cher collègue, et pour la France.