Monsieur le député, je comprends l'émotion et la sensibilité du sujet. Vous avez raison de le souligner, je ne connais pas la Polynésie. Cependant, je ne peux être que sensible au discours du parlementaire polynésien que vous êtes. Vous exprimez la détresse et les fortes attentes de la population polynésienne, et vous êtes totalement légitime pour exprimer cette parole.
Néanmoins, je suis aussi sensible – pardon de le dire – aux données factuelles de la science qui aident à progresser. On l'a bien vu depuis plusieurs mois dans le pays et à travers le monde, parfois il y a l'émotion et parfois il y a la science. Il arrive que l'émotion et la science se rencontrent, mais ce n'est pas le cas.
Monsieur le député, vous souhaitez supprimer le seuil d'un millisievert. Vos collègues peuvent être amenés à penser que ce seuil est élevé et qu'en le supprimant, davantage de personnes bénéficieront d'une reconnaissance des radiations ionisantes qu'elles ont subies. Mais que nous dit la science ? Qu'un millisievert, c'est la dose acceptable dégagée, pendant une année, par le corps d'une femme enceinte. Je ne vous parle pas des douze millisieverts qui concernent les doses dégagées par les travailleurs qui sont en activité professionnelle. Je le répète clairement pour que la représentation nationale l'entende bien : un millisievert ne représente pas une exposition intense à des radiations ionisantes ; c'est l'équivalent des radiations dégagées naturellement sur une année par une femme enceinte.
Supprimer ce seuil aurait une conséquence très fâcheuse : on ne saurait plus dissocier ce qui relève ou non d'une exposition à des radiations ionisantes. Je considère que le remède serait pire que le mal, puisque cela aboutirait à une perte des données et à l'impossibilité d'indemniser des dossiers. Vous avez raison de le souligner : l'adoption de ce seuil n'a pas entraîné une explosion du nombre de dossiers d'indemnisations validés. C'est tout un ensemble de mesures.
Monsieur le député, j'ai participé, comme vous, à une visioconférence de près de trois heures avec les autorités polynésiennes, au cours de laquelle j'ai demandé aux représentants du CIVEN et de l'INSERM d'exposer, de manière exhaustive, les conclusions d'un rapport dont j'ai, comme vous, pris connaissance. Les autorités scientifiques indépendantes que nous avions diligentées, à la demande des autorités polynésiennes, ont exposé ce qu'on sait et ce qu'on ne sait pas, et formulé des recommandations. Je suis navré de devoir assumer le rôle de celui qui tente de remettre de la raison au milieu de l'émotion.