…et il a vocation à s'appuyer sur des expertises parfois extérieures qui viennent renforcer son efficience dans le cadre de missions assez spécifiques, précises et bornées dans le temps.
Lorsque l'État n'a ni le temps ni l'attractivité nécessaires pour mener à bien ses missions, la délégation de service public ou l'appel à des compétences externes peuvent résoudre des problèmes. Il arrive aussi que les seules ressources disponibles en interne ne puissent pas faire face à l'urgence d'une situation ou à l'ampleur des tâches à accomplir. Cela nécessite alors un apport externe, notamment dans le cadre de la conduite de projets.
Notons à cet égard que les exemples relatifs à la gestion de la crise sanitaire, cités par plusieurs d'entre vous, constituent des choix bénéfiques. Comme Olivier Véran a eu souvent l'occasion de le dire dans cet hémicycle, recourir à des sociétés privées pour exécuter des missions spécifiques ou ponctuelles n'est ni rare, ni propre à ce gouvernement – même si certains l'ont oublié – ou au domaine de la santé.
Le choix éclairé qu'opère l'État en recourant à des prestataires privés, il ne le fait ni sans transparence ni sans encadrement, d'ailleurs. Il existe notamment un cadre interministériel commun et précis définissant le recours aux prestations de conseil. Il s'agit très précisément du marché dit d'assistance à la conception et à la mise en œuvre opérationnelle de projets de transformation de l'action publique, préparé par la direction interministérielle de la transformation publique qui est placée sous l'autorité d'Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques et de Marc Fesneau, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne. La centralisation de la conception du marché permet de mieux définir les besoins et de garantir la sélection des prestataires les plus adaptés.
Par ailleurs, les mécanismes budgétaires en vigueur reposent sur une base évidemment légale et solide. Oui, ils s'appuient sur la LOLF, en particulier sur les règles très précises d'encadrement de l'emploi public, qui fut votée, comme le soulignent les auteurs de la proposition de résolution, dans un large consensus.
Je vous rappelle que le principe de fongibilité asymétrique interdit strictement l'utilisation de crédits destinés à une politique publique au profit des dépenses de personnels. Les ministères sont donc incités à opérer un pilotage très précis de leur masse salariale en gestion, sur la base de l'autorisation initiale d'engagement votée par le Parlement. Aussi bien le plafond de dépenses que la masse salariale sont fixés en fonction de l'évaluation des besoins et des choix politiques. Ce n'est donc pas la norme budgétaire qui guide l'action politique mais bien l'inverse.
Peut-on dès lors en déduire que l'État se démunit volontairement au profit de prestataires extérieurs ? Une telle assertion me semblerait tout à la fois manichéenne et excessive.
Entre 2018 et 2020, les dépenses de conseils en stratégie et en organisation se sont très exactement élevées à 78 millions d'euros par an en moyenne – je tenais à vous soumettre ce chiffre. S'agissant des dépenses de conseils en systèmes d'information, elles ont atteint 128 millions d'euros par an en moyenne. D'un point de vue strictement budgétaire, ces montants ont ainsi représenté 0,1 % des dépenses de personnels de l'État, lesquelles, je le rappelle, se sont élevées à 148 milliards d'euros en 2020. J'insiste sur ce chiffre : 0,1 % des dépenses de personnels sont revenues à des prestataires extérieurs.
Cela étant, il me semble légitime que le Parlement se saisisse de cette question et cette proposition de résolution me permet non seulement d'apporter des éclaircissements utiles, mais aussi de signaler qu'il y a des améliorations à apporter en matière d'évaluation des prestations extérieures. Et ce n'est pas l'ancienne députée de la commission des finances que je suis qui dira l'inverse : l'évaluation doit être renforcée, mais aussi, j'en suis convaincue, plus fréquente.
En préparant cette intervention, j'ai logiquement cherché des sources et je souhaite vous en soumettre une qui me semble intéressante, même si je reconnais qu'elle peut paraître un peu surannée. Il s'agit d'un rapport de la Cour des comptes de 2014, relatif aux dépenses des États membres de l'Union européenne en matière de prestations extérieures. Selon ce rapport, les cabinets de conseil européens réalisaient environ 20 % de leur chiffre d'affaires dans le secteur public. Cette part s'élevait à 22 % au Royaume-Uni – il ne vous aura pas échappé qu'à cette date il était encore membre de l'Union européenne –, à 17 % en Espagne et à 13 % en France. Ces données mériteraient d'être revues, adaptées et actualisées : je l'accorde volontiers au sénateur Lecoq…