Intervention de Paula Forteza

Séance en hémicycle du lundi 21 juin 2021 à 16h00
Article 1er de la constitution et préservation de l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaula Forteza :

Nous voici plongés dans une situation inconfortable. Nous exerçons notre pouvoir de constituants, le plus important qui nous est conféré par la Constitution, sans savoir encore une fois si les débats iront à leur terme. Le sujet est pourtant d'une importance majeure. Contrairement à ce que certains disent, il ne s'agit pas uniquement d'une querelle sémantique ; ce sont bien deux visions de la question environnementale et du rôle de l'État qui sont en jeu. Inscrire dans la Constitution que la France garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique est un changement de paradigme majeur ; il vient consacrer dans l'article 1er la responsabilité de la puissance publique face à l'urgence que nous connaissons.

Jusqu'ici, nous avons trop souvent fait peser la notion de responsabilité sur les individus : l'écologie des petits gestes du quotidien s'est ainsi transformée en écologie de la culpabilisation. Les changements de comportement, de consommation, de mobilité et des usages quotidiens sont très importants, parce qu'ils matérialisent la prise de conscience collective, mais, sans une véritable ambition de la puissance publique, sans un changement structurel, ils seront vains.

Nous avons aussi, lors du récent examen du projet de loi climat et résilience, légiféré pour en appeler à la bonne volonté des entreprises, pour qu'elles veuillent bien appliquer des dispositions vertueuses, en dehors de toute contrainte. L'incitation ne peut se substituer à la responsabilité de l'État d'imposer de nouvelles règles du jeu permettant d'atteindre nos engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Monsieur le garde des sceaux, la température monte, la pression aussi : des décisions de justice administrative récentes vont dans ce sens. Il ne s'agit plus seulement de juger ce que l'État fait, mais aussi ce que l'État ne fait pas. Dans une décision du 19 novembre 2020, le Conseil d'État, saisi d'un recours de la commune de Grande-Synthe contre le refus implicite de l'État de prendre des mesures supplémentaires pour infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre, a relevé que les plafonds d'émission fixés par la France avaient été régulièrement dépassés. Vous n'avez toujours pas convaincu : le rapporteur public l'a rappelé vendredi 11 juin, en enjoignant le Gouvernement de prendre toutes les mesures utiles dans les neuf mois qui viennent, pour que la France puisse tenir ses objectifs.

Dans un jugement du 3 février 2021 relatif à « l'Affaire du siècle », le tribunal administratif de Paris, après avoir établi un lien de causalité entre l'existence d'un préjudice écologique lié au changement climatique et les manquements de l'État à ses engagements internationaux, a considéré que la carence partielle de l'État dans le respect des objectifs qu'il s'était fixés engageait sa responsabilité.

Enfin, la plainte de la militante Camille Étienne et de l'eurodéputé Pierre Larrouturou devant la Cour de justice de la République pour inaction climatique suit la même logique. Cette responsabilité n'est pas « aberrante », pour reprendre le terme employé par le rapporteur au Sénat, quand on sait le chemin qui reste à parcourir en un temps extrêmement limité. Ce qui est aberrant, c'est de vouloir à ce point bloquer ces avancées par conservatisme et pour des considérations de tactique politicienne.

Prenons un peu de perspective pour mesurer le chemin qui nous reste à parcourir : je viens d'une circonscription où de nombreux pays ont inscrit dans leur constitution des ambitions en matière environnementale beaucoup plus fortes et contraignantes pour la puissance publique que les nôtres.

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