Nous sommes réunis ce soir pour examiner quatre articles des projets de loi organique et ordinaire rétablissant la confiance dans l'action publique, que le Sénat a rebaptisés « projets de loi pour la régulation de la vie publique ».
Ces projets ont été renvoyés au fond à la commission des lois. La commission des finances s'est saisie pour avis des articles 9 et 13 du projet de loi organique, qui portent tous les deux sur la réserve parlementaire. Elle s'est également saisie de deux articles du projet de loi ordinaire : l'article 1er ter, introduit par le Sénat, relatif à la suppression de ce que l'on appelle souvent « le verrou de Bercy », et l'article 12 qui habilitait le Gouvernement à légiférer pour créer par ordonnance une « Banque de la démocratie ».
Premier point : le Sénat a introduit un article 1er ter au sein du projet de loi ordinaire, en adoptant en séance un amendement de Mme Assassi, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, contre l'avis du Gouvernement et celui de la commission des lois, et qui supprime le monopole de l'administration fiscale pour l'engagement des poursuites pénales en matière de fraude fiscale, ce qu'on appelle souvent, de manière un peu caricaturale, le « verrou de Bercy ». Cet article permettrait au juge de s'autosaisir d'une infraction fiscale dès lors que celle-ci serait connexe à d'autres infractions faisant l'objet de poursuites ou qu'elles seraient découvertes de façon incidente dans le cadre d'une procédure pénale.
Sous la précédente législature, ce débat a déjà eu lieu en 2013 lors de l'examen du projet de loi de lutte contre la fraude fiscale, puis à deux reprises en 2016 lors des débats sur la loi contre le crime organisé et sur la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite « Sapin II ». L'Assemblée nationale s'était prononcée avec constance en faveur du maintien du monopole de l'administration fiscale.
L'article 1er ter ne remet pas en cause le principe du dépôt préalable d'une plainte par l'administration fiscale ; il ne fait qu'introduire deux exceptions pour permettre au juge de poursuivre des infractions fiscales associées à d'autres infractions. On peut parfaitement comprendre sa logique, qui vise à donner une plus grande liberté d'action au juge. Pour autant, il ne faudrait pas que cette autosaisine par le juge, notamment si elle était très largement mise en oeuvre, conduise à retarder le recouvrement des amendes et majorations appliquées par l'administration et à créer sur le territoire des inégalités de traitement.
Auditionnée au Sénat, Mme Éliane Houlette, procureur de la République financier, avait salué la diversification des plaintes déposées par l'administration depuis 2013, soulignant que si l'on en juge « par la dimension de certaines des personnes morales ou la qualité de certaines des personnes physiques concernées, on peut dire que rien n'est caché ».
À ce stade, on voit bien que le débat, réapparu au Sénat de manière spontanée, n'a pas été préparé avec le soin nécessaire. Il serait vraiment utile de consacrer à cette question un véritable travail de fond qui aille très au-delà de postures parfois un peu caricaturales. À mon avis, notre commission ferait un travail utile en désignant un rapporteur d'information sur ce sujet qui, en tout état de cause, fera l'objet d'un débat en séance.
J'en viens à la question de la « réserve parlementaire ». C'est mon deuxième point. Après avoir travaillé avec la présidente de la commission des lois, rapporteure au fond, j'ai, pour ma part, déposé quelques amendements visant à créer une dotation spécifique, que je qualifierais de solidarité locale. Elle se serait substituée à la procédure actuelle, pour répondre aux critiques sur le manque de transparence et aux soupçons de clientélisme. Entre-temps, le Gouvernement nous a fait savoir qu'il imaginait la création de ce genre de dispositif dans le cadre de la loi de finances. L'important est que nous ayons un dispositif transparent et efficace, qui prenne en compte la solidarité locale vis-à-vis des collectivités de petite taille ou à faibles revenus, mais aussi à l'égard des associations. Je vais donc retirer mes amendements, de façon que nous reprenions ce débat dans le cadre du projet de loi de finances.
Concernant l'article 13, il s'agit d'une disposition transitoire qui n'appelle pas de commentaires particuliers.
Le dernier point est relatif à la « Banque de la démocratie ». L'article 12 du projet de loi ordinaire visait à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai d'un an, les mesures nécessaires pour garantir l'accès à l'emprunt pour les partis, les groupements politiques et les candidats aux élections. Le Sénat a supprimé cette habilitation.
Je vous propose de maintenir cette suppression pour deux raisons.
Premièrement, le projet de loi ordinaire comprend déjà un ensemble très complet de mesures destinées à mieux encadrer et à faciliter le financement de la vie politique et des campagnes électorales. L'article 10 prévoit notamment la création d'un médiateur du financement politique. Il y a donc un risque de doublon avec la Banque de la démocratie.
Deuxièmement, la garde des sceaux a annoncé qu'elle allait confier une mission à l'Inspection générale des finances (IGF) et à l'Inspection générale de l'administration (IGA) afin de préciser les contours que pourrait prendre la nouvelle structure, et qu'elle présenterait ses conclusions aux parlementaires. À ce stade, aucun arbitrage n'a eu lieu pour arrêter la forme juridique de la structure – structure dédiée, adossée ou non à un opérateur existant, fonds de garantie ou droit exclusif confié à un établissement de crédit chargé d'un service d'intérêt général.
Il faut également réfléchir aux moyens de garantir son indépendance et de concilier les objectifs de soutien au pluralisme politique et de viabilité financière. Nous pourrons revenir sur cette question au vu des conclusions de la mission des inspections. Je vous propose donc, sur ce point, d'en rester à la position du Sénat.