La commission procède à la désignation des rapporteurs spéciaux sur la loi de finances pour 2018.
La liste des rapporteurs spéciaux résultant des propositions des groupes vous a été remise.
Je voudrais vous informer que certains de nos collègues, du fait de leur profession ou activité exercée dans un passé récent, ont saisi pour avis la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), afin de s'assurer que leur désignation comme rapporteur spécial ne posera pas de problème de conflit d'intérêts. Nous approuvons donc cette liste, sous réserve de l'avis de la HATVP.
À ma connaissance, la HATVP n'a aucune compétence dans ce domaine. Saisissez plutôt le déontologue, à moins que le président ne considère que c'est bien du ressort de la HATVP.
Les conflits d'intérêts relèvent peut-être en effet davantage de la compétence du déontologue.
Nous allons demander à la HATVP si elle est compétente ou non. Le cas échéant, nous nous retournerons vers le déontologue de l'Assemblée nationale quand il sera nommé.
La commission approuve la désignation des rapporteurs spéciaux selon la liste annexée au présent compte rendu.
Puis la commission examine, pour avis, les articles 9 et 13 du projet de loi organique, adopté par le Sénat, pour la régulation de la vie publique (n° 99) et les articles 1er ter et 12 du projet de loi, adopté par le Sénat, pour la régulation de la vie publique (n° 98) (M. Joël Giraud, rapporteur général).
Nous sommes réunis ce soir pour examiner quatre articles des projets de loi organique et ordinaire rétablissant la confiance dans l'action publique, que le Sénat a rebaptisés « projets de loi pour la régulation de la vie publique ».
Ces projets ont été renvoyés au fond à la commission des lois. La commission des finances s'est saisie pour avis des articles 9 et 13 du projet de loi organique, qui portent tous les deux sur la réserve parlementaire. Elle s'est également saisie de deux articles du projet de loi ordinaire : l'article 1er ter, introduit par le Sénat, relatif à la suppression de ce que l'on appelle souvent « le verrou de Bercy », et l'article 12 qui habilitait le Gouvernement à légiférer pour créer par ordonnance une « Banque de la démocratie ».
Premier point : le Sénat a introduit un article 1er ter au sein du projet de loi ordinaire, en adoptant en séance un amendement de Mme Assassi, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, contre l'avis du Gouvernement et celui de la commission des lois, et qui supprime le monopole de l'administration fiscale pour l'engagement des poursuites pénales en matière de fraude fiscale, ce qu'on appelle souvent, de manière un peu caricaturale, le « verrou de Bercy ». Cet article permettrait au juge de s'autosaisir d'une infraction fiscale dès lors que celle-ci serait connexe à d'autres infractions faisant l'objet de poursuites ou qu'elles seraient découvertes de façon incidente dans le cadre d'une procédure pénale.
Sous la précédente législature, ce débat a déjà eu lieu en 2013 lors de l'examen du projet de loi de lutte contre la fraude fiscale, puis à deux reprises en 2016 lors des débats sur la loi contre le crime organisé et sur la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite « Sapin II ». L'Assemblée nationale s'était prononcée avec constance en faveur du maintien du monopole de l'administration fiscale.
L'article 1er ter ne remet pas en cause le principe du dépôt préalable d'une plainte par l'administration fiscale ; il ne fait qu'introduire deux exceptions pour permettre au juge de poursuivre des infractions fiscales associées à d'autres infractions. On peut parfaitement comprendre sa logique, qui vise à donner une plus grande liberté d'action au juge. Pour autant, il ne faudrait pas que cette autosaisine par le juge, notamment si elle était très largement mise en oeuvre, conduise à retarder le recouvrement des amendes et majorations appliquées par l'administration et à créer sur le territoire des inégalités de traitement.
Auditionnée au Sénat, Mme Éliane Houlette, procureur de la République financier, avait salué la diversification des plaintes déposées par l'administration depuis 2013, soulignant que si l'on en juge « par la dimension de certaines des personnes morales ou la qualité de certaines des personnes physiques concernées, on peut dire que rien n'est caché ».
À ce stade, on voit bien que le débat, réapparu au Sénat de manière spontanée, n'a pas été préparé avec le soin nécessaire. Il serait vraiment utile de consacrer à cette question un véritable travail de fond qui aille très au-delà de postures parfois un peu caricaturales. À mon avis, notre commission ferait un travail utile en désignant un rapporteur d'information sur ce sujet qui, en tout état de cause, fera l'objet d'un débat en séance.
J'en viens à la question de la « réserve parlementaire ». C'est mon deuxième point. Après avoir travaillé avec la présidente de la commission des lois, rapporteure au fond, j'ai, pour ma part, déposé quelques amendements visant à créer une dotation spécifique, que je qualifierais de solidarité locale. Elle se serait substituée à la procédure actuelle, pour répondre aux critiques sur le manque de transparence et aux soupçons de clientélisme. Entre-temps, le Gouvernement nous a fait savoir qu'il imaginait la création de ce genre de dispositif dans le cadre de la loi de finances. L'important est que nous ayons un dispositif transparent et efficace, qui prenne en compte la solidarité locale vis-à-vis des collectivités de petite taille ou à faibles revenus, mais aussi à l'égard des associations. Je vais donc retirer mes amendements, de façon que nous reprenions ce débat dans le cadre du projet de loi de finances.
Concernant l'article 13, il s'agit d'une disposition transitoire qui n'appelle pas de commentaires particuliers.
Le dernier point est relatif à la « Banque de la démocratie ». L'article 12 du projet de loi ordinaire visait à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai d'un an, les mesures nécessaires pour garantir l'accès à l'emprunt pour les partis, les groupements politiques et les candidats aux élections. Le Sénat a supprimé cette habilitation.
Je vous propose de maintenir cette suppression pour deux raisons.
Premièrement, le projet de loi ordinaire comprend déjà un ensemble très complet de mesures destinées à mieux encadrer et à faciliter le financement de la vie politique et des campagnes électorales. L'article 10 prévoit notamment la création d'un médiateur du financement politique. Il y a donc un risque de doublon avec la Banque de la démocratie.
Deuxièmement, la garde des sceaux a annoncé qu'elle allait confier une mission à l'Inspection générale des finances (IGF) et à l'Inspection générale de l'administration (IGA) afin de préciser les contours que pourrait prendre la nouvelle structure, et qu'elle présenterait ses conclusions aux parlementaires. À ce stade, aucun arbitrage n'a eu lieu pour arrêter la forme juridique de la structure – structure dédiée, adossée ou non à un opérateur existant, fonds de garantie ou droit exclusif confié à un établissement de crédit chargé d'un service d'intérêt général.
Il faut également réfléchir aux moyens de garantir son indépendance et de concilier les objectifs de soutien au pluralisme politique et de viabilité financière. Nous pourrons revenir sur cette question au vu des conclusions de la mission des inspections. Je vous propose donc, sur ce point, d'en rester à la position du Sénat.
Je voudrais intervenir sur les articles relatifs à la réserve parlementaire, c'est-à-dire les articles 9 et 13 du projet de loi organique.
Je suis tout d'abord profondément choquée qu'une disposition de cette nature soit intégrée dans un projet de loi présenté comme un texte de moralisation de la vie publique, ce qui revient à jeter l'opprobre sur les députés et les sénateurs. Et c'est le Président de la République et le Gouvernement qui, en introduisant une telle disposition, créent une suspicion forte sous couvert de moraliser la vie publique !
Pour ce qui est de la réserve parlementaire, plusieurs solutions s'offrent à nous : nous pouvons décider de la maintenir en l'état, de la supprimer ou de la modifier. Quoi qu'il en soit, on ne peut plus parler de clientélisme en la matière car ces sommes sont attribuées en totale transparence. Chaque année, la manière dont les réserves parlementaires ont été utilisées sur les territoires donne lieu à une communication. La transparence, au demeurant souhaitable, est désormais parfaite et l'argument du clientélisme n'a plus lieu d'être.
La réserve parlementaire présente de nombreux atouts : c'est un soutien aux territoires, à la ruralité, aux collectivités et aux associations. En définitive, il s'agit d'une aide aux habitants des territoires. Elle est souvent attribuée à de petites communes où les sommes accordées – qui pourraient sembler modestes dans des collectivités plus grandes – jouent un rôle très important pour financer de nombreux projets : écoles, crèches, etc. Qui est en mesure de connaître ces territoires et d'estimer leurs besoins mieux que les parlementaires que nous sommes ? Aucun dispositif proposé qui ne reposerait pas sur une connaissance aussi fine des territoires n'apporterait le même soutien.
À mon avis, la solution consiste à maintenir la réserve parlementaire en l'état.
Lors d'une réunion de la commission des lois qui se tenait cet après-midi sur le projet de loi qui nous occupe, sa présidente a indiqué aux parlementaires présents qu'ils devaient se considérer comme des représentants de la Nation et non pas comme des représentants de leur territoire. Elle estime qu'il faut couper le lien entre le parlementaire et son territoire. Mes chers collègues, je vous invite à réfléchir à cette conception...
On parle de clientélisme. À ceux qui n'ont pas encore utilisé une réserve parlementaire, je signale que le dossier doit être envoyé au ministère concerné – Premier ministre, ministère de la culture, des sports ou autre – pour qu'il y soit instruit. Une fois que le ministère a notifié son accord, la somme est versée par le préfet du département. Pour finir, toutes les sommes attribuées dans le cadre des réserves sont recensées sur le site de l'Assemblée nationale. On ne saurait parler de malversations ou d'orientations perverses des réserves parlementaires. En réalité, ces sommes permettent d'avoir un effet de levier.
En 2014, j'ai donné la réserve parlementaire à une commune dont le maire était mon adversaire aux élections législatives de 2012. Que l'on ne vienne pas me faire des leçons sur le clientélisme ! Pour ma part, j'avais ciblé le patrimoine des petites communes. Grâce à leur effet de levier, ces sommes sont souvent le déclencheur de la réalisation de certains travaux. C'est cela qu'il faut que vous entendiez. Cessez d'être dogmatiques concernant cette réserve. Construisons ensemble, en aidant les communes rurales de nos territoires grâce à un outil simple comme celui qui existe actuellement.
Tel est mon plaidoyer pour le maintien d'une réserve lisible, efficace, rattachée à un territoire et à des projets structurants.
Je suis d'ailleurs assez surpris de voir que les réserves ministérielles et la réserve présidentielle ne soient pas soumises aux mêmes règles de transparence...
Je vais dire un mot sur l'article 1er ter, évoqué par notre rapporteur général. Nous sommes quelques-uns à avoir tenté de faire sauter le verrou de Bercy. Je sais bien que notre président, ancien ministre du budget, a combattu nos amendements en la matière.
Une fois rappelée cette petite histoire, il faut dire que le verrou de Bercy est une honte du point de vue démocratique. C'est une exception, une survivance d'Ancien Régime. Seul le ministère des finances peut entamer une procédure, suite à une infraction pénale, afin de faire sanctionner un fraudeur. C'est incroyable ! C'est comme si l'on disait que seul le garde des sceaux ou le ministre de l'intérieur peut saisir la justice si vous assassinez quelqu'un. Vous vous rendez compte ! On vous dira que le système permet au ministre des finances de négocier, de parvenir à un accord, etc. Mais nous sommes tout de même dans une démocratie et non pas dans un système autoritaire. L'article 1er ter est modeste. J'ai cru comprendre que notre rapporteur y était favorable... Je pense qu'il faut lui donner un avis favorable.
Venons-en à la réserve parlementaire. À nos jeunes collègues, je signale que si l'on se faisait réélire grâce à l'utilisation de la réserve parlementaire, cela se saurait ! Vous ne seriez pas là, mes chers collègues ! Il faut arrêter de raconter des histoires ! On peut discuter de réserve parlementaire au Sénat, mais certainement pas à l'Assemblée nationale. Tout est totalement transparent. Il vaut mieux peaufiner le système de substitution proposé par le Sénat que de supprimer purement et simplement la réserve parlementaire. C'est d'ailleurs ce que notre rapporteur propose, grâce à son amendement CF4, pour s'assurer que les associations en profitent davantage puisqu'elles ne se voient attribuer que 20 % des sommes en moyenne.
Non ! Pour avoir géré celle de mon groupe pendant des années, je peux vous dire que cela dépend beaucoup des parlementaires. Pour vous faire rire, je peux vous raconter qu'un collègue lyonnais n'aidait que des associations car il estimait qu'il était inutile d'aider la ville de Lyon. À l'inverse, Joël Giraud est député d'une zone rurale ; alors il est probable qu'il aide ses petites communes de montagne. Il faut trouver une solution et non supprimer purement et simplement la réserve.
J'ai été surpris de cet assaut de démagogie à propos de la réserve. Le système a peut-être été un peu opaque à une époque, ce qui a conduit à des excès. À un moment – mais c'est déjà très vieux – les membres de la commission des finances bénéficiaient de quelques avantages relatifs en la matière. Tout cela est terminé depuis longtemps. On peut le regretter mais c'est ainsi. Des quotas sont attribués à l'ensemble des députés. Il faut maintenir ce système qui est transparent.
Au nom de quoi le dix-septième vice-président du conseil général ou le jeune sous-préfet qui débarque dans son arrondissement serait-il plus légitime que nous pour attribuer l'équivalent de la réserve ? Nous connaissons notre territoire, tout en étant députés de la Nation. J'ai entendu un président parler d'attitude girondine : c'est être soucieux de son territoire, de ce qui s'y passe, et essayer de promouvoir certaines initiatives. Il faut garder cette réserve pour les petites collectivités et pour les associations. Le mouvement associatif ne comprendrait pas qu'on ne garde la réserve que pour les collectivités – comme pour compenser un peu la perte des 13 milliards d'euros qu'on leur enlève !
Je vous invite à sortir des schémas, des racontars, des ragots qui renvoient peut-être à des périodes anciennes, et à maintenir ce qui est un des moyens pour un député d'être présent dans sa circonscription, mais également d'exister par rapport à d'autres élus locaux qui ont d'autres ressources et perspectives. Supprimer un tel outil ferait disparaître totalement la représentation parlementaire au niveau local.
Rappelons que ces réserves ne sont pas l'argent des députés, mais des crédits fléchés des ministères vers les associations et les communes que nous souhaitons accompagner. Si le système de réserve parlementaire était supprimé, on pourrait craindre que cette enveloppe de 75 millions d'euros ne disparaisse par la même occasion alors qu'elle profite aux communes et aux associations : les 577 députés versent environ 40 millions d'euros aux premières et 35 millions d'euros aux secondes, selon les derniers chiffres que j'ai obtenus lorsque j'étais rapporteure générale – rappelons que le rapporteur général est en quelque sorte l'intendant de cette réserve parlementaire. Une fois que la somme sera versée au budget général, les associations et les petites communes n'en verront plus la couleur.
Cet argent sera-t-il considéré comme une partie des économies que souhaite faire le Gouvernement ou sera-t-il utilisé, par le biais d'autres canaux, pour accompagner des associations ? Si le rapporteur maintient sa proposition, je déposerai un amendement en séance pour la consolider. Dans le système actuel, lorsqu'une association fait une demande, le rapporteur général signe une notification. L'association remplit un formulaire CERFA de huit pages qui est étudié par le ministère concerné. Ces deux filtres peuvent se traduire par des refus, et cela s'est d'ores et déjà produit : il m'est arrivé de refuser de signer des notifications. Quant aux communes, elles doivent présenter un gros dossier à l'appui de leur demande.
Ce qui me chagrine beaucoup, c'est la réserve ministérielle dont je n'ai découvert l'existence que très tardivement. Cela fait partie des choses que l'on découvre au fil de l'eau... Ses détenteurs sont les champions de l'opacité : aucune publication ; on peut avantager les amis de ministres, etc. Je ne peux même pas vous donner son montant global ! Une fois qu'on en a connaissance, on finit par solliciter le ministre. Rappelons qu'elle est imputée sur les mêmes lignes budgétaires que la réserve parlementaire. Les deux doivent faire l'objet d'un même traitement.
Pour ce qui est du verrou de Bercy, j'adhère à l'analyse et à la proposition du rapporteur.
Je partage votre opinion sur la réserve ministérielle. Il existe aussi, me semble-t-il, une réserve présidentielle : le Président de la République pourrait affecter un certain nombre de crédits. J'aimerais savoir si cela est exact. Quoi qu'il en soit, c'est un vrai sujet, car les mêmes règles doivent s'appliquer aux ministres et, le cas échéant, au Président.
Tout d'abord, je tiens à préciser qu'il s'agit d'une loi de retour à la confiance et non d'une loi de moralisation. Dans ce texte, le poids des mots est vraiment important. Nous ne sommes pas là pour faire de la moralisation ni pour jeter l'opprobre sur les parlementaires ; il s'agit de changer les pratiques.
Je signale aussi que transparence ne vaut pas bonne utilisation. J'en veux pour preuve l'analyse que j'ai pu faire grâce à la transparence de l'utilisation de la réserve parlementaire de mon prédécesseur : il en réservait plus de 30 % à la commune dont il était maire !
Nous avons beau être de jeunes députés, nous connaissons nos territoires, nous les avons sillonnés, nous nous y intéressons. Il est possible d'aider nos territoires autrement qu'en saupoudrant un peu d'argent public, à un moment où on va leur demander de faire 13 milliards d'euros d'économies. Personnellement, je ne me vois pas leur reprendre d'une main ce que je leur ai donné de l'autre en jouant au Père Noël. Je ne trouve pas cela tout à fait logique.
Je comprends que les sénateurs, qui sont plutôt des élus des territoires, veuillent sauvegarder cette partie de leur action. Je comprends leur envie, leur démarche intellectuelle, ce qui ne signifie pas que je souscris à leur demande car je suis également favorable à la suppression de leur réserve. Je comprends beaucoup moins la position des députés. Certes, nous sommes élus d'un territoire, mais nous sommes la représentation nationale. C'est dans l'intérêt national que nous devons réfléchir.
Pour les territoires, il existe la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Ces fonds sont gérés par des représentants de l'État, les préfets, qui savent aussi aider des communes, des communautés de communes, qui nous font des rapports sur le sujet et qui nous intègrent dans leur réflexion. À nous d'y prendre toute notre place, voire de proposer d'y prendre davantage de place.
Pour ce qui est des associations enfin, en tant qu'élue du groupe La République en Marche, j'ai bien en tête la promesse de notre président, Emmanuel Macron : conduire une vraie politique à destination des associations, les accompagner afin qu'elles grandissent. Une partie de notre politique est fondée sur cet accompagnement des associations et nous aurons à y réfléchir bientôt, à y consacrer les budgets nécessaires. Ce sera notre rôle en tant que membres de la commission des finances.
Il convient d'insister sur le fait que, si les financements obtenus au titre de la réserve parlementaire par une ville comme Lyon – pour reprendre l'exemple cité par Charles de Courson – n'ont guère de sens, tel n'est pas le cas pour les communes et les associations rurales. Si l'on supprime la réserve parlementaire, ces territoires apparaîtront plus encore comme des territoires oubliés. Ce sujet-là, on ne peut pas l'occulter. La réserve génère un véritable effet de levier. Négliger cette dimension, c'est faire fausse route par rapport à la nécessaire continuité territoriale, qui ne peut être laissée à la seule appréciation des préfets – et c'est un ancien directeur d'administration centrale et un ancien recteur qui vous le dit. L'État doit pouvoir aussi dialoguer avec les députés qui, s'ils sont des élus de la Nation, ne sont pas pour autant en situation d'extraterritorialité. Ou alors, les circonscriptions législatives n'ont plus aucun sens et il faut élire tous les députés au scrutin proportionnel ! Quant à moi, je revendique clairement mon enracinement ; si les députés n'ont plus d'enracinement, il se posera un vrai problème de légitimité de la représentation nationale.
Je partage les propos de Cendra Motin. Je suis convaincue qu'aujourd'hui, nous pouvons faire différemment. Nous, les nouveaux élus, n'avons pas connu la réserve parlementaire. Nous allons certainement la supprimer, tant mieux ! Au-delà des discours que l'on entend ici, c'est un engagement que nous avons pris durant la campagne électorale, car c'est que ce que veulent nos concitoyens. La question n'est pas de voter un amendement de peur que cet argent ne revienne pas aux territoires ; on est pour ou on est contre, c'est tout !
Je suis, certes, un jeune député, mais maire depuis seize ans, et je me suis toujours refusé à demander à bénéficier de la réserve parlementaire, qui a pour moi un caractère un peu féodal. J'y suis donc totalement opposé et je me réjouis qu'on la supprime. Il existe d'autres moyens de venir en aide aux petites communes. J'ai siégé à la commission d'élus de la DETR pendant des années : si l'on simplifie les démarches, on parviendra au même but. Quant aux associations, on peut très bien créer un fonds à leur profit.
Quand bien même la réserve parlementaire serait transparente, son image dans le public est absolument désastreuse. Je vous assure que nous devons changer notre façon d'envisager nos rapports avec la population ; le lien avec le territoire ne sera pas coupé pour autant. On peut mener d'autres actions que celle qui consiste à saupoudrer ainsi de l'argent public – car je rappelle qu'il ne s'agit pas du nôtre.
Je peux comprendre que certains, qui l'avaient annoncé durant la campagne, souhaitent supprimer la réserve parlementaire. Je leur souhaite bon courage, car ce dispositif permettait à un député, lorsqu'il était sollicité, d'aider une commune à financer la création d'une école ou d'un gymnase ou le développement d'une association. Il ne pourra plus le faire... C'est un choix.
Ce qui me gêne, c'est que ni notre rapporteur général dans son amendement, ni le Président de la République à Versailles, ni le Premier ministre dans son discours de politique générale n'ont dit un mot sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). L'amendement de notre rapporteur général ne fait référence qu'aux petites communes. Je déposerai donc un amendement visant à y associer les villes qui ont un QPV, pour lesquelles quelques dizaines de milliers d'euros peuvent être importants. Pour des raisons qui m'échappent, on ne parle plus que de ruralité : les banlieues et les QPV ont disparu. J'espère, monsieur le rapporteur général, que mon amendement sera soutenu par le groupe La République en Marche. Cela me permettra de savoir quelle est leur vision de ces quartiers.
Comme l'a dit l'une de nos collègues du groupe Les Républicains, ne taper, sous couvert de moralisation, que sur les parlementaires ou sur les politiques, c'est regarder le problème par le petit bout de la lorgnette. S'il y a des corrompus, c'est qu'il y a des corrupteurs. Je suis choqué que l'on ne s'intéresse ni aux conseils d'administration ni à la finance. On ne traite qu'une des facettes du problème.
De même, on ne s'intéresse qu'à une partie de la vie politique. Il est tout de même paradoxal que le jour où l'on s'apprête à interdire à un parlementaire d'employer des membres de sa famille en tant que collaborateurs – et j'y suis favorable, compte tenu des excès que l'on connaît –, le Président de la République annonce que la première dame, qui n'a pas été élue, disposera d'un budget... Il y a deux poids, deux mesures !
Par ailleurs, je suis satisfait de constater que des députés d'horizons politiques différents jugent nécessaire de faire sauter le verrou de Bercy. Celui-ci pose un problème non seulement du point de vue du fonctionnement de la République – il n'est pas normal qu'une juridiction spéciale de ce type perdure –, mais aussi en termes d'efficacité. S'agissant de la fraude fiscale, dont le montant est estimé à des dizaines de milliards d'euros, il est évident que la commission des infractions fiscales a ralenti certains dossiers – il suffit de voir l'affaire Cahuzac. Nous souhaitons donc faire sauter ce verrou et, si nous n'y parvenons pas, nous proposerons un amendement de repli visant à le supprimer pour les cas les plus graves. Il ne peut y avoir de loi de moralisation sans que l'on s'occupe de ce dossier.
Quant à la réserve parlementaire, je m'étonne tout d'abord qu'elle soit la seule concernée et que l'on ne touche ni à la réserve présidentielle ni à la réserve ministérielle. Là encore, il y a deux poids, deux mesures. Cela dit, on ne peut pas, comme l'ont fait les différentes majorités qui se sont succédé, mener des politiques qui affaiblissent les services publics, donc l'égalité territoriale, et diminuer les budgets des collectivités territoriales – nous verrons ce qu'il en sera l'an prochain – tout en expliquant qu'il est nécessaire de maintenir la réserve parlementaire pour saupoudrer les financements que l'on a supprimés par ailleurs ! Si, dans ces circonstances, on la maintient, on se retrouvera, comme je l'ai entendu dire tout à l'heure, en concurrence avec le maire ou d'autres élus. Mais de quelle concurrence s'agit-il ? Vous ne voudrez peut-être pas appeler cela une politique clientéliste, mais il s'agit tout de même de donner tel ou tel avantage à telle ou telle association. Et quand les budgets baissent, il est évident que la « politique de préférence » – pour ne pas parler de clientélisme – prend d'autant plus de poids. Ou alors il faudrait envisager, comme nous en avons pris l'engagement durant la campagne, de réunir un jury citoyen qui décide, avec le député, de la destination de telle ou telle aide. Cela permettrait également d'éviter les risques inhérents à cette pratique.
J'entends les arguments de l'opposition en faveur du maintien de cette enveloppe. Je souhaite cependant apporter une précision : ce qui est en cause, ici, ce n'est pas la procédure elle-même, dont nous reconnaissons qu'elle était transparente, même s'il est possible d'aller plus loin dans ce domaine, mais le caractère arbitraire du choix de telle association ou de telle commune. Que l'on appelle cela clientélisme ou préférence, peu importe, c'est bien cette pratique qui pose problème. Qu'un parlementaire se transforme en petit exécutif local pour choisir la structure à subventionner me pose problème sur un plan éthique.
Par ailleurs, la question de fond, qui n'a pas encore été abordée, me semble être celle de savoir pourquoi un député est ainsi conduit à pallier l'absence de financement d'une structure locale par les collectivités, dont c'est le rôle. Pourquoi le conseil départemental, le conseil régional ou la communauté de communes ne financent-ils plus ces associations ou ces communes ? C'est là-dessus que nous devons travailler.
Enfin, je rappelle que j'ai fait, moi aussi, campagne sur ce thème. Pourtant, en tant qu'élu des quartiers nord de Marseille – et je rejoins François Pupponi sur ce point –, je connais les structures qui en ont besoin. Mais il me semble que ce n'est pas mon rôle. C'est pourquoi je souhaite que l'on supprime la réserve parlementaire.
En ce qui concerne le verrou de Bercy, je suis d'accord avec Charles de Courson : il s'agit d'une anomalie incroyable. On ne peut pas maintenir la situation actuelle dans laquelle une administration détient le monopole de la poursuite pénale. C'est une procédure intrinsèquement perverse qui doit être remise en cause, sous des formes et selon des modalités qu'il faut étudier.
J'en viens à la question de la réserve parlementaire. Quoiqu'âgé, je suis un néophyte. Je suis un vieil ingénu, en quelque sorte, et j'ai du mal à aborder les problèmes autrement que sur le plan des principes. Or il me paraît très difficile, à cet égard, de justifier le maintien de la réserve parlementaire. Les arguments qui ont été donnés en faveur de ce maintien sont de deux ordres. Certains, comme Marie-Christine Dalloz, et je les comprends, ne veulent pas être considérés comme des bandits de grand chemin : ce n'est pas parce qu'ils distribuent la réserve parlementaire qu'ils doivent être aussitôt accusés de corporatisme, de manipulation ou d'instrumentalisation. Elle a tout à fait raison, mais la question qui se pose n'est pas celle de la transparence de la réserve parlementaire ; c'est celle de savoir si cette procédure budgétaire est adaptée à son objet. D'autres, comme François Pupponi et Patrick Hetzel, défendent la réserve parlementaire, le premier au nom de la ruralité, le second au nom de la politique de la ville. Les problèmes d'arbitrage sont évidemment centraux en la matière, mais ils n'ont rien à voir avec la question procédurale précise de savoir si les parlementaires doivent avoir le pouvoir, qualifié de féodal par notre collègue Mattei, de distribuer des enveloppes, fût-ce dans des conditions tout à fait honorables.
Je crois aux grands principes d'unité, d'unicité et d'universalité du budget ; et de ce point de vue, cette fragmentation du pouvoir budgétaire me paraît choquante. En outre, les parlementaires n'ont pas à s'immiscer dans une quasi-fonction d'ordonnateur. Je comprends qu'il soit très agréable de distribuer cette réserve parlementaire, dont on fait certainement très bon usage car nos collègues sont évidemment dévoués à l'intérêt général – même si, ne soyons pas naïfs, l'intérêt politique est également présent. Mais le problème mérite d'être posé en termes de principes et non en termes d'opportunité.
Il est normal que la majorité veuille respecter un engagement de campagne, mais les raisons de cette suppression doivent être clairement énoncées. S'il s'agit de réaliser une économie budgétaire de 75 millions d'euros, je voterai contre. S'il s'agit de mettre un terme à une pratique jugée archaïque et d'affecter ces 75 millions à un fonds destiné aux collectivités locales et aux associations, je peux être pour. J'appelle toutefois votre attention sur le fait que certains parlementaires sont totalement exclus de la gestion de la DETR. J'invite d'ailleurs chacun d'entre vous à interroger le préfet de son département sur la gestion de cette dotation et sur celle du fonds, nouvellement créé, de soutien à l'investissement local. Ayant moi-même entrepris cette démarche, j'ai appris que 40 % des arrêtés n'étaient toujours pas signés alors que nous sommes au mois de juillet ! Il est très facile de ponctionner de l'argent aux collectivités lorsqu'elles ne peuvent pas consommer les crédits... Nous devons donc trouver un moyen d'avoir la main et de savoir comment ces fonds sont alloués. Enfin, il serait bon d'étudier la manière dont la dotation d'équipement des territoires ruraux, puisque tel est son nom, est distribuée dans les territoires.
Par ailleurs, si l'on supprime la réserve parlementaire, il faut évidemment supprimer également la réserve ministérielle.
Attention cependant aux caricatures : pas un centime de réserve parlementaire n'est allé à la commune dont je suis conseillère municipale depuis cinq ans.
Il ne s'agit pas ici de morale ou même de confiance. Ce n'est pas parce que de fausses idées circulent dans la presse sur cette réserve qu'il faut s'engager à la réformer à toute vitesse. La question de fond est celle de savoir si ces présupposés sont justes ou pas.
Si l'on prend un peu de recul, on s'aperçoit que ce qui est ici en cause, c'est une mission du parlementaire qui était auparavant admise par tous et définie nulle part. Jusqu'à présent, les parlementaires assuraient une mission de synthèse entre le débat national et les territoires, mission qui passait par le cumul des mandats et de petits dispositifs tels que la réserve parlementaire. Pour des raisons qu'il faudrait analyser, ce qui apparaissait autrefois comme une synthèse, une expérience de l'universel au plan local, apparaît aujourd'hui comme un conflit d'intérêts, une contradiction : si le parlementaire est ancré dans son territoire, il va privilégier sa ville ou l'association dont il est proche...
Je n'ai aucune opinion sur le point de savoir s'il faut maintenir ou supprimer la réserve parlementaire. Je tiens simplement à vous mettre en garde contre la disparition de cette synthèse – et, de ce point de vue, la suppression ou le maintien de la réserve parlementaire n'y changera rien. Je prends le pari que, dans quelques années, les premiers opposants ne siégeront pas ici : ce seront les présidents de région et les présidents d'agglomération. La synthèse qui se faisait au Parlement n'existera plus, et nous assisterons à des conflits entre les territoires et l'État. Voilà le véritable sujet !
J'ai pris beaucoup de plaisir à gérer la réserve parlementaire. Il est en effet extrêmement gratifiant de pouvoir sauver temporairement une association, par exemple, parfois grâce à de tout petits montants. C'est très agréable, mais cela prend aussi beaucoup de temps. Ce système, c'est vrai, peut être très utile aux petites communes ou aux associations et il permet de tisser des liens très forts avec ces structures et les élus. Le seul problème, c'est que cette pratique n'est plus de notre temps. Qu'on le veuille ou non, les parlementaires sont actuellement dans l'oeil du cyclone, et on ne leur passera rien. Il n'est pas normal qu'une personne, si vertueuse soit-elle, décide seule d'attribuer ou pas une subvention, sans avoir à se soumettre à des règles comme celles qui sont imposées aux collectivités ou aux préfets. J'ai tout fait pour remédier à cette situation, jusqu'à mettre en place un jury composé d'élus locaux, etc. Il n'empêche que cela demeure une anomalie au XXIe siècle. Il faut donc trouver une solution pour que cette aide aux territoires demeure, mais sous une forme démocratique. Or, celle-là ne l'est pas du tout.
Supprimer le verrou de Bercy au détour d'un texte n'est peut-être pas la bonne solution. Je ne dis pas que la disposition votée au Sénat est bonne ou mauvaise mais, ayant entendu ce qu'a dit le procureur de la République financier sur l'amélioration considérable des procédures, j'estime qu'il faudrait consacrer un rapport d'information à ce sujet afin de trancher une fois pour toutes – et je le dis sans préjuger de la façon dont nous trancherons. C'est un sujet de préoccupation, et nous sommes nombreux ici, quel que soit le groupe auquel nous appartenons, à nous poser des questions sur l'aspect moral de certaines pratiques dont fait partie cette survivance étonnante qu'est le « loquet » de Bercy. Le risque sur le montant des sommes recouvrées a toujours été présenté central. Il faut que nous sachions quelle est la réalité de tout cela et la manière dont la pratique a évolué. J'insiste, je crois qu'un rapport d'information nous permettrait d'y voir clair et de trancher définitivement.
Pour le reste, l'engagement a été pris de créer une dotation de solidarité locale au profit des collectivités et des associations. Je ne sais pas encore la forme qu'elle prendra, mais ceux qui me connaissent savent que, si cet engagement n'était pas tenu, j'agirai pour faire en sorte qu'il le soit... Peut-être est-ce l'occasion pour que les excellentes conclusions du rapport de Christine Pires Beaune et Véronique Louwagie sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) et les dotations aux collectivités soient prises en compte dans cette réflexion pour aboutir à un dispositif équitable et intelligent. Je connais en effet des collectivités dont les élus vont jusqu'à renoncer à leurs indemnités pour pouvoir boucler leur budget. Peut-être est-ce dû à la taille des communes françaises – à cet égard, le Président de la République a évoqué la question des communes nouvelles. En tout état de cause, soyez sûrs que je ne lâcherai rien sur la mise en place de cette dotation dans le projet de loi de finances.
Par ailleurs, comme vous tous, je ne vois pas pourquoi la réserve ministérielle échapperait au sort réservé à la réserve parlementaire.
Enfin, en ce qui concerne le rôle des parlementaires dans certaines commissions, notamment celle de la DETR, sachez qu'à l'article 15 du projet de loi ordinaire, le Sénat a introduit une disposition imposant leur présence au sein de cette commission. Il est en effet important que les parlementaires soient associés au système de gouvernance ; cette disposition me semble répondre à la question légitime soulevée par Christine Pires Beaune.
La commission passe à l'examen des articles du projet de loi organique.
CHAPITRE III
Soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements
Article 9 (art. 7 et 11-1 [nouveau] de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances) : Dotation de soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements
L'amendement CF4 du rapporteur général est retiré, de même que l'amendement CF1 de M. Olivier Gaillard.
Avant de passer au vote sur l'article 9, pourrions-nous connaître l'avis de notre rapporteur général sur celui-ci ?
La commission émet un avis favorable à l'adoption, sans modification, de l'article 9.
En conséquence, les amendements CF5 du rapporteur général et CF3 de M. Olivier Gaillard n'ont plus d'objet.
Article 13 : Poursuite de l'exécution des crédits ouverts au titre de la « réserve parlementaire »
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 13 sans modification.
La commission en vient à l'examen des articles du projet de loi ordinaire.
Article 1er ter (art. L. 228 du livre des procédures fiscales) : Assouplissement des conditions de poursuite de la fraude fiscale
La commission examine l'amendement CF1 de M. Éric Coquerel.
Notre amendement propose de supprimer le passage par la commission des infractions fiscales, ce qui permettrait de renforcer l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale et de mettre fin à un système qui appartient au passé.
Je vous renvoie au rapport d'information que j'appelle de mes voeux avant de statuer définitivement. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement CF1.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 1er ter sans modification.
M. le rapporteur a indiqué avoir retiré son amendement CF3 portant article additionnel après l'article 3 bis.
Article 12 : Habilitation à légiférer par voie d'ordonnance pour créer une structure dédiée ou un mécanisme de financement en cas de défaillance avérée du marché
Le Sénat a supprimé cette disposition relative à l'institution d'une « Banque de la démocratie ». Il s'agit de savoir si nous voulons la rétablir. Je n'y suis pas favorable.
Je suis le Sénat dans son approche. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un système de garanties, non d'une institution séparée.
Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés est pour sa part assez attaché à cette initiative prise par l'ancien garde des sceaux.
La commission émet un avis favorable au maintien la suppression de l'article 12.
La commission en vient à l'examen, pour avis, d'un projet de décret d'avance, en application de l'article 13 de la loi organique relative aux lois de finances (M. Joël Giraud, rapporteur général).
Nous examinons aujourd'hui le projet de décret d'avance qui nous a été notifié par le Gouvernement le 12 juillet dernier et qui prévoit l'ouverture et l'annulation de crédits à hauteur de 2,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3 milliards d'euros en crédits de paiement.
Aux termes de l'article 14 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le Gouvernement nous a également transmis le même jour, à titre d'information, un projet de décret d'annulation de 774 millions d'euros en autorisations d'engagement et 274 millions d'euros en crédits de paiement.
En préambule, je souhaiterais rappeler qu'au titre de la LOLF, nous ne sommes saisis que du projet de décret d'avance, afin de rendre un avis consultatif, non contraignant pour le Gouvernement. Nous ne saurions donc examiner plus en détail le projet de décret d'annulation, encore moins les mesures dites « correctrices complémentaires » ou « de refroidissement » annoncées la semaine dernière par le Gouvernement, à hauteur de 1,15 milliard d'euros.
Ces mesures pourront être discutées lors du prochain débat d'orientation des finances publiques avec le Gouvernement – qui aura lieu jeudi matin en séance. En revanche, nous ne saurions légitimement nous prononcer sur ces mesures d'ordre réglementaire qui font actuellement l'objet d'arbitrages au sein du pouvoir exécutif.
Dès lors, nous allons examiner le décret d'avance conformément à l'article 13 de la LOLF, qui subordonne la signature de tels décrets par le Premier ministre, à l'avis simple, non contraignant, des commissions des finances des deux assemblées. Celles-doivent faire connaître leur avis dans un délai de sept jours après notification du projet de décret.
Il s'agit du premier décret d'avance sur lequel nous avons à nous prononcer au titre de l'exercice 2017.
Il répond au constat dressé par la Cour des comptes dans son rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques publié il y a quelques jours, qui soulignait la nécessité d'adopter des mesures de redressement afin de respecter l'objectif de déficit public conforme à nos engagements européens.
Le décret d'avance constitue par essence un exercice quelque peu brutal. Cet exercice s'avère toutefois indispensable – à condition, bien sûr, de vouloir faire respecter le plafond de dépenses fixé par la loi de finances initiale. Il procède, en cours de gestion, à des redéploiements de crédits au sein du budget de l'État, afin de financer des missions en souffrance ou des besoins nouvellement apparus.
Ce projet de décret d'avance prévoit l'ouverture de crédits en faveur de huit missions du budget général, à hauteur de 2,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3 milliards d'euros en crédits de paiement.
Ces ouvertures de crédits ont pour objet de financer : à titre principal, la recapitalisation de New Areva Holding SA, pour 49 % des ouvertures de crédits de paiement ; les surcoûts liés aux opérations extérieures (OPEX) et aux opérations intérieures du ministère de la défense ; le prolongement du plan de formation prioritaire décidé dans le cadre du plan d'urgence pour l'emploi ; les dépenses relatives à l'allocation pour demandeurs d'asile, du fait de la hausse constatée des flux de demandeurs d'asile ; l'acquisition de l'immeuble White sis à Montrouge destiné à accueillir les services centraux de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ; les dépenses au titre de l'hébergement d'urgence, dans un contexte de crise migratoire ; les mesures liées à diverses crises sanitaires et les besoins de l'Agence du service civique, compte tenu du nombre élevé de jeunes entrant dans le dispositif.
Parallèlement, ce projet de décret d'avance prévoit une annulation d'un montant équivalent sur les crédits de vingt-six missions et soixante-sept programmes du budget général.
Ce décret d'avance n'a donc pas d'impact sur l'équilibre budgétaire.
La grande majorité des annulations de crédits, soit 83 % du total des annulations, portent sur des crédits qui étaient déjà en réserve, autrement dit indisponibles pour les responsables de programme des ministères concernés. Dès lors, ces crédits n'avaient pas de destination précise, n'étaient pas fléchés vers une dépense spécifique, mais étaient conservés à des fins de régulation budgétaire, telle la baisse de la dépense, ou afin de faire face à la survenance d'aléas.
Ces annulations atteignent un niveau important en cours de gestion et sont justifiées par l'impératif du respect de l'objectif de 3 % de déficit public en 2017. Toutefois, vous pouvez observer que le pourcentage de crédits disponibles par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale, y compris les reports et les fonds de concours, après ce projet de décret d'avance et les mises en réserve, s'élève en moyenne à 97 %. Cela permet de relativiser les mouvements de crédits que nous examinons aujourd'hui.
Je vous propose d'examiner, comme il nous revient de le faire pour étayer notre avis, la conformité de ce décret aux règles prévues par la LOLF.
Premièrement, les plafonds d'ouverture et d'annulation de crédits fixés par la LOLF sont-ils respectés ?
En l'espèce, les plafonds fixés par la LOLF, soit pour les ouvertures moins de 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale et pour les annulations moins de 1,5 % des crédits ouverts en loi de finances initiale et loi de finances rectificative, sont respectés puisque les ouvertures et annulations de crédits prévues par le projet de décret correspondent à 0,43 % des autorisations d'engagement et 0,48 % des crédits de paiement ouverts en loi de finances pour 2017.
Deuxièmement, y a-t-il « urgence » à ouvrir ces crédits ? Oui, il y a urgence manifeste à ouvrir ces crédits au regard de l'imminence de la recapitalisation d'Areva avant le 31 juillet prochain, des opérations extérieures et intérieures en cours, de la situation de l'emploi, du contexte migratoire et du flux de demandeurs d'asile, de l'imminence de la levée d'option d'achat de l'immeuble White pour l'INSEE le 30 septembre prochain, ainsi que du contexte migratoire et des tensions sur le parc d'hébergement d'urgence, des risques sanitaires subis par le monde agricole et de l'augmentation significative du nombre de jeunes engagés dans un parcours de service civique.
Le projet d'avis qui vous est soumis reprend, de manière formelle, les observations que je viens de faire, en détaillant précisément les mouvements de crédits proposés pour chacun des ministères concernés.
L'examen rapide par notre commission du présent avis permet de respecter le délai de sept jours dont disposent les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat pour faire connaître leur avis au Premier ministre à compter de la date de notification du projet de décret.
Par conséquent, je vous propose d'adopter ce projet d'avis sur le projet de décret d'avance, qui vous a été remis sur table.
Monsieur le rapporteur général, je n'ai pas la même lecture que vous de ce décret d'avance. Sa présentation est très claire. Mais je m'étonne du montant des annulations de crédits de paiement alors que le Gouvernement ne va pas « piocher » dans la réserve. Pour l'enseignement scolaire, près de 81 millions d'euros sont annulés, alors que seulement 11 millions d'euros sont piochés dans la réserve ; pour la sécurité, 243 millions d'euros sont annulés, dont 206 millions d'euros pris sur la réserve, ce qui laisse tout de même 40 millions d'euros pris sur du « sec ». Pour la culture, que l'on dit vouloir sanctuariser, 42 millions d'euros sont annulés, dont 6 sont pris sur la réserve, soit seulement 14 % du total.
Or, je le répète, tout ce qui n'est pas puisé dans la réserve correspond à une suppression sèche, à un prélèvement sur la partie dure du budget.
Je m'inquiète de l'écart que je constate, sur certaines missions, entre les crédits utilisables et les crédits ouverts. Dans certains cas, on tombe à moins de 90 %. Pour l'agriculture, la baisse est grosso modo de 10 % par rapport aux crédits que nous avons initialement adoptés. C'est tout simplement énorme... La défense ne bénéficiera que de 95 % des crédits votés. Là encore, l'écart est énorme. Pour les relations avec les collectivités territoriales, on en est à 85 %. Se rend-on vraiment compte de ce que cela représente ?
Par le passé, jamais on n'était descendu sous la barre des 92 % ou des 93 %. Ici, vous êtes allés beaucoup plus loin. C'est pourquoi le groupe Nouvelle Gauche ne donnera pas d'avis favorable à l'adoption de ce décret d'avance.
Ce qui nous est présenté, c'est une baisse de 3,3 milliards d'euros de crédits, à quoi il faut ajouter 1,15 milliard d'euros d'ajustements additionnels. Quand bien même nous aurons des éléments complémentaires jeudi en séance publique, nous ne pouvons examiner l'ensemble de ces mouvements, faute d'un projet de loi de finances rectificative. Sans ce projet, nous n'avons pas de vision globale.
Ce matin, nous avons entendu les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales. Leurs programmes budgétaires doivent subir une diminution de crédits de 244 millions d'euros. Certes, elle porte sur l'achat d'avions multi-rôles et sur les crédits mis en réserve, mais tous deux ont évoqué un nécessaire report de charges sur l'exercice 2018. Pour la police nationale, celui-ci s'élèverait de 40 à 50 millions d'euros en 2017, alors qu'il n'atteignait en 2016 que 10 millions d'euros. Pour la gendarmerie nationale, la situation est équivalente : 100 millions d'euros de reports sont prévus pour 2017, contre 65 millions d'euros prévus en 2016, soit un écart de 35 millions d'euros.
Le choc est fort. La défense contribue à hauteur de 28 % des crédits pilotables. Il faut regretter que les dépenses non pilotables ne puissent pas nature être diminuées, de sorte que ce sont toujours les mêmes missions qui sont à chaque fois impactées : la recherche, l'enseignement supérieur, la sécurité, les relations avec les collectivités territoriales.
Pour toutes ces raisons, nous ne saurons donner un avis favorable à ce projet de décret.
Comme président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), j'avais demandé, et le Parlement m'avait suivi, que l'État revienne au budget de l'ANRU et participe à son financement. Or, 100 % des crédits destinés à l'ANRU sont annulés ou supprimés. Autrement dit, vous supprimez la participation de l'État à l'ANRU ; c'est là une décision politique majeure, non pas seulement d'une mesure d'économie. Il aurait en effet été possible de laisser quelques millions d'euros à l'ANRU à titre symbolique.
Plus généralement, nous examinons 3 milliards d'euros d'économies sur un total de 4,5 milliards d'euros. L'écart, soit 1,5 milliard, concernerait les aides personnalisées au logement (APL). J'ai bien retenu, monsieur le rapporteur général, que nous évoquerions ce sujet jeudi.
Si vous donnez un avis favorable à ce décret d'avance, alors vous vous bouchez les yeux, chers collègues. Pour ce qui est de la mission Sécurités, nous devons, au minimum, attirer l'attention du Gouvernement sur ce que nous ont déclaré les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales. Ces reports de charge ne constituent pas des économies. Ils plomberont nécessairement le budget de 2018, qui n'est déjà pas facile à préparer. Et l'on peut s'attendre à ce que d'autres annulations soient décidées dans le collectif de fin d'année.
S'agissant de la défense, comment peut-on diminuer ainsi les crédits, tout en s'engageant à relever les dépenses militaires de 2 milliards d'euros l'an prochain ? Même le groupe La France insoumise est favorable à l'objectif des 2 % du produit intérieur brut consacré au budget de la défense d'ici 2025. Il serait incohérent d'annuler ces crédits pour procéder ensuite à de pareilles augmentations. C'est complètement contraire à toute orthodoxie budgétaire comme à la stratégie budgétaire elle-même définie par le Gouvernement. Je ne saurais émettre un avis favorable à une telle décision.
Je soutiens quant à moi l'adoption de ce décret d'avance, mais je voudrais des précisions sur la mission Relations avec les collectivités territoriales. Il nous est indiqué que l'annulation de crédits serait l'effet d'une sous-consommation de ceux-ci. Mais comment caractériser cette sous-consommation et sur quel type de dotation porte-t-elle, sur la DETR, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou d'autres dotations ? Est-il, enfin, possible de distinguer à cet égard entre dépenses d'investissement et dépenses de fonctionnement ?
Il y a en effet une ponction de 216 millions d'euros sur les crédits de paiement, qui sont d'ailleurs, chers collègues, uniquement des crédits de paiement d'investissement local. Leur sous-consommation serait ainsi « anticipée ». Le phénomène est facile à expliquer : nous n'avions pas encore reçu, au mois de mai, les arrêtés de notification des crédits... Comment pourront-elles avoir le temps de les consommer ? Quand on veut tuer son chien, on l'accuse de la rage. Dans mon département, après nous avoir dit qu'il n'y a plus d'argent, on nous indique que les crédits sont sous-consommés ! Et cela vaut pour la DETR comme pour la DSIL. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond !
Il faut dire clairement qu'il y a des sous-dotations budgétaires récurrentes. Il faudra en tenir compte au moment de bâtir le budget 2018, s'agissant par exemple des crédits de l'immigration ou des opérations extérieures. Il faudra calculer des dotations de crédits suffisantes en prenant pour base l'exécution de 2017. On saura ainsi ce qui aura été réellement consommé en 2016.
Encore faut-il préciser : à périmètre constant !
La réalité, c'est que, sur certaines missions, les crédits utilisables ne représenteront que 85 % des crédits ouverts. C'est colossal... C'est une des plus grandes purges que l'on ait connues !
Le Président de la République a annoncé hier, lors de la conférence nationale des territoires, que les collectivités locales devraient économiser 13 milliards d'euros sur le quinquennat. C'est un montant important au vu des réductions de crédits déjà opérées.
Pour ce qui est de la DETR, j'ai une certitude : il y a en effet une volonté manifeste des services de l'État de ne pas notifier les crédits, de sorte qu'ils ne sont pas débloqués. Pas de notification, donc pas de décision, et pas de consommation... Et on profite de la sous-consommation pour opérer des retraits considérables aux dépens des collectivités territoriales !
Les collectivités territoriales sont déjà exsangues. Leur fonctionnement est devenu précaire. Et vous remettez en cause, par surcroît, les crédits de la réserve parlementaire, comme nous l'avons vu tout à l'heure... Vos élus vous remercieront.
Je voudrais m'attarder sur deux points. Pour commencer, l'importance du volume des crédits annulés. Mais peut-on vraiment reprocher au Gouvernement de tirer les conséquences d'un budget dont, de l'avis même de la Cour des comptes, de nombreuses missions ont été clairement sous-budgétisées dans des proportions impressionnantes ? Ce qui est préoccupant, ce sont précisément ces sous-dotations. Nous verrons ultérieurement si d'autres annulations seront décidées, dans quelles proportions on jouera sur les reports ; en tout état de cause, nous sommes vraiment dans une situation d'urgence et il faut bien y faire face.
La seconde observation, formulée notamment par nos collègues du groupe Les Républicains, consiste à dire qu'il faut une loi de finances rectificative. Je comprends très bien ce point de vue : ce serait en effet beaucoup plus propre en apparence. Mais je comprends très bien aussi le Gouvernement. Une loi de finances rectificative porte sur des ressources et des dépenses. Sur les dépenses, M. Darmanin est fondé à dire que, si nous voulons réaliser des économies importantes, structurelles, nous avons besoin de temps, le temps de remettre en cause l'organisation de certaines politiques publiques, et cela n'est pas possible dans le temps court d'une loi de finances rectificative. Dès lors, la tentation serait, et je comprends que le Gouvernement ne le souhaite pas, d'augmenter les impôts pour se dégager un complément de ressources. L'instrument choisi au final n'est peut-être pas pleinement satisfaisant mais, dans les circonstances, il n'y avait pas d'autre solution.
En revanche, je crois comme Charles de Courson que le problème le plus important est celui des annulations de crédits pour les armées. Le président de notre commission s'est exprimé ce matin à ce sujet, mais je considère qu'il l'a fait de façon insuffisante. En effet, je trouve extrêmement choquant que, prétextant des obligations sur le terrain, la ministre des armées, Mme Parly, ne soit pas venue expliquer ici une mesure aussi importante. Nous nous retrouvons dans cette situation extraordinaire où les chefs militaires ne sont pas venus parce qu'ils sont en désaccord avec l'autorité ministérielle et ne souhaitent pas défendre la politique du Gouvernement, et où le Gouvernement lui-même n'est pas venu défendre sa politique ! Je crois qu'il faut clairement marquer la désapprobation très profonde de notre commission, qui se sent mise en cause dans sa dignité par la désinvolture dont on fait preuve sur ce point.
Vous avez rappelé les conditions qui ont conduit à l'adoption de ce décret, et ce n'est bien évidemment pas une situation que nous souhaitons retrouver l'an prochain. Ce n'est pas de bonne gestion, mais la situation est exceptionnelle et il fallait prendre des mesures rapidement.
J'ai noté par ailleurs votre désapprobation au sujet de la non-venue de la ministre.
Je souhaite poursuivre sur la question des crédits de la défense. François Pupponi a parlé du symbole désagréable des crédits de l'État retirés à l'ANRU : or, avec les 850 millions d'annulations d'équipements militaires, nous ne sommes plus dans le symbolique, mais au coeur de la mission régalienne de sécurité.
Connaissant un peu les pratiques budgétaires, nous voyons en outre se profiler d'autres annulations sur les équipements. On sait qu'en fin d'année il est habituel de constater que le titre II, autrement dit les payes, n'a pas été provisionné au niveau qui convient, et sans doute 200 ou 300 millions seront donc supprimés à nouveau sur les équipements. Ces derniers vont donc prendre cette année plus de milliard de crédits « dans la vue ». Il en va de la crédibilité de la France : avec un milliard de retard pour aborder 2018, tout ce qu'on raconte sur 2025 ou 2030 n'est plus crédible. Alors que nous opérons ce recul, nos voisins allemands sont au contraire en train d'augmenter le budget de la défense de façon significative.
Oui, mais comme leur PIB est plus important que le nôtre, leur effort de défense est bien supérieur.
Je rejoins Jean-Louis Bourlanges sur l'absence inexplicable de la ministre. Ce Gouvernement entre en fonction dans une situation financière difficile. Sur le sujet de la défense, l'écart entre nos objectifs et les moyens alloués date de dix ou quinze ans, ce n'est pas neuf, mais nous arrivons à un moment où nous ne pouvons plus tenir le discours que nous tenions et prévoir les crédits que nous prévoyons. Nous pouvons choisir de réorienter nos politiques de défense, contester le bien-fondé des OPEX, tous les débats sont possibles, mais on ne peut prétendre maintenir l'outil tel quel tout en prévoyant une telle baisse de crédits. C'est une contradiction majeure qui appelle des explications, un débat public.
Comme l'a indiqué le président Woerth ce midi, il a adressé ce jour un courrier à la ministre de la défense à propos de son audition par notre commission.
Mon propos ayant été déjà été repris par d'autres orateurs, je renonce à prendre la parole.
Je souhaite revenir sur les coupes imposées aux collectivités, notamment l'annulation des 218 millions d'euros, qui remettent en cause les dispositifs de soutien à l'investissement local, la DETR, mais aussi les contrats de ruralité qui viennent d'être signés dans les collectivités et ont demandé un énorme travail de cohérence sur les territoires, en particulier les territoires difficiles. On a le sentiment que tout est mis à mal. Ces dispositifs n'ont pas été mis en place par hasard : ils faisaient suite aux baisses de dotations, qui ne laissaient plus assez de marges aux collectivités pour investir. L'objectif était de relancer la commande publique. Vous dites qu'il y a urgence : la première urgence, c'est l'emploi. Le contrat de ruralité, c'est 2,5 millions d'euros de subventions, soit 7 millions investis dans le territoire pour soutenir le travail des PME, des entreprises du BTP. L'inquiétude est grande dans des territoires déjà en difficulté.
Si une lettre a été adressée à Mme Parly au nom de la commission des finances, je demanderai au président de la communiquer à tous les membres.
Marie-Christine Dalloz a fait une remarque qui m'interpelle. Elle espère qu'à périmètre constant, la budgétisation sera la même l'an prochain. Or c'est précisément cette logique qui nous a conduits où nous sommes aujourd'hui.
Même sans changer les périmètres, une action publique peut être menée avec des outils et des moyens différents : on peut être plus productif, plus efficace. À périmètre constant, il n'est donc pas nécessaire de reconduire les budgets année après année. C'est cette logique qui fait que les dépenses publiques représentent 57 % de notre PIB sans que leur efficacité soit pour autant prouvée. Nous avons besoin de réformes profondes, il faut budgéter en fonction des nécessités, des possibilités, de la productivité, de l'organisation, et que notre point de référence ne soit pas systématiquement le passé. Dans une entreprise, il y a des missions pour lesquelles budgéter en fonction du passé vaut le coup, d'autres sur lesquelles on repart à zéro. Il faut montrer collectivement que certaines politiques doivent être maintenues mais organisées autrement, en déployant de meilleurs outils.
C'était le sens de mon intervention aujourd'hui à la tribune. Vous êtes des chantres de la réduction de la dépense publique et de l'efficacité : nous avons besoin de votre soutien, et que vous fassiez preuve de clarté sur ce point.
J'ai une question supplémentaire sur l'annulation des 850 millions d'équipements pour la défense. Sur le budget, on a à la fois un volume et un effet prix. J'ai entendu que le Président de la République souhaitait agir sur les prix. Une action a-t-elle été engagée en ce sens ou bien des commandes seront-elles finalement décalées dans le temps ? La démarche n'est pas tout à fait la même.
Plusieurs remarques ont été faites, concernant le tableau que j'ai distribué, sur le pourcentage de crédits utilisables rapportés aux crédits ouverts. Je précise que la réserve de précaution, de 8 % des crédits, est déduite de la dernière colonne des crédits utilisables. Ainsi, 92 %, c'est 100 moins 8 % de la réserve de précaution.
Les crédits ouverts recouvrent non seulement les crédits ouverts en loi de finances initiale, mais aussi les reports et les fonds de concours, ce qui explique la « différence de traitement », si je puis dire, pour quelques ministères, certains d'entre eux, à l'instar de l'agriculture, n'ayant traditionnellement pas beaucoup de crédits de reports ou de fonds de concours.
Le projet de décret d'avance porte 3 milliards d'euros d'annulations de crédits de paiement. Je rappelle que l'an dernier, certes sur trois décrets d'avance, nous en étions à 3,4 milliards. Je ne sais pas ce qui va se passer par la suite, mais l'ordre de grandeur est, en tout cas, à peu près comparable.
François Pupponi s'inquiétait pour l'ANRU ; les crédits ici annulés sont, en fait, des crédits du Fonds national des aides à la pierre, pour lequel avaient été ouverts 100 millions en loi de finances pour 2016 et 200 millions en loi de finances pour 2017. Les annulations, de 76 millions d'euros, portent exclusivement sur ce fonds, non sur des crédits « frais » de l'ANRU.
Entre mai 2016 et juillet 2017, le ratio des crédits utilisables sur les crédits ouverts est passé, par exemple, pour la défense de 93 à 95 %, pour la recherche de 96 à 97 %, et il est resté identique pour l'aide publique au développement à 88 %. Ce sont là aussi des ordres de grandeur similaires.
S'agissant de la mission Relations avec les collectivités territoriales, je comprends très bien ce que plusieurs ont dit au sujet du retard des arrêtés, ou de ces mesures de gestion qui entraînent ensuite des mesures de régulation en raison d'une sous-consommation. Je vous propose donc que nous appelions, dans l'avis, l'attention du Gouvernement sur cette pratique particulièrement inappropriée qui consiste à retarder des arrêtés de subvention pour mieux prétexter ensuite d'une sous-consommation de certaines dotations.
En ce qui concerne la défense, la situation est un peu particulière puisque nous avons à la fois des crédits annulés et des crédits ouverts – pour être clair, nous sommes à 850 moins 643, soit environ 200 millions d'euros annulés en net – et un nouveau mode de gestion visant à ne pas reporter sur d'autres ministères la contrepartie de l'effort d'ouverture. Cela dit, je comprends votre préoccupation et propose donc, là encore, d'appeler l'attention du Gouvernement sur le fait que nous souhaitons que les engagements pris, notamment par le Président de la République récemment, se concrétisent.
Pour ce qui est de la sécurité, les annulations portent quasi-essentiellement sur le report d'achat d'un avion multi-rôles pour un montant de 25 millions d'euros de crédits frais. Même si voir entamer ces réserves de précaution n'est agréable pour personne, je n'ai pas le sentiment que cela mette complètement la sécurité sans moyens ; en fait, une seule opération est reportée. Je ne pense donc pas nécessaire d'appeler l'attention du Gouvernement sur ce point.
D'une manière générale, nous venons, en début de réunion, de nommer des rapporteurs spéciaux. Je les invite à la plus grande vigilance sur l'ouverture des crédits nécessaires au bon fonctionnement des services, car c'est leur rôle. Certains le font très bien, mais il me paraît indispensable de le répéter.
En conclusion, je vous propose donc d'améliorer l'avis de la façon suivante : « La commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire attire l'attention du Gouvernement sur les risques de mesures de régulation excessives relatives au programme 119 Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements eu égard aux retards constatés dans la signature des arrêtés de subvention relatifs aux concours financiers de l'État », et de la même façon, d'ajouter : « La commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire attire l'attention du Gouvernement sur les risques de mesures de régulation excessives relatives au programme 146 Équipement des forces, eu égard aux engagements internationaux de la France ».
La commission émet un avis favorable au projet de décret d'avance assorti des remarques proposées par le rapporteur général.
Informations relatives à la commission
– 1. La commission a désigné, selon la liste ci-jointe, les rapporteurs spéciaux sur la loi de finances pour 2018.
n° | Titre | Rapporteur |
1 | Action extérieure de l'État | Vincent Ledoux |
2 | Action extérieure de l'État : Tourisme | Émilie Bonnivard |
3 | Administration générale et territoriale de l'État | Jacques Savatier |
4 | Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales : Politiques de l'agriculture, Pêche et aquaculture ; Développement agricole et rural | Hervé Pellois Émilie Cariou |
5 | Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales : Sécurité alimentaire | Michel Lauzzana |
6 | Aide publique au développement ; Prêts à des États étrangers | Marc Le Fur |
7 | Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation | |
8 | Cohésion des territoires : logement et hébergement d'urgence | François Jolivet M'jid El Guerrab |
9 | Cohésion des territoires : politique des territoires | Mohamed Laqhila |
10 | Conseil et contrôle de l'État | Daniel Labaronne |
11 | Culture : Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture | Pierre Person |
12 | Culture : Patrimoines | Gilles Carrez |
13 | Défense : Préparation de l'avenir | François Cornut-Gentille |
14 | Défense : Budget opérationnel de la défense | Olivier Gaillard |
15 | Direction de l'action du Gouvernement ; Publications officielles et information administrative, |Investissements d'avenir | Marie-Christine Dalloz |
16 | Écologie, développement et mobilité durables : Paysage, eau et biodiversité ; Prévention des risques ; Expertise, information géographique et météorologique ; Conduite et pilotage des politiques | Éric Coquerel |
17 | Écologie, développement et mobilité durables : Affaires maritimes | Saïd Ahamada |
18 | Écologie, développement et mobilité durables : Énergie, climat et après-mines ; Service public de l'énergie ; Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ; Transition énergétique | Julien Aubert |
19 | Écologie, développement et mobilité durables : Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires ; Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ; BACEA | Anne-Laure Cattelot Benoît Simian |
20 | Économie : Développement des entreprises et du tourisme ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés | Olivia Grégoire Xavier Roseren |
21 | Économie : Commerce extérieur | Nicolas Forissier |
22 | Économie : Statistiques et études économiques ; Stratégie économique et fiscale ; Accords monétaires internationaux | Philippe Chassaing Alexandre Holroyd |
23 | Engagements financiers de l'État | Bénédicte Peyrol Dominique David |
24 | Enseignement scolaire | Catherine Osson Aina Kuric |
25 | Gestion des finances publiques et des ressources humaines : Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local ; Facilitation et sécurisation des échanges ; Conduite et pilotage des politiques économiques et financières | Laurent Saint-Martin |
26 | Gestion des finances publiques et des ressources humaines : Fonction publique ; Crédits non répartis | Cendra Motin |
27 | Gestion des finances publiques et des ressources humaines : /Gestion du patrimoine immobilier de l'État (CAS) | Jean-Paul Mattei |
28 | Immigration, asile et intégration | Stanislas Guerini Jean-Noël Barrot (Modem) |
29 | Justice | Patrick Hetzel |
30 | Médias, livre et industries culturelles ; Avances à l'audiovisuel public | Marie-Ange Magne |
31 | Outre-mer | Olivier Serva |
32 | Pouvoirs publics | Philippe Vigier |
33 | Recherche et enseignement supérieur : Recherche | Amélie de Montchalin |
34 | Recherche et enseignement supérieur : Enseignement supérieur et vie étudiante | Fabrice Le Vigoureux |
35 | Régimes sociaux et de retraite ; /Pensions | Olivier Damaisin |
36 | Relations avec les collectivités territoriales ; Avances aux collectivités territoriales ; | Jean-René Cazeneuve Christophe Jerretie |
37 | Remboursements et dégrèvements | Christine Pires Beaune |
38 | Santé | Véronique Louwagie |
39 | Sécurités ; Police, gendarmerie, sécurité routière, Contrôle de la circulation et du stationnement routiers | Romain Grau Nadia Hai |
40 | Sécurités ;/ Sécurité civile | Patrick Mignola |
41 | Solidarité, insertion et égalité des chances | Stella Dupont |
42 | Sport, jeunesse et vie associative | Perrine Goulet Sarah El Haïry (Modem) |
43 | Travail et emploi ; Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage | Marie-Christine Verdier-Jouclas Gilles Le Gendre |
44 | /Participations financières de l'État ; Participation de la France au désendettement de la Grèce ; Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics| | Valérie Rabault |
45 | Affaires européennes | Xavier Paluszkiewicz |
– 2. La commission a désigné M. Éric Alauzet rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
– 3. La commission a nommé M. Joël Giraud rapporteur pour avis sur le projet de loi organique pour la régulation de la vie publique (n° 99) et sur le projet de loi pour la régulation de la vie publique (n° 98).
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 18 juillet 2017 à 20 heures
Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Éric Coquerel, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, Mme Stella Dupont, Mme Sarah El Haïry, M. Nicolas Forissier, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, Mme Olivia Gregoire, M. Stanislas Guerini, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, Mme Aina Kuric, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, M. Gilles Le Gendre, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, M. Jean-Paul Mattei, Mme Amélie de Montchalin, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Pierre Person, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, Mme Muriel Ressiguier, M. Xavier Roseren, M. Laurent Saint-Martin, M. Benoit Simian, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth
Excusés. - M. M'jid El Guerrab, M. Jean Lassalle, M. Olivier Serva