Nous examinons aujourd'hui le projet de décret d'avance qui nous a été notifié par le Gouvernement le 12 juillet dernier et qui prévoit l'ouverture et l'annulation de crédits à hauteur de 2,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3 milliards d'euros en crédits de paiement.
Aux termes de l'article 14 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le Gouvernement nous a également transmis le même jour, à titre d'information, un projet de décret d'annulation de 774 millions d'euros en autorisations d'engagement et 274 millions d'euros en crédits de paiement.
En préambule, je souhaiterais rappeler qu'au titre de la LOLF, nous ne sommes saisis que du projet de décret d'avance, afin de rendre un avis consultatif, non contraignant pour le Gouvernement. Nous ne saurions donc examiner plus en détail le projet de décret d'annulation, encore moins les mesures dites « correctrices complémentaires » ou « de refroidissement » annoncées la semaine dernière par le Gouvernement, à hauteur de 1,15 milliard d'euros.
Ces mesures pourront être discutées lors du prochain débat d'orientation des finances publiques avec le Gouvernement – qui aura lieu jeudi matin en séance. En revanche, nous ne saurions légitimement nous prononcer sur ces mesures d'ordre réglementaire qui font actuellement l'objet d'arbitrages au sein du pouvoir exécutif.
Dès lors, nous allons examiner le décret d'avance conformément à l'article 13 de la LOLF, qui subordonne la signature de tels décrets par le Premier ministre, à l'avis simple, non contraignant, des commissions des finances des deux assemblées. Celles-doivent faire connaître leur avis dans un délai de sept jours après notification du projet de décret.
Il s'agit du premier décret d'avance sur lequel nous avons à nous prononcer au titre de l'exercice 2017.
Il répond au constat dressé par la Cour des comptes dans son rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques publié il y a quelques jours, qui soulignait la nécessité d'adopter des mesures de redressement afin de respecter l'objectif de déficit public conforme à nos engagements européens.
Le décret d'avance constitue par essence un exercice quelque peu brutal. Cet exercice s'avère toutefois indispensable – à condition, bien sûr, de vouloir faire respecter le plafond de dépenses fixé par la loi de finances initiale. Il procède, en cours de gestion, à des redéploiements de crédits au sein du budget de l'État, afin de financer des missions en souffrance ou des besoins nouvellement apparus.
Ce projet de décret d'avance prévoit l'ouverture de crédits en faveur de huit missions du budget général, à hauteur de 2,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3 milliards d'euros en crédits de paiement.
Ces ouvertures de crédits ont pour objet de financer : à titre principal, la recapitalisation de New Areva Holding SA, pour 49 % des ouvertures de crédits de paiement ; les surcoûts liés aux opérations extérieures (OPEX) et aux opérations intérieures du ministère de la défense ; le prolongement du plan de formation prioritaire décidé dans le cadre du plan d'urgence pour l'emploi ; les dépenses relatives à l'allocation pour demandeurs d'asile, du fait de la hausse constatée des flux de demandeurs d'asile ; l'acquisition de l'immeuble White sis à Montrouge destiné à accueillir les services centraux de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ; les dépenses au titre de l'hébergement d'urgence, dans un contexte de crise migratoire ; les mesures liées à diverses crises sanitaires et les besoins de l'Agence du service civique, compte tenu du nombre élevé de jeunes entrant dans le dispositif.
Parallèlement, ce projet de décret d'avance prévoit une annulation d'un montant équivalent sur les crédits de vingt-six missions et soixante-sept programmes du budget général.
Ce décret d'avance n'a donc pas d'impact sur l'équilibre budgétaire.
La grande majorité des annulations de crédits, soit 83 % du total des annulations, portent sur des crédits qui étaient déjà en réserve, autrement dit indisponibles pour les responsables de programme des ministères concernés. Dès lors, ces crédits n'avaient pas de destination précise, n'étaient pas fléchés vers une dépense spécifique, mais étaient conservés à des fins de régulation budgétaire, telle la baisse de la dépense, ou afin de faire face à la survenance d'aléas.
Ces annulations atteignent un niveau important en cours de gestion et sont justifiées par l'impératif du respect de l'objectif de 3 % de déficit public en 2017. Toutefois, vous pouvez observer que le pourcentage de crédits disponibles par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale, y compris les reports et les fonds de concours, après ce projet de décret d'avance et les mises en réserve, s'élève en moyenne à 97 %. Cela permet de relativiser les mouvements de crédits que nous examinons aujourd'hui.
Je vous propose d'examiner, comme il nous revient de le faire pour étayer notre avis, la conformité de ce décret aux règles prévues par la LOLF.
Premièrement, les plafonds d'ouverture et d'annulation de crédits fixés par la LOLF sont-ils respectés ?
En l'espèce, les plafonds fixés par la LOLF, soit pour les ouvertures moins de 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale et pour les annulations moins de 1,5 % des crédits ouverts en loi de finances initiale et loi de finances rectificative, sont respectés puisque les ouvertures et annulations de crédits prévues par le projet de décret correspondent à 0,43 % des autorisations d'engagement et 0,48 % des crédits de paiement ouverts en loi de finances pour 2017.
Deuxièmement, y a-t-il « urgence » à ouvrir ces crédits ? Oui, il y a urgence manifeste à ouvrir ces crédits au regard de l'imminence de la recapitalisation d'Areva avant le 31 juillet prochain, des opérations extérieures et intérieures en cours, de la situation de l'emploi, du contexte migratoire et du flux de demandeurs d'asile, de l'imminence de la levée d'option d'achat de l'immeuble White pour l'INSEE le 30 septembre prochain, ainsi que du contexte migratoire et des tensions sur le parc d'hébergement d'urgence, des risques sanitaires subis par le monde agricole et de l'augmentation significative du nombre de jeunes engagés dans un parcours de service civique.
Le projet d'avis qui vous est soumis reprend, de manière formelle, les observations que je viens de faire, en détaillant précisément les mouvements de crédits proposés pour chacun des ministères concernés.
L'examen rapide par notre commission du présent avis permet de respecter le délai de sept jours dont disposent les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat pour faire connaître leur avis au Premier ministre à compter de la date de notification du projet de décret.
Par conséquent, je vous propose d'adopter ce projet d'avis sur le projet de décret d'avance, qui vous a été remis sur table.