Il ne s'agit pas ici de morale ou même de confiance. Ce n'est pas parce que de fausses idées circulent dans la presse sur cette réserve qu'il faut s'engager à la réformer à toute vitesse. La question de fond est celle de savoir si ces présupposés sont justes ou pas.
Si l'on prend un peu de recul, on s'aperçoit que ce qui est ici en cause, c'est une mission du parlementaire qui était auparavant admise par tous et définie nulle part. Jusqu'à présent, les parlementaires assuraient une mission de synthèse entre le débat national et les territoires, mission qui passait par le cumul des mandats et de petits dispositifs tels que la réserve parlementaire. Pour des raisons qu'il faudrait analyser, ce qui apparaissait autrefois comme une synthèse, une expérience de l'universel au plan local, apparaît aujourd'hui comme un conflit d'intérêts, une contradiction : si le parlementaire est ancré dans son territoire, il va privilégier sa ville ou l'association dont il est proche...
Je n'ai aucune opinion sur le point de savoir s'il faut maintenir ou supprimer la réserve parlementaire. Je tiens simplement à vous mettre en garde contre la disparition de cette synthèse – et, de ce point de vue, la suppression ou le maintien de la réserve parlementaire n'y changera rien. Je prends le pari que, dans quelques années, les premiers opposants ne siégeront pas ici : ce seront les présidents de région et les présidents d'agglomération. La synthèse qui se faisait au Parlement n'existera plus, et nous assisterons à des conflits entre les territoires et l'État. Voilà le véritable sujet !