Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du mardi 22 juin 2021 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative à la programmation militaire suivie d'un débat et d'un vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Malgré la bonne exécution sur la période écoulée, la question du respect de la trajectoire tracée en 2018 se pose donc toujours.

Une autre difficulté tient aux effets de la crise. Dans cette période, l'engagement des soldats a été sans faille. Ils ont assuré une présence forte dans nos territoires face aux besoins sanitaires. Cette crise a aussi eu un impact sur nos objectifs d'investissements de défense.

Nous le savons, la programmation est construite autour de l'objectif d'un rehaussement de l'effort national en faveur des armées à 2 % du PIB. Elle ne prévoit toutefois aucun montant en valeur absolue. Or, la pandémie ayant eu pour effet de contracter notre PIB, les 2 % sont atteints de manière mécanique. La trajectoire est donc un peu dépourvue de sens. C'est précisément pour lui en redonner qu'une réactualisation législative était nécessaire.

Nous pouvions craindre une baisse des efforts financiers mais je prends acte, monsieur le Premier ministre, de votre volonté de maintenir le cap de l'engagement budgétaire. Une véritable actualisation nous aurait néanmoins permis, d'une part, de corriger une sous-budgétisation chronique, même si l'on constate une amélioration des opérations extérieures, dites OPEX – je regrette d'ailleurs à ce sujet que le principe de solidarité interministérielle prévu dans l'article 4 de la loi de programmation militaire ne soit pas appliqué – et d'autre part d'y voir clair car, entre votre évaluation du périmètre de l'actualisation à 1 milliard d'euros et le calcul fait par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, qui évoque des mouvements de l'ordre de 8,6 milliards d'euros, il existe tout de même une grosse différence.

Cette véritable actualisation nous aurait également permis d'aller au fond des choses et ainsi de savoir quels programmes seront accélérés – je pense à la commande d'une nouvelle frégate de défense et d'intervention, dite FDI – et quels programmes seront au contraire ralentis, mais surtout, ce qui est important, quelles justifications stratégiques ont présidé à tels choix. En effet la loi de programmation militaire ne peut être réduite uniquement à des considérations budgétaires. Les enjeux qu'elle couvre vont bien au-delà.

Dans un contexte international marqué par plusieurs foyers d'instabilité, gagné par une compétition acharnée entre les grandes puissances, l'Europe, géant économique mais nain politique et stratégique, devrait être à la hauteur des engagements de la puissance économique qu'elle représente.

À la veille de la présidence française de l'Union européenne, comment inciter nos voisins européens à intensifier et à coordonner leurs efforts militaires ? Le prochain cadre financier pluriannuel de l'Union pour la période 2021-2027 ne consacre que 9,6 milliards à la défense, soit 3,5 euros par citoyen.

Le Fonds européen de défense a vu son budget divisé par deux avant même de voir le jour. Quant à l'initiative européenne d'intervention, qui allait dans le bon sens, elle n'est clairement pas à la hauteur des attentes face aux géants, notamment américain, chinois et russe.

À tout cela s'ajoute le Brexit, d'autant plus préjudiciable que le Royaume-Uni était un de nos meilleurs alliés sur les questions militaires. Désormais la France se retrouve seule, au sein de l'Union européenne, à défendre la dissuasion nucléaire, laquelle garantit une indépendance et une protection dont bénéficient tous les États membres – il serait bon de le rappeler à nos voisins européens.

Par ailleurs, nos forces armées sont présentes au Sahel, un autre théâtre riche d'enseignements, qui se caractérise par un engagement infaillible de nos troupes et de nos alliés africains. On ne peut toutefois en dire autant de nos alliés européens. Il ne s'agit pourtant pas d'un combat purement français. Dans un rapport, nos collègues de la commission de la défense nationale et des forces armées soulignent explicitement le risque de voir AQMI, Al-Qaïda au Maghreb islamique, commettre des attentats en Europe et au Sahel.

Monsieur le Premier ministre, la semaine dernière, lors de la séance de questions au Gouvernement, un collègue vous avait interrogé au sujet de la fin annoncée de l'opération Barkhane. Ne faut-il pas y voir l'échec de notre capacité à engager davantage l'OTAN et l'Union européenne ? Je regrette que cette question, ainsi que celle de l'avenir de notre engagement au Sahel, ne fassent pas l'objet d'un débat spécifique dans l'hémicycle.

Concernant la révolution numérique et technologique, nécessaire pour éviter le déclassement de nos armées, je tiens à saluer l'effort en matière de création d'emplois, à hauteur de 3 000 postes, dans les secteurs de la cyberdéfense et du renseignement.

Cependant certains résultats sont décevants. Je pense notamment à notre retard technologique en matière de drones militaires. Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous évoquer votre stratégie en matière de drone de combat : où en sommes-nous, où allons-nous et qu'en est-il du retard dû à la frilosité de nos partenaires européens ? Je rappelle en effet que l'Eurodrone, qui va bénéficier d'une enveloppe de 3 milliards, a été retardé par les transactions européennes.

Je constate, pour finir, que le plan de relance a ignoré notre armée. C'est un oubli regrettable. Force est de constater que le carnet de commandes se remplit de plus en plus vite dans le domaine du soutien à l'aéronautique, mais avec une ampleur limitée, car les crédits sont directement puisés dans l'enveloppe de la loi de programmation militaire. L'annuité budgétaire n'est donc pas augmentée à due concurrence.

Ce sujet, comme les autres, mériterait des débats plus poussés. La France a besoin de ses armées. Chacun doit accomplir son devoir. Avec les parlementaires de mon groupe, Libertés et territoires, je regrette que le Gouvernement ne nous fournisse pas plus régulièrement et de façon anticipée les éléments de programmation militaire que nous sommes en droit d'attendre. À défaut, j'espère que ces quelques échanges permettront de renforcer le lien indispensable entre notre armée et la nation car, oui, nous avons besoin de davantage de France et de davantage d'Europe dans le monde.

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