Intervention de Isabelle Santiago

Séance en hémicycle du mardi 22 juin 2021 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative à la programmation militaire suivie d'un débat et d'un vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Santiago :

J'aurai avant tout une pensée pour les six soldats engagés dans l'opération Barkhane qui ont été blessés hier soir lors d'une mission de sécurisation au Mali.

Dans la continuité des propos de mon collègue David Habib, auxquels je m'associe pleinement, et comme nombre d'autres collègues, je regrette la forme du débat actuel. Nous attendions en effet un vrai texte au Parlement, une place réelle pour celui-ci, des avancées concrètes et, surtout, un débat ouvert et constructif. C'est bien le moins que nous devions à nos armées et à nos soldats. Cela ne nous empêche pas, cependant, de nous pencher sur le contenu de la loi de programmation militaire, dont j'aborderai tout d'abord les conséquences telles que nous pouvons les prévoir dans la situation actuelle.

Comme nous l'avons déjà souligné à propos de la dimension financière, il faut saluer l'engagement d'atteindre un seuil de dépenses destinées à la défense de 2 % du PIB, mais cet agrégat reste peu pertinent. De fait, les Britanniques ont connu pendant dix ans une période de forte réduction de leurs capacités militaires sans pour autant que leurs dépenses en la matière soient inférieures à 2 % du PIB. De même, le fait que les Allemands aient, en raison d'un PIB très élevé, de grandes difficultés à atteindre une dépense militaire de 2 % ne traduit pas fidèlement l'importance de leur réel effort de défense. Qui plus est, si la France atteint ce seuil de 2 % du PIB, c'est grâce à la baisse subie par ce dernier du fait de la crise du covid-19. Ainsi, à l'avenir, les baisses du PIB dues à la crise du coronavirus entraîneront mécaniquement une baisse du volume des crédits.

Toutes les prévisions actuelles sont unanimes : que nous nous fondions, par exemple, sur le rapport économique, social et financier de 2021 ou sur la programmation de stabilité 2021, la courbe de croissance du PIB post-covid demeurera inférieure au niveau prévu par la LPM pour 2025. Comme le soulignent les sénateurs dans leur rapport d'information sur la LPM, que je tiens à mon tour à saluer – et la baisse de 8,2 % du PIB en 2020 a commencé à le montrer –, « le point de référence d'un budget de la défense à 2 % du PIB en 2025 pour atteindre une valeur de 50 milliards d'euros en loi de finances pour 2025 est en quelque sorte devenu caduc ». Or, c'est sur la base d'une enveloppe globale de 295 milliards d'euros que la loi de programmation militaire est construite et toujours pensée : toutes les manœuvres financières et les investissements sont calculés par rapport à cet objectif.

Madame la ministre, monsieur le Premier ministre, le risque de diminution du budget ne doit pas être pris à la légère. Notre capacité à maintenir notre matériel en état sans en rallonger indéfiniment la durée de vie et la pérennité de notre programme et de notre capacité d'innovation technique ne doivent pas être remises en question.

En outre, de ce budget et de sa gestion dépend, au-delà de cette simple vision financière, l'évolution de l'aspect opérationnel des armées. La LPM doit nous permettre de nous projeter et de prévoir pour anticiper et pour innover. Comme le rappelait le général Lecointre en 2019 devant la commission de la défense de notre assemblée, « il faut gagner demain en développant les armées du futur ».

L'armée du futur doit se construire à l'échelle humaine. Si les investissements doivent permettre de se préparer à moyen terme à répondre aux exigences d'un conflit à haute intensité et de développer des programmes structurants de haut vol, comme le système de combat aérien du futur, ces investissements n'en doivent pas moins répondre aussi aux plans de relance nécessaires dans plusieurs secteurs de l'armée, notamment pour le bâti, qui a besoin d'un réel plan de rénovation, ou pour le plan famille, afin de donner de meilleures conditions de vie à nos soldats. Vous vous êtes certes engagés en faveur de ce plan famille, mais la baisse des crédits pourrait nous conduire à en envisager l'exécution sur plusieurs années, alors qu'il faut, par exemple, avancer d'urgence dans le domaine du wifi, ce qui est essentiel pour que l'ensemble de trois armées aient accès à un minimum de service en 2021 et, en 2025, à l'ensemble du wifi, y compris en déplacement.

L'armée du futur doit aussi relever les défis de demain, et donc intégrer les nouveaux enjeux qui s'imposent à nous tous. À cet égard, des aspects tels que la transition énergétique doivent être planifiés, par exemple en intégrant les objectifs précis à atteindre chaque année en la matière, qui déclineraient les objectifs fixés dans la stratégie de défense. Les investissements en matière de recherche et de développement doivent se faire dès aujourd'hui. Comme j'ai eu l'occasion de vous le dire, madame la ministre, le rapport d'information que j'ai corédigé relatif aux enjeux de la transition écologique pour le ministère des armées – qui traite de la biodiversité et des énergies – dessine des choix stratégiques et des ambitions qui ne devront pas faire défaut en termes de programmation militaire, car la recherche le développement, c'est maintenant.

Pour toutes ces raisons et comme l'a exposé tout à l'heure mon collègue David Habib, face à votre choix de nous imposer d'échanger sur ce texte sans nous permettre de formuler des propositions, nous voterons contre.

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