Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mardi 22 juin 2021 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative à la programmation militaire suivie d'un débat et d'un vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

En mai dernier, le général Thierry Burkhard, chef d'état-major de l'armée de terre, écrivait : « Les conflits durs entre États restent […] possibles, voire probable. L'armée de terre doit être plus que jamais prête à produire d'emblée de la puissance militaire pour faire face à un péril inattendu. » En clair, nous sommes en train de changer de paradigme : ces vingt dernières années ont été marquées par l'explosion d'une violence islamiste visant à mettre à genoux le modèle occidental et nous plongeant dans des guerres asymétriques où une armée régulière forte était opposée à des mouvements de guérilla. Aujourd'hui, le modèle change avec la résurgence de conflits durs entre États, rendus possibles par de nombreux bouleversements géopolitiques qui font vaciller les équilibres et sont accentués par l'incapacité des Européens à organiser une défense commune. Cette incapacité prend ses racines dans nos propres fragilités nationales, où l'idée même de nation est sclérosée par un communautarisme exacerbé, par nos fractures sociales et par notre perte d'identité – fragilité qui rend si difficile un esprit de cohésion nationale, pourtant indispensable pour organiser notre défense.

L'idée de défense a d'ailleurs été évincée de notre société voilà maintenant vingt-cinq ans avec la suppression du service militaire obligatoire par Jacques Chirac afin, nous avait-on dit, de professionnaliser l'armée. Quelques années plus tard, les résultats sont là : l'armée est certes professionnelle, mais elle est aussi confidentielle, avec 270 000 militaires en comptant les réservistes, quand les États-Unis sont forts de 2,2 millions militaires professionnels et 86 000 réservistes.

Malheureusement, dans le même temps, certaines puissances continuent de se renforcer et de peser sur l'échiquier géopolitique, comme la Turquie, qui n'a pas caché ces derniers mois son hostilité croissante à l'encontre notamment de la France. Face à ce constat, il nous faut agir, et vite.

La réponse donnée par la loi de programmation militaire 2019-2025 s'est d'abord organisée autour d'un budget : 35,9 milliards d'euros en 2019, montant qui, à la suite d'une hausse de 22 % par rapport à 2017, s'élève à 39,2 milliards d'euros en 2021, pour atteindre 50 milliards d'euros en 2025.

Cependant, parce que la réponse ne peut être seulement budgétaire, mais qu'elle doit aussi être stratégique, elle doit s'ordonner autour de quatre axes : permettre aux armées de remplir leurs missions de manière efficace et durable ; renouveler leurs capacités opérationnelles permettant de répondre aux besoins immédiats et de faire face aux engagements futurs ; garantir l'autonomie stratégique et contribuer à la consolidation d'une défense en Europe ; innover pour faire face aux défis futurs.

Certains points positifs sont certes à saluer – je pense à l'amélioration de l'équipement individuel des soldats, saluée sur le terrain, et à l'arrivée de nouveaux matériels, avec par exemple la livraison cette année de 157 véhicules blindés Griffon, vingt blindées Jaguar, une nouvelle frégate multimissions pour la marine nationale et trois nouveaux avions MRTT Phénix – avions multi role tanker transport de transport et de ravitaillement – pour l'armée de l'air et de l'espace. Je pense aussi, évidemment, au soutien apporté aux familles de militaires avec le plan famille lancé en 2017 pour 530 millions d'euros, ainsi qu'à l'effort consacré au renseignement, outil indispensable pour faire face aux enjeux géostratégiques d'aujourd'hui et de demain.

Si ces points sont à saluer, quelques loupés n'en viennent pas moins ternir le tableau. Les sénateurs, dans leur rapport d'information sur l'actualisation de la loi de prolongation militaire, ont ainsi identifié 7,4 milliards d'euros de surcoûts non prévus, dont 3,1 milliards d'ajustements liés aux années 2019 et 2020, 1 milliard d'euros pour les opérations extérieures, 750 millions d'euros liés à la commande anticipée d'une troisième frégate de défense et d'intervention, et 450 millions d'euros liés aux imprévus, comme la réparation du sous-marin Perle. Le Sénat anticipe également 1,2 milliard d'euros supplémentaires pour la préparation des forces d'ici à 2025.

Compte tenu de l'évolution des menaces extérieures, soulignée d'ailleurs dans l'actualisation de la revue stratégique publiée en janvier dernier, les besoins militaires s'annoncent déjà plus importants. Je crois d'ailleurs qu'il faut de toute urgence faire porter nos efforts sur le recrutement de militaires actifs, pour permettre à notre armée de mener, le cas échéant, les guerres de demain.

Et parce que chacun sait qu'une nation qui oublie ceux qui la protègent est une nation perdue, je veux saluer solennellement chacun de militaires tombés au combat pour assurer notre sécurité, aussi bien sur notre sol qu'en opérations extérieures, et plus particulièrement ceux qui ont été blessés hier encore au Mali

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