Intervention de Géraldine Bannier

Séance en hémicycle du mardi 22 juin 2021 à 22h30
Accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGéraldine Bannier :

Voilà quelques années maintenant que nous nous penchons sur une nouvelle réglementation relative à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique. Très attendu par les professionnels de la culture et de l'audiovisuel, ce texte apporte des réponses concrètes aux trois enjeux majeurs que sont la protection des droits des créateurs, l'organisation et la modernisation de la régulation et la défense de l'accès du public aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises.

Pour ce qui est de la lutte contre le piratage – question cruciale –, plusieurs des dispositifs nouveaux prévus dans ce projet de loi, comme l'établissement de listes noires, le dispositif contre les sites miroirs ou encore le mécanisme spécifique contre le piratage sportif, sont autant d'outils qui permettront d'accélérer la lutte contre les sites contrefaisants, qui nuisent considérablement à notre modèle de production.

Parmi les apports du Sénat, la création d'une transaction pénale, point d'orgue de la réponse graduée, prévoyant une amende de 350 euros et dont la mise en œuvre reviendrait à l'ARCOM, fut au cœur des débats de la commission. Le dispositif a finalement été rejeté, nombre d'entre nous ayant rappelé que la priorité est à la lutte contre les sites contrevenants plutôt qu'à la sanction des internautes. La responsabilité individuelle de chacun ne doit toutefois pas être oubliée : afin de faire baisser le nombre de contrevenants – soit 10 millions de personnes –, la prévention et la sensibilisation des publics doivent impérativement être accrues, ce que la majorité a inscrit dans le texte par voie d'amendement.

Pour ce qui est spécifiquement du piratage sportif, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés salue bien évidemment les avancées que le texte apporte et qu'il défend depuis longtemps. Le projet de loi contient par ailleurs de réelles avancées en matière de régulation. En réformant les différentes autorités chargées de faire respecter les règles communes par la création d'un nouveau régulateur, l'ARCOM, il témoigne de notre ambition d'améliorer la régulation des contenus en ligne. Cette autorité, au-delà de la seule question du piratage, déploiera les outils attendus et adoptés par le Parlement pour assurer la protection de mineurs, la lutte contre la désinformation ou encore la lutte contre la haine en ligne.

La fusion du CSA et de la HADOPI entraîne une modification de la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Pour rappel, cet alinéa concerne les emplois ou fonctions pour lesquels, en raison de leur importance, la nomination par le Président de la République est précédée d'un avis public des commissions parlementaires compétentes. Il en sera ainsi pour la présidence de l'ARCOM. Notre groupe accueille favorablement cette modification, qui vise à substituer le président de l'ARCOM au président du CSA dans l'annexe de la loi organique précitée.

Je tiens cependant à rappeler le point de vigilance mis en exergue par notre collègue Philippe Latombe, porte-parole du groupe sur ce projet de loi organique, lors de son examen en commission des lois : la position, récemment renouvelée, de la Cour de justice de l'Union européenne relative à la conservation des métadonnées. Il est en effet important d'avoir à l'esprit, lors de l'examen du projet de loi, cette position issue des arrêts Quadrature du net et Prokuratuur.

Une autre question sur laquelle nous nous sommes particulièrement mobilisés depuis le début du mandat est celle des droits voisins. Patrick Mignola avait d'ailleurs consacré une proposition de loi à ce sujet. Aujourd'hui, les articles de ce projet de loi consacrés à la rémunération des artistes-auteurs contiennent des avancées réelles. Nous avons toutefois voté en faveur de la suppression de l'article 2 bis, car nous pensons qu'il faut maintenant laisser les débats se poursuivre entre les acteurs afin que les meilleurs accords soient trouvés.

Le projet de loi garantira également la protection de notre patrimoine audiovisuel et cinématographique en assurant, en cas de rachat par des acteurs étrangers de catalogues d'œuvres, que ces derniers demeurent toujours accessibles au public français. Il s'agit d'un enjeu important de souveraineté car la demande d'œuvres françaises et européennes qui constituent notre patrimoine et notre identité culturelle n'a jamais été aussi forte.

Malgré l'absence d'articles portant sur France Télévisions ou Arte, du fait du recentrage du texte sur l'ARCOM et le piratage, nous nous félicitons du décret tout récent permettant le maintien de la chaîne France 4 et de la programmation Culturebox : la proximité de l'offre destinée à la jeunesse, en journée, et de l'offre culturelle, en soirée, est un symbole fort des ponts à construire – les plus nombreux possible – entre jeunesse et culture. Nous en avons tant besoin.

Ainsi, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, bien conscient de la fragilité de notre secteur audiovisuel et de notre modèle culturel face à ce que François Léotard appelait déjà la « brutalité de la concurrence internationale », votera en faveur de ce projet de loi, qui apporte à l'évidence une réponse concrète aux enjeux actuels de défense de la création française.

Et puisqu'il ne m'est guère facile de convoquer Platon à l'heure de la HBBTV, la télévision à large bande hybride, j'en appellerai plutôt à celui qui est à l'initiative de la loi de 1986, François Léotard, lequel, dans sa péroraison, demandait aux sénateurs s'ils voulaient ou non entrer, avec son projet, dans le XXIe siècle.

Alors que nous sommes entrés dans ce siècle depuis plus de vingt ans, ce projet de loi nous invite assurément à toujours nous nourrir de la culture libre et vivante qui s'est déployée depuis l'adoption de la loi de 1986 mais à ne jamais perdre de vue la protection des œuvres et de leurs auteurs.

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