En raison de la multiplication des formats et des supports, comme de la mutation des modes de consommation ces dernières années, les médias ont évolué de façon considérable, au point de ne plus posséder de cadre juridique adapté. Nous consommons dorénavant des contenus en tous lieux et en toutes occasions – à la maison, au bureau, en vacances et même dans les transports.
Une réforme de l'audiovisuel se doit d'interroger l'équilibre entre les médias linéaires et les plateformes numériques en ligne, et d'ouvrir le débat sur l'avenir de l'audiovisuel. Mais le projet de loi initial, qui contenait quatre-vingt-deux articles, a été en grande partie vidé de sa substance, et ce nouveau texte, réduit à vingt et un articles, a été examiné par la commission en quelques heures seulement. Vous répondrez sans doute, madame la ministre, que la directive SMA et la directive sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, ainsi que les dispositions sur le câble et le satellite, ont déjà été transposées par ordonnance – eh oui, cette procédure est bien pratique –, via la loi DDADUE, et qu'elles reprennent certains thèmes présents dans le projet de loi initial… Certes, mais aucune réflexion de fond n'est engagée sur les mutations profondes du secteur de l'audiovisuel ! Toujours rien sur la redevance et le financement de l'audiovisuel public, rien non plus sur sa mission de service public ni sur l'encadrement nécessaire de la publicité, pourtant de plus en plus présente et nocive, surtout dans le secteur privé.
Le sujet central de ce projet de loi est la création de l'ARCOM, fusion du CSA et de la HADOPI. Hélas, cette fusion ne sera pas l'occasion de mener une réflexion sur l'évolution des missions et des moyens attribués à cette nouvelle entité. Si le piratage doit être, bien sûr, combattu, pourquoi conserver les missions de la Hadopi dont l'efficacité est pour le moins contestée et qui était contournée par l'utilisation de VPN, qui permettent facilement d'échapper au traçage ?
Prenons ainsi le cas du piratage sportif : le football représente 77 % des contenus sportifs visionnés illégalement, la compétition la plus piratée étant la Ligue des champions de l'UEFA – en 2018, chaque journée était regardée illégalement par 677 000 internautes en France, selon les chiffres fournis par l'association de lutte contre la piraterie audiovisuelle et par Médiamétrie. Mais en incriminant les amateurs de sport, qui contournent les accès payants, on oublie que ces événements sportifs sont de moins en moins accessibles sans abonnement et qu'il y a là, sans doute, matière à réflexion. Ainsi, en 2018, le volume horaire de sport à la télévision était-il évalué à 8 781 heures pour la télévision sans abonnement contre 137 447 heures pour la télévision payante.
Par ailleurs, la nomination du président de l'ARCOM sera le fait du Président de la République comme à l'époque du CSA, ce que nous déplorons.
Enfin, la concentration des médias, sujet important car elle met en péril l'équilibre et le pluralisme de l'information notamment, n'est pas abordée dans ce projet de loi. C'est une lacune regrettable. Récemment, TF1 a annoncé le rachat de 30 % de parts du groupe M6 ; ce futur mastodonte de l'audiovisuel privé devrait donc concentrer 70 % du marché publicitaire et rassembler 42 % de l'audience. Mais pour vous, cela n'a pas l'air d'être un sujet.