Je suis très heureux de votre présence pour éclaircir, dans un cadre plus formel que la presse et les documentaires de la Chaîne parlementaire, des événements qui ont beaucoup compté pour l'avenir de l'industrie française. Après avoir été à l'origine de nombreuses déclarations spectaculaires, ils vont désormais faire l'objet d'un travail sérieux au sein de cette commission. Nous allons auditionner d'autres acteurs tout au long des semaines à venir, nous entendrons des versions différentes et il faudra démêler tout cela entre nous. Peut-être pourrons-nous raconter l'histoire telle qu'elle s'est vraiment déroulée, mais surtout comprendre ce qui s'est passé pour tirer des enseignements sur l'avenir de notre politique industrielle.
Je voudrais vous parler des 2,5 milliards de personnes qui vont habiter dans des nouvelles villes d'ici à 2050 ; pas en France ni en Europe, mais dans les pays émergents, en Chine et en Inde.
J'aimerais vous entendre sur les moyens de s'organiser pour bénéficier de ces vagues porteuses, au-delà de la défense tout à fait souhaitable des intérêts stratégiques que vous avez mentionnés. Comment mener une politique industrielle certes protectrice, mais aussi porteuse pour créer les emplois et les richesses de demain ? Comment prendre cette grande vague d'urbanisation qui va concerner tous les secteurs stratégiques : énergie, transport, santé. Sur toutes ces thématiques, il faut nous positionner dans une logique protectrice, mais aussi offensive. Comment nous organiser, au-delà de la marinière, pour porter un drapeau européen qui nous permettra de bénéficier pleinement de ces opportunités qui vont se développer à l'échelle du monde ?
En 2014, il n'a pas été possible, pour des raisons que vous avez évoquées, de créer un champion européen. Je le regrette, et je note qu'en 2017, dans deux secteurs importants – les chantiers navals et le transport – nous sommes en train d'essayer de les créer, avec les alliances STX-Finmeccanica et Alstom-Siemens. Au-delà des intérêts de personnes, je me demande si parfois, il n'y a pas une perception différente de ce que doit être le rôle de l'État dans une politique industrielle entre la France et un certain nombre de voisins européens. Y a-t-il parfois un peu de méfiance sur notre manière d'intervenir très française, et pas toujours très compatible avec la vision d'un certain nombre de nos partenaires ?
Dans l'histoire de GE et Alstom, il semble, à vous croire, que l'État américain a joué un vrai rôle stratégique sans dépenser un seul dollar. Selon vous, qu'est-ce qu'une politique stratégique dans un monde globalisé où 2,5 milliards de nouveaux citoyens vont apparaître dans les grandes villes ? Cela ne relève pas d'une approche capitalistique traditionnelle, et j'ai peur qu'on échoue. Et ce, pour deux raisons essentielles. Je pense tout d'abord que l'État n'est pas le meilleur opérateur des trains, des avions et des turbines. Certes, il peut être un actionnaire, un intervenant capitalistique, mais je ne suis pas sûr qu'il doive être un opérateur. Il y a par ailleurs le financement. Comment financer toutes ces opérations ? Il y a un seul mot que je n'ai pas entendu dans votre intervention, c'est celui de prix. Or toutes ces interventions ont un coût, et ces entreprises très profitables, il faut pouvoir se les offrir, les acheter à un prix raisonnable.
J'ai eu le bonheur d'être un investisseur global public canadien pendant huit ans, puisque je travaillais à la Caisse de dépôt et placement du Québec, à Montréal.