Intervention de Arnaud Montebourg

Réunion du mercredi 13 décembre 2017 à 17h00
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Arnaud Montebourg, ancien ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique :

Mme El Haïry m'a posé la question du transfert des mécanismes de contrôle au plan européen. Vu l'état de dysfonctionnement du système politique européen et son excès de bureaucratisation, je suis conduit à me méfier. C'est peut-être compliqué en France, mais on sait prendre des décisions en vingt-quatre heures quand il le faut. Sur le plan européen, je n'ai aucune confiance dans le dispositif. Peut-être qu'il changera, mais vous savez d'expérience ce qui se passe : on dépouille les États de leur souveraineté pour la transférer à une entité non-démocratique qui prétend l'exercer de manière partagée. En conséquence, on ne peut plus agir à titre national et on ne le fait pas davantage sur le plan européen. Les citoyens entrent en rébellion contre l'Europe et contre leurs dirigeants, ce qui donne le populisme que nous connaissons, ou plutôt l'extrémisme à tous les étages. Je suis donc très réservé. On peut être plutôt optimiste ou plutôt pessimiste, selon les sensibilités. Pour moi, c'est : méfiance !

Mme Kerbarh m'a interrogé sur Vigeo. Je vais remettre à la commission d'enquête l'Agreement que j'ai signé au nom du Gouvernement français. C'est un protocole d'accord à parfaire. On m'a demandé si j'avais anticipé : vous verrez qu'un document du 19 février 2014 traitait de l'affaire chinoise et des difficultés liées à la solitude d'Alstom, mais concluait qu'il n'y avait pas urgence à agir. Un mois plus tard, on était sur le gril, avec des dirigeants qui avaient trahi la France, selon moi – je le leur ai d'ailleurs dit. Vigeo a été mandaté, vous verrez que cela figure dans l'accord. Il serait intéressant de savoir ce qui s'est produit ensuite, mais ma situation actuelle ne me permet pas de poser des questions : je ne suis qu'un citoyen français parmi 67 millions d'autres, et c'est bien normal.

Vous avez aussi évoqué la route de la soie. Il va falloir remplir les trains repartant vers la Chine. Vous savez que les bateaux arrivant en Europe repartent à vide, exception faite des grumes de chêne avec lesquels on fabrique en Chine du parquet qui est ensuite revendu aux Français. Vous voyez à quel point la situation est devenue absurde. Il va falloir que les Européens vendent des produits aux Chinois. C'est l'enjeu de ces infrastructures de transport.

M. Dive m'a questionné sur les entreprises étrangères en France. Il n'y a pas que Bombardier : deux millions de personnes sont employées par des entreprises étrangères dans notre pays, ce qui fait beaucoup. La France est un pays ouvert. Elle ne peut donc pas avoir une politique radicale en matière de protection, mais une politique de réciprocité, idée que j'ai toujours défendue. Face à un investisseur américain, la question est de savoir comment les États-Unis se comportent à notre égard sur leur territoire : ils ont le CFIUS et l'on doit passer sous les fourches caudines d'une commission quand on investit. On doit faire de même en France. Même raisonnement pour les Chinois, qui imposent la règle des « 51-49 % », comme les Algériens. Pourquoi ne pas faire de même ? Avec le décret, on le peut. C'est une question de réciprocité. Si on démantèle en face, nous pouvons être beaucoup plus aimables. Une telle politique a le mérite de l'intelligence : il s'agit de comprendre qui est l'autre quand il vient vers nous.

La filière est évidemment en consolidation et en difficulté. On a connu la même situation dans l'aéronautique et vous savez comment la décision a été prise. Il y avait une myriade d'entreprises dont on a fait Airbus, ce qui nous a permis de devenir un acteur mondial. Il faudra que la Commission européenne accepte, à un moment donné, que Bombardier fasse l'objet d'une décision à l'égard de la nouvelle entité européenne constituée de Siemens et d'Alstom. Il y aura une décision à prendre. Se posera la question des doublons, qui avait été analysée avant le déclenchement des hostilités, avec le sujet des stratégies et des alliances possibles dans le reste du monde. Cela dit, le rapport est historiquement daté, puisque le paysage a radicalement changé.

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