Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du mardi 19 décembre 2017 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Vos interruptions me permettent de réaliser la transition avec l'exemple suivant : le dispositif Madelin concernant l'IR-PME – la réduction d'impôt sur le revenu au titre des souscriptions au capital des PME – , sur lequel nous n'avons pas avancé. Nous pouvons regretter la disparition du dispositif ISF-PME – réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre des souscriptions au capital des PME – , qui rendait un vrai service au financement des entreprises et les soutenait : en raison de la suppression de l'ISF, il n'existe plus. La majorité aurait pu en profiter pour renforcer le dispositif IR-PME ; finalement, il n'en est rien. En dépit des propositions qui vous ont été soumises au cours des débats sur le sujet, vous n'avez aucunement aménagé le dispositif en faveur des entreprises. Peut-être voulez-vous une France à l'industrie redynamisée, mais encore faut-il le montrer par des actions cohérentes. Or, en adoptant l'imposition sur la fortune immobilière, vous faites disparaître les réductions de 50 % au titre des souscriptions au capital des PME. Seuls les dons permettront de réduire l'IFI.

Je tiens enfin à revenir sur un autre point, le logement, qui pose un véritable problème, d'ailleurs déjà dénoncé à plusieurs reprises par la commission des finances.

Les suppressions de dispositifs d'incitation fiscale se multiplient. D'abord, le dispositif Pinel est complètement supprimé pour les zones B2 et C, dans lesquelles sera également supprimé le PTZ – prêt à taux zéro – pour le neuf d'ici à deux ans. Nous ne pouvons que le regretter, puisque les territoires ruraux se verront ainsi pénalisés. Le Sénat a fait adopter un amendement prévoyant la création d'un prêt à taux réduit d'1 % dans les zones B2 et C ; la réflexion du Sénat, dont cet amendement est le fruit, prouve que la suppression du dispositif PTZ dans les zones B2 et C crée une vraie difficulté.

Le nouveau cadre souhaité vient fragiliser tant l'accession à la propriété, de surcroît restreinte par la suppression de l'APL accession – allocation personnalisée au logement accession – en dehors des zones tendues, que l'épargne logement, qui sera désormais soumise au prélèvement forfaitaire unique, la flat tax de 30 %, alors que, jusqu'à présent, les revenus issus des plans d'épargne logement n'étaient pas soumis à l'impôt.

Vous arguez, il est vrai, que la taxe d'habitation sera supprimée pour 80 % des Français. C'est offrir bien peu, compte tenu de toutes les opportunités d'investissement qui sont enlevées à l'ensemble des citoyens. Cette suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des Français est une mauvaise idée, puisque ce sont les collectivités territoriales qui en pâtiront. Elles se voient ainsi privées d'une ressource importante, alors que nous leur demandons d'être toujours plus autonomes et que leurs dépenses vont croissant. Une telle mesure revient à remettre en cause la libre administration des collectivités et leur autonomie ; là encore, nous ne pouvons que le regretter.

Qu'en est-il de la situation actuelle ? Le déficit est en constante augmentation : de 70 milliards d'euros en 2016, il est passé à 74 milliards d'euros cette année et devrait approcher 80 milliards d'euros en 2018. Le montant des emprunts continue d'augmenter et la dette de filer. Nous serons en 2018 le seul pays d'Europe dont l'endettement ne diminuera pas, ce qui doit nous interpeller. La dette culmine et ne baissera pas.

Quant à la situation à venir, les dépenses publiques continueront d'augmenter, à hauteur de 6,5 milliards d'euros en 2018. Alors qu'une diminution de l'évolution des dépenses de l'ordre de 20 milliards nous avait été annoncée pour 2018, il n'en sera finalement rien puisqu'elle sera seulement de 14 milliards.

Je retiens donc de ce budget qu'il ne comporte aucune réforme structurelle permettant une baisse durable, inscrite dans le temps, des dépenses publiques. On peut le regretter, car il nous faudrait profiter de ce moment favorable : le taux de croissance s'élèvera probablement à 1,8 % en 2017 comme en 2018, et même à 2,2 % à l'échelle européenne ; les taux d'intérêt sont très bas ; il en est de même du prix du baril. Il est très important que nous profitions de l'ensemble de ces éléments pour oeuvrer à la diminution de notre déficit public. Je le répète, la conjoncture est favorable aux changements structurels, et nous devrions en profiter pour engager de bonnes réformes.

Peut-être est-il encore temps de vous convaincre de mettre en place un impôt contemporain en lieu et place du prélèvement à la source que vous envisagez – mais j'ai peu d'espoir… On aurait pu imaginer un mécanisme s'apparentant à un prélèvement mensuel obligatoire, géré par les contribuables eux-mêmes, sans nul doute beaucoup plus simple que le dispositif de prélèvement à la source que vous proposez : il n'aurait pas mis les entreprises à contribution ; il n'aurait pas remis en cause un certain nombre de réductions ou de crédits d'impôt ; il n'aurait pas non plus causé tant de difficultés s'agissant de l'année blanche en 2018.

Un point m'inquiète particulièrement : les répercussions de ce projet de loi de finances rectificative sur le secteur du bâtiment. En ne permettant de déduire des revenus fonciers que 50 % des dépenses liées à des travaux fonciers réalisés en 2018 et 2019, et non l'intégralité de ces dépenses, vous inciterez probablement un certain nombre de nos concitoyens à ne pas réaliser de tels travaux ; en tout cas, ils reporteront les travaux non urgents. Or, monsieur le ministre, vous avez précisé, en première lecture, que les travaux d'entretien, de rénovation et d'amélioration des bâtiments déductibles des revenus fonciers représentaient 5,5 millions d'euros par an ; sur les deux prochains exercices, cela revient donc à 11 milliards d'euros. Il est probable qu'un certain nombre de contribuables titulaires de revenus fonciers ne réaliseront pas ces travaux en 2018 et 2019, ce qui pourra avoir un véritable impact sur le secteur du bâtiment.

Très sincèrement, je ne souhaite pas ces effets négatifs, mais je sais qu'ils se produiront. Monsieur le ministre, vous nous avez dit, en première lecture, que les Français ne réalisaient probablement pas de travaux dans le but de bénéficier des réductions d'impôts. C'est vrai, mais les personnes qui envisagent de tels travaux font des calculs, et ceux-ci sont différents selon que les dépenses afférentes sont déductibles ou non des revenus fonciers.

Peut-être pouvons-nous encore espérer que vous preniez ces quelques éléments en considération avant le vote de ce projet de loi de finances rectificative. Je le répète, le prélèvement à la source, tel que vous l'avez conçu, n'est pas une bonne idée. Ce dispositif est inutile et complexe ; il va créer des soucis pour les entreprises et leur faire supporter de nouvelles charges.

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