Intervention de Sacha Houlié

Séance en hémicycle du lundi 28 juin 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSacha Houlié, rapporteur de la commission spéciale pour les chapitres II et III du titre II et pour les titres III et IV :

En première lecture, nous avions préservé ce texte du principal écueil dans lequel la polémique espérait nous voir l'enfermer : celui d'en faire un instrument visant à régir les âmes et les cœurs de nos concitoyens, en l'affublant de pléthore de dispositions d'affichage anticonstitutionnelles et à rebours de l'idéal des principes de la République. C'est une direction diamétralement opposée qu'ont prise nos collègues de la droite sénatoriale, et c'est la raison pour laquelle nous avons eu besoin, dès la commission spéciale, de rétablir le précieux équilibre entre le renforcement des prérogatives de l'État dans sa lutte contre l'extrémisme religieux, d'une part, et la préservation de nos libertés fondamentales, d'autre part.

Des apports du Sénat, le projet de loi ne conserve aujourd'hui que le strict nécessaire. Débarrassé de l'excès, il ne retient que ce qui est juste : c'est le cas pour la partie dont je suis rapporteur, qui traite du contrôle du financement et de la police des cultes.

En matière de financement, si nous avons souhaité renforcer les obligations administratives et comptables des associations cultuelles, nous n'oublions pas que l'efficacité de la loi est d'abord assurée par son intelligibilité et sa simplicité. Nous avons donc rétabli un seuil unique de déclenchement de l'obligation de certification des comptes imposée aux associations cultuelles bénéficiant de financements étrangers. Ce mécanisme permettra d'écarter les petites associations qui ne bénéficient que de faibles financements étrangers, et pour lesquelles l'obligation de certification aurait été trop coûteuse. Nous avons également supprimé l'obligation, pour tout projet de construction d'un édifice à caractère religieux par une association cultuelle, de faire certifier le plan de financement prévisionnel par un commissaire aux comptes : en effet, ce n'est pas la fonction des commissaires aux comptes que d'attester a priori la sincérité et la conformité des données financières. C'est bien parce qu'ils interviennent a posteriori qu'ils n'ont pas à effectuer de contrôle préalable.

Nous saluons cependant l'adoption quasi conforme d'un article essentiel, l'article 35 prescrivant le contrôle des financements étrangers reçus par les associations cultuelles. Et je le dis à ceux qui seraient tentés d'aller plus loin : interdire aux associations cultuelles de bénéficier de financements étrangers porterait une atteinte disproportionnée aux libertés d'association et de culte, ainsi qu'à la libre circulation des capitaux. La police administrative devant être strictement nécessaire et proportionnée, je défendrai le maintien des dispositions existantes, qui sont à la fois efficaces et équilibrées.

Enfin, nous avons également supprimé l'interdiction des dons en espèces aux associations cultuelles. Cette disposition représentait une atteinte non justifiée à la liberté d'association, et il aurait été impossible d'en contrôler la bonne application. Cela allait aussi à l'encontre de l'esprit du projet de loi qui, je le rappelle, vise à garantir l'attractivité du régime de 1905 pour les associations cultuelles.

Reste la police des cultes, héritage des architectes de notre République, ceux qui avaient conscience que la préservation de l'ordre public était la seule limite possible à la liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer son culte et de manifester des opinions religieuses ; ceux qui savaient que le rôle du législateur est avant tout de protéger la liberté du culte et de n'en sanctionner que les abus.

Dans cet esprit, la commission spéciale s'est vue contrainte de réécrire les articles qui prévoyaient l'interdiction de diriger une association cultuelle en cas de condamnation pour terrorisme et la fermeture administrative temporaire des lieux de culte, en se fondant sur le modèle de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT), et de la loi de 1905. En effet, les modifications opérées par les sénateurs n'étaient ni strictement nécessaires ni proportionnées. Je me permets d'ailleurs de vous dire dès maintenant que la plupart des amendements déposés sur ces articles en vue de la nouvelle lecture présentent les mêmes écueils.

C'est encore au nom du respect du principe de proportionnalité que nous avons supprimé les ajouts du Sénat dans les articles renforçant les sanctions en cas de violation de la police des cultes. C'est pour cette raison qu'à l'article 40, qui porte sur l'interdiction des réunions politiques et opérations de vote dans les lieux de culte, nous avons dû supprimer la peine complémentaire d'inéligibilité ajoutée le Sénat et qui, d'un point de vue juridique, fragilisait tout l'article.

Nous avons également voulu que la responsabilité des ministres du culte soit renforcée. Ainsi, comme l'ont souhaité nos illustres prédécesseurs de 1905, nous pensons que l'influence particulière exercée sur les fidèles par les ministres du culte, dans les lieux du culte, justifie un traitement particulier. C'est l'objectif de l'article 39 qui prévoit, le cas échéant, des sanctions spécifiques et aggravées.

L'essentiel des amendements de fond que j'ai déposés en nouvelle lecture ont été adoptés en commission, mais je reste attaché à ce que plusieurs articles, qui, à mon sens, représentent des cavaliers législatifs, soient au minimum déplacés.

Je souhaite que cette loi soit véritablement utile à notre pays, qu'elle puisse être perçue par les Français de toute confession pour ce qu'elle est – un outil de protection de la République – et non pour ce que certains voudraient en faire : une arme contre certains de nos concitoyens.

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