Je dois dire que je suis doublement étonné qu'une motion de rejet préalable soit déposée sur ce projet de loi alors que nous abordons la phase de la nouvelle lecture.
Son adoption, que je ne souhaite pas, signifierait tout simplement que sa discussion s'arrêterait. Le président de Rugy l'a rappelé tout à l'heure, la commission spéciale a consacré des dizaines d'heures aux auditions et à l'examen du texte. Personne alors n'a laissé penser qu'une motion de rejet serait défendue. Lors de la première lecture très longue qui a eu lieu dans notre hémicycle, des points de vue différents, voire diamétralement opposés, ont été exprimés. Cette diversité était présente au sein de la quasi-totalité des groupes de cette assemblée, y compris du principal groupe de la majorité. Puis, le texte a été discuté au Sénat : même si je n'ai pas lu tous les comptes rendus des débats, je ne crois pas que le groupe à l'origine de la motion de rejet d'aujourd'hui en ait déposé une. Et lors des réunions de la commission spéciale de notre assemblée qui ont suivi la première lecture, pas un seul mot au sujet d'une motion de rejet n'a été dit. Nous voici rassemblés pour cette nouvelle lecture et certains nous disent qu'après des centaines d'heures de discussion, des dizaines d'amendements adoptés, de multiples échanges d'arguments, il nous faudrait mettre les pouces.
J'ai un deuxième sujet d'étonnement, même si j'ai passé l'âge de la naïveté : pourquoi le groupe socialiste défend-il une telle motion ? Tout le monde s'en souvient, même si tout le monde ne siégeait pas dans cet hémicycle : c'est le Parti socialiste qui, exerçant à titre principal des responsabilités gouvernementales éminentes dans le quinquennat précédent, a dû faire face au terrorisme à plusieurs reprises. Et c'est ce qui l'a amené, ici même, à proposer des mesures législatives pour protéger les Français et la France.
Il l'a fait dans des conditions courageuses, en prenant des décisions qui ont pu faire l'objet de polémiques parfois terribles, notamment lorsque ces décisions remettaient en cause le fondement même de l'identité de la France. Mais il l'a fait ! Bien sûr, on peut estimer que ces mesures ont été justes ou non, efficaces ou inefficaces mais, face au terrorisme, le groupe socialiste n'a pas déposé de motion de rejet préalable lorsqu'il était en situation d'exercer les responsabilités.