Intervention de Elsa Faucillon

Séance en hémicycle du mardi 29 juin 2021 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

J'ai eu plusieurs fois l'occasion de dire ici la hâte, voire l'impatience du groupe de la Gauche démocrate et républicaine à voir l'assistance médicale à la procréation ouverte à toutes les femmes. Je le réitère, à l'occasion de ce dernier rendez-vous dans l'hémicycle. Nous sommes très majoritairement convaincus que cette mesure constitue une avancée majeure pour la liberté et pour les droits des femmes, en plus d'être une réponse au vœu largement exprimé par la société. Lorsque naîtront les premiers bébés permis par le projet de loi, je sais qu'ils seront bien accueillis.

Nous savons toutefois que la route sera longue pour que l'ouverture de l'AMP bénéficie véritablement à celles et ceux qui en auront besoin. Cette préoccupation ne nous a jamais quittés pendant les deux années d'examen du texte. C'est pourquoi nous n'avons eu de cesse de faire des propositions pour que l'AMP soit, avant toute chose, un droit social. Cette volonté n'a pas toujours été entendue par la majorité présidentielle qui, je le crois, manque une partie des objectifs assignés à l'ouverture de l'AMP lorsqu'elle refuse de s'engager à mettre les moyens pour assurer l'effectivité de ce droit auprès de toutes nos concitoyennes et de tous nos concitoyens.

Nous l'avons notamment constaté avec l'épineux débat sur la possibilité offerte aux centres privés de recueillir et de conserver des gamètes en l'absence, dans un département, d'un centre public ou privé à but non lucratif. Le marché, c'est un fait, ne doit pas se substituer à la puissance publique, et il revient à cette dernière de corriger les déséquilibres qui existent sur le territoire. C'est l'honneur de notre système social d'accompagner les futurs parents dans leur projet, et ce, quels que soient leurs origines sociales ou leur lieu d'habitation. Quand ces origines sont modestes et quand les déserts médicaux s'agrandissent, nous savons combien cela compte, en premier lieu pour accéder à un gynécologue ou pour faire reconnaître son infertilité.

Le marché ne peut se substituer à la puissance publique, parce que, contrairement à cette dernière, dénuée de but lucratif et soucieuse d'assurer la reconnaissance des droits humains, nous savons pertinemment que les centres privés n'iront que dans les zones où le service public fait défaut, avec l'idée de rentrer dans leurs frais, voire de s'enrichir grâce à cette pratique médicale. C'est là le risque le plus important de marchandisation des corps. Doit-on se résoudre à accepter que l'assistance médicale à la procréation demeure disponible dans peu d'endroits, pour des personnes qui ont été correctement informées et qui, à terme, devront avoir les moyens financiers de le faire ? Non. C'est pour cela que l'État doit pleinement jouer son rôle d'opérateur d'égalité entre chaque citoyenne. C'est à l'État qu'il revient d'investir dans les structures publiques pour que la médecine et la science soient accessibles à l'ensemble de la population. C'est au cœur de la philosophie éthique que nous revendiquons.

Ce souhait n'est d'ailleurs pas l'apanage des seuls députés communistes, il est celui de milliers de praticiens et praticiennes qui nous alertent depuis des années sur le traitement de l'AMP en France et sur ses inconséquences, qui poussent les couples vers la médecine privée, moyennant des sommes d'argent toujours plus importantes. Ces dysfonctionnements ont accentué le développement d'une médecine de classe : chacun sait que les femmes et les hommes les plus pauvres éprouvent beaucoup de peine à bénéficier des mêmes traitements que les plus riches.

Nous restons persuadés qu'à la suite de la terrible crise sanitaire que nous venons de vivre – laquelle nous a rappelé l'importance fondamentale du système hospitalier –, le projet de loi aurait dû être l'occasion de rétablir le service public de la santé dans toutes ses prérogatives, y compris en matière d'assistance médicale à la procréation. Cela n'a pas été, et il faudra se contenter d'une ouverture de droits que nous soutenons évidemment pleinement. Nous souhaitons que les décrets d'application soient signés au plus vite, comme vous vous y êtes engagé, monsieur le secrétaire d'État.

Tout en regrettant qu'il ne soit pas mieux tenu compte des inégalités sociales qui subsistent, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera très majoritairement en faveur du texte.

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