La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le Premier ministre, dimanche dernier, deux tiers des Français ne se sont pas rendus aux urnes, une première pour ce type d'élections.
C'est vrai !
Pourtant, ce taux élevé de l'abstention était annoncé et l'État aurait donc dû être exemplaire dans l'organisation du scrutin. Or c'est tout le contraire qui s'est produit puisqu'il n'y a quasiment pas eu de communication gouvernementale – réduite à quelques clips vidéo. Surtout, on a noté une série de couacs concernant la distribution de la propagande électorale. Ainsi, en Bourgogne-Franche-Comté, des électeurs ont reçu les professions de foi et les bulletins de vote de la région Grand Est. Notre collègue Christine Pires Beaune a interrogé les 463 communes de son département, le Puy-de-Dôme. Eh bien, devinez, monsieur le Premier ministre : seulement deux n'ont rencontré aucun problème. Dans la région Centre-Val de Loire, faute de distribution des enveloppes au second tour, la préfecture a autorisé l'utilisation des bulletins du premier tour sauf pour François Bonneau. Enfin, que dire des facteurs qui, samedi, à dix-sept heures, ont dû distribuer des enveloppes vides ?
Un tel fiasco dans l'organisation d'élections est une première en France. Dès lors, vous nous devez des explications car, dans toute démocratie, c'est le gouvernement qui est responsable de la bonne tenue des élections. Votre ministre déléguée chargée de la citoyenneté a déclaré, il y a quelques jours, que, sur ce scandale, « chacun doit prendre ses responsabilités ». Il est donc étonnant qu'elle n'ait pas présenté sa démission.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Face à ce fiasco de l'organisation des élections, je souhaite donc que vous nous répondiez.
Mêmes mouvements.
Les élections régionales et départementales qui se sont tenues les 20 et 27 juin derniers…
…ont en effet été marquées par une abstention record.
Vous avez tout fait pour favoriser l'abstention ! Vous l'avez bien cherché !
Il s'agit d'un phénomène très inquiétant, d'une défaite pour la démocratie qui nous interpelle tous, je l'ai dit mardi dernier déjà.
Bruit et nombreuses interruptions sur les bancs du groupe LR.
Nous avons tenu, ici même, mesdames et messieurs les députés, et je réponds à la présidente Rabault et à elle seule, sur le fondement de l'article 50-1 de la Constitution, un débat pour savoir à quel moment ces élections devaient être organisées et dans quelles conditions. La déclaration du Gouvernement a été adoptée très largement et ce dernier a appliqué les décisions prises.
Mêmes mouvements.
Pour ce qui est de l'organisation de la communication, j'ai mis en place, à la suite de ce débat, je le rappelle à tous, une commission présidée par Jean-Denis Combrexelle, président de section honoraire au Conseil d'État, qui, après avoir consulté l'ensemble des groupes, a fait des préconisations que nous avons suivies à la lettre.
Mêmes mouvements. – Le bruit se poursuit tout au long de l'intervention du Premier minsitre.
C'est la dernière fois !
Monsieur le président Abad, demandez à vos collègues d'arrêter de hurler !
Il y a eu des dysfonctionnements très graves et préoccupants et nous assumons nos responsabilités pour ce qui est de la distribution de la propagande électorale.
Vous avez parfaitement raison, madame la présidente Rabault, et le ministre de l'intérieur aura l'occasion de répondre à d'autres questions sur ce sujet et vous dira la nature de ces dysfonctionnements et, surtout, les suites que nous entendons leur donner.
Vous savez très bien qu'ils sont survenus dans le contexte de l'application d'un marché public conclu sur le fondement de la loi. Nous en tirerons tous les enseignements.
Exclamations sur les bancs du groupe LR. – M. Sylvain Maillard manifeste son agacement par des gestes des bras.
Je vous fais observer néanmoins que, pour graves et inadmissibles qu'ils aient été, ces dysfonctionnements ne sauraient expliquer le taux historique de l'abstention.
Nous avons constaté – je vous invite à faire de même – que le taux d'abstention, malheureusement, ne varie pas entre les départements où la propagande électorale a été distribuée normalement et ceux où elle ne l'a pas été.
Exclamations sur les bancs du groupe LR et sur de nombreux bancs du groupe GDR.
Cela n'est évidemment en rien une excuse. Il reste que nous devons agir sur les deux registres : celui des dysfonctionnements dont, j'y insiste, et le ministre de l'intérieur va y revenir, nous tirerons toutes les conséquences ; et celui, beaucoup plus large, de l'abstention.
Le président de l'Assemblée a d'ailleurs, vous le savez, pris une initiative, en la matière, qui reçoit l'entier soutien du Gouvernement, afin qu'ensemble nous étudiions de façon apaisée et transpartisane
Exclamations sur les bancs du groupe LR
toutes les causes de ce phénomène démocratique et de société. C'est si facile – et vous en avez l'habitude – de dire que tout est la faute du Gouvernement.
« C'est bien le cas ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.
Or ce n'est pas le cas et vous le savez bien. C'est tout le monde qui est interpellé par cette abstention, y compris les exécutifs locaux
De nombreux députés du groupe LR tournent un pouce vers le sol
qui n'ont pas su drainer les électeurs vers les urnes et expliquer l'importance de ces élections. C'est évidemment une responsabilité collective et nous devrons réagir collectivement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Agir ens. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Je vous demande d'arrêter de crier ! Il n'est pas admissible que la voix du Premier ministre soit couverte.
La parole est à Mme Valérie Rabault – et à elle seule, à elle seule !
Monsieur le Premier ministre, c'est la première fois que l'organisation d'élections est marquée par un tel fiasco.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur de nombreux bancs du groupe LR. – M. Jean-Paul Dufrègne applaudit également.
Vous nous devez donc des explications. En ce qui concerne l'abstention, je note que depuis 2017 vous installez la verticalité dans l'exercice du pouvoir, comme si les élections locales n'avaient plus aucune importance. C'est très grave, ce qui est en train de se passer, monsieur le Premier ministre, et, puisque vous connaissez bien cette terre, je vous invite à mesurer à quel point la relation de proximité, en Occitanie, est essentielle pour la démocratie.
Mêmes mouvements.
Madame la ministre déléguée chargée de l'industrie, dès le début du quinquennat, le Président de la République a fixé l'objectif ambitieux de faire de nouveau de la France un pays attractif.
C'est chose faite depuis maintenant deux années consécutives. En effet, avec 985 projets annoncés, la France est le pays européen le plus attractif en matière d'investissements et nous devançons une nouvelle fois le Royaume-Uni et l'Allemagne. C'est bien notre politique qui a remis le pays sur les rails après deux décennies de régression. La reconquête industrielle voulue par le Président de la République est en bonne voie.
Dans les Hauts-de-France, le projet de gigafactory de Renault en est la preuve. Hier matin, madame la ministre déléguée, nous étions ensemble à Douai avec le Président de la République pour inaugurer la Renault ElectriCity. Cette nouvelle entité permettra la création de 700 emplois, dont 350 à MCA Maubeuge, avec un objectif de production de 400 000 véhicules électriques par an d'ici à 2025. La nouvelle Mégane eVision sera produite à Maubeuge. C'est un soulagement immense pour les salariés, pour leurs familles, alors que nous craignions hier la fermeture de l'usine. C'est l'histoire industrielle de ce territoire qui continue de se dérouler. Je suis fier qu'en partenariat avec les salariés, avec les organisations syndicales, nous en soyons acteurs.
La Renault ElectriCity, qui regroupera les sites de Douai, Ruitz et Maubeuge, dessinera les nouveaux savoir-faire de pointe en matière de véhicules électriques. C'est une fierté pour nous. Et c'est bien l'attractivité des projets concrets que nous défendons et pour laquelle nous agissons. La quatrième édition du forum « Choose France » que le Président de la République a présidée hier en est la preuve.
Madame la ministre déléguée, pouvez-vous fournir à la représentation nationale de plus amples détails sur les moyens mobilisés par le Gouvernement pour soutenir l'attractivité de la France à l'international ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM. – « Allô ? Allô ? » sur les bancs du groupe LR.
Merci de mettre en avant les fruits de quatre années de travail acharné sous l'impulsion du Président de la République pour améliorer l'attractivité de la France en matière d'investissements et en faveur de la création d'emplois. Si nous sommes depuis trois ans, et cela n'était jamais arrivé, sur la première marche du podium en matière d'investissements industriels, ce n'est pas le fruit du hasard. Si nous sommes, en 2020, porteurs d'autant de projets industriels que le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne réunis, ce n'est pas le fruit du hasard.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
C'est le fruit d'une politique, d'une stratégie déterminées non seulement pour simplifier la création d'emplois et l'installation de nouveaux sites industriels – on peut citer la réforme de la fiscalité avec la baisse des impôts de production à hauteur de 10 milliards d'euros, les ordonnances modifiant le code du travail, les réformes de simplification administrative –, mais aussi pour créer en France des pôles de compétitivité très puissants comme la vallée européenne de la batterie électrique.
Nous avons en effet défini, au niveau de l'Union européenne, avec le commissaire Maros Sefcovic, une stratégie industrielle – avec l'EBA250 Battery Academy – que nous déployons à Douai, Douvrin… Et je me réjouis que les élus locaux nous accompagnent.
Mais ne nous trompons pas de combat : c'est bien le Président de la République qui montre la lumière !
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM. – M. Olivier Becht applaudit également. – Rires sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC et GDR.
Monsieur le Premier ministre, comme certains collègues présents, j'ai été candidate aux élections départementales des 20 et 27 juin derniers.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Cécile Untermaier applaudit également.
Le résultat de ces élections me convient parfaitement. Les conditions du vote beaucoup moins.
Je ne parle pas de l'organisation des bureaux de vote, exemplaire grâce aux exécutifs locaux, ne vous en déplaise. .
Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe LR
Je pense en particulier à la distribution de ce qu'on appelle communément la propagande électorale. Certes, les défaillances en la matière ne sont peut-être pas déterminantes pour justifier le record d'abstention. Cependant, combien de fois avons-nous entendu : « C'est scandaleux, je n'irai pas voter » ?
Dans votre réponse à la première question, vous minimisez l'importance de cette situation et vous en faites porter la responsabilité aux exécutifs locaux – c'est scandaleux, honteux ! Bref, la distribution a été un fiasco au premier tour ; mais l'État n'a visiblement pas tiré la leçon puisque, rebelote, au second tour, ce serait encore pire.
« C'est honteux ! » sur les bancs du groupe LR.
Le Sénat a annoncé la création d'une commission d'enquête. À l'Assemblée, le groupe Les Républicains, par l'intermédiaire du président Damien Abad, a demandé que nous nous saisissions de cette question essentielle. Espérons que la majorité acceptera de faire la lumière sur ce fiasco – car c'est un fiasco qui est devenu un scandale démocratique en empêchant des milliers d'électeurs d'être correctement informés avant le scrutin.
Gouverner, c'est prévoir. Or vous avez été alerté de ces dysfonctionnements lors du premier tour ; aussi, pourquoi n'avez-vous pas pris les mesures nécessaires pour y remédier en vue du second tour ? Comme on dit chez moi, dans l'Orne, un homme prévenu en vaut deux.
Dès lors, comment expliquer que la défaillance de l'État soit encore plus marquée au second tour ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'ai l'honneur d'être ministre de l'intérieur du gouvernement de la République et, comme le disait François Mitterrand, il n'y a pas d'honneur dans la facilité. Oui, il y a eu des dysfonctionnements, oui je les assume et je présente à nouveau mes excuses aux Français qui n'ont pas reçu les documents de propagande électorale. Je suis tout à fait disponible, comme je le serai encore tout à l'heure pour la commission des lois, à la demande de sa présidente, pour répondre à toutes les questions que vous vous posez. Je ne me soustrairai évidemment pas à mon devoir institutionnel et je me rendrai devant la commission d'enquête créée par le Sénat.
Une fois ces excuses présentées, examinons la situation avec raison, parce que, comme vous, je crois que les polémiques ne répareront pas le manque de confiance de nos concitoyens dans la politique. Mais j'essaie de comprendre ce qui a pu dysfonctionner et je conviens avec vous que c'est au Gouvernement d'organiser ces élections.
Trois types d'erreurs ont été commises ou du moins peut-on trouver trois types d'explications à ce qui s'est passé, sans qu'elles soient entièrement la cause – et vous l'avez souligné vous-même – du taux d'abstention qui a augmenté de vingt-cinq points par rapport aux premières élections régionales de 1986.
Premièrement, depuis une directive européenne qui prévoit la privatisation des activités postales, donc de l'envoi de la propagande électorale, la France a conclu des marchés dès 2010 et mis la distribution postale en concurrence dès décembre dernier.
L'entreprise Adrexo s'est vu attribuer l'acheminement la moitié des lots et c'est notamment une partie de cette moitié – pas la totalité – qui n'a pas été distribuée, ce qui est scandaleux, je l'ai rappelé à la société puisque plus de 100 millions d'euros lui ont été donnés pour ce marché.
Deuxième erreur : il est évident qu'il s'est passé quelque chose de particulier avec le report de ces élections et, par ailleurs – nous en reparlerons puisque cinq questions sont posées à ce propos, ce qui me permettra de compléter ma réponse –, nous sommes une des démocraties qui a le moins de temps entre deux tours, ce qui n'a pas permis à l'État, malgré la réquisition de mille personnes supplémentaires dans les préfectures et la mobilisation de La Poste, qui a repris 30 % des envois, de redresser totalement la barre au second tour.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe LR.
Il est important que des excuses soient présentées et je vous en remercie.
Au demeurant, il y a toujours eu deux tours et, dans un grand nombre d'élections, une semaine entre les deux tours, et jusqu'à présent l'État n'a jamais failli. C'est la première fois.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Dominique Potier applaudit également.
Monsieur le Premier ministre, le 1er juin je vous interpellais sur l'évolution du climat politique de notre pays : des surenchères, un populisme qui sature tout, l'expression d'un profond malaise. Deux dimanches d'affilée, ce fossé s'est traduit certes par une belle prime aux sortants, mais aussi par une abstention inquiétante et des résultats historiquement bas des listes de votre majorité.
Je vois la tentation du Président de la République d'enjamber ce double désaveu, de minimiser la défaite à grand renfort d'éléments de langage. Nous pensons au contraire qu'il faut affronter cette défiance sans attendre, car le feu de la colère populaire couve sous les cendres.
Vous ne semblez pas avoir tiré les enseignements des alertes passées, des urnes ou de la rue. Il est urgent de changer de cap, nous ne sortirons pas de ce climat de défiance sans un choc démocratique et social profond. Notre modèle démocratique est à bout de souffle, la révolution démocratique passe par une autonomie réelle des territoires et une association de nos concitoyens aux décisions. Le temps n'est plus aux petits ajustements, à votre loi dite 4D (déconcentration, décentralisation, différenciation, décomplexification), mais à un grand acte de décentralisation. De grandes compétences doivent être réellement transférées aux territoires, avec des élus pour rendre des comptes. C'est un impératif démocratique.
L'autre chantier d'urgence est social : notre modèle social est à repenser. Face à la montée des inégalités, de la pauvreté, du déclassement des catégories moyennes, il est urgent de réunir une grande conférence sociale associant tous les acteurs pour créer les outils de partage des richesses, des bonnes pratiques et des entreprises. Il faut repenser notre modèle social dans sa globalité et renoncer aux petits ajustements comptables dans lesquels vous persistez ; je pense notamment à la réforme de l'assurance chômage.
Avec moins de 7 %, allez-vous agir comme avant ou associer citoyens, élus locaux et Parlement ? Monsieur le Premier ministre, quelle est votre feuille de route ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – M. Jean-Christophe Lagarde applaudit également.
Monsieur le président Pancher, je me suis déjà exprimé à plusieurs reprises sur les conséquences qu'il y aurait lieu de tirer de la forte abstention qui s'est manifestée lors du scrutin des élections régionales et cantonales. Je redis devant votre assemblée de la façon la plus sereine mais aussi la plus grave que c'est un événement important qui nous interpelle tous sur tous les bancs.
Il serait trop facile de n'en imputer la responsabilité qu'au Gouvernement, qui, je le dis très sereinement, ne fuira aucune de ses responsabilités.
C'est un phénomène démocratique ayant des causes anciennes et multiples. J'espère, monsieur le président de l'Assemblée nationale, sans en douter bien sûr, que la mission d'information que vous avez diligentée, avec les objectifs qu'elle s'est assignés, nous permettra, dans le cadre le plus large possible, de tirer toutes les conséquences qui s'imposent de ce phénomène.
Vous m'interrogez sur la politique que conduit le Gouvernement. La politique que conduit le Gouvernement est adaptée à la situation de notre pays. Le Gouvernement continue d'être extrêmement mobilisé d'abord sur la crise sanitaire, qui n'est pas terminée. La situation s'améliore, c'est notre responsabilité collective, mais là aussi admettez que le Gouvernement, s'il est responsable de tout ce qui va mal, peut aussi avoir sa part de responsabilité dans ce qui va bien. Mais cette crise sanitaire n'est pas terminée : nous voyons que la vaccination marque le pas et nous devons nous mobiliser ensemble pour faire comprendre à nos concitoyens qu'elle est la voie de sortie de cette crise sanitaire.
L'autre priorité du moment est évidemment la bataille de l'emploi, de la relance et de la reprise économique. Les Français, et c'est tout à fait regrettable, ont boudé les urnes,…
…mais vous observerez qu'en même temps, selon l'INSEE, les ménages ont retrouvé leur optimisme et font état d'une envie de consommer au plus haut depuis 2008. La reprise est là et, vous le savez, mesdames et messieurs les députés, la France est le pays d'Europe où le taux de croissance est actuellement le plus élevé. Nous devons nous en réjouir mais aussi conforter cette croissance, faire en sorte que les problèmes de recrutement qui se présentent aux entreprises soient réglés.
Le Gouvernement de la République et la majorité parlementaire qui le soutient…
…sont plus que jamais à la manœuvre pour faire face aux problèmes de fond et de conjoncture que traverse la France.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Le tunnel sous la Manche constitue l'unique frontière terrestre entre le continent et le Royaume-Uni. Eurotunnel, concessionnaire de l'infrastructure, emploie 2 600 salariés et est un acteur majeur de la région Hauts-de-France. En effet, plus de quatre millions de véhicules par an empruntent le « lien fixe » permettant le transit de 26 % des échanges commerciaux entre l'Europe continentale et le Royaume-Uni.
Eurotunnel fait cependant face à une différenciation de traitement majeure au regard de la loi Littoral. En effet, les ports et aérodromes, notamment le port de Calais, disposent d'une dérogation permanente à la loi pour leur développement, au titre de l'article 121-4 du code de l'urbanisme, tandis qu'Eurotunnel n'en bénéficie pas.
Si l'article 24 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (DDADUE), concernant les transports, a vocation à régulariser les aménagements réalisés par Eurotunnel pour le compte de l'État dans le cadre du Brexit, il est dommage que ce texte ne rétablisse pas une égalité de traitement entre les deux concurrents.
Des amendements ont été défendus au Sénat par Catherine Fournier pour que le tunnel puisse réaliser les aménagements nécessaires à l'exercice de sa mission de service public. Ils ont cependant été rejetés, au nom d'arguments peu développés.
Pourquoi faire perdurer une telle distorsion de concurrence alors que, d'une part, au contraire du port de Calais, le site est situé à plus de deux kilomètres du rivage, entre deux centres commerciaux et une autoroute, d'autre part, les aménagements envisagés ont pour objet de se conformer à la réglementation en vigueur dans le cadre du Brexit ou du nouvel Entry/Exit System (EES) destiné à renforcer les contrôles migratoires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Vous l'avez dit, Eurotunnel est une infrastructure ferroviaire stratégique pour la région Hauts-de-France, la France, l'Europe, le Royaume-Uni, et nous avons traité avec la plus grande vigilance la période qui vient de s'achever avec la mise en œuvre effective du Brexit.
Vous interrogez plus spécifiquement le Gouvernement à propos des obligations d'Eurotunnel vis-à-vis de la loi Littoral. Vous faites référence à l'article 24 de la loi DDADUE qui a conduit à régulariser un certain nombre d'aménagements liés aux abords du tunnel sous la Manche. Ces aménagements ont été anticipés dès 2019, alors que nous avions devant nous la perspective d'un Brexit dit sec. Très concrètement, nous avons dû construire des bureaux de douane et les installer aux abords du tunnel sous la Manche ; du fait du Brexit, leur pérennisation est nécessaire.
Ces bureaux sont essentiels et leur localisation répond à une nécessité technique impérative. Il a ainsi été proposé d'intégrer ce cas d'espèce au code de l'environnement. Cela ne concernera que ces aménagements : j'y insiste, cette régularisation est exceptionnelle.
S'agissant du sujet politique de la distorsion de concurrence, tous les autres projets de développement de Calais sont regardés avec la plus grande attention par le Gouvernement et l'État. Nous venons par exemple de prendre des mesures permettant le retour du duty-free dans le port sec de Calais, ce qui était une mesure très attendue des élus et des acteurs locaux et qui renforcera l'attractivité du territoire.
Eurotunnel n'est pas une simple infrastructure ferroviaire. Ce n'est pas n'importe quel port ni n'importe quel aéroport, et il faut savoir sortir du carcan européen.
Avez-vous compris que le fossé n'a jamais été aussi abyssal entre notre vie politique et la vie de nos concitoyens ? Avez-vous compris que vous-même, le Président de la République, le nouveau monde avez une immense responsabilité dans cette désespérance ?
Avez-vous compris que le sujet n'est pas le vote électronique ou la taille des circonscriptions mais bien la taille des convictions ? Avez-vous compris que vos tentatives de dynamitage de la droite et de la gauche ont abîmé comme jamais notre débat démocratique ? Avez-vous compris que la recomposition du paysage politique n'est en réalité que la destruction de nos repères essentiels ?
Avez-vous compris que le « en même temps » est une idée folle, avec laquelle tout se vaut et plus rien n'a de valeur ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Avez-vous compris que les Français détestent cette époque où trahir sa famille politique devient la règle, où les girouettes sont érigées en héros et où l'opportunisme le plus misérable devient une banale habitude ? L'engagement politique est beau et respecté quand il est fait de fidélité, de droiture, d'honneur et de sens.
Monsieur le Premier ministre, les Français espèrent le retour du courage politique,…
…le courage de porter ses convictions, le courage de ne pas trahir pour un plat de lentilles, le courage de parler vrai et de nommer les choses, le courage de ne pas mentir aux Français en annonçant des réformes que vous ne mènerez jamais, le courage de ne pas les prendre pour des gosses mais pour des citoyens, le courage de moins communiquer mais d'agir vraiment, le courage de ne pas faire le pitre sur les pelouses de l'Élysée mais de tout faire pour changer la vie de ceux qui souffrent dans notre pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La politique doit porter un espoir et un idéal, c'est sa première raison d'être,…
…l'espoir d'une vie meilleure, l'idéal de la justice, l'espoir du mérite républicain. Abandonnez la mise en scène. Abandonnez le « en même temps » et le rien du tout, pour notre démocratie et pour les Français.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le député, je n'ai pas tellement compris le sens de votre question,…
…sauf si elle sonne comme une autocritique pour votre beau résultat aux élections régionales.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Exclamations et brouhaha sur les bancs du groupe LR.
Finalement, monsieur Pradié, avez-vous compris qu'il ne suffit pas de changer de département d'élection pour ne pas être élu ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe Dem. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LR dont plusieurs membres font le signe « zéro ».
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous êtes à l'image de ce gouvernement qui, pendant la durée de ce quinquennat, n'aura eu de cesse de bafouer nos principes républicains et ainsi de mettre à mal notre république sociale et universaliste.
Vous avez restreint la liberté, au travers notamment de la loi séparatisme, vous avez bafoué la fraternité, au travers de la loi Asile et immigration, et c'est avec une grande abnégation que vous vous évertuez à détruire l'égalité, ou ce qu'il en reste, dans notre pays. Après la casse du droit du travail, vous vous attaquez à un symbole républicain par excellence : le bac.
Trois années de chaos marquées par la multiplication des irrégularités et de l'improvisation, des enseignants convoqués pour évaluer des élèves au grand oral dans des lieux qui ne leur sont pas signifiés, des candidats renvoyés chez eux faute de jury, des épreuves reportées sine die, et, aujourd'hui encore, le logiciel permettant de saisir les notes lors des jurys qui ne fonctionne pas.
Vous arrivez à l'aboutissement de votre carrière de fossoyeur du service public de l'éducation nationale avec votre projet de bac local. Par l'importance que vous octroyez au contrôle continu, vous abolissez l'égalité et l'universalité du baccalauréat,…
…avec pour conséquence la mise en concurrence des établissements, la différenciation du diplôme et la discrimination sociale qu'elle entraîne. La compétition subjective que vous installez aura raison du droit de chacun d'accéder par le mérite à l'université, aux concours ou tout simplement à la vie professionnelle.
Monsieur le ministre, entendrez-vous la colère et l'inquiétude de la communauté éducative, à laquelle nous nous associons ? Abandonnerez-vous votre projet de bac local ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe GDR.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je vous en remercie car votre question me donne l'occasion de faire le point sur la réforme du baccalauréat, qui date de 2018 et s'appuie sur des principes dont nous avons déjà débattus. Le nouveau baccalauréat repose désormais sur 60 % d'épreuves terminales et 40 % de contrôle continu. Cet équilibre, qui ne sera pas modifié, nous permet de bénéficier des vertus des deux systèmes, qui sont complémentaires : le contrôle continu valorise le travail continu de l'élève ; le contrôle terminal valorise sa capacité à valider un niveau en fin d'année scolaire.
À la suite des préconisations du comité de suivi de la réforme du baccalauréat 2021, dont le rôle est d'ajuster le dispositif en fonction des remontées et des réalités du terrain et qui fonctionne de manière très démocratique – n'est-ce pas précisément ce que vous réclamez ? –, nous proposons aujourd'hui aux organisations syndicales de faire reposer exclusivement le contrôle continu sur le livret scolaire. Rappelons que votre mouvement a critiqué l'organisation des épreuves communes de contrôle continu, qui ont fait l'objet, à plusieurs reprises, de questions virulentes de votre part dans cet hémicycle. J'ai donc décidé de prendre en compte les critiques formulées à l'encontre de ces épreuves communes, partagées d'ailleurs par plusieurs organisations représentatives, et de modifier l'organisation du contrôle continu.
Nous aboutissons à un équilibre entre le contrôle terminal et le contrôle continu, mais aussi à une plus grande simplification. Il ne s'agit évidemment pas d'un baccalauréat local. Je suis d'ailleurs surpris de votre remarque puisque vous plaidiez, il y a encore quelques semaines, pour 100 % de contrôle continu.
Un peu de cohérence, d'écoute et de simplicité, et moins de démagogie, vous aideraient sans doute à poser de meilleures questions !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Vous avez tort, monsieur le ministre : nous étions favorables au contrôle continu pendant la crise sanitaire, mais nous sommes opposés à sa généralisation en temps normal. Ce que nous voulons, c'est un bac national.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, les élections locales sont traditionnellement celles de la proximité, celles qui mobilisent. Pourtant, le taux d'abstention aux récentes élections départementales et régionales s'est accentué de manière alarmante. En ce qui concerne les jeunes, près de neuf sur dix ont boudé les urnes lors du premier tour. Le taux d'abstention des 18-24 ans s'est élevé à 87 % au premier tour et ne s'est pas amélioré au second tour.
Comment reprocher aux jeunes de ne pas être allés voter ? Qui connaît les contours de sa région ? Qui comprend ce que sont les « quadrinômes départementaux » ou, pour le dire autrement, le « scrutin binominal mixte majoritaire à deux tours » ? Pourquoi un scrutin proportionnel plurinominal combiné à une prime majoritaire de 25 % des sièges pour les élections régionales ?
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !
Plusieurs pistes sont évoquées comme autant de solutions susceptibles d'enrayer cette tendance inquiétante pour notre jeunesse. La première ne devrait-elle pas être de stimuler l'intérêt des jeunes pour la politique en développant une image positive du vote ? Des études démontrent qu'une image positive favorise concrètement le vote des jeunes. C'est une réalité : les premières expériences électorales créent des habitudes qui contribuent au maintien de la participation électorale tout au long de la vie.
Les jeunes n'ont pas moins de sens civique qu'autrefois ; ils ont simplement besoin de comprendre à quoi sert de voter et de trouver un sens à leur vote. Ils connaissent de moins en moins l'architecture de notre territoire, des départements et des régions, et moins encore l'architecture institutionnelle locale dans laquelle ils évoluent et dont ils ne savent pas à quoi elle sert.
Monsieur le ministre, entendez-vous familiariser davantage, au sein de l'école, les jeunes à la vie politique et favoriser ainsi le vote de la jeunesse ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Vous soulevez la question très importante de l'éducation à la démocratie, qui passe d'abord par les savoirs fondamentaux, parmi lesquels l'histoire, la géographie et l'éducation morale et civique – vous le savez, nous avons renforcé cette dernière à l'école primaire et dans l'enseignement secondaire. Les programmes sont donc essentiels pour favoriser l'éducation à la démocratie et il est évident que les institutions doivent être expliquées aux élèves. Toutefois, cela ne suffit pas, nous le savons, et un engagement concret est indispensable pour susciter l'intérêt des jeunes à l'égard de la politique – vous l'avez souligné vous-même. Il est donc important de familiariser les élèves avec les pratiques de démocratie collective et avec le vote, notamment à travers l'élection des délégués de classe.
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité renforcer cette dimension en créant les conseils de vie collégienne et de vie lycéenne, que j'ai d'ailleurs beaucoup écoutés pendant la crise sanitaire en 2020 et en 2021 et qui m'ont permis de prendre des décisions, notamment au sujet du baccalauréat. Je veux souligner à quel point les collégiens et les lycéens engagés dans ces instances contribuent à la décision collective de manière rationnelle. Cet engagement les prépare à être des citoyens.
Il y a deux ans, nous avons par ailleurs pris une mesure importante en créant les éco-délégués, qui sont aujourd'hui 250 000 en France. En principe, chaque classe de collège ou de lycée doit désigner des délégués responsables des enjeux environnementaux de l'établissement et de son milieu. Il s'agit évidemment d'une excellente initiation à la citoyenneté et aux enjeux du développement durable. Ainsi, dans le prolongement du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, présenté par Barbara Pompili, nous avons décidé d'inscrire les sujets environnementaux et l'éducation au développement durable parmi ceux qui sont examinés par les structures de concertation de chaque établissement.
Nous avons donc réellement la volonté de déployer l'engagement des élèves. Ce n'était pas un point fort du système français et d'autres pays ont su, mieux que nous, stimuler le désir de la jeunesse de s'engager dans le sens de l'intérêt général. Nous réfléchissons à de nouvelles pistes dans ce domaine, dans la continuité du service national universel, afin d'encourager l'engagement des élèves dès le collège. Je veux d'ailleurs saluer l'initiative du Parlement des enfants, qui s'est réuni il y a deux semaines et qui illustre parfaitement le type d'opérations que nous entendons favoriser.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le Gouvernement nous a conviés la semaine dernière à une étrange séance. Dans une curieuse ambiance, qui tenait de la réunion électorale, les députés ont été invités à l'applaudir pour sa loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Il est vrai que, depuis trois ans, l'effort de dépenses est réel en matière de défense et que le Gouvernement respecte l'enveloppe budgétaire initialement prévue, ce qui était rarement le cas auparavant.
Il faut évidemment le reconnaître et s'en réjouir.
Pourtant, gouverner, c'est prévoir, et il serait dangereux de ressasser un bilan favorable sans regarder le chemin qui nous reste à parcourir. À cet égard, l'autosatisfaction du Gouvernement est déplacée et relève de l'aveuglement. Car si tout va bien jusqu'à présent, du moins en surface, tout indique que la situation va très rapidement se compliquer.
Le Sénat évalue d'ores et déjà à 3 milliards d'euros le surcoût correspondant aux trois dernières années de la LPM. Surtout, le respect de la LPM implique, dans les années à venir, des hausses de crédits sans précédent, de moins en moins crédibles dans le contexte économique post-covid-19. En d'autres termes, demain, c'est-à-dire dans un an ou deux, nous serons dans le mur. C'est donc aujourd'hui que nous devons anticiper et gérer les difficultés afin d'éviter à nos armées un choc traumatisant.
Aussi, je vous redemande solennellement, monsieur le Premier ministre, d'engager la révision de la LPM conformément à la loi ou, à défaut, d'initier, dans la transparence, un travail de fond avec le Parlement pour ne pas faire subir à nos armées un coup de rabot qui serait, comme toujours, mal ajusté. Êtes-vous prêt à entreprendre ce travail avec le Parlement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'ai écouté attentivement votre intervention mais je rappelle que vous vous êtes abstenu lors du vote sur la déclaration du Gouvernement relative à la programmation militaire, qui s'est tenu dans cette enceinte mardi dernier, 22 juin. À quelques mois d'une échéance importante pour notre nation, vous avez fait le choix de vous abstenir …
Exclamations sur les bancs du groupe LR
…alors que nous proposions une montée en puissance de nos armées. Nos militaires, tout comme nos concitoyens, ont le droit de le savoir.
Cette LPM est historique et je remercie celles et ceux qui, à une très large majorité, lui ont accordé leur soutien et leur confiance, à la suite de la déclaration du Premier ministre.
Pour ma part, je constate sur le terrain, dans la vie quotidienne de nos militaires, toutes les réalisations concrètes que la LPM a rendues possibles. J'étais hier à Pau, où j'ai assisté à la présentation des nouvelles infrastructures indispensables pour les hélicoptères de l'armée de terre. Il y a un mois, j'étais à Brest, où nous avons inauguré de nouveaux quais pour les frégates multimissions. Il y a quelques semaines encore, j'étais dans le Larzac, où les nouveaux blindés de combat Griffon continuent d'arriver.
Pouvez-vous, monsieur Cornut-Gentille, me dire quelle majorité a augmenté le budget des armées pendant quatre ans ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Quelle majorité a-t-elle exécuté la loi de programmation militaire à l'euro près ? La nôtre !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Je vous assure que si ! C'est Mme la ministre qui n'a pas utilisé entièrement le sien. En ce qui vous concerne, vous avez dépassé le vôtre de quelques secondes.
M. Thibault Bazin trace un rectangle de la main pour indiquer qu'il demande le vidéo-arbitrage.
Permettez-moi, pour commencer, de saluer l'élection aux élections régionales des listes de rassemblement conduites par Huguette Bello, fondatrice du groupe GDR, à La Réunion et par Gabriel Serville en Guyane.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
Les enfants de l'oubli : c'est ainsi que les familles nomment leurs enfants en situation de handicap. Je veux vous parler de ces enfants, monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, qui, en dépit de la loi, ne bénéficient pas de l'accompagnement auquel leur donne droit la notification départementale. Ces enfants sont privés de classe ULIS (unité localisée pour l'inclusion scolaire) à l'école primaire et plus encore au collège, sans parler du manque de places en IME (institut médico-éducatif). Dans mon territoire, un enfant sur deux n'a pas de solution pour être scolarisé.
Je veux vous parler de ces parents qui sacrifient parfois leur vie professionnelle et sociale en raison du manque de solidarité nationale.
Je veux vous parler de ces accompagnants, le plus souvent des accompagnantes, qui ne veulent pas donner le change et dont le métier doit être pleinement reconnu au sein de la fonction publique. « Aujourd'hui, même la reconnaissance, même la joie d'avoir bien accompagné un enfant, nous ne l'avons plus », me confiait l'une d'elles samedi, lors d'une grande manifestation. La mutualisation est devenue une forme de contournement des droits.
Je veux vous parler de ces enseignants et de ces enseignantes que l'on place dans des situations intenables. Il y a du désarroi dans les familles parce qu'elles voient leurs minots empêchés de grandir comme ils pourraient. Il y a aussi de la colère parce qu'elles refusent l'injustice et parce qu'elles ont le sentiment qu'on fait semblant avec elles.
Monsieur le ministre, je voudrais que vous ne répondiez ni par des chiffres, ni par la description de dispositifs qui dysfonctionnent, ni par des superlatifs pour vanter le bilan du Gouvernement. On ne retrouve jamais dans le carton ce qui est décrit sur l'emballage… Ce que nous vous demandons, c'est de reconnaître qu'il y a un problème et de préparer la rentrée autrement afin que la République soit vraiment au rendez-vous, avec des moyens pour chaque enfant.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SOC. – Mme Caroline Fiat applaudit également.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
La question que vous posez est très importante et, évidemment, sensible pour toutes les familles concernées. Vous avez raison, il y a, d'un côté, les chiffres nationaux, qu'il faut rappeler, et, de l'autre, la réalité vécue par chaque famille. Or, par définition, chaque réalité est particulière.
S'agissant des moyens prévus à l'échelle nationale pour les enfants en situation de handicap, rappelons que ce sujet a mobilisé le budget le plus important au sein du ministère depuis 2017 et que ce budget a connu une hausse de 40 % depuis le début de la législature. Depuis lors, 100 000 élèves supplémentaires en situation de handicap ont été scolarisés.
Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités en 2017, tous les accompagnants étaient employés en contrats aidés. Vous protestiez d'ailleurs à juste titre contre ce statut, monsieur Dharréville. Ils étaient alors environ 70 000. Aujourd'hui, les accompagnants sont 120 000 et bénéficient tous d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat à durée indéterminée, soit un progrès considérable.
Bien sûr, on peut toujours faire plus et mieux ; on peut notamment mieux les payer – c'est l'objectif du Grenelle de l'éducation et c'est la direction que nous avons prise. Et bien sûr, on peut faire mieux en matière de formation ; nous l'avons fait et les accompagnants ont désormais soixante heures de formation garanties chaque année.
Tout cela doit ensuite faire l'objet d'une organisation au niveau local, afin que l'affectation de chacun soit la plus adéquate possible. Le fait que les familles soient écoutées en amont de la rentrée est notre préoccupation majeure, à Sophie Cluzel et à moi. Alors que nous sommes bien en amont de la rentrée, chaque famille dispose d'un numéro départemental lui permettant de faire part de ses problèmes, afin que nous puissions les résoudre. Nous voulons qu'un AESH – accompagnant d'élève en situation de handicap – soit présent chaque fois que nécessaire ; fort heureusement d'ailleurs, tout enfant handicapé n'en a pas forcément besoin – chaque cas est particulier. Nous essayons de faire en sorte que la rencontre entre l'élève et son accompagnant se fasse toujours en amont de la rentrée, ce qui n'était souvent pas le cas auparavant.
Nous voyons le dispositif s'améliorer d'année en année ; en particulier, de moins en moins de parents ont besoin d'avoir recours à la commission départementale que vous évoquez.
Bien entendu, des problèmes peuvent subsister ; je ne le nie pas et nous sommes là pour les traiter. Mais puisque vous parlez de la situation en amont de la rentrée, je veux dire que le dispositif permettant d'écouter les familles et d'améliorer leur situation existe ; personne ne peut contester les améliorations considérables qui ont été apportées entre 2017 et 2021 en la matière.
Monsieur le ministre, il faut que les notifications envoyées aux familles soient respectées et qu'une solution soit trouvée pour chaque enfant.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Alexandra Louis applaudit également.
Sous couvert d'innovation et de simplification – ce sont vos mots, monsieur le ministre –, vous abîmez l'école de la République. Votre projet de réforme du baccalauréat conduit à abandonner le caractère national de l'examen, même si vous promettez un guide d'évaluation et le maintien d'une banque de sujets. Le bac va devenir un diplôme d'établissement, ce qui justifiera d'ailleurs après coup la pratique actuelle de Parcoursup. Il n'y aura plus d'examen national anonyme où chacun a sa chance, en fonction de son mérite. Ce sont le lieu de résidence des parents et l'accès aux établissements de centre-ville, autrement dit l'appartenance sociale, qui détermineront si les portes du supérieur peuvent s'ouvrir ou pas.
À cause de cette évaluation continue, même les syndicats des personnels de direction s'inquiètent de la montée des pressions émanant de parents de certains beaux quartiers. Le passage au contrôle continu intégral et le bachotage permanent qu'il ne manquera pas de susciter vont faire augmenter ces pressions, ainsi que les inégalités.
Dans les collèges, la situation n'est pas meilleure : depuis plusieurs semaines, de nombreux parents et enseignants s'inquiètent de l'avenir de l'école inclusive. Affectés parfois depuis plusieurs années dans des postes au collège, des professeurs du premier degré prennent en charge des élèves en situation de handicap au sein des dispositifs ULIS dans les collèges et les lycées. Or, dans certaines académies, plusieurs de ces postes n'ont pas été proposés au mouvement cette année, ce qui a même obligé plusieurs professeurs concernés à réintégrer le premier degré.
Le risque est ainsi très grand de voir de nombreux postes vacants en septembre ; cela se fera au détriment des enfants et des familles car très peu de professeurs du secondaire sont formés à enseigner en ULIS. Il serait ainsi totalement inacceptable de voir les postes spécialisés confiés à la hâte à des remplaçants titulaires ou contractuels non formés, qui ne les auraient pas demandés.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe FI.
Alors, monsieur le ministre, Jules Ferry inspire-t-il encore la rue de Grenelle, ou calquez-vous vos réformes scolaires sur la carte sociale et sur la contractualisation du personnel enseignant ?
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je vous rassure d'emblée : oui, Jules Ferry inspire toujours la rue de Grenelle et c'est précisément au regard des principes républicains que l'ensemble des décisions sont prises.
Vous avez regroupé en un seul paquet un ensemble de sujets différents, et vous êtes revenu sur la réforme du baccalauréat. Je le répète : chacun doit faire attention aux phrases qu'il prononce. Il ne s'agit en aucun cas d'un baccalauréat local. Accréditer cette idée, c'est tout simplement nuire aux élèves parce que ce n'est pas exact.
On retrouve d'ailleurs cette inexactitude dans votre propos. Vous avez par exemple dit que le principal syndicat des chefs d'établissement s'était prononcé contre mes propositions. Ce n'est tout simplement pas exact !
C'est même l'inverse : il fait partie des organisations syndicales qui se sont exprimées en faveur de la nouvelle formule de contrôle continu que j'ai proposée. En plus de mélanger les sujets, vous dites donc quelque chose qui est totalement inexact. Il existe des gens – et des organisations syndicales – qui sont de grands partisans du contrôle continu, parce qu'ils savent que cette formule permet de faire travailler les élèves toute l'année. Certains étaient contre les épreuves communes que nous envisageons de supprimer, précisément parce qu'elles donnaient lieu, selon eux, à un bachotage que vous réprouvez, probablement à juste titre. Enfin, ils savent qu'il faut maintenir 60 % de contrôle terminal, ce qui garantit en effet le caractère national de l'examen.
Vous avez aussi évoqué l'orientation dans l'enseignement supérieur. Mais, avant la réforme du baccalauréat, près de la moitié des élèves étaient déjà admis dans l'enseignement supérieur en vertu de leurs notes de contrôle continu, sans attendre les résultats du baccalauréat ! Ce qui change, dans la nouvelle formule, c'est précisément que les épreuves passées en contrôle terminal, notamment celles du mois de mars, sont prises en compte pour l'admission dans l'enseignement supérieur. Voilà qui valorise le baccalauréat et son caractère national !
Le baccalauréat se trouve donc incontestablement revalorisé par la réforme, qui s'inspire d'ailleurs de propositions formulées dès son origine par des organisations de tous bords. La manière dont nous le commentons conditionne aussi la réussite des élèves dans le futur ;…
…je vous prie donc de ne pas en parler de cette manière. Je ne vous demande pas de louer la réforme, mais ne faites pas de tort à ce pour quoi vous plaidez, c'est-à-dire au caractère national du baccalauréat, qui en sort renforcé !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre, je n'ai pas l'habitude de confondre les choses ni de mélanger les genres. Mais ce que vous affirmez est une contre-vérité :…
…la réforme du bac en fera un examen localisé, comme c'est déjà le cas dans les beaux quartiers. Par ailleurs, vous n'avez pas répondu à ma question sur les ULIS.
M. Boris Vallaud applaudit.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, Mme Elisabeth Moreno ; j'y associe l'ensemble des mes collègues du groupe La République en marche.
Demain s'ouvrira le Forum Génération Égalité, cinquième conférence mondiale organisée sur l'égalité entre les femmes et les hommes depuis sa création en 1946 ; il aura lieu vingt-six ans après sa dernière édition, qui s'est tenue à Pékin en 1995. Vingt-six ans ! Nous avons attendu vingt-six ans avant de nous réunir à nouveau dans le cadre de ce rendez-vous majeur, cette année à Mexico et à Paris, pour promouvoir l'effectivité de droits des femmes et l'égalité entre les sexes.
Cette rencontre internationale intervient au moment même où la crise sanitaire que nous connaissons a provoqué une terrible régression des droits des femmes sur l'ensemble de la planète. C'est pourquoi je me réjouis que, sous l'impulsion du Président de la République, Emmanuel Macron, ce rendez-vous incontournable se tienne à partir de demain en France. Avec plus de 700 intervenants issus de 150 pays, le Forum Génération Égalité apporte une visibilité à cet enjeu majeur qui reste encore trop souvent mal accepté, incompris ou la proie de préjugés.
Le Forum doit permettre une discussion publique mondiale sur la nécessité de mener des actions fortes en la matière. Il est l'occasion de prendre des engagements concrets pour faire de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause mondiale de notre époque. Ce grand rendez-vous marque l'engagement certain de notre pays, la France, dans le combat pour une société plus égalitaire et plus juste. Nous défendons d'ailleurs cette cause au quotidien en France, en agissant pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes et contre les stéréotypes et les inégalités de genre, qu'elles soient sociales, économiques ou administratives. Nous la défendons également au niveau international : le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales consacre notre diplomatie féministe.
Madame la ministre déléguée, je connais votre engagement – ainsi que celui de notre ambassadrice Delphine O, chargée de l'organisation de l'événement et que je tiens à saluer – pour la réussite du Forum. Aussi, pouvez-vous nous dire quelles sont les grandes orientations que la France défendra à cette occasion et quelles sont vos attentes en matière d'engagements internationaux ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.
Vous l'avez dit : demain, Paris sera la capitale de la « génération égalité », et nous devons en être fiers. En effet, face à la montée des conservatismes et au désengagement de certains États, y compris au sein de l'Union européenne, nous devons plus que jamais rester vigilants et redoubler d'efforts, et je veux évidemment remercier M. Jean-Yves Le Drian et Delphine O pour le travail remarquable qu'ils ont réalisé sur ce sujet.
Depuis 2017, vous l'avez rappelé, le Président de la République en a fait la grande cause du quinquennat, une cause nationale mais également mondiale, et le Forum Génération Égalité en est le point culminant. Il réunira autour des chefs d'État et des organisations internationales les acteurs du changement, les ONG et les associations, mais il fera également une place très importante à notre jeunesse ; chacune des personnes présentes prendra des engagements concrets, qu'ils soient législatifs, programmatiques ou financiers, concernant les violences fondées sur le genre, l'autonomisation économique des femmes, les droits et la santé sexuelle, le leadership féminin ou encore la place des femmes dans les nouvelles technologies et le changement climatique.
Bien sûr, si nous voulons soutenir ce combat au niveau international, nous devons d'abord être exemplaires de notre côté. Le Forum sera ainsi l'occasion de mettre en avant nos actions au niveau national, aussi bien en matière de lutte contre les violences faites aux femmes que s'agissant de l'accélération de l'égalité économique et professionnelle. Je pense notamment au congé paternité, qui sera appliqué dès demain, mais également à la proposition de loi défendue par Marie-Pierre Rixain et Christophe Castaner ; lorsqu'elle sera définitivement votée, elle marquera une avancée historique pour l'égalité économique. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour votre engagement sur ces questions éminemment importantes.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM. – Mme Maud Gatel applaudit également.
Monsieur le Premier ministre, imaginez une seule seconde l'Élysée sans eau. Imaginez une seule seconde le personnel du Président de la République se relayer, rue du Faubourg-Saint-Honoré, pour porter des packs d'eau sur ses épaules, pour recueillir de l'eau dans les fontaines et pour apporter le linge à la laverie. Imaginez une seule seconde Emmanuel et Brigitte Macron boire de l'eau infectée de matières fécales ou de chlordécone. Imaginez une seule seconde vos enfants manquer un mois et demi de cours par an parce qu'il n'y aurait plus d'eau à l'école, ou devoir vous lever à trois heures du matin pour espérer recueillir un filet d'eau au robinet. Imaginez une seule seconde la plus grande pandémie du siècle dans un territoire dépourvu d'eau pour se laver les mains.
Monsieur le Premier ministre, délocalisez l'Élysée au Gosier, à Saint-François, à Goyave ou aux Abymes, pour voir !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Voilà à quoi ressemble le quotidien insupportable de nos compatriotes en Guadeloupe. Des familles reçoivent des factures d'eau de 5 000 euros tout en subissant des coupures d'eau incessantes, qui leur pourrissent la vie. Certaines vivent sans eau depuis six années ; des familles se ruinent, investissent jusqu'à 8 000 euros sans aucune aide et doivent acheter une citerne afin de recueillir de l'eau de pluie pour vivre.
Mais vous, vous n'en dites pas un mot ! Pas un mot sur les ravages de la Générale des eaux de Véolia, qui a laissé les canalisations à l'abandon ; pas un mot sur les millions d'euros liés à l'eau, détournés sur le dos des usagers ; pas un mot en faveur d'une gestion publique de l'eau, dont la population a tant besoin : 400 000 Français et Françaises sont en détresse ! Faut-il que le malheur des Guadeloupéens et de tant d'autres de nos compatriotes arrive jusqu'à vous pour que vous vous en souciiez ? Il est de la responsabilité de l'État de garantir le droit humain à l'eau et à l'assainissement.
Mêmes mouvements.
En Guadeloupe, une catastrophe sanitaire et écologique est en cours ; nous n'avons plus le temps, alors sortez l'argent !
Monsieur le Premier ministre, la Guadeloupe se meurt. Quand allez-vous rendre aux Guadeloupéens leur dignité ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Je tiens d'abord à excuser Sébastien Lecornu qui, ne pouvant être présent, m'a chargé de vous répondre. Vous me faites part de la situation de l'eau en Guadeloupe, que vous avez étudiée de près dans le cadre de la commission d'enquête dont vous assurez la présidence. Je salue l'énergie que vous y mettez mais je tiens à préciser que le Gouvernement n'a pas attendu pour agir et ne souscrit évidemment pas à la manière dont vous présentez les choses.
Rappelons les faits : le quart de la population guadeloupéenne, soit environ 100 000 habitants, subit des coupures d'eau régulières ; cette situation est évidemment inadmissible. Mais l'enjeu est bien trop essentiel pour les usagers de l'eau vivant en Guadeloupe pour que nous nous contentions de renvoyer démagogiquement les responsabilités à l'État ou à une entreprise privée.
Vous n'êtes pas sans savoir que l'eau potable et l'assainissement sont des compétences décentralisées depuis le XIX
Cependant, nous n'en sommes pas restés là, madame la députée. Nous avons poursuivi le plan « Eau DOM » de 2016, qui vise à améliorer les capacités d'ingénierie technique et financière des collectivités ; en 2020, en pleine crise sanitaire, l'État a réquisitionné les opérateurs d'eau en Guadeloupe en se substituant aux collectivités, ce qui a permis d'investir 6 millions d'euros pour réparer plus de 4 000 fuites et ainsi économiser près de 20 000 mètres cubes d'eau par jour. Par la voix de mon collègue Sébastien Lecornu, très investi sur le sujet, le Gouvernement a soutenu la proposition de loi rénovant la gouvernance du service public d'eau potable et d'assainissement en Guadeloupe, défendue par la députée Justine Benin et le sénateur Dominique Théophile et promulguée le 29 avril 2021 ; cette loi a réglé la difficulté, ancienne et majeure, liée à la gouvernance de l'eau. Je regrette que votre groupe ne l'ait pas votée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous savons maintenant que notre pays ne sait plus organiser une élection et vous venez nous expliquer qu'on ne peut pas distribuer de l'eau à 400 000 personnes. Vous vous moquez de nous !
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il faut mettre 2 milliards d'euros sur la table ! La dignité humaine n'a pas de prix !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Monsieur le Premier ministre, depuis 2017, la République serait en marche, mais la démocratie, elle, est sur pause.
Sur pause est la démocratie sociale, avec des syndicats marginalisés. Sur pause est la démocratie locale, avec des élus méprisés et du matériel électoral non distribué. Sur pause est la démocratie environnementale, avec une Convention citoyenne pour le climat humiliée juste après avoir été créée.
Sur pause est aussi la démocratie parlementaire, emportée par une fièvre d'ordonnances et un état d'urgence qui ne va jamais s'arrêter. Sur pause est la démocratie garante de nos libertés : la liberté de manifester est encadrée par les drones et les tirs de lanceurs de balles de défense (LBD) ; celle de croire ou non est atteinte quand des cultes sont surveillés et des pratiques religieuses stigmatisées ; celle de la recherche est marquée par l'organisation de la traque aux islamogauchistes dans les universités – et ailleurs ; celle d'informer est limitée quand il existe des interdictions de filmer et des journalistes empêchés.
Sur pause, la démocratie, quand le Gouvernement laisse les injustices prospérer : l'injustice sociale, avec les discriminations et les inégalités qui continuent de s'enkyster ; l'injustice économique, avec des salaires à l'arrêt et des impôts qui baissent d'abord pour les fortunés ; l'injustice climatique, avec des renoncements en cascade alors que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ne sait même plus comment nous alerter.
Pour toutes ces raisons et en brouillant les pistes par des stratégies d'alliances opportunistes, voire par le soutien à plusieurs listes à la fois dans certaines régions, la majorité a contribué activement à détourner les Français des urnes et à alimenter un vide de la pensée. Pourtant, comme nous l'a appris Hannah Arendt, « c'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal », alors que de l'instruction naît la citoyenneté – rappelons-nous Condorcet.
Alors que seulement un Français sur trois est allé voter dimanche, allez-vous vous contenter de vous en remettre à Cyril Hanouna, ainsi que le préconise votre collègue Mme Schiappa, et au vote électronique pour que les Français retournent voter, ou allez-vous enfin à mettre en œuvre la révolution démocratique promise en 2016 ? Monsieur le Premier ministre, qu'est-ce qu'une République en marche et, en même temps, une démocratie sur pause ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et parmi les députés non inscrits.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
À vous écouter, monsieur le député, je me disais que s'il y a une chose qui n'est pas sur pause dans notre pays, c'est la démagogie
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM
et, dirai-je, une forme d'indignité : compte tenu du contexte actuel, et notamment de la situation à l'Est de l'Europe, oser présenter la France comme une sorte de dictature où les libertés seraient entravées, où les Français ne seraient pas libres d'aller et venir, de manifester et de voter, c'est proprement scandaleux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
C'est même insultant envers les femmes et les hommes qui se battent, notamment à l'Est de l'Europe, pour leurs libertés au quotidien et qui rêveraient de pouvoir vivre comme on le fait en France.
Pour le reste, il est vrai que notre pays connaît des difficultés et que nous conduisons une action résolue pour y faire face, notamment en matière d'emploi. Loin d'être sur pause, les réformes se sont poursuivies pendant la crise sanitaire dans le but d'atteindre un objectif : reconstruire notre pays et relancer son économie.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Nous avons encore eu, au cours des derniers jours, des exemples d'investissements directs étrangers qui ont été consentis en France et qui vont y créer des emplois. Que vous le vouliez ou non, le brouillard économique se dissipe, des emplois se recréent dans notre pays, l'activité redémarre. Ce sont autant de Français qui peuvent retrouver une activité et vivre dignement de leur travail. C'est cela qu'attendent nos concitoyens. C'est vers cet objectif que nous sommes tournés, non vers la petite politique.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, après trois ans de négociations sans relâche et l'accord de principe conclu sur la nouvelle politique agricole commune (PAC) vendredi dernier, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés tient à saluer un compromis qui contient des avancées notables en faveur d'une PAC plus verte, plus protectrice et plus performante.
Elle est plus verte grâce à une augmentation des enveloppes d'aides accordées aux exploitations agricoles vertueuses en la matière ainsi qu'au second pilier dédié à l'environnement. Elle est plus protectrice en raison de la reconnaissance légale du droit à l'erreur au niveau européen, mais aussi du paiement redistributif, de la conditionnalité sociale des aides, impulsée par la France, pour un plus grand respect des conditions de travail des salariés.
Enfin, cet accord permet des avancées attendues et appelées de nos vœux depuis longtemps : l'extension des mécanismes de régulation de l'offre à tous les produits sans indication géographique ; le renforcement des observatoires des marchés ; la possibilité de prendre en compte les objectifs de durabilité dans les indications géographiques.
Au-delà de ces aides indispensables, la priorité de nos agriculteurs est de bénéficier d'une rémunération juste de leur travail, alors que la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM, n'a pas tenu toutes ses promesses.
La proposition de loi, que nous avons adoptée la semaine dernière, doit assurer une meilleure répartition des richesses au profit de nos agriculteurs. Certains d'entre eux, notamment ceux qui sont déjà convertis à l'agriculture biologique, ne semblent pas totalement satisfaits car les aides qui leur sont destinées sont supprimées. Que pouvez-vous leur répondre ?
Enfin, les agriculteurs s'inquiètent de l'obligation de consacrer au moins 4 % des terres arables aux zones non productives ainsi que de la non-éligibilité du secteur du sucre au régime de l'intervention.
Monsieur le ministre, la France devra désormais tout mettre en œuvre dans le cadre du plan stratégique national pour permettre une production agricole compétitive et rémunératrice. Comment pouvez-vous rassurer nos agriculteurs sur ces points qui restent pour eux des sujets d'inquiétude ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous avons obtenu hier un accord européen sur cette nouvelle PAC, après trois années de discussions. Cet accord est bon pour l'Europe et aussi pour la France parce qu'il répond à une triple vision, que nous avons soutenue depuis le premier jour.
La première vision est économique : il faut consolider le revenu de nos agriculteurs, car la souveraineté agroalimentaire de notre pays en dépend. La deuxième vision est environnementale : la nouvelle PAC va permettre davantage d'investissements dans les transitions, notamment grâce au nouveau dispositif nommé l'écorégime, mais sous la forme d'un investissement destiné à accompagner nos agriculteurs. La troisième vision – vraiment nouvelle et beaucoup promue par la France – est sociale.
Hier, nous avons réussi à obtenir que le versement des aides soit désormais conditionné au respect d'un socle de droit social européen. De fait, nous le savons très bien, un dumping social était associé à un dumping environnemental depuis des années et parfois au sein même du marché européen. Grâce à sa triple dimension, la nouvelle PAC va nous permettre de mettre fin à ces dumpings.
Enfin, cet accord européen va nous permettre de décliner des orientations stratégiques françaises pour notre agriculture : un investissement massif dans les protéines végétales ; la prise en compte de nos jeunes et de nos territoires ; 1,7 milliard d'euros consacrés au bio ; la création de valeur dans toutes les filières. Il n'y a pas de pays fort sans agriculture forte. Cette PAC va nous permettre de consolider la force de notre agriculture.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Depuis plusieurs semaines, le variant Delta de la covid-19 se répand dans le monde. Il est présent dans quatre-vingt-cinq pays, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) le présentant comme le plus contagieux des variants. En Inde, nous en avons été les témoins, il a contribué à une vague de coronavirus parmi les plus violentes que le monde ait connues.
Présent en France depuis plusieurs semaines, il s'est notamment propagé dans le département des Landes. Vous avez vous-même indiqué que ce variant représente désormais 20 % des cas en France et 70 % dans les Landes.
Des pays bien plus avancés que le nôtre en matière de vaccination, tels que la Grande-Bretagne où 66 % des adultes sont complètement vaccinés, ou encore Israël, sont contraints à prendre de nouvelles mesures de précaution. En Grande-Bretagne, ce variant représente 90 % des contaminations ; il a contribué au quadruplement des cas et au doublement des hospitalisations le mois dernier.
Nous nous souvenons des propos rassurants tenus par le Gouvernement lors de l'émergence du variant anglais. Nous savons aussi que des décisions tardives, comme celle de procéder à un troisième confinement, ont eu un coût humain considérable : probablement plus de 14 000 décès.
Nous en sommes donc à 20 %. Qu'en sera-t-il dans une semaine ? Dans deux semaines ? Il semble déjà acquis que le rythme des primo-vaccinations ralentit alors que notre couverture vaccinale est très partielle, très insuffisante, au moment où les scientifiques semblent s'entendre sur la nécessité d'une immunité collective de l'ordre de 80 à 90 % pour vaincre le variant Delta.
Disons-le avec force : c'est le moment le plus dangereux de la pandémie pour celles et ceux qui ne sont pas encore vaccinés. Quelles dispositions entendez-vous prendre pour relancer très fortement et immédiatement la campagne de vaccination, en particulier les primo-vaccinations ? Quelles mesures de précaution devraient être envisagées, si ce n'est prises, afin de ralentir très fortement la propagation de ce variant qui inquiète chacune et chacun d'entre nous ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Cathy Racon-Bouzon et M. Hugues Renson applaudissent également.
Permettez-moi d'abord de rappeler que les Français ont tenu et que leurs efforts ont porté leurs fruits : hier, moins de 1 % des tests PCR étaient positifs et moins de 9 000 personnes étaient hospitalisées pour le covid-19.
Néanmoins, selon un schéma habituel, les virus évoluent, mutent, ce qui nous oblige à nous adapter car la situation du jour ne sera pas forcément celle du lendemain. La progression rapide du variant dit Delta, devenu majoritaire dans quelques pays comme la Grande-Bretagne, doit nous rendre vigilants. Ce variant paraît très contagieux. Nous devons donc anticiper, détecter et endiguer son apparition le plus rapidement possible.
Nous redoublons de vigilance dans le département des Landes où l'alerte est renforcée en raison de la présence du variant Delta, notamment dans l'EHPAD de Pontonx-sur-l'Adour, un lieu particulièrement sensible. Le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé se sont rendus sur place pour annoncer des moyens de lutte. Il nous faut réagir sans attendre, ce que nous faisons en mobilisant tous les outils à notre disposition.
Le taux d'incidence a déjà baissé de 10 %. C'est le fruit d'une stratégie : tester alerter, protéger et vacciner au maximum. À cet égard, nous avons doublé les doses qui arrivent dans votre département ; la Croix-Rouge et la protection civile interviennent désormais dans dix-huit communes au lieu de neuf précédemment.
À l'approche de l'été, nous intensifions cette stratégie. Pour sortir durablement de cette crise et faire face au variant Delta, il faut poursuivre et amplifier la campagne de vaccination comme nous le faisons. Répétons-le : tous nos vaccins sont très efficaces contre ce nouveau variant dès lors que la couverture est complète. Nous devons donc maintenir ce rythme durant tout l'été. Je salue tous les professionnels de santé qui sont mobilisés à cet effet. Vous le constatez, monsieur le député, nous sommes très mobilisés face à cette situation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Merci pour votre réponse, madame la ministre déléguée, mais je tenais à préciser que le nombre de primo-vaccinés chute. C'est là qu'il faut porter notre effort, sachant qu'il ne s'agit pas que de doses de vaccin mais aussi de personnels de santé pour recevoir les gens.
Monsieur le Premier ministre, je m'adresse à vous et vous interpelle en ma qualité de référent de la commission des affaires sociales auprès de l'Établissement français du sang (EFS), au sujet de la situation des stocks de produits sanguins à ce jour. Les stocks sont inférieurs au niveau qu'ils atteignaient les années précédentes à la même époque, au point que la France avance vers une catastrophe sanitaire au cours de la période estivale. Je souhaite donc appeler l'attention de tout un chacun sur cette question.
Le robuste et éthique modèle français, dont sommes tous garants, donne satisfaction : il a toujours assuré une autosuffisance et a répondu à tous les besoins. Cependant, la crise épidémique n'est pas terminée et les donneurs ne sont pas tous de retour. En dépit de la mobilisation des équipes nationales et régionales de l'EFS et du dévouement remarquable et fidèle des bénévoles des amicales de donneurs de sang, les collectes sont en difficulté.
Des centres ne peuvent pas prélever, notamment faute de personnels et de médecins disponibles. Surtout, les demandes de produits sanguins sont très élevées depuis plusieurs semaines, ce qui est probablement lié à une reprise des interventions chirurgicales, jusqu'alors déprogrammées, dans les centres hospitaliers. Les besoins en sang augmentent à un moment où les stocks sont au plus bas et les dons en baisse. C'est l'alerte rouge.
En cette situation inédite à ce jour, il faut soutenir les professionnels de l'EFS et les bénévoles des amicales, sauver notre modèle. Alors que le très faible niveau des stocks risque d'avoir des répercussions en termes de santé publique, que compte faire le Gouvernement pour inciter au don du sang, pour le favoriser et le faciliter ? Quels moyens supplémentaires allez-vous consacrer à la garantie de notre modèle de collecte et de délivrance de produits sanguins, alors que nous n'avons jamais connu une telle situation à la fin d'un mois de juin ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je connais, monsieur Viry, votre implication auprès de l'EFS. Ce matin, le stock était de 88 000 concentrés de globules rouges, avec un fort déséquilibre concernant certains rhésus comme les groupes sanguins A et O.
Ce niveau est particulièrement alarmant. Nous comptons sur vous tous, en tant que représentants de la société civile dans vos territoires, pour être les relais d'un appel au don lancé dans toute la France.
Le contexte sanitaire a eu un impact majeur sur la collecte de sang, vous l'avez rappelé. Lors du premier confinement, les donneurs se sont mobilisés, ce qui a permis de répondre aux besoins des patients. Tout au long de cette crise, l'EFS a pleinement rempli ses missions en matière de collecte des dons et de fourniture des produits sanguins, mais, depuis mai dernier, la collecte de sang rencontre plusieurs difficultés nouvelles. Ce mois est traditionnellement une période sensible en raison des week-ends fériés prolongés, et cette année, vous avez raison, les donneurs se sont moins mobilisés à la fin des mesures de freinage, alors que l'activité hospitalière et les besoins n'ont pas fléchi.
Par ailleurs, alors que se propage une idée fausse, je me permets de profiter de votre question pour la battre en brèche et affirmer que la vaccination contre la covid n'est pas une contre-indication au don du sang. Le Haut Conseil de la santé publique l'a rappelé dans son avis du 2 février 2021. Le même ressort altruiste et la même attention à la santé publique motivent le don et le recours à la vaccination.
Comme vous l'imaginez, nous suivons le niveau des stocks avec une grande attention. L'EFS réalise pour sa part une campagne média intense : l'opération #Prenez le relais, qui se déroule du 9 juin au 9 juillet. L'établissement a par ailleurs renforcé les actions de relances téléphoniques et de tractage auprès des donneurs connus. Il a organisé la prise de rendez-vous en ligne pour le don de sang afin de faciliter la mobilisation des donneurs et l'organisation du déroulement des collectes. Chacun peut aussi aider en faisant appel à son entourage.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et LR.
Avant qu'elle ne pose sa question, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Mme Catherine Daufès-Roux, devenue députée de la cinquième circonscription du Gard, le 27 juin, en remplacement de M. Olivier Gaillard.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Monsieur le ministre de l'agriculture, jeudi dernier, l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, la proposition de loi Besson-Moreau visant à protéger la rémunération des agriculteurs.
Concrètement, ce texte entend généraliser la construction des prix en marche avant, en faisant des contrats pluriannuels la règle et non plus l'exception, en excluant la part agricole des négociations commerciales, et en fondant les mécanismes de révision des prix sur les coûts de production.
Prenant acte du rapport de force déséquilibré entre distributeurs, industriels et agriculteurs, les députés ont souhaité – et ils ont eu raison – introduire de la contrainte dans la loi afin de réellement protéger les agriculteurs face à la prédation de quelques grandes enseignes.
Ainsi, un amendement a réintroduit dans la loi le principe de la non-discrimination tarifaire, et un autre a imposé un engagement de volume dans le cadre des contrats de MDD – marques de distributeurs.
Enfin nous avons imposé le principe de l'identification ligne à ligne de chaque service facturé par le distributeur.
Ce texte vient compléter les différents dispositifs de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM, qui était elle-même le fruit d'un important travail mené par notre collègue Stéphane Travert. Malheureusement, certains acteurs économiques de la filière agroalimentaire ont cherché à contourner les mécanismes instaurés grâce à la loi EGALIM, nous obligeant à revenir à la charge.
La proposition de loi Besson-Moreau, adoptée à l'unanimité, a fait l'objet d'un débat constructif. J'en profite pour saluer le travail de ma collègue Sophie Beaudouin-Hubiere qui a œuvré pour maintenir un esprit de concorde pourtant rare sur les bancs de cet hémicycle.
Monsieur le ministre, alors que cette proposition de loi très attendue sur le terrain commence à peine sa navette parlementaire, nous aimerions avoir quelques précisions en matière de calendrier. Quand cette proposition de loi sera-t-elle inscrite à l'ordre du jour du Sénat ? Au-delà de la navette parlementaire, de quel suivi fera-t-elle l'objet de la part du Gouvernement et des services de l'État afin que les dispositifs qu'elle comporte soient respectés par tous les acteurs de la filière, et qu'au bout du compte nos agriculteurs voient réellement leurs revenus augmenter ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Permettez-moi, madame Daufès-Roux, de vous souhaiter à mon tour, au nom du Gouvernement, la bienvenue dans l'hémicycle.
La proposition de loi Besson-Moreau, dite EGALIM 2, est un très bon texte. C'est d'abord un texte ambitieux qui vise à mettre fin au jeu de dupes du ménage à trois que forment l'agriculteur, l'industriel et la grande distribution, car, dans ce ménage, à la fin des fins, c'est toujours sur le dos de l'agriculteur que se fait la répartition des marges.
C'est ensuite, j'y insiste, un texte audacieux. Pour la première fois, nous revenons sur la loi 4 août 2008 de modernisation de l'économie, dite LME, qui avait instauré une profonde dérégulation des règles commerciales tout au long de la chaîne de négociation.
C'est enfin un texte extrêmement concret : on y parle non-discrimination des tarifs, non-négociabilité du prix agricole, indexation automatique, contractualisation, pluriannualité, transparence, origine.
Ambitieux, audacieux, concret : tel est le texte défendu par Grégory Besson-Moreau. Je suis sûr qu'il fera date, tout d'abord parce qu'il finalise le travail commencé par mon prédécesseur, Stéphane Travert, avec Jean-Baptiste Moreau. Je pense à la loi EGALIM : ce texte va au bout de cette loi. Il fera date ensuite grâce à la méthode retenue : le texte a été adopté à l'unanimité à la suite de l'excellent travail du rapporteur Grégory Besson-Moreau, du président de la commission de suivi, Thierry Benoit, et de nombreux parlementaires – je veux moi aussi souligner la qualité du travail de Sophie Beaudouin-Hubiere. Je pense également aux députés des autres groupes que ceux de La République en marche puisque la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité.
Il ne s'agit pas d'un texte agricole mais d'un texte de souveraineté. Il n'y aura pas d'agriculture sans agriculteurs ; il n'y a pas d'agriculteurs sans bonnes rémunérations : c'est précisément ce que permettra ce texte.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le ministre de l'intérieur, les élections départementales et régionales ont été caractérisées par de grands dysfonctionnements dans la distribution des enveloppes contenant les professions de foi et bulletins de vote des candidates et des candidats.
Le second tour qui s'est tenu dimanche dernier n'a fait que confirmer ces manquements qui posent un réel problème d'équité.
De nombreuses remontées de ces dysfonctionnements vous ont été transmises par l'intermédiaire du comité de suivi des élections, dont mon groupe, Libertés et territoires, avait obtenu la création. C'est ainsi que la propagande destinée à un canton de la Marne où notre collègue Charles de Courson a été brillamment réélu s'est retrouvée dans la boîte aux lettres du président Bertrand Pancher, qui réside dans la Meuse. Vous reconnaîtrez que c'est assez cocasse ! Que dire des bulletins retrouvés dans les poubelles ou dans les bois, par exemple dans le département de la Côte-d'Or ?
Dans certaines zones rurales, près de 60 % de ces documents n'ont pas été distribués.
Disons-le également : cela ne doit en rien masquer la lourde défaite que votre majorité a subie dans les urnes – votre score de 7 % constitue un record.
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.
Les syndicats d'Adrexo dénoncent des pratiques managériales déplorables, fondées sur la précarité des salariés, en particulier sur le recours à des sans-papiers qui mériteraient d'être soutenus et régularisés. Nul ne peut croire que cette société a accepté une activité surdimensionnée par rapport à sa capacité dans une sorte de cavalerie dont elle est coutumière. Monsieur le ministre, comment a-t-on pu attribuer un marché public à Adrexo alors que, de longue date, l'insuffisance caractérisée de son service est connue de tous ?
Monsieur le ministre, quelles sanctions comptez-vous prendre contre cette société aux pratiques opaques ayant échappé de peu au redressement judiciaire avec le suivi bienveillant de Bercy ? Monsieur le ministre, ne faut-il pas se poser des questions sur le dysfonctionnement d'une administration dont vous avez la responsabilité ?
Monsieur le ministre, quand ferez-vous confiance non pas à l'ultralibéralisme, mais bien au service public et, en premier lieu, à La Poste, pour redonner espoir aux Français et à la démocratie ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LT et FI ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et GDR.
Vous me demandez comment on en est arrivé à confier à la société Adrexo la distribution de la propagande électorale pour la moitié de la France.
Je répète tout d'abord que nous avons connu des dysfonctionnements graves et inacceptables ; il n'y a pas de doute sur ce point. Cependant, tout en reprochant ces dysfonctionnements graves à la société Adrexo – je l'ai convoquée moi-même à plusieurs reprises à mon ministère pour demander qu'il y soit mis fin, vous avez eu raison de le répéter –, je veux rappeler qu'il y a, derrière cette entreprise, des centaines de salariés qui se posent des questions sur leur avenir. Les difficultés financières qu'elle rencontre sont connues, mais je ne voudrais pas jeter le bébé avec l'eau du bain : je souhaite entendre aussi les arguments de ses responsables, même si, bien sûr, le ministère de l'intérieur s'intéressera avec acuité et responsabilité à la poursuite de ce marché.
Pourquoi ce marché, demandez-vous ? En 1997 puis en 2002, deux directives européennes ont libéralisé l'envoi postal, dont celui de la propagande électorale.
En 2005, une loi votée par le Parlement a inscrit la propagande électorale dans la « privatisation » – je mets des guillemets à ce mot. En 2010, un premier appel d'offres a été lancé, et seule La Poste était validée par l'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse. Depuis plusieurs années, alors que l'appel d'offres a été relancé, l'ARCEP a validé uniquement deux sociétés : La Poste et Adrexo.
Ce n'est pas un choix du ministère de l'intérieur, mais une décision d'une autorité administrative indépendante – nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler dans le cadre de la commission d'enquête parlementaire.
Le ministre de l'intérieur est obligé de rendre des lots concurrentiels, c'est-à-dire qu'il ne doit pas y avoir de monopole pour une société. Je vous propose donc un problème de mathématiques : comment le ministre de l'intérieur et ses services peuvent-ils permettre que la concurrence s'exerce quand ils ne peuvent faire appel qu'à deux sociétés ? Je vous laisse répondre.
J'ai suggéré au Premier ministre de proposer au Parlement de réinternaliser, en dépit de la directive européenne, l'intégralité des opérations électorales,…
…la mise sous pli comme la distribution.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je crois que nous aurions tous intérêt, à la suite des conclusions du Parlement, que cela s'applique assez rapidement, et même dès la prochaine élection présidentielle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, nous sommes devenus il y a deux ans le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers grâce à nos politiques économiques et fiscales. Depuis hier, la France accueille le sommet Choose France. Cela fait maintenant quatre ans que le Président de la République a voulu cet événement international d'envergure pour promouvoir la France comme première terre d'accueil européenne des entreprises du monde entier.
Choose France sera suivi vendredi de l'inauguration par le Président de la République de la Grande Exposition du Fabriqué en France, vitrine de nos produits et de l'excellence française.
J'ai eu l'honneur, à vos côtés et aux côtés d'Agnès Pannier-Runacher, la ministre déléguée chargée de l'industrie, d'être l'un des membres du jury chargé de faire un choix cornélien et de sélectionner 126 produits parmi ceux de 2 325 entreprises candidates. Gastronomie, artisanat d'art, industrie, haute technologie, innovation ou tradition : notre pays foisonne de savoir-faire dont nous pouvons être fiers.
Cette diversité est l'expression d'une richesse à la fois technique et humaine puisque le travail de 33 000 salariés français sera mis à l'honneur tout au long du week-end dans les jardins de l'Élysée. C'est la reconnaissance de leur talent et aussi la démonstration que l'on peut créer des emplois en France dans tous les secteurs que ce soit à Aix-en-Provence, comme Aramine ou Rose et Marius, à Rouen ou à Lavaur. Les Français partagent cette fierté : 59 % d'entre eux se déclarent aujourd'hui prêts à payer plus cher un produit français.
Le Fabriqué en France est un gage de qualité, d'emploi local et de faible bilan carbone ; c'est un choix de consommation éthique. Pour le valoriser, il faut le protéger. Or ce label de qualité fait l'objet d'usages frauduleux et d'usurpation. La DGCCRF – direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – est en première ligne pour protéger nos savoir-faire.
Monsieur le ministre délégué, afin de promouvoir et de protéger les productions françaises, pouvez-vous nous présenter les mesures que le Gouvernement entend prendre…
…pour améliorer la valorisation de nos productions et lutter contre l'utilisation frauduleuse du label Fabriqué en France ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Soutenir le fabriqué en France, c'est assurer la pérennité de nos savoir-faire d'excellence, notamment ceux des artisans, des meilleurs ouvriers de France (MOF) ou des entreprises du patrimoine vivant. C'est également assurer la vitalité de nos territoires et renforcer notre souveraineté économique. Fabriquer en France, c'est assurer le rayonnement de la France à l'international, rayonnement dont il était question hier au sommet Choose France. Aujourd'hui, le fabriqué en France répond à une demande des consommateurs. C'est une tendance durable qui répond à plusieurs attentes : le souhait d'une consommation responsable, avec plus de transparence sur les conditions de fabrication, et le souhait d'une consommation plus protectrice de l'environnement privilégiant une production locale et de qualité.
La Grande Exposition du Fabriqué en France, qui se tiendra au palais de l'Élysée le week-end prochain à l'initiative du Président de la République, mettra à l'honneur 126 produits de nos territoires. Le jury que nous avons présidé avec Agnès Pannier-Runacher, auquel vous avez bien voulu participer, madame la députée, a été impressionné par la diversité et le savoir-faire de plus de 2 300 entrepreneurs qui ont présenté leur candidature, qu'il s'agisse d'entreprises de haute technologie, de l'agroalimentaire, des cosmétiques, de l'ameublement, de l'habillement, des entreprises industrielles, artisanales, des start-up et des ETI – entreprises de taille intermédiaire. Cette diversité montre que le fabriqué en France n'est pas assigné à certains secteurs et qu'il est l'affaire de tous.
Ainsi, pour relocaliser et recréer des forces de production sur notre territoire, le plan de relance constitue un outil majeur. Sur les 126 entreprises sélectionnées pour la Grande Exposition, 35 ont bénéficié du plan de relance, pour plus de 134 millions d'euros d'investissement.
Enfin, pour donner confiance aux Français dans le label Fabriqué en France, j'ai demandé à la DGCCRF de lutter contre les tromperies aux faux labels, y compris, le cas échéant, par des poursuites pénales.
Les agents ont par exemple mis à jour un cas dans lequel plusieurs millions de masques importés étaient faussement estampillés de ce label.
Monsieur le Premier ministre, la déroute électorale de votre majorité, dans des proportions inédites pour un pouvoir en place, est le témoignage de votre profonde déconnexion des territoires et de leurs aspirations, que vous ne comprenez tout simplement pas.
Depuis quatre ans maintenant, vous multipliez les grands discours. Vous promettiez aux élus une loi ambitieuse pour tout changer, tout remettre à plat, tout régler ! Tout dysfonctionnement local devait trouver sa solution dans ce texte. Mais, en réalité, à part le nom de votre projet de loi, successivement intitulé 3D – décentralisation, différenciation et déconcentration –, 4D – déconcentration, décentralisation, différenciation et décomplexification –, puis maintenant 3DS – déconcentration, décentralisation, différenciation et simplification –,…
…rien ne change ! Vous restez emprisonnés dans votre conception étriquée de la décentralisation – une vision qui s'inscrit dans la droite ligne de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE), que vous promettiez pourtant de réformer.
Tout cela était prévisible : chaque exercice budgétaire mené ici, à l'Assemblée, a été l'illustration de votre méfiance à l'égard des collectivités territoriales. Depuis quatre ans, vous n'avez cessé de réduire leur autonomie financière et fiscale.
Faux !
Vous avez renforcé leur dépendance à l'État, à contre-courant du mouvement de décentralisation espéré dans tous les territoires. Refusant tout principe de subsidiarité, votre exercice du pouvoir écrase les corps intermédiaires, fragilisant le bon fonctionnement de notre démocratie. Là aussi se trouve une réponse à la question posée par l'abstention.
Vous avez peur des identités, alors même qu'elles définissent ce que nous sommes, en Alsace, en Bretagne et partout ailleurs. Après quatre longues années, votre pouvoir est recroquevillé sur lui-même et totalement isolé, déconnecté des territoires et des Français. Vous êtes toujours persuadés d'avoir raison seuls, dans vos ministères. Vous dites d'ailleurs ne souhaiter tirer aucun enseignement du scrutin de dimanche dernier. C'est irresponsable !
Allez-vous enfin entendre le cri des territoires, qui réclament davantage de liberté, d'autonomie et d'efficacité dans leur action ?
Méfiance à l'égard des collectivités territoriales, dites-vous ? Ce n'est pas ce que nous font savoir les élus, avec lesquels Jacqueline Gourault et moi-même échangeons directement au quotidien !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Devons-nous à nouveau vous rappeler quelle majorité a décidé de mettre fin à la trajectoire baissière de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ? Je le fais bien volontiers !
Avec la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite loi engagement et proximité, la déclinaison de nos programmes de revitalisation des territoires, l'agenda rural,…
…la loi organique du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations locales, la loi du 2 août 2019 créant la collectivité européenne d'Alsace dont vous êtes élu, monsieur Schellenberger,…
…l'ambition du Gouvernement pour les territoires a été amplement démontrée tout au long de cette législature.
Le projet de loi 3DS, dont l'examen débute cette semaine au Sénat, nous permettra d'aller encore plus loin. Les demandes exprimées par les élus locaux à l'occasion des concertations menées à cette occasion par la ministre Jacqueline Gourault étaient claires : pas de révolution institutionnelle, mais davantage de souplesse et d'adaptation des règles aux réalités des territoires.
Tel est l'objet de la différenciation que nous défendons.
Le texte prévoit plusieurs mesures très concrètes en faveur des élus : l'extension du pouvoir réglementaire local, qui permet d'adapter l'application de la loi au contexte local ; l'organisation des délégations de compétences pour la réalisation de projets précis portés localement par plusieurs collectivités ;…
…la décentralisation de routes nationales, à la carte pour les départements et les métropoles volontaires et dans un cadre expérimental pour les régions ; la meilleure prise en considération des situations locales dans l'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Par ailleurs, plusieurs mesures concrètes sont rendues encore plus nécessaires par le contexte actuel. Je pense notamment à la revivification de la vie politique locale grâce à l'abaissement du seuil de référendum local ou à la possibilité d'expérimenter des dispositifs démocratiques.
Vous le voyez : le Gouvernement n'a pas attendu votre injonction à agir pour faire de la décentralisation et de la différenciation ses priorités.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Demain aura lieu la dernière étape du déconfinement. Celle-ci est rendue possible par la baisse continue du taux d'incidence, elle-même permise par la grande capacité de résilience de nos concitoyens. Il faut le saluer. Néanmoins, l'arrivée du variant Delta doit nous alerter sur la nécessité de continuer à respecter les gestes barrières et à accroître notre capacité à tester, tracer et isoler. Ce variant est bien plus contagieux que la souche originelle du virus, puisqu'une personne infectée en contamine six autres en moyenne. La capacité à isoler, mais aussi à accompagner l'isolement et à le faire respecter est donc absolument essentielle.
Par ailleurs, nous le savons tous, le vaccin représente la seule voie vers la sortie de crise. Il faut donc continuer à mettre le paquet sur la vaccination. À ce titre, nous devons bien sûr nous féliciter du fait que 50 % des Français aient déjà reçu une première dose, mais aussi nous inquiéter de la baisse, observée ces derniers jours, du nombre de primo-vaccinations. Nous devons aussi anticiper les départs en vacances, qui pourraient conduire certaines personnes à oublier de recevoir leur deuxième injection, en rappelant que celle-ci est absolument nécessaire.
Enfin, la question de l'obligation vaccinale pour les personnels soignants se pose. Ce qui s'est passé dans un EHPAD des Landes doit nous rappeler que seuls 50 % des personnels en EHPAD et 70 % des personnels hospitaliers sont vaccinés. « Il est indispensable et éthique de se faire vacciner lorsqu'on est soignant en EHPAD », disait pourtant Olivier Véran.
Il est urgent d'agir. Sur les six soignants ayant contaminé les résidents d'un EHPAD dans les Landes, cinq n'étaient pas vaccinés. Comment accélérer le processus de vaccination obligatoire des personnels soignants ? Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe Dem.
Permettez-moi d'abord, madame la députée, de vous féliciter pour votre élection au scrutin départemental.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je remercie par ailleurs les milliers de personnes qui se mobilisent actuellement dans le cadre de la campagne vaccinale. Nous maintenons un rythme très soutenu : plus de 550 000 vaccinations ont été réalisées hier, près de 33 millions de Français – soit un Français sur deux – ont reçu au moins une dose de vaccin et près de 21 millions d'entre eux ont suivi un schéma vaccinal complet.
Comment comprendre, dans ce contexte, que certains soignants soient réticents à se faire vacciner, alors même qu'ils sont en lien avec des personnes particulièrement sensibles au virus ? Comment comprendre cette résistance, alors qu'en ne se faisant pas vacciner, ils prennent un risque pour eux-mêmes mais aussi, potentiellement, pour leurs proches et parfois pour leurs patients ? Comment comprendre que la couverture vaccinale chez certains soignants, notamment en EHPAD, soit plus faible que dans la population générale ?
Attention : nous ne stigmatisons personne, car il existe de très grandes différences entre établissements. Certains affichent un fort taux de vaccination, et je les en félicite. Pour les autres, la situation actuelle ne peut que nous interpeller.
C'est pourquoi le ministre des solidarités et de la santé et moi-même appelons solennellement les soignants et ceux qui travaillent quotidiennement auprès de personnes vulnérables à se faire vacciner.
Mme Caroline Fiat s'exclame.
Nous avons transmis ce jour un courrier à tous les directeurs d'EHPAD, en leur délivrant un message fort : si la couverture vaccinale des soignants ne s'améliore pas significativement d'ici à septembre, nous serons amenés à rendre la vaccination obligatoire.
La vaccination obligatoire n'est pas un tabou. Elle existe déjà pour l'hépatite B.
Pour faire augmenter le taux de vaccination, il ne suffit pas d'utiliser l'injonction. C'est pourquoi nous outillons concrètement les établissements et simplifions les démarches. À l'heure actuelle, la menace majeure, c'est la covid-19. Se faire vacciner est donc, pour les soignants, un impératif moral, qui pourrait prochainement devenir un impératif tout court.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Lutte contre la covid-19
Alors que la France reprend goût à la vie, le variant Delta s'invite à la table du déconfinement et inquiète aussi bien les professionnels de santé que nos concitoyens. La situation du Royaume-Uni, fortement touché par cette souche mutante, est d'ailleurs particulièrement grave et illustre ce qui pourrait se passer en France d'ici à quelques semaines. Israël n'est pas non plus épargné, comme en témoigne la reprise épidémique observée sur place.
Pourtant, ces deux pays ont massivement vacciné leur population : c'est dire la dangerosité de ce virus. En France, où la proportion de personnes vaccinées est moindre, le variant Delta représente déjà 20 % des nouvelles contaminations. C'est pourquoi les voyageurs en provenance de pays à risque doivent présenter un test négatif et s'isoler pendant dix jours. Si, au Royaume-Uni, le respect de l'isolement peut faire l'objet de contrôle jusqu'à deux fois par jour – le matin et l'après-midi –, c'est loin d'être le cas en France. J'y vois là un premier motif d'inquiétude.
Par ailleurs, l'accroissement du flux de touristes venant en France pour l'été compliquera encore les contrôles. C'est une deuxième source d'inquiétude.
La période d'isolement, vous le savez, est vitale pour stopper la propagation du virus. Aussi, alors que les représentants des forces de l'ordre reconnaissent que le contrôle du respect de l'isolement ne fait pas partie de leurs missions prioritaires, allez-vous enfin renforcer cette action ? Quelles mesures supplémentaires comptez-vous prendre pour éviter un rebond des contagions, au vu des failles apparentes du dispositif actuel de suivi des personnes mises à l'isolement ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
La situation sanitaire actuelle, vous l'avez rappelé, demeure contenue : moins de 1 % des tests effectués sont positifs et le taux d'incidence est inférieur à 20 cas pour 100 000 habitants. Toutefois, l'émergence de variants nous appelle collectivement à la vigilance – vous en êtes convaincue. Face à cela, la couverture vaccinale complète demeure le meilleur outil.
Néanmoins, pour prévenir et isoler au besoin, il faut tester, alerter et protéger. Force est de constater que notre système de tests, qui permet d'effectuer chaque semaine plus de 1,8 million de tests gratuits, partout sur le territoire, est un des plus performants d'Europe, avec celui du Danemark. Nous employons en outre la technique du criblage, pour savoir en moins de vingt-quatre heures si une personne est contaminée par un variant, ce qui nous permet d'adapter et de prioriser le tracing.
Les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et les agences régionales de santé (ARS) ont bien résisté aux assauts répétés du virus et à ses mutations. Je les remercie pour leur mobilisation. Je salue également les 10 000 agents mobilisés pour le contact tracing et les 2 000 médiateurs de lutte anti-covid déployés au quotidien sur le terrain. Des référents covid-19 seront par ailleurs mobilisés dans les lieux clefs cet été, notamment pour diffuser des messages de prévention. Face aux variants, nous renforcerons ce dispositif de contact tracing en le déployant dans tous les départements à compter du 1er juillet. Par ailleurs, les cellules territoriales d'appui à l'isolement resteront actives cet été pour proposer solutions d'hébergement, aide matérielle, livraison de repas ou de courses, par exemple et entre autres, à ceux qui doivent s'isoler.
Comme vous le savez – puisque nous avions évoqué cette question en décembre –, il n'est pas possible, dans le cadre juridique existant, d'avoir recours à un isolement contraint, sauf lorsque les personnes entrent sur le territoire français après avoir franchi une frontière.
Dans ces derniers cas, le dispositif existant d'isolement contraint, assorti de contrôles aléatoires, est maintenu pour les personnes en provenance de pays classés en zone rouge.
Merci pour vos explications. Néanmoins, vous n'avez évoqué qu'en fin réponse les personnes en provenance de pays à risque. Vous avez bien parlé de contrôles aléatoires. C'est précisément là mon inquiétude : le caractère aléatoire du contrôle constitue un danger supplémentaire. À l'heure qu'il est, il ne faudrait pas que la France accuse, une fois de plus, un temps de retard, comme cela a été le cas avec les masques et la vaccination.
La politique d'isolement est une priorité. Nous demandons donc qu'elle fasse partie des missions prioritaires des forces de l'ordre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le 4 mai dernier, Chahinez Daoud était assassinée par son mari devant le domicile où elle vivait avec ses enfants. Cet assassinat d'une barbarie inqualifiable nous a toutes et tous bouleversés. Depuis le début de l'année, nous déplorons déjà cinquante-sept féminicides. De nombreuses victimes avaient pourtant porté plainte contre leur agresseur et plusieurs d'entre elles avaient été suivies à la suite des blessures infligées par leur bourreau. Dans de nombreux cas, le calvaire vécu par ces femmes était connu des forces de l'ordre et des services de justice, sans que des mesures suffisantes aient été prises pour les protéger.
Après ces drames, monsieur le garde des sceaux et monsieur le ministre de l'intérieur ont sollicité leurs services d'inspection afin de mettre en lumière les dysfonctionnements du système de protection des femmes victimes de violences conjugales. Ce rapport pointe le manque de communication entre les différents intervenants concernés et avance douze recommandations, dont six ont été retenues. Parmi elles, plusieurs relèvent du pouvoir législatif, comme le renforcement du contrôle de la détention et de l'acquisition des armes pour les conjoints violents, ou encore la création d'un fichier des auteurs de violences conjugales. Je souhaite donc savoir quand le Parlement sera saisi pour légiférer sur ces mesures.
D'autres mesures peuvent être appliquées immédiatement : la mise en circulation de plus de 3 000 téléphones grave danger, le plan de renforcement du recours aux bracelets antirapprochement, la création d'une instance nationale pour connecter les associations de victimes ou encore le renforcement des instances locales de pilotage et de coordination dans la lutte contre les violences conjugales. C'est maintenant, dans l'urgence, que nous devons agir pour que, plus jamais, de tels drames ne se reproduisent dans notre pays.
Pourriez-vous donc nous indiquer le calendrier des mesures et le contenu précis de ces recommandations ? La protection des femmes victimes de violences doit être assurée dans notre République, sinon son principe d'égalité perd tout sens.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI ainsi que parmi les députés non inscrits. –M. Gérard Leseul applaudit également.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.
Je vous remercie pour votre question, qui mentionne des événements absolument tragiques que nous combattons évidemment au quotidien.
Comme vous le savez, le Gouvernement et la majorité, il faut le reconnaître, se sont mobilisés comme jamais sur cette question. En quatre ans, nous avons voté quatre lois…
…visant à protéger les victimes. Nous avons étendu la plage horaire de la plateforme téléphonique 3919 pour que toutes les femmes de notre pays, où qu'elles se trouvent, puissent accéder à une ligne d'écoute et d'accompagnement.
Nous avons créé des centres de prise en charge des auteurs de violences alors que jamais personne auparavant ne s'était intéressé à eux. Or c'est une manière de prévenir la récidive que de traiter également cette question. Nous avons ouvert dix-huit établissements de ce type en 2020 et douze autres seront ouverts cette année, comme je l'ai déjà précisé il y a quelques jours.
En outre, à la suite de la remise du rapport de l'Inspection générale de la justice sur le féminicide survenu à Mérignac, nous avons pris de nouvelles mesures – vous l'avez précisé.
Le nombre de téléphones grave danger passera à 3 000 d'ici au début de l'année 2022. Nous avons également augmenté le nombre de places d'hébergement pour que toutes les femmes souhaitant quitter le foyer où elles sont victimes de violences puissent partir en étant certaines d'avoir un toit au-dessus de leur tête et de celle de leurs enfants. Nous avons créé une instance nationale permettant de travailler plus régulièrement avec les associations sur le terrain et de nous assurer que les mesures prises au niveau national sont bien appliquées dans l'ensemble du pays. Nous avons également renforcé les instances locales de pilotage et de coordination.
Nous voudrions bien sûr aller beaucoup plus vite sur ces questions car chaque féminicide est un féminicide de trop. Soyez cependant assurée que l'ensemble du Gouvernement travaille au quotidien avec la majorité sur la question grave afin d'enrayer ce fléau.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la relance, je veux appeler votre attention sur un phénomène auquel sont confrontées depuis des années les entreprises françaises, en vous donnant un exemple actuel : les enchères de fréquences à La Réunion.
Zeop mobile, entreprise régionale de télécommunications présente sur l'île, a travaillé avec différents acteurs du territoire pour développer les réseaux et lutter contre les déserts numériques. Appréciée de ses clients, l'entreprise permet de rééquilibrer le marché local et de créer des emplois mais ne dispose pas de gros moyens d'investissement au regard de la taille de son marché.
Or elle est actuellement mise en concurrence avec les géants de la téléphonie française et européenne dans le cadre des enchères de fréquences à La Réunion. Incapable de rivaliser du point de vue de la capacité financière, la société Zeop sera privée d'une importante partie de son seul marché, ce qui risque, à terme, de rompre son équilibre économique et de l'affaiblir alors même qu'elle subit déjà un traitement inégalitaire.
En effet, en tant que dernier entrant, l'opérateur n'a pas bénéficié de mesures compensatoires de la part de l'autorité de régulation, et se trouve privée du droit à l'itinérance.
Si le jeu des enchères peut paraître bénéfique – ce qui n'est pas le cas sur ce territoire –, il favorise d'autres entreprises qui, par leur mode de fonctionnement centralisé et optimisé, n'hésitent pas, par exemple, à supprimer, en quatre ans, 186 postes à La Réunion pour les délocaliser à Maurice.
Le rôle de l'État dans notre économie libérale est de protéger le citoyen et les plus petites entreprises contre la dérive que représente ce type de boulimie en jouant son rôle d'arbitre, notamment dans les marchés publics.
Dès lors, pourquoi compromettre l'avenir d'entreprises prometteuses et créatrices d'emplois en les exposant à une concurrence déloyale ? Pourquoi appliquer sur le terrain une mesure qui nuit à l'économie et risque de favoriser l'hégémonie des gros opérateurs ? Zeop et son groupe Océinde représentent plus de 2 000 emplois directs et indirects sur le territoire. Peut-on risquer de voir ces derniers supprimés en mettant en concurrence des entreprises à partir de leur seule capacité financière et non de la qualité de leurs services ? Des solutions légales existent et ont été proposées. Pourquoi ne pas les considérer ? Comptez-vous protéger nos filières et ne pas nous laisser spectateurs de ce libéralisme débridé ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
Je profite de votre question pour rappeler l'importance que le Gouvernement accorde au déploiement des infrastructures numériques sur l'ensemble du territoire national, aussi bien évidemment l'Hexagone que les outre-mer, qu'il s'agisse de la fibre, de la téléphonie mobile ou de la téléphonie plus traditionnelle – le Premier ministre s'est d'ailleurs mobilisé sur cette dernière question récemment.
Il en résulte que la France est le pays d'Europe dans lequel le déploiement de la fibre est le plus important et le plus rapide. Notre pays est en effet à la fois celui qui compte le plus de kilomètres de fibre par habitant et celui qui concentre la moitié de la fibre installée en Europe.
Ce que je viens de dire vaut pour l'Hexagone mais aussi pour La Réunion, qui est aujourd'hui, grâce à la concurrence par les infrastructures, le département le plus fibré de France.
Mme Maud Petit applaudit.
D'ailleurs, l'entreprise Zeop, que vous évoquez et dont j'ai reçu un représentant il y a quelques mois, a su prendre sa place dans le cadre de la politique de concurrence. Cet ancien opérateur de téléphonie fixe est en effet devenu un acteur très important dans le secteur des télécommunications.
D'autre part, le déploiement le plus rapide possible de la 5G dans l'Hexagone constitue un impératif. Vous l'avez dit, nous lancerons dans les prochains jours les enchères de fréquences pour la 5G à La Réunion. Je peux vous assurer que, comme l'ARCEP, nous veillerons soigneusement à ce que la concurrence puisse prévaloir. Celle-ci doit être assurée sur l'ensemble du territoire national et les Réunionnais, comme les habitants de la métropole, doivent pouvoir profiter le plus rapidement possible des infrastructures numériques, indispensables du point de vue de l'égalité territoriale mais aussi du développement économique.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, le 26 novembre dernier, le Premier ministre a annoncé que 2021 serait l'année de la gastronomie.
Entendons-nous bien : la gastronomie est l'art de bien se nourrir. Elle appartient à toutes et à tous. C'est bien elle qui a été distinguée par l'UNESCO – Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture –, laquelle a en effet inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'humanité le repas gastronomique des Français.
Car la gastronomie forme un tout, c'est un écosystème. Elle rassemble les artisans, les métiers de bouche et les arts de la table à travers nos PME, nos commerces et nos restaurateurs. Une mission d'information sur l'organisation et les enjeux de la gastronomie et de ses filières est d'ailleurs en cours. Tous les acteurs nous disent que le moment est venu de se structurer afin de promouvoir une vision audacieuse et engagée.
Partout dans le monde notre gastronomie est reconnue. Nous devons pourtant aussi faire en sorte que chacun se l'approprie au quotidien. C'est une question de convivialité, certes, mais aussi de culture, de santé ou encore d'économie, et elle traverse tous nos territoires, jusqu'à Paris.
En ce moment même et depuis des mois, la team France, qui joue en première ligue, est réunie autour de notre candidat Davy Tissot, pour se préparer au plus grand concours de cuisine international.
La victoire de nos équipes sportives nationales a, nous le savons, de fortes répercussions sur l'intérêt du public, donc sur l'attractivité des clubs de nos territoires.
Monsieur le ministre, nous connaissons bien votre attachement à une alimentation saine, sûre et durable, composée de produits frais et locaux. Nous en parlons dans l'hémicycle depuis 2017. Serez-vous présent avec ceux qui, comme moi, se mobilisent pour cette cause – Guillaume Gomez ou le ministre délégué Alain Griset – pour soutenir notre équipe de France lors de la finale du Bocuse d'or, le 27 septembre prochain, au SIRHA, le Salon international de la restauration, de l'hôtellerie et de l'alimentation, notre Stade de France de la gastronomie ?
D'autre part, quels seront les contours et les temps forts de cette année de la gastronomie ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Et de la gastronomie !
Sourires.
Je vous répondrai d'abord par une question : que serait la France sans la gastronomie ?
Notre ambition est de mettre en place avec tous les acteurs concernés cette année de la gastronomie. C'est aussi ce qui explique la constitution d'une mission sur le sujet, que vous pilotez avec Annaïg Le Meur, ainsi que la nomination par le Président de la République du chef Guillaume Gomez, chargé de préparer l'année de la gastronomie et d'œuvrer à la structuration de la filière, sans oublier l'éducation et la formation, sujet dont nous parlons beaucoup avec Jean-Michel Blanquer.
Mais que fait-on concrètement pour favoriser la gastronomie dans le secteur de l'hôtellerie et du tourisme ?
L'année de la gastronomie sera en effet marquée par des événements importants au cours des prochains mois. Je vous remercie de votre invitation aux Bocuse d'or, où une équipe de France sera en lice. Soyez sûre que le Gouvernement sera à ses côtés afin que cette équipe-là ramène la coupe à la maison, comme on dit.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures vingt.
L'ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif à la bioéthique (n° 4281).
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
Nous ne reconnaissons pas tant un moment d'histoire à la clameur qu'il suscite qu'au regard calme et ému de ceux qui l'observent. La vie politique est faite de moments tantôt difficiles, tantôt heureux ; de moments parfois inattendus et parfois animés. Et après quelque quatre cent soixante-huit heures de débats, nous pouvons dire que l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique nous les aura tous fait vivre.
Je ne puis cacher mon émotion, en tant que secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, de me tenir devant vous pour prononcer ces quelques mots et pour saluer le travail accompli. Il s'agit d'un travail collectif, réalisé par l'ensemble des membres de cette assemblée : à la fois par les rapporteurs et les membres de la majorité et de l'opposition. Il est le fruit de l'engagement du Président de la République et constitue notre réponse à l'ensemble des femmes qui souhaitent conjuguer le mot « famille » d'une nouvelle manière.
Avec Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, dont je vous prie d'excuser l'absence, avec le Président de la République, le garde des sceaux et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, nous avons recherché, avec force et détermination, l'équilibre entre ce qui est possible et ce qui est souhaitable. Cette très belle réforme, qui s'est engagée en janvier 2018 avec la tenue des états généraux de la bioéthique, arrive enfin à son vote définitif. Nous pouvons nous en réjouir et être fiers du résultat.
Vous avez amélioré le texte et l'avez enrichi. Vous vous êtes investis et avez été présents durant de longues nuits pour ouvrir de nouveaux droits et construire une réforme en accord avec nos principes fondamentaux. Nous avons tous en mémoire les échanges de grande qualité, les interrogations sincères et les doutes qui ont traversé la représentation nationale, tout comme les convictions qui se sont progressivement forgées. Chacun a pu exprimer ses positions au-delà des clivages traditionnels, et nous avons pu partager de très grands, de très beaux moments de démocratie.
Dorénavant, les couples de femmes et les femmes non mariées pourront, sans discrimination quant à leur orientation sexuelle ou à leur statut matrimonial, engager un parcours d'assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur, afin de construire un projet parental. La filiation des enfants ainsi conçus sera sécurisée par un dispositif original, inscrit dans le code civil et fruit du travail conjoint de votre assemblée et du Gouvernement.
Ces mesures emblématiques sont l'aboutissement d'un projet de reconnaissance de toutes les familles, dont les premiers jalons ont été posés en 2013 avec l'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. La loi vient répondre aux attentes trop longtemps ignorées des enfants nés d'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, en leur permettant désormais d'accéder, à leur majorité et s'ils le souhaitent, aux données non identifiantes et à l'identité de leur tiers donneur.
Un registre national des donneurs garantira l'effectivité de ce nouveau droit, et les personnes dont le don est antérieur à ces dispositions pourront y figurer, sur simple manifestation de leur part. Cela permettra ainsi aux enfants nés de leur don de bénéficier de ce droit. De plus, les donneurs qui ne se seraient pas manifestés pourront, si la personne née de leur don en fait la demande, être contactés par la commission d'accès aux données afin de recueillir leur consentement à la communication de leur identité.
Cette loi constitue également une avancée majeure en ce qu'elle facilite l'accès des personnes en situation d'impasse thérapeutique aux greffons, qu'il s'agisse de reins, en amplifiant et en assouplissant le recours au don croisé, ou de cellules souches hématopoïétiques, en étendant le champ des bénéficiaires, et tout en maintenant un cadre très strict de protection des donneurs.
Par ailleurs, le développement de l'intelligence artificielle s'est accéléré au cours des dernières années. Elle est présente dans notre vie quotidienne et participe chaque jour davantage à une prise en charge de qualité de la santé individuelle et collective. Elle peut améliorer l'efficacité et la précocité des diagnostics, mais doit demeurer sous contrôle humain. Nous faisons aujourd'hui le choix d'encadrer le recours à cette technologie, en précisant que la responsabilité revient d'abord au fabricant et au professionnel.
En cours de débat, la loi s'est également enrichie de plusieurs articles qui étaient attendus de nos concitoyens. Le principe de non-discrimination dans la sélection des donneurs de sang – je pense aux hommes ayant eu des relations sexuelles avec d'autres hommes – est notamment réaffirmé, tout en garantissant la protection et la sécurité aussi bien du donneur que du receveur.
Un article portant sur le sujet sensible de la prise en charge des enfants présentant des variations du développement génital a aussi été ajouté. Celui-ci garantit une prise en charge désormais harmonisée de ces enfants sur notre territoire, dans le respect des principes de proportionnalité et de nécessité médicales.
Cette nouvelle loi de bioéthique constitue un texte équilibré, ambitieux et responsable. Tout au long de son examen, vous avez veillé à préserver l'équilibre entre le respect de la dignité de la personne humaine, l'autonomie de chacun et la solidarité de tous.
Ce texte accorde de nouveaux droits et apporte les ajustements rendus nécessaires par les évolutions techniques et sociétales. En effet, accorder de nouveaux droits et de nouvelles protections, c'est la marque d'un progressisme qui a gardé le sens des conquêtes. Nous assurons la sécurité de tous les projets familiaux et la sérénité pour les mener à bien, loin des jugements de valeur et en reconnaissant la famille dans ce qu'elle a de divers, de pluriel et de riche. Nous pouvons en être fiers.
Mme Coralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale, applaudit.
Le projet de loi garantit un équilibre entre l'ouverture des techniques permises par les avancées scientifiques et l'attachement au respect de l'être humain dans leur utilisation. Je pense ici à la rénovation de la définition de la médecine fœtale ou encore au dépistage néonatal.
C'est donc un texte généreux que vous vous apprêtez à voter. Je salue le travail titanesque mené par les rapporteurs et remercie les parlementaires de la majorité pour leur engagement et ceux de l'opposition qui, par-delà leurs sensibilités, ont été pleinement à l'écoute de la société et de ses aspirations. Je vous remercie parce que je sais combien vous avez pris ce projet de loi à cœur, avec exigence et honnêteté, bien loin des dogmatismes et des réflexes partisans.
C'est aussi la beauté de ce texte que de ramener chacun à ses convictions les plus profondes, à ses questionnements irrésolus et, au fond, à sa conception de la vie. Nous avons pris le temps du débat : voici maintenant venu le temps de l'application. Ce vote n'est en réalité qu'une première étape vers plus d'égalité, et le ministre des solidarités et de la santé et moi-même prenons l'engagement solennel que les textes d'application, qui ont été travaillés parallèlement aux avancées des travaux législatifs, soient publiés rapidement après la promulgation de la loi. Notre objectif est que des couples de femmes et des femmes seules puissent s'inscrire dans des parcours de PMA – procréation médicalement assistée – dès la fin de l'été et que de premiers enfants puissent ainsi être conçus à la fin de l'année 2021.
Je suis fier d'avoir participé à ces débats, qui aboutissent à plus d'égalité et qui, ce faisant, font écho à une promesse républicaine fondamentale. Nous avons écouté attentivement les inquiétudes et les protestations et, par cette loi, nous nous sommes efforcés d'y répondre lucidement, franchement, clairement et en responsabilité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
La parole est à Mme Coralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale.
Merci, monsieur le secrétaire d'État, de nous faire l'honneur de représenter l'ensemble des ministères ayant concouru à l'élaboration de ce texte.
Ce qui, entre autres particularités, nous distingue de l'animal est notre capacité à penser ce qui est juste et ce qui est injuste. Cela peut prendre du temps.
Le projet de loi dont nous débattons est un texte de temps long, qui s'inscrit tout à la fois dans plusieurs décennies d'histoire et entérine une inflexion qui marquera des générations entières. Il est d'abord le fruit d'une bataille culturelle, qui prend ses racines dans les années 1970, lorsque les enfants ont enfin eu droit de cité s'agissant des responsabilités liées à leur procréation. Jusqu'alors, seul le mariage garantissait leurs pleins droits. Les âpres débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle ont changé cet état de fait, avant que la loi Veil du 25 juillet 1994, qui a ouvert l'assistance médicale à la procréation, ne reconnaisse que si la filiation biologique était bien la figure première de la filialité, elle ne l'épuisait pas.
Si nous adoptons aujourd'hui ce texte, c'est dans ce mouvement que nous nous inscrirons. Ce mouvement n'est pas celui du technicisme, car ce n'est pas une nouvelle technique de procréation, de greffe ou de génétique que nous autorisons, mais celui du modernisme humaniste.
De quoi parlons-nous ? Nous parlons d'un texte qui place la volonté des hommes plus haut que tout, plus haut que la pesanteur du destin. Nous parlons d'un texte qui, plus haut que tout, donne la priorité à la vie en cours et à la vie à venir.
Voilà pourquoi notre critère n'a jamais été la ressemblance de la procréation avec la nature, mais celui du projet parental, de la volonté et de la responsabilité partagées de constituer un futur foyer. L'accueil de l'enfant, c'est cela qui compte. Le projet plutôt que le donné, l'amour plutôt que le fatum. Et c'est très français, au fond. En effet, il y a dans ce texte quelque chose du combat républicain pour la liberté et pour l'universel qui a soufflé si fort dans cet hémicycle lors de nos longs débats.
Ce texte est aussi un texte de solidarité : solidarité en faveur des malades en attente d'une greffe, car il ouvre la possibilité de dons croisés jusqu'à six paires de donneurs et receveurs ; solidarité dans le don de sang, par la suppression – enfin ! – de la prohibition discriminatoire du don homosexuel ; solidarité encore, en matière de don et d'autoconservation ovocytaire.
C'est un texte de dignité qui, par l'encadrement du don de corps à la recherche et l'enseignement, le développement d'une génétique respectueuse de nos fondamentaux, le respect de l'intime dans les traitements algorithmiques de données massives de santé, le respect de l'intégrité dans les traitements de neuromodulation, le respect de la dignité dans le recours à l'interruption médicale de grossesse (IMG) et par tant d'autres mesures, fait honneur à la République française et à son histoire.
Une attention particulière devra être apportée dans la mise en œuvre de certaines avancées. Il reviendra au Gouvernement de garantir le déploiement rapide des programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC). Il existe une grande incompréhension des sociétés de médecine reproductive et des familles concernant notre prudence à l'égard du diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A). Cette technique, qui permet d'éviter des fausses couches à répétition, nous ne l'avons ni proscrite, ni généralisée. Nous avons opté pour une expérimentation circonscrite aux centres hospitaliers de recherche. Il aura toutefois fallu sept ans au docteur Tal Anahory et à son équipe du centre d'AMP du CHU – centre hospitalier universitaire – de Montpellier, admirables d'engagement envers les femmes et les familles, pour valider le projet. À un tel rythme, aucun autre PHRC ne sera opérationnel avant la prochaine révision des lois de bioéthique. Si le Parlement a accepté ce dispositif de compromis entre ouverture et contrôle de la science, les PHRC ne doivent pas stagner dans les limbes administratifs. Votre volonté politique, monsieur le secrétaire d'État, sera décisive pour que cet engagement soit respecté. Il y va de l'humanisme en médecine reproductive.
Mes chers collègues, mesdames et messieurs, « la conscience morale commence par l'accueil d'autrui », écrivait Emmanuel Lévinas, qui peut être considéré comme l'un des lointains inspirateurs de cette loi. Le groupe La République en marche, qui rétablira le texte adopté en nouvelle lecture par cette assemblée, s'est battu pour tenir la promesse du Président de la République faite à toutes les familles et à toutes les femmes. Nous sommes au rendez-vous de cette loi de liberté, d'égalité, de solidarité et de dignité, de cette loi de modernité humaniste. Cette loi, vous le savez, est plus qu'une loi pour réglementer notre vie et faire société : c'est une chance donnée à la vie, à l'amour et à l'humanité.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem. – M. Pierre-Yves Bournazel applaudit également.
J'ai reçu de Mme Emmanuelle Ménard une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
L'oratrice retire son masque. – Mme Caroline Dubost, rapporteure, proteste.
Ce matin, la conférence des présidents a accepté que les orateurs puissent retirer leur masque à la tribune. Il incombe à chaque président d'en informer les membres de son groupe.
Sourires sur plusieurs bancs.
Visiblement, elle est plus au courant que d'autres députés !
Mme Ménard étant non inscrite, elle a reçu l'information directement car elle lit les comptes rendus de la conférence des présidents, elle !
« Un seul mensonge fait plus de bruit que cent vérités » : cette citation de Georges Bernanos prend tout son sens alors que vous vous apprêtez à voter et à imposer à l'ensemble des Français les nombreuses mesures controversées contenues dans ce projet de loi. Et parce que les lois de bioéthique ne sont pas, ne vous en déplaise, des lois comme les autres, j'ai décidé de déposer pour la troisième fois une motion de rejet pour tenter, jusqu'au bout de cette navette parlementaire, de vous faire entendre raison sur ce texte qui nous positionne au seuil d'un véritable équinoxe moral.
Je sais que le mot « morale » vous déplaît car cette sagesse transmise par des générations vous semble d'un autre temps, d'une autre époque, d'un passé que vous rejetez. Parler d'héritage anthropologique vous révulse : parfois, je me demande si nous parlons du même monde, des mêmes hommes, des mêmes femmes et, surtout, des mêmes enfants. Oui, le bon sens existe ! Oui, un enfant naît d'un homme et d'une femme. Oui, un enfant a besoin, ne vous en déplaise, d'un père et d'une mère. L'un et l'autre sont essentiels pour l'enfant. En être privé est toujours un manque et un drame.
En disant cela, je ne mets évidemment pas en cause l'amour que deux femmes ou deux hommes peuvent porter à l'enfant qu'ils ont choisi d'élever. Pour vous, tout n'est qu'affaire d'égalité, vous n'avez que ce mot à la bouche. L'égalité, oui, mais pas n'importe laquelle : celle entre les enfants ne vous intéresse pas puisque vous créez sciemment une discrimination entre ceux qui auront le droit d'avoir un père et ceux à qui vous allez l'interdire à tout jamais puisque vous les privez même d'une reconnaissance en paternité à leur majorité ; pas d'égalité non plus entre les hommes et les femmes puisque les premiers ne peuvent évidemment pas bénéficier de la PMA.
Mais vous avez réponse à tout et cette réponse a un nom, celui, malgré vos dénégations, de GPA : en effet, la gestation pour autrui sera légalisée demain en France au nom de cette fameuse égalité et quoi que vous en disiez. Vous vous apprêtez d'ailleurs à reconnaître celles qui sont pratiquées à l'étranger au nom – c'est un comble ! – de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui vous importe si peu par ailleurs. On l'aura compris, une seule chose compte à vos yeux, le désir réalisé de l'adulte. Du coup, ce désir – légitime, bien sûr, mais doit-on satisfaire tous les désirs ? – se transforme en un droit où l'enfant est chosifié, fantasmé, implanté et, finalement, payé.
C'est dans cette logique marchande – oui, marchande – que vous inscrivez ce projet de loi puisque les gamètes seront vendus demain à prix d'or pour engendrer quand l'adulte l'aura décidé. L'adulte encore une fois, l'adulte toujours. L'adulte qui crée, même s'il s'en défend, un droit à l'enfant, à sa marchandisation, à sa programmation et à sa sélection. Pourquoi s'en priverait-il d'ailleurs puisque, dans votre monde, les seules limites sont celles de la science ? Un monde qui aura pour éthique la PMA post-mortem ou la PMA pour les transsexuels. Un monde qui ne sourcille déjà plus à l'idée de créer des chimères entre animaux et humains ou des gamètes et des embryons synthétiques. Un monde qui voit l'embryon humain non comme un enfant à naître mais comme une matière première sur laquelle on peut faire des recherches jusqu'à quatorze jours et que l'on peut modifier génétiquement. Un monde glacial qui supprime le délai de réflexion d'une semaine pour une interruption médicale de grossesse au nom – vous ne reculez devant rien ! – de l'émancipation de la femme. Un monde qui s'interroge : est-il éthique d'avorter un enfant jusqu'à la veille de sa naissance lorsque sa mère se trouve dans une situation psychosociale ?
Étrange époque dans laquelle la science sert de caution aux pires égarements. Finalement, vous proposez une société qui a perdu la tête,…
…qui a perdu la raison. Un jour, le père est sacralisé au point que vous allongez le congé paternité à vingt-cinq jours ; le lendemain, vous construisez une femme toute-puissante qui décidera seule, en cas de diagnostic prénatal, si le père a le droit ou non de savoir si son enfant est malade.
Adopter ce projet de loi, c'est nous entraîner – je pèse mes mots – vers un abîme éthique sous le masque du progrès. Mais quel progrès ? Mes chers collègues, j'en appelle une dernière fois à votre conscience : faites tomber ce masque et votez contre ce texte. Demain, il sera trop tard.
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Marc Delatte.
Une première, une deuxième puis une troisième lecture et, aujourd'hui, la lecture définitive du projet de loi relatif à la bioéthique : rarement un texte a fait l'objet de débats aussi riches et aussi passionnés, aussi divers et aussi partagés en amont dans les régions. Les avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) et les auditions de la commission spéciale ont considérablement enrichi le texte.
Il s'agit d'une loi de confiance face à la défiance, la confiance passant par la solidarité et par les principes de justice et d'équité. Les femmes seules et les couples de femmes pourront bâtir leur projet parental et leur projet d'amour dans le respect et la protection des droits de l'enfant à naître. Confiance dans les soignants et la communauté des chercheurs pour faire face aux enjeux liés aux progrès rapides des connaissances.
À l'heure de la pandémie, on découvre un vaccin à ARN – acide ribonucléique – messager ; on vote une loi d'espoir pour tous ceux qui attendent une greffe avec la possibilité de dons croisés ; une loi d'espoir et d'anticipation pour faire progresser nos connaissances et nos possibilités thérapeutiques pour des maladies génétiques et des cancers réputés jusque-là incurables ; une loi d'équilibre entre le bénéfice individuel et l'intérêt collectif nécessitant un cadre législatif dans le respect des principes éthiques et la protection de la dignité humaine ; une loi responsable et humble qui ne prétend pas répondre à toutes les complexités de la vie mais qui n'enferme pas : elle reste à l'écoute des attentes tout en affirmant que tout ce qui est possible n'est pas toujours souhaitable ; une loi pour l'avenir, empreinte d'humanité, avec pour boussole le respect de la dignité.
Aujourd'hui, c'est l'aboutissement d'un cheminement législatif qui se perpétuera demain dans l'accompagnement des progrès de la science et des nouvelles technologies en faveur du bien commun. C'est pourquoi, face aux enjeux et aux défis de ce monde, nous nous opposerons collectivement à cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous avons longuement débattu de ce texte après avoir conduit de nombreuses auditions pour aboutir à la version qu'il nous est proposé d'adopter aujourd'hui. Celle-ci est le fruit d'un compromis : certains auraient voulu aller plus loin, d'autres beaucoup moins loin. Il faut reconnaître que ce texte comporte des avancées. Il n'est pas opportun de semer le trouble et la défiance chez nos concitoyens ; il faut au contraire leur faire connaître les actions que nous entreprenons pour faire avancer la société.
Le groupe Socialistes et apparentés est opposé à la motion de rejet préalable défendue par Mme Ménard, qui reflète une position et une pensée très conservatrices qui visent à empêcher toute avancée sociale en faveur des familles actuelles. Il faut tenir compte des progrès scientifiques accomplis et les encadrer.
Pour ne prendre qu'un exemple, nous soutenons clairement la PMA pour les couples de femmes et les femmes célibataires, à l'instar des modalités de prise en charge prévues pour les couples hétérosexuels.
Continuons à avancer sereinement pour faire progresser les droits de celles et ceux qui ont été discriminés pendant des années en fonction de ce qu'ils sont ou de ceux qu'ils aiment. C'est en effet bien de cela qu'il s'agit. Les rapports humains ont évolué au XXI
Il s'agit de l'un des objectifs de cette loi, voilà pourquoi nous voterons contre cette motion de rejet.
Nous arrivons au terme d'un travail parlementaire qui aura duré près de deux ans. Il n'est pas question de revenir sur le travail de grande ampleur mené par des parlementaires de tous bords au sein de la commission spéciale présidée par Agnès Firmin Le Bodo.
Rejeter ce texte, c'est abandonner notre engagement d'ouvrir la PMA à toutes les femmes. Rejeter ce texte, c'est rejeter des avancées majeures, comme le droit d'accès aux origines pour les enfants nés de PMA avec tiers donneur. Rejeter ce texte, c'est rejeter la possibilité de conserver ses gamètes, la fin des discriminations fondées sur l'orientation sexuelle des donneurs de sang ou l'assouplissement des conditions des dons croisés d'organes et de greffes.
Ces ouvertures de droits nouveaux se font dans le respect de principes éthiques : vous l'aurez compris, le groupe Agir ensemble votera contre cette motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens. – M. François de Rugy applaudit également.
Le président de l'Assemblée nationale lui-même, qui est un proche du Président de la République, n'a pas été réélu conseiller régional, ce week-end. Veuillez m'excuser de le rappeler, mais on se demande parfois quelle légitimité vous avez pour faire passer ce projet de loi relatif à la bioéthique, avec toutes ses conséquences !
Avec de tels résultats électoraux, quelle légitimité avez-vous pour prendre la responsabilité de la venue au monde d'enfants qui n'auront jamais de père à cause de vous ? Oui, ce sera à cause de vous et non grâce à vous – méditez bien la différence.
Vous blessez tous ceux qui sont quelqu'un grâce à leur père, vous qui n'avez que la souffrance à la bouche, comme si vous en aviez le monopole. Vous blessez tous ceux qui regrettent de ne pas avoir eu de père. Vous blessez tous ceux pour qui la dignité de l'homme signifie encore quelque chose. On ne fabrique pas un être humain ; c'est pourtant ce que permettra ce projet de loi.
Désormais, on fabrique un être humain à notre convenance, selon notre désir. Qu'un malade parvienne au pouvoir et le pire sera à nouveau possible, à cause de vous. L'enfant serait un « projet ». Et si le résultat ne vous convient pas, que ferez-vous ? Vous le jetterez ? Prévenez-nous tout de suite. C'est déjà ce qui se passe aux États-Unis, or nous savons parfaitement que nous faisons toujours comme là-bas, mais dix ans après. Oui, on peut craindre le pire, votre seul argument étant que cela se fait ailleurs. Sachez que les territoires ne vous suivent pas. La France n'est pas les États-Unis, la France n'est pas Paris.
Avec les dispositions qui concernent l'auto-conservation des ovocytes, les centres privés lucratifs, l'absence de raison médicale, les bébés médicaments, la filiation et ainsi de suite, la question n'est même plus de savoir quelle planète nous laisserons à nos enfants, mais quels enfants nous laisserons à notre planète. Pour ces raisons, le vote étant personnel, je voterai pour cette motion de rejet.
Applaudissements parmi les députés non inscrits.
Rires sur plusieurs bancs.
Au moins, il faut reconnaître à Mme Ménard de la persévérance dans les idées. Prenons acte d'un désaccord profond : alors qu'elle voit dans la famille un fait biologique, nous, nous y voyons un fait social.
Madame Ménard, vous dites défendre les droits de l'enfant, mais vous proposez seulement de renforcer l'insécurité juridique de nombreuses familles, notamment en refusant la reconnaissance des GPA pratiquées à l'étranger. Et je dis cela alors que vous connaissez notre opposition à la GPA.
Vous démontrez le caractère caricatural de vos idées. Vous conspuez la PMA pour les femmes seules, mais quelle action menez-vous pour toutes les femmes qui élèvent seules des enfants et le font très bien ? Elles démontrent que, quand le père fait défaut, la mère peut le remplacer. Et que signifient aujourd'hui les mots « mère » et « père » ?
Toutes ces réalités, vous les niez et vous vous enfermez dans une vision rétrograde, archaïque, patriarcale de la société. Nous rejetons cette vision et votre motion de rejet.
Madame Ménard, vous avez exprimé vos convictions avec beaucoup de force ; permettez-moi de vous répondre.
Parlons tout d'abord des droits de l'enfant. C'est d'amour, d'éducation, de tendresse et d'accompagnement que l'enfant a besoin pour se construire, tout au long de son enfance, de son adolescence et de sa jeunesse. Cela peut lui être offert par deux femmes ou par une femme et un homme. C'est aussi simple que cela.
Deuxièmement, concernant la GPA, ne faites pas peur à nos concitoyens. Je suis opposée à cette pratique, qui signifie la marchandisation du corps de la femme.
En aucun cas ce projet de loi ne va dans le sens de son autorisation ; je voterais contre, si c'était le cas. Ne brandissez donc pas cette question pour justifier votre motion de rejet.
Selon vous, nous laissons la science imposer ces évolutions. Non ! La science est la science, la recherche est la recherche ; elles doivent être libres. Toutefois, la science, quand elle s'applique à l'être humain, doit aussi être respectueuse de l'humanité, de la dignité de chaque individu. Elle ne doit nous dicter ni la loi, ni les règles de la vie collective. Elle est un outil. À nous, législateur, de faire en sorte que le respect des individus prévale sur elle.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et Agir ens.
La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.
Nous sommes ici à l'issue d'un très long processus parlementaire. Le processus a commencé avec les Français eux-mêmes, lors des états généraux de la bioéthique et de la consultation du pays.
Le Président de la République souhaitait que cet important projet de loi de révision des lois de bioéthique, plutôt que de servir de prétexte pour réveiller de mauvaises consciences, soit l'occasion de se réconcilier autour de droits nouveaux et au travers d'enjeux scientifiques. C'est bien ce que nous avons permis, pendant cent soixante heures d'examen en commission spéciale, cent quarante-huit heures d'examen en séance publique et au travers de l'examen des milliers d'amendements défendus tant en commission spéciale qu'en séance.
Le débat a été fructueux, même si, je pense pouvoir le dire, il s'est malheureusement dégradé au fur et à mesure de nos séances. J'ai en mémoire la première lecture du texte, qui m'a profondément interpellée en tant que parlementaire. Dans cet hémicycle, nous avons montré, comme jamais auparavant sur aucun texte, notre capacité à écouter, à accueillir la parole de l'autre, en considérant que nous ne savons pas tout, qu'il n'y a pas d'un côté le camp du bien et de l'autre le camp du mal, que nous avons tous le droit, en somme, d'exprimer des opinions et des convictions fortes.
Toutefois, il arrive un moment – c'est le cas aujourd'hui – où ces convictions s'affirment au travers d'un vote définitif, qui permettra des avancées selon moi essentielles.
Ces avancées concernent d'abord la recherche. Même si nous en avons moins parlé, elles sont là. En cette année particulière, il importe de commencer par elles, par l'affirmation de notre confiance dans les chercheurs, les scientifiques, dans celles et ceux qui permettent de vivre de nouveau normalement, dans notre pays et à travers le monde. Cette confiance, que nous leur devons, doit aussi se traduire dans notre manière d'envisager la recherche scientifique.
Non, demain, en aucun cas il ne sera possible, dans notre pays, de créer des embryons à des fins de recherche. Ce n'était pas possible hier, ce ne le sera pas plus demain.
Oui, en revanche, nous accordons à nos chercheurs davantage de liberté dans leur travail sur les cellules-souches pluripotentes. Concrètement, nous ne pouvons pas, d'un côté, prévoir davantage de fonds pour la recherche sur les cancers pédiatriques et pour les soins dispensés à nos enfants lors de l'examen des projets de loi de finances et, de l'autre, voter contre des avancées nécessaires de la recherche ! Nous accomplissons un pas essentiel en bornant ce qui doit l'être et en accordant davantage de libertés à ceux qui se conduisent déjà de manière extrêmement responsable.
Pensons aussi au don d'organe. Combien de fois avons-nous été sollicités par des personnes en souffrance, qui en attendent pour leur famille ? Nous avions la responsabilité, le devoir, de faciliter ces dons dans notre pays. À la suite de nombreuses lois, nous consacrons une nouvelle fois cette possibilité aujourd'hui ; c'est l'honneur de notre assemblée.
Je finirai par la PMA, car c'est le sujet qui a suscité la plus forte polarisation. Quand il est question des droits des femmes, certains considèrent toujours que l'on peut attendre, que les femmes peuvent attendre, qu'elles ne sont pas prioritaires ; ils disent qu'en temps de crise, on pourrait à nouveau prendre le temps. Or, ce temps, nous l'avons pris lors de l'examen parlementaire, et des milliers de femmes ne peuvent pas attendre car elles n'auront plus la possibilité, dans quelques mois, dans quelques années, d'accéder à la PMA. Alors non, elles n'ont pas le temps d'attendre et, pour elles, le débat a été suffisamment éclairé, suffisamment long. Il était important qu'enfin, ce nouveau droit soit consacré. C'est un droit qui n'enlève rien à personne.
J'entends, sous les fenêtres de l'Assemblée nationale, ceux qui prétendent défendre les droits des enfants, tout en les instrumentalisant. Ils trouvent pertinent de diffuser les enregistrements de voix d'enfants de 4, 5 ou 6 ans, qui prononcent des paroles qu'ils ne comprennent probablement pas.
Je ne crois pas que la place des enfants soit dans des manifestations, notamment quand elles s'opposent à l'attribution de nouveaux droits ; je ne crois pas que ces enfants aient vraiment pu faire un choix éclairé, libre et responsable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Au contraire, nous, ici, sommes des adultes libres, éclairés et responsables. C'est en cette qualité que nous consacrerons aujourd'hui un droit nouveau. Mme Buffet a dit de manière très claire qu'elle n'aurait pas voté un texte qui ouvrirait la porte à la GPA. Moi non plus.
Ce n'est pas ce que nous faisons ici. Certains veulent le faire croire aux Français pour faire peur, mais ce n'est pas responsable, ce n'est pas raisonnable.
Oui, je suis fière de voter ce texte, fière de le faire dans ces conditions et fière que les femmes accèdent enfin à un droit nouveau, avec la PMA pour toutes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Mmes Marie-George Buffet et Jeanine Dubié applaudissent également.
Au terme de ce débat sur le projet de loi relatif à la bioéthique, je tiens à rappeler une nouvelle fois que, sur le plan éthique, ce texte conduira à franchir de nombreuses lignes rouges, pour aboutir à un moins-disant évident, cela au moins sous trois angles différents et complémentaires.
Ce projet de loi ne remplira pas le rôle de régulation et de garantie de la bioéthique qui lui est assigné. En outre, il est d'inspiration scientiste
Mme Coralie Dubost, rapporteure, rit
car il vise à légaliser quasiment tout ce que permettra la technologie. Enfin, il menace l'espèce humaine, puisque l'animal et l'environnement seront mieux protégés que l'homme.
L'enjeu de la bioéthique est pourtant la protection de l'être humain face aux avancées médicales et scientifiques qui pourraient lui porter atteinte. La France a été pionnière en la matière, puisqu'elle a été le premier pays au monde à ancrer officiellement les principes de bioéthiques, qui fondent la protection de l'homme, dans un corpus de règles. L'apparition des lois de bioéthiques a ainsi été un moment extrêmement fort, qui a permis à la France de s'illustrer. Encadrer les progrès de la science et de la médecine pour en éviter les dérives : tel est normalement l'objectif des lois de bioéthique. Celles-ci visent aussi à trouver un point d'équilibre entre la protection des droits fondamentaux de la personne et l'absence d'entrave aux progrès de la recherche.
Or, avec ce texte, les droits fondamentaux de la personne et la protection de l'être humain régresseront. De révision en révision, le principe de l'ordre public formulé à l'article 16 du code civil, aux termes duquel « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie » perd de sa consistance.
La compétitivité internationale, la sécurité juridique des chercheurs, le besoin de développer les connaissances sont les premiers arguments à avoir été avancés et repris, tandis que la question de la protection de l'être humain est, hélas, devenue de plus en plus secondaire – nous l'avons d'ailleurs vu au cours de ce débat.
Ce projet de loi contribue à ce renversement inédit des priorités, et c'est une rupture très forte par rapport à d'autres textes de bioéthique. L'absence de régulation modifie la nature même de ce texte. Ce projet de loi n'est plus bioéthique, il est, hélas, d'inspiration scientiste. Sans prendre en compte la réalité anthropologique de l'embryon humain, la loi valide toutes les nouveautés de la science. Parce que l'on sait faire, il faut légaliser – c'était l'argument des rapporteurs. Cette priorité donnée à la nouveauté scientifique est prégnante, dans le maintien de l'embryon humain jusqu'à quatorze jours à des fins de recherche, dans la création d'embryons chimériques d'une part, et d'embryons transgéniques d'autre part.
Depuis plusieurs années émergent le souci de la protection animale dans la recherche scientifique et médicale et la prise de conscience de l'urgence de la protection de l'environnement. Tout cela est de plus de plus fort. Ces soucis sont nobles et relèvent de notre responsabilité collective, mais force est de constater que, dans le domaine pharmacologique par exemple, l'animal est désormais mieux protégé que l'embryon humain et les cellules souches embryonnaires humaines. Là encore, cela devrait nous conduire à nous interroger sur ce que doivent être nos lignes rouges en matière d'éthique.
Parmi les déceptions à relever, la majorité porte la responsabilité de n'avoir pas voulu explicitement inscrire certains interdits dans le texte. Nous pouvons d'ailleurs nous interroger sur les raisons de ce refus. Il en va ainsi, par exemple, pour l'interdit de la GPA. Pourquoi ne pas l'avoir explicitement inscrit dans le texte de loi ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
Il en va de même pour l'interdit strict de toute forme d'eugénisme. Ce sont des valeurs humaines fondamentales ! Vous avez pourtant refusé que cela soit inscrit dans le texte de loi. Nous pouvons véritablement nous demander pourquoi.
Mêmes mouvements.
Pour toutes ces raisons, parce que vous défendez – contrairement à ce que vous dites – le moins-disant éthique, la majorité de notre groupe votera contre ce texte, avec lequel vous franchissez allègrement des lignes rouges que jamais, ici, nous n'avions franchies.
Mêmes mouvements.
Je me réjouis à mon tour d'aborder dans notre hémicycle l'ultime étape de l'adoption définitive de la loi de bioéthique, plus de trois années après le lancement des états généraux de la bioéthique par le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE), états généraux auxquels ont participé quelque 30 000 Français, à raison de 65 000 contributions, et dont l'action se devra d'être poursuivie voire amplifiée. Au bout du compte, il aura fallu près de dix ans pour mener à bien la révision de nos lois de bioéthique.
La nouvelle lecture effectuée à l'Assemblée en début de mois a principalement consisté à rétablir les équilibres trouvés au cours des navettes successives. Le texte sur lequel nous devons nous prononcer est parvenu à un équilibre entre les droits qu'il confère, l'encadrement qu'il fixe et les barrières qu'il impose.
Les dispositions relatives à l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, à l'autoconservation des gamètes, au don d'organes, à l'utilisation des informations sur les caractéristiques génétiques ou à l'encadrement des travaux de recherche s'inscrivent dans une évolution juste et proportionnée des pratiques scientifiques de notre temps.
Ce texte comporte des avancées sociétales, certes, mais aussi certaines plus scientifiques. Or beaucoup ont eu tendance à l'oublier au cours des débats en se focalisant sur ses aspects sociétaux. C'est d'ailleurs sur les questions relatives à l'articulation entre nos principes éthiques et les progrès scientifiques que j'ai été particulièrement investi en tant que rapporteur des thèmes s'y rattachant.
Revenons sur la décennie nécessaire à cette révision – une durée si éloignée de la vitesse incroyable des progrès scientifiques et médicaux, qui croît de façon exponentielle année après année. Est-il raisonnable de poursuivre l'adossement de la réflexion sur l'éthique des sciences à celle sur une éthique plus sociétale, dont la temporalité est différente ? Permettez-moi d'en douter, et permettez-moi aussi de regretter que le cœur de la bioéthique, qui est bien l'éthique des sciences de la vie, se soit, comme attendu, retrouvé relégué à une place secondaire. Ceci est d'autant plus paradoxal que cela advient à un moment où la science a repris la place qu'elle n'aurait jamais dû quitter : sa place historique de porteuse de progrès et de soins.
La recherche en santé a en effet retrouvé ses lettres de noblesse, et a été notre sauveur. Il était donc légitime de lui donner des moyens considérables, mais aussi de rénover notre écosystème d'innovation français en santé. Comment ne pas s'interroger, par conséquent, sur la place qui lui a été laissée dans ce débat, mais aussi sur les mises en cause de l'esprit de responsabilité de nos scientifiques – qui laisseront à mon sens des traces au sein de la communauté scientifique ?
Permettez-moi de terminer en insistant sur nos regrets que ce projet de loi s'en tienne à des avancées insuffisantes dans le domaine du diagnostic, laissant notre pays loin derrière d'autres pays comparables. Ouvrir la fécondation in vitro (FIV) est une évolution sociétale. Dont acte. Mais refuser d'accompagner cette technique de la détection d'une éventuelle anomalie du nombre de chromosomes, pourtant présente chez plus de 50 % des embryons – et même 80 % pour ceux issus de mères de plus de 40 ans – est désespérant ! Après avoir été pionniers, nous sommes désormais parmi les derniers au regard de nos taux de succès, contraignant les femmes à multiplier les FIV inutiles, au prix de traumatismes physiques et psychiques totalement inacceptables. Il en va de même pour le diagnostic génétique néonatal. Si des avancées ont été obtenues, il faudra aller rapidement plus loin pour que ce diagnostic puisse accompagner les progrès thérapeutiques sans équivalent qui sont en train de s'accomplir. À quoi sert de posséder le médicament attendu sous forme, par exemple, de thérapie cellulaire, de thérapie génique ou d'immunothérapie, si nous refusons le diagnostic nécessaire, dans les temps requis, pour les enfants concernés ?
Beaucoup ont voulu savamment tout confondre. Combien de fois avons-nous entendu – tout à l'heure, encore – le terme « eugénisme » alors que jamais il n'a été question de tendre vers l'enfant parfait ou vers un enfant sélectionné, mais de faire naître un enfant tout simplement vivant et en bonne santé !
Comme la majorité des groupes qui composent cette assemblée, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés a laissé à chacun de ses membres la possibilité d'exprimer sa position sur ce texte. Chacun des députés démocrates se prononcera donc avec une liberté de vote totale.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Mathilde Panot et M. Loïc Prud'homme applaudissent également
Nous aurions voulu voter une grande loi d'égalité des droits. Nous aurions voulu voter la fin des discriminations inscrites dans la loi à l'encontre des familles homoparentales. Nous aurions voulu nous réjouir que, près de huit ans après la loi autorisant le mariage et l'adoption pour les couples de même sexe, la promesse faite alors soit enfin tenue. Mais le vote d'aujourd'hui est une victoire au goût amer.
Une victoire, oui, parce que la PMA pour toutes les femmes sera enfin possible en France. C'est une grande avancée pour les couples de femmes et les femmes célibataires qui l'ont tant attendue. Une victoire sur ceux qui voudraient imposer un modèle de famille unique, nier toutes les autres et condamner ce faisant les parents et les enfants concernés à une grande précarité, leur faire intérioriser le rejet, la discrimination, la honte. Nous le disons : nous sommes fiers de la diversité des familles !
Mais cette victoire a un goût amer. Amer, à cause de tout ce temps perdu, de toutes ces familles qui ont attendu en vain, de tous ces espoirs déçus, de tous ces enfants si ardemment désirés qui n'ont pu voir le jour. Amer, parce que l'égalité n'est toujours pas acquise. Amer, parce qu'il faudra légiférer encore une fois pour supprimer ces discriminations que le Gouvernement s'est obstiné à inscrire dans la loi. Il vous a fallu un mois en juillet 2017 pour détruire le code du travail, mais quatre ans pour que l'on vote enfin la PMA pour toutes. Comme en 2013, ces débats interminables ont laissé prospérer l'homophobie.
Amer, parce que certaines personnes devront encore et toujours choisir entre un état civil qui respecte leur identité de genre et l'assistance dont bénéficient d'autres couples pour fonder leur famille. Parce que, là encore, le Gouvernement s'est entêté à exclure les personnes transgenres, sur la base du sexe inscrit à l'état civil. En le suivant, le législateur s'est lâchement défaussé sur le juge pour l'établissement de la filiation des personnes transgenres qui ont des enfants. Résultat : la loi est incohérente, et l'établissement de la filiation risque de créer une grande insécurité pour ces familles.
Amer encore, parce que tous ces débats ont masqué les autres enjeux de la loi de bioéthique, pourtant nombreux. La question de la PMA pour toutes n'est pas un sujet de bioéthique, mais un sujet d'égalité. En focalisant les discussions là-dessus, le Gouvernement a délibérément occulté des sujets qui auraient mérité un véritable débat national.
Amer, parce que la loi de bioéthique ne protège pas les enfants intersexes des mutilations que sont les opérations de conformation sexuée non consenties. Au contraire, elle organise un parcours de soins pour des enfants qui ne sont pas malades. Je crains que cela ne soit contre-productif pour les droits des personnes intersexes. Si l'abstention thérapeutique est mentionnée, elle n'est pas érigée en règle de bioéthique, alors que les principes d'autodétermination de la personne et d'intégrité du corps auraient dû être consacrés et garantis par la loi.
Amer enfin, parce que la question du droit à mourir dans la dignité n'a pu être abordée, à la suite du refus catégorique du Gouvernement. Pourtant, un large consensus existe dans la société et dans cette assemblée pour dire que la loi est insuffisante pour permettre une fin de vie digne.
Il y a lieu cependant de se réjouir de certaines avancées permises par la loi – par exemple, la fin des discriminations relatives au don du sang, ou la possibilité pour les mineures d'avorter pour raisons médicales, sans le consentement de leurs parents. Il n'en reste pas moins que l'effectivité du droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est menacée en France, et que rien n'est mis en œuvre pour y remédier.
À force de vouloir faire du « en même temps », le Gouvernement réalise l'exploit de ne satisfaire véritablement personne. D'une part, les opposants à la PMA sont toujours contre le texte : les concessions qui leur ont été faites ne sont pas une preuve de bonne volonté, ou d'équilibre de la loi, mais de faiblesse coupable. Or nous devons assumer une position de principe : la famille est un fait social, bien plus qu'un fait biologique. En conséquence, nous voulons l'égalité des familles, dans leur diversité, pour protéger les droits des enfants et des parents.
D'autre part, celles et ceux qui sont favorables à la PMA pour toutes les personnes en capacité de porter un enfant continuent de protester contre les discriminations qui vont perdurer dans la loi. Il faudra bien les supprimer un jour, puisque nous avons tristement manqué l'occasion de consacrer avec cette loi l'égalité des droits.
Alors que nous achevons aujourd'hui un long travail, permettez-moi de conclure en exprimant la consternation que m'inspire la tentative piteuse du Gouvernement d'instrumentaliser le corps des femmes. Ils veulent pouvoir prétendre, à un an de la fin du mandat d'Emmanuel Macron, que la promesse a été tenue, qu'ils sont bien les progressistes qu'ils prétendaient être. Rien n'est plus faux, et aucune gesticulation ne permettra de faire croire le contraire.
Nous voterons pourtant cette loi…
Ah !
…même si nous savons qu'elle est hypocrite et discriminante. Nous la voterons, parce qu'elle constitue une avancée majeure pour les droits des femmes et pour le droit de chacun à disposer de son corps. Nous la voterons comme une étape, qui en appelle d'autres sur le chemin de l'égalité.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Nous arrivons à l'épilogue d'un processus parlementaire entamé il y a près de deux ans et qui a suscité des débats riches et passionnants, parfois vifs, au cours desquels les sensibilités, les doutes et les convictions de chacun ont pu s'exprimer, se renforcer ou évoluer.
Je tiens d'abord à saluer le travail effectué par les rapporteurs et par notre collègue Agnès Firmin Le Bodo, qui a présidé avec exigence et responsabilité la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi.
La science a longtemps été du côté du progrès humain, force de lutte contre l'obscurantisme, instrument d'émancipation et de vie meilleure. Le XX
Il nous faut désormais opérer une distinction entre progrès technique et progrès humain, le premier ne pouvant en aucun cas attenter au second. C'est alors qu'intervient l'éthique, c'est-à-dire la traduction normative du corpus de valeurs humaines et philosophiques qui structure notre civilisation. Pour ce qui touche au vivant, nous avons créé la notion de « bioéthique » : face aux innovations de la science, elle fixe les limites que nous nous refusons collectivement à franchir. Elle nous permet d'arbitrer entre ce qui est souhaitable pour notre société et ce qui ne l'est pas. Je reprendrais bien volontiers les mots de Jean-François Mattei, pour qui « l'éthique désigne la morale en application face à de nouvelles situations ».
Quand bien même nous traitons de disciplines scientifiques nouvelles et complexes telles que l'intelligence artificielle, les nanotechnologies ou les neurotechnologies, parce que ces révolutions sont capables de changer notre rapport au vivant, il est nécessaire qu'elles n'échappent pas au débat démocratique. C'est le sens des lois de bioéthique.
Il nous incombe, à nous législateurs, la lourde responsabilité de trouver le bon équilibre entre, d'une part, l'ouverture de nouveaux droits et, d'autre part, la garantie que ces évolutions s'exercent dans le respect de nos valeurs intrinsèques. Il nous incombe de nous assurer que c'est l'éthique qui définit les orientations de la science et non l'inverse. Notre tâche consiste à faire en sorte que le progrès humain reste bien humain.
Si les débats qui ont accompagné les précédentes lois de bioéthique ont toujours été passionnés, notre société en est ressortie grandie, et les droits nouveaux qui en ont découlé nous paraissent désormais naturels. Dix ans après l'adoption de la dernière loi de bioéthique, il nous revient d'actualiser le droit existant, en veillant sans cesse à respecter le socle éthique sur lequel se fonde notre législation depuis maintenant un quart de siècle.
Je regrette que la majorité sénatoriale ait adopté une question préalable entraînant le rejet sans débat du projet de loi en nouvelle lecture. Le texte qui revient est donc identique à celui adopté par l'Assemblée il y a quelques semaines. Il reflète les équilibres atteints en deuxième lecture, et j'ai la conviction qu'il constitue un chemin qui fera honneur à la représentation nationale, au-delà des clivages politiques. Je tiens à saluer les avancées sociales majeures que nous nous apprêtons, je l'espère, à voter.
La première d'entre elles est, bien sûr, l'ouverture de la PMA à toutes les femmes. Ce nouveau droit vient mettre fin à une inégalité qui existait jusqu'alors entre couples hétérosexuels et homosexuels, mais aussi entre femmes ayant les moyens de réaliser leur projet familial à l'étranger et celles qui ne le pouvaient pas. La loi apportera désormais une réponse à une réalité sociale que nous ne pouvons plus ignorer. Elle sécurisera les mères qui s'engagent dans un projet d'amour et protégera l'enfant du risque d'être privé de l'un de ses parents en cas de séparation. C'était un engagement du Président de la République ; nous sommes sur le point de le concrétiser.
Pour ces enfants, le projet de loi crée aussi un droit d'accès à leurs origines. Cette possibilité s'inscrit pleinement dans l'esprit de ce texte d'équilibre : nous respectons, d'une part, le principe de liberté, en nous fondant sur l'expression de la volonté de l'enfant de connaître l'identité de son donneur, et, d'autre part, sur le consentement éclairé de ce dernier.
Parmi les autres avancées proposées par ce texte, soulignons aussi la possibilité offerte à chacun de conserver ses gamètes sans raison médicale pour prévenir le risque d'infertilité ; ou encore l'assouplissement des conditions de dons croisés d'organes et de greffes. Je me réjouis enfin de l'adoption par l'Assemblée en nouvelle lecture de l'amendement du Gouvernement mettant fin à toute forme de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle lors du don du sang.
Il y a une liberté de vote et une liberté de conscience dans le groupe Agir ensemble, mais la plupart de ses membres voteront en faveur du texte. Je m'en réjouis profondément, car c'est une avancée majeure. Je suis fier de la majorité présidentielle…
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM
…qui permet d'avancer – c'est un véritable progrès. Je me réjouis également que des élus d'opposition, comme Mme Buffet, se soient clairement exprimés, avec beaucoup de courage et lucidité. Je salue enfin mes collègues Maxime Minot et Marine Brenier, qui ont eu le courage de faire entendre leur voix au sein de leur groupe.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Sur le projet de loi, je suis saisi par les groupes La République en marche, Les Républicains et Agir ensemble d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Valérie Six.
Sur ce type de texte, mes propos ne sauraient refléter l'opinion de l'ensemble des députés du groupe UDI et indépendants. Nous nous retrouvons pour l'ultime lecture du texte, vingt-deux jours seulement après son examen en nouvelle lecture, preuve s'il en fallait que le Gouvernement fait de ce projet de loi sa priorité. La rapidité avec laquelle le texte a transité dans la navette parlementaire résulte de l'adoption d'une question préalable au Sénat. Constatant que le dialogue était impossible et qu'aucune préoccupation majeure des sénateurs n'avait été prise en considération, le Sénat a préféré rejeter purement et simplement le texte. C'est la première fois qu'une loi de bioéthique sera adoptée dans la division, tant entre la majorité et l'opposition qu'entre les deux chambres.
La mesure phare du projet de loi, qui n'en résume cependant pas à elle seule toute la substance, est l'assistance médicale à la procréation. Nous continuons de croire que cette disposition ne devrait pas se trouver dans un projet de loi de bioéthique, mais dans un projet de loi sociétale et politique. L'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, telle que vous la concevez, bouleverse considérablement le droit de la filiation, en fondant sur la simple volonté l'établissement de la filiation pour la mère qui n'accouche pas. Personne ne dit qu'un couple de femmes élèvera moins bien un enfant qu'un couple composé d'un homme et d'une femme. Il apparaît évident que la mère qui n'accouche pas doit être reconnue comme la mère de l'enfant. Là où nous sommes en complet désaccord avec vous, c'est sur la manière dont vous établissez la filiation : l'expression d'une simple volonté ne peut être suffisante pour fonder une filiation. Ce débat juridique sera, à n'en pas douter, tranché par le juge constitutionnel.
Au-delà du bouleversement de la conception de la filiation, l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules crée, sinon une inégalité, à tout le moins une injustice : que vous le vouliez ou non, avec l'ouverture de la PMA aux femmes, vous ne pourrez empêcher demain un couple de pères de revendiquer – et c'est bien légitime – le droit de recourir à la GPA. Vous créez donc encore une fois, que vous le vouliez ou non, un droit à l'enfant : or, pour nous comme pour les sénateurs, il ne peut exister de droit à l'enfant !
Le projet de loi de bioéthique touche également à la vie et à la valeur que nous y attachons collectivement. Nous ne pouvons que nous interroger lorsque vous entendez autoriser l'hybridation de cellules souches humaines avec des cellules souches animales, ou encore la recherche sur des embryons humains surnuméraires. Les embryons surnuméraires, destinés à la destruction puisque n'étant plus rattachés à un projet parental, pourront être l'objet d'expériences. On tente de nous rassurer en nous disant qu'un seul embryon pourrait être utilisé durant plusieurs années grâce à la division cellulaire, mais cela ne fait qu'exacerber nos interrogations et nos inquiétudes. Si, à l'appui de diverses publications scientifiques, vous considérez qu'un embryon peut être réduit à un amas de cellules, à une potentialité, on peut aussi considérer, à l'inverse, au plus intime de soi, qu'il y a déjà de la vie dans un embryon. La destination de l'embryon – un projet parental ou la destruction – n'en altère pas la nature. La valeur qui lui est attachée ne dépend que de notre conscience collective.
Enfin, nous souhaitons connaître les dispositions du présent texte que vous comptez étendre aux collectivités du Pacifique. Malgré des interrogations réitérées à ce sujet, nous n'avons pas encore eu de réponse.
Comme lors des précédentes lectures, le groupe UDI et indépendants considère que, sur ce texte qui touche à l'intime, une stricte liberté de vote doit être observée. Néanmoins et à la lumière des précédents votes, la majorité des députés du groupe compte voter contre.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDI-I et LR.
J'ai eu plusieurs fois l'occasion de dire ici la hâte, voire l'impatience du groupe de la Gauche démocrate et républicaine à voir l'assistance médicale à la procréation ouverte à toutes les femmes. Je le réitère, à l'occasion de ce dernier rendez-vous dans l'hémicycle. Nous sommes très majoritairement convaincus que cette mesure constitue une avancée majeure pour la liberté et pour les droits des femmes, en plus d'être une réponse au vœu largement exprimé par la société. Lorsque naîtront les premiers bébés permis par le projet de loi, je sais qu'ils seront bien accueillis.
Nous savons toutefois que la route sera longue pour que l'ouverture de l'AMP bénéficie véritablement à celles et ceux qui en auront besoin. Cette préoccupation ne nous a jamais quittés pendant les deux années d'examen du texte. C'est pourquoi nous n'avons eu de cesse de faire des propositions pour que l'AMP soit, avant toute chose, un droit social. Cette volonté n'a pas toujours été entendue par la majorité présidentielle qui, je le crois, manque une partie des objectifs assignés à l'ouverture de l'AMP lorsqu'elle refuse de s'engager à mettre les moyens pour assurer l'effectivité de ce droit auprès de toutes nos concitoyennes et de tous nos concitoyens.
Nous l'avons notamment constaté avec l'épineux débat sur la possibilité offerte aux centres privés de recueillir et de conserver des gamètes en l'absence, dans un département, d'un centre public ou privé à but non lucratif. Le marché, c'est un fait, ne doit pas se substituer à la puissance publique, et il revient à cette dernière de corriger les déséquilibres qui existent sur le territoire. C'est l'honneur de notre système social d'accompagner les futurs parents dans leur projet, et ce, quels que soient leurs origines sociales ou leur lieu d'habitation. Quand ces origines sont modestes et quand les déserts médicaux s'agrandissent, nous savons combien cela compte, en premier lieu pour accéder à un gynécologue ou pour faire reconnaître son infertilité.
Le marché ne peut se substituer à la puissance publique, parce que, contrairement à cette dernière, dénuée de but lucratif et soucieuse d'assurer la reconnaissance des droits humains, nous savons pertinemment que les centres privés n'iront que dans les zones où le service public fait défaut, avec l'idée de rentrer dans leurs frais, voire de s'enrichir grâce à cette pratique médicale. C'est là le risque le plus important de marchandisation des corps. Doit-on se résoudre à accepter que l'assistance médicale à la procréation demeure disponible dans peu d'endroits, pour des personnes qui ont été correctement informées et qui, à terme, devront avoir les moyens financiers de le faire ? Non. C'est pour cela que l'État doit pleinement jouer son rôle d'opérateur d'égalité entre chaque citoyenne. C'est à l'État qu'il revient d'investir dans les structures publiques pour que la médecine et la science soient accessibles à l'ensemble de la population. C'est au cœur de la philosophie éthique que nous revendiquons.
Ce souhait n'est d'ailleurs pas l'apanage des seuls députés communistes, il est celui de milliers de praticiens et praticiennes qui nous alertent depuis des années sur le traitement de l'AMP en France et sur ses inconséquences, qui poussent les couples vers la médecine privée, moyennant des sommes d'argent toujours plus importantes. Ces dysfonctionnements ont accentué le développement d'une médecine de classe : chacun sait que les femmes et les hommes les plus pauvres éprouvent beaucoup de peine à bénéficier des mêmes traitements que les plus riches.
Nous restons persuadés qu'à la suite de la terrible crise sanitaire que nous venons de vivre – laquelle nous a rappelé l'importance fondamentale du système hospitalier –, le projet de loi aurait dû être l'occasion de rétablir le service public de la santé dans toutes ses prérogatives, y compris en matière d'assistance médicale à la procréation. Cela n'a pas été, et il faudra se contenter d'une ouverture de droits que nous soutenons évidemment pleinement. Nous souhaitons que les décrets d'application soient signés au plus vite, comme vous vous y êtes engagé, monsieur le secrétaire d'État.
Tout en regrettant qu'il ne soit pas mieux tenu compte des inégalités sociales qui subsistent, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera très majoritairement en faveur du texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes FI et LaREM. – M. Guillaume Chiche applaudit également.
Après trois lectures, des dizaines d'heures de débat et de longs travaux en commission et en séance, nous voici enfin réunis pour la lecture définitive du projet de loi de bioéthique. Je tiens à remercier toutes celles et ceux qui se sont engagés sur ce texte, rapporteurs et présidents de commission, avec qui nous avons pu mener un travail de qualité dans le respect des différentes sensibilités.
Il s'agit d'actualiser notre droit, de l'adapter aux progrès scientifiques, à l'évolution toujours plus rapide des techniques, ainsi qu'aux attentes et aux transformations de la société, tout en respectant nos principes éthiques nationaux.
Le long parcours législatif de ce texte, presque deux ans, pour autoriser une évolution de société que beaucoup de nos concitoyennes et concitoyens attendent, apporte la preuve que nous savons prendre le temps du dialogue et de l'échange, lorsque nous nous en donnons la peine. Nous ne pourrons pas dire – vous ne pouvez pas dire – que le débat n'a pas eu lieu.
J'aimerais remercier tous les députés de mon groupe, tout particulièrement Marie-Noëlle Battistel et Hervé Saulignac, qui ont étudié le texte et préparé son examen dans la durée, pour la première, la deuxième, la troisième lecture ; ils ont proposé des avancées sociales bien encadrées et la fin de discriminations insensées et injustifiées.
J'ai eu l'honneur d'être rapporteur du titre II, relatif au don de sang et d'organes ; j'ai repris le combat engagé par Hervé Saulignac concernant les critères imposés aux personnes homosexuelles pour le don de sang. Il a eu le courage de dire le premier que ces discriminations devaient cesser. Un délai d'abstinence spécifique de quatre mois est encore imposé dans notre pays aux hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes ; s'il y a eu des progrès évidents, nous ne saurions accepter que perdure une telle discrimination, à nos yeux injustifiée. Le Gouvernement a fini par adopter la position défendue par le groupe Socialistes et apparentés ; nous nous en félicitons et serons vigilants quant à la publication des décrets et à la cessation effective de cette discrimination.
Officiellement engagé avec le lancement des états généraux de la bioéthique, le 18 janvier 2018, ce projet de loi prend en considération plusieurs évolutions de la société. C'est bien parce que des avancées majeures ont été défendues dans le passé par des gouvernements de gauche que nous sommes réunis pour sa lecture définitive. Je pense au pacs (pacte civil de solidarité), adopté en 1999 sous le gouvernement Jospin ; je pense évidemment au mariage pour tous, défendu par une très grande garde des sceaux, notre collègue Christiane Taubira, et adopté en 2013.
Ces lois ont donné une reconnaissance juridique et des droits nouveaux à celles et ceux qui n'en avaient pas ; grâce à ces conquêtes successives, nous avons pu, mes chers collègues, débattre de la PMA pour toutes, plus précisément de son extension aux couples de femmes et aux femmes seules. La longueur des débats et l'expression de positions parfois conservatrices, voire réactionnaires, s'agissant d'une évolution de société qu'il faut accompagner et encadrer, révèlent trop souvent qu'il faut mener le combat pour l'égalité et la tolérance dans la durée et que ses victoires ne sont jamais acquises.
Les longues heures de discussion et la stratégie de détricotage de la droite sénatoriale ont aussi montré que ceux qui étaient opposés au mariage pour tous ressortent les mêmes vieux arguments en boucle d'amendements. Or notre société évolue, comme les schémas familiaux et parentaux. Michel Serres demandait : « Comment acquérir enfin tolérance et non-violence, sinon en se plaçant du point de vue de l'autre […] ? »
Selon les données de l'INSEE, un quart des familles de notre pays sont monoparentales. Écoutons donc toutes les familles et regardons les évolutions des modèles familiaux dans la société. Contrairement aux idées reçues, les familles concernées prennent très au sérieux l'absence de père, comme lors d'un divorce ou d'un veuvage. Des présences masculines peuvent jouer le rôle de tiers et proposer des figures d'identification. L'important est d'offrir un cadre familial paisible, ouvert, guidé par l'amour. L'absence d'altérité dans un couple ne pose pas de problème en soi, à partir du moment où il existe un projet familial solide et propice au développement de l'enfant. En revanche, il nous faut être particulièrement vigilants concernant les discours violents et discriminants tenus à l'endroit des familles qui n'entrent pas dans le schéma classique – un père et une mère –, car ces tensions et propos inutiles peuvent avoir des conséquences néfastes pour les enfants.
La normalité chère à certains n'offre malheureusement pas toujours la vie rêvée ; les réalités sociales, les violences intrafamiliales, les féminicides nous le rappellent tristement. Ce n'est pas le statut matrimonial qui fait de nous un bon parent. Toutes ces raisons nous conduisent à soutenir cette réforme.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Les débats consacrés à la bioéthique ont une place à part dans nos vies de parlementaire. Nous arrivons avec nos certitudes, nos convictions, mais aussi nos doutes, puis nous apprenons, nous nourrissons notre réflexion au gré des auditions, des témoignages et des échanges. C'est l'honneur de notre Parlement de nous confronter à ces questionnements éthiques, et c'est l'honneur de notre démocratie de nous autoriser à nous exprimer en toute liberté, de manière responsable.
Certains d'entre nous estiment que l'examen de ce texte n'était pas une priorité, à cause de la crise sanitaire. Mais qu'aurions-nous dit à celles et ceux qui attendent depuis tant d'années un traitement, un protocole encourageant, ou tout simplement l'accès à des techniques médicales déjà existantes ? La crise sanitaire ne doit pas servir d'excuse pour retarder les débats, encore moins pour justifier notre inaction. Au contraire, elle doit nous inciter à replacer la santé au cœur de nos préoccupations, à nous donner les moyens d'une recherche performante et ambitieuse et à considérer la fragilité de l'être humain – tout ce à quoi ce projet de loi invite. En ce qui me concerne, comme la majorité des membres du groupe Libertés et territoires, je suis fier de le voir enfin aboutir.
Plusieurs fois au cours des débats, certains ont souligné qu'il ne s'agissait pas d'amour car nous ne saurions légiférer sur l'amour. C'est vrai, bien sûr : je crois qu'il est surtout question d'humanité. À chaque article de ce projet de loi, à chaque avancée scientifique que nous espérons, une seule question se pose : respectons-nous les principes éthiques de dignité et d'indisponibilité du corps humain ? À chaque étape, nous avons répondu et construit des positions équilibrées, qui respectent notre modèle bioéthique.
Malgré tout, nous nous heurtons à une divergence principale avec nos collègues sénateurs, concernant l'ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes. C'est sur cette question que nous avons échoué à bâtir un texte consensuel, pour la première fois depuis que le Parlement examine des lois de bioéthique. Je le regrette d'autant plus vivement que, sur ce sujet, la société n'est pas aussi divisée que notre Parlement. À mon sens, la question du caractère éthique de la PMA a été tranchée lors de l'adoption de la première loi de bioéthique en 1994 ; nous avons désormais le recul nécessaire pour affirmer que nous ne nous sommes pas trompés. Aujourd'hui, la question se pose en termes d'égalité des droits : non pas de l'égalité face au droit d'avoir un enfant – celui-ci n'existe pas, nous sommes tous d'accord là-dessus – mais de l'égalité d'accès à des techniques médicales déjà en vigueur, que nous avons autorisées et qu'il ne convient plus de réserver de manière discriminante aux couples hétérosexuels.
Ce texte nous offre aussi l'occasion de réaffirmer que la pression sociale n'est pas une fatalité. Chacun et chacune a le droit de choisir pour lui-même. Nous pouvons nous départir de conventions sociales dépassées et ambiguës qui, d'un côté, nous intiment de procréer avant qu'il ne soit trop tard, et, d'un autre côté, nous en empêchent, au nom d'une vision réductrice de la famille.
Si je suis fier de voter ce texte, je reconnais qu'il laisse un arrière-goût d'inachevé, notamment en ce qui concerne l'accès à l'AMP pour les personnes transgenres ou à l'AMP post mortem, ainsi qu'en ce qui concerne la filiation : alors que le droit doit être inclusif et protecteur, la reconnaissance conjointe anticipée maintient les couples de femmes dans un régime dérogatoire au droit commun, ce qui n'est pas entièrement satisfaisant. Je réitère le souhait exprimé par ma collègue Sylvia Pinel, qui s'est beaucoup engagée sur ces questions et sur ce texte de manière générale : nous aurons besoin d'une vraie refonte du code civil, seul à même de reconnaître de manière égale les diverses familles au sein de la société.
Chers collègues, nous nous apprêtons à voter un texte emblématique, qui nous engage intimement en tant que parlementaires. Comme chaque fois, les députés du groupe Libertés et territoires se prononceront librement. En ce qui me concerne, je suis fier de lui apporter mon soutien résolu.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LT, LaREM, DEM et SOC.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 483
Nombre de suffrages exprimés 441
Majorité absolue 221
Pour l'adoption 326
Contre 115
Le projet de loi est adopté.
À l'issue du vote définitif du projet de loi relatif à la bioéthique, je tiens à souligner la qualité et l'importance du travail fourni par notre assemblée sur ce texte. En près de deux années et avec quatre lectures, l'examen de ce projet de loi a donné lieu à soixante-deux réunions de la commission spéciale, pour un total de cent-soixante heures, et à quarante-quatre séances, soit plus de cent neuf heures de discussion dans l'hémicycle ; près de 12 700 amendements ont été déposés en commission et en séance publique, dont 714 ont été adoptés. Je suis convaincu que notre assemblée s'est honorée en prenant ainsi le temps du débat et de la réflexion sur des sujets fondamentaux pour l'avenir de notre société, en respectant les convictions de chacun.
Applaudissements sur plusieurs bancs.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante, sous la présidence de Mme Laetitia Saint-Paul.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 901 tendant à rétablir l'article 1er bis AA.
Sur les amendements identiques n° 265 , 406 , 448 , 569 et 653 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de plusieurs amendements, n° 901 , 145 , 655 , 656 , 265 , 406 , 448 , 569 et 653 , visant à rétablir l'article 1er bis AA supprimé par la commission.
Les amendements n° 265 , 406 , 448 , 569 et 653 sont identiques.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement n° 901 .
Il répond à une problématique de plus en plus fréquente, celle des personnes qui utilisent le vêtement comme une arme de prosélytisme religieux et politique.
Sur les plages et dans les piscines, le port du burkini s'assimile désormais à un étendard pour ceux qui revendiquent une appartenance religieuse, qu'ils veulent imposer aux autres. Ce vêtement n'est pas neutre mais exprime une volonté d'appartenance, dans des lieux publics,…
…ce qui est une forme de violence imposée aux usagers des services publics, notamment dans les piscines ou sur les plages. Nous demandons que le port de tenues qui manifestent de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la baignade et sur les plages soit interdit.
Ce débat prend de l'ampleur. Des maires courageux se sont opposés au port de telles tenues : le maire de Cannes, David Lisnard, dans mon département des Alpes-Maritimes, et le maire de Villeneuve-Loubet, Lionnel Luca, les premiers à prendre des arrêtés d'interdiction. Nous avons l'exigence, le devoir, la volonté de poser des garde-fous, d'ériger des digues contre ces menaces grandissantes. La position du maire de Grenoble, qui s'apprête à légaliser, à autoriser, à encourager le port de ce vêtement dans des piscines publiques, loin d'être un élément de liberté, exprime, pose et impose, au contraire, une forme de prosélytisme religieux.
Mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous demande de poser, en réponse, un acte de courage.
Ce texte manque de volonté et de courage. Les sénateurs l'avaient opportunément densifié, enrichi et consolidé, lui donnant une ossature dont il manque cruellement, puisque vous avez souhaité, monsieur le président de la commission spéciale, le déconstruire. Au vu des menaces qui progressent, nous devons refuser le développement du port du burkini et nous opposer à un tel prosélytisme religieux, celui d'un islam politique qui avance ses pions et ses étendards.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Comme vient de le rappeler notre collègue Éric Ciotti, le burkini est clairement un vêtement communautariste, avec une connotation religieuse. Le Sénat avait courageusement proposé sur ce point un article, supprimé en commission spéciale. L'actualité met en exergue l'impasse devant laquelle nous nous trouvons, puisque le maire de Grenoble a saisi le Premier ministre pour savoir s'il était autorisé à modifier le règlement des piscines municipales de sa commune.
Il nous revient donc de contrecarrer ce type de situation et d'empêcher que de tels vêtements gangrènent notre société. Dans les lieux de baignade – baignades artificielles ou piscines publiques –, on ne saurait afficher son appartenance religieuse : la neutralité doit s'appliquer. Le dispositif adopté par le Sénat était de bon sens, et apportait un soutien aux collectivités locales qui gèrent ces établissements publics. Puisque vous l'avez supprimé, saisissons l'occasion, unique, de le rétablir.
En France, les piscines ou toute baignade artificielle publique sont accessibles aux hommes comme aux femmes, sans distinction. Or, des maires mettent parfois en place des horaires alternés, réservés aux hommes ou aux femmes, pour des raisons communautaristes. Il convient dès lors de rappeler que toute piscine ou baignade artificielle à usage collectif doit respecter le principe d'égalité entre les hommes et les femmes. Il faut également combattre l'une des expressions du communautarisme islamique, en interdisant clairement et formellement le port du burkini dans l'ensemble de l'espace public.
Éric Piolle, le maire de Grenoble, a effectivement demandé au Premier ministre de clarifier sa position sur le sujet du burkini : cela ne lui incombe pas, il nous revient de le faire. Éric Ciotti vient de le rappeler, certains maires ou présidents d'agglomération sont extrêmement courageux sur cette question, mais il n'est pas acceptable que le burkini soit autorisé dans certaines communes et interdit dans d'autres. Il revient au législateur de rétablir l'interdiction du burkini en France et d'en faire un principe clair, qui ne soit pas sujet à interprétation : tel est notre devoir. Je regrette à cet égard que la commission spéciale ait supprimé l'article qu'avait proposé le Sénat en ce sens.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 265 .
Je joins ma voix à celles de mes collègues sur la question tant débattue et si polémique de l'interdiction, ou non, du burkini. Le législateur est appelé à clarifier les choses, afin que cette question ne continue pas à être débattue, et, surtout, à être source de troubles possibles à l'ordre public.
Rappelons à cet égard que le Collectif contre l'islamophobie en France – CCIF –, association qui a été dissoute, avait saisi le Défenseur des droits en faveur du port du burkini, considérant son interdiction comme une discrimination. Une telle démarche témoigne de la volonté de l'islam radical et politique de donner de la visibilité aux règles les plus discriminantes pour la liberté des femmes. Il faut donc prendre la mesure de ce que signifie la revendication du port du burkini, lorsqu'elle émane du CCIF, faux-nez de l'islam politique.
La question du port du burkini induit également des effets de bord, puisqu'il y a quelques jours, à Besançon, la capitale de mon département, une jeune femme s'est présentée à la piscine avec un maillot de bain tout à fait correct, que beaucoup d'entre nous pourraient porter : or le maître-nageur lui a signifié qu'il ne pouvait admettre une telle tenue, au motif qu'elle était trop échancrée.
Je vois une relation très précise entre les deux sujets : c'est bien la nécessité de rendre la femme invisible, de dérober son corps aux yeux d'autrui, qui motive le port du burkini. C'est aussi ce qui a motivé cette réaction du maître-nageur de Besançon. Il y a là une atteinte évidente à la liberté des femmes : dans notre pays, nous ne pouvons pas le tolérer – d'autant que la majorité prétend faire du droit des femmes un de ses totems.
Vous devez résoudre cette contradiction. Je regrette infiniment la suppression, en commission, de l'article introduit par le Sénat : cette disposition éviterait le trouble à l'ordre public, mais aussi une application variable en fonction des convictions idéologiques de tel ou tel maire. Je vous invite donc à voter ces amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Cet amendement, identique à celui défendu par Mme Genevard, précise que « le règlement d'utilisation d'une piscine ou baignade artificielle publique à usage collectif garantit le respect des principes de neutralité des services publics et de laïcité ». Le maire pourrait ainsi agir.
J'évoquais des maires courageux qui sont intervenus : ils sont aujourd'hui contraints d'utiliser des motifs relatifs au respect des règles d'hygiène et de sécurité pour interdire le port de ces vêtements qui expriment un prosélytisme religieux, qui veulent imposer aux autres acteurs et usagers du service public une appartenance religieuse. C'est, je le redis, une forme de violence à l'égard des usagers, qui n'ont pas à supporter qu'on leur impose, dans un espace public, une appartenance religieuse qui n'est en rien conforme à la tradition, aux usages, à l'identité, à la culture en vigueur dans notre pays. Il est important de rappeler l'importance du respect des règles de la vie en société, du respect de l'autre.
Cet amendement vise donc à permettre aux maires d'interdire le port du burkini dans une piscine ou dans un espace de baignade naturelle. Ce serait naturellement une réponse très claire à ce que veut faire, pour des raisons politiciennes, en soutenant une démarche communautariste et en exprimant une forme de complicité avec les islamistes, le maire de Grenoble.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement n° 448 .
Cet amendement est identique aux deux précédents. Il s'agit de proscrire le port du burkini dans les piscines et les lieux de baignade artificielle à usage collectif.
Il faut le dire et le redire : le burkini est un vêtement qui fait du prosélytisme religieux, qui affiche une appartenance communautaire ; c'est un instrument de propagande. Et, pour nous, cela ne fait pas l'ombre d'un doute : c'est aussi un signal de soumission de la femme. Dérober, comme l'a très bien dit Mme Genevard, le corps de la femme aux regards d'autrui, des hommes, c'est s'inscrire dans une logique de discrimination et d'inégalité entre hommes et femmes, dans une logique de soumission de la femme à la loi religieuse.
Nous voulons donc rétablir la disposition courageusement adoptée par nos collègues sénateurs. Le burkini, c'est le symbole de l'asservissement des femmes à la loi religieuse : nous ne pouvons pas tolérer cela dans notre république !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
J'irai dans le sens de mes collègues : nous souhaitons rétablir le respect du principe de neutralité religieuse dans les piscines à usage collectif.
Dans nos piscines, mais aussi sur nos plages, nous voyons se répandre ce vêtement, le burkini, qui illustre ce qu'est le séparatisme islamiste : c'est aujourd'hui clairement le vêtement de l'ennemi !
Quand on va dans une piscine, on y va pour nager, pour faire du sport, pour profiter de l'eau – pas pour démontrer, aux unes comme aux autres, que l'on est adepte d'une religion, ou plutôt du dévoiement d'une religion, et porteur d'un message de défiance à l'égard de la République française.
Nous devons prendre nos responsabilités et interdire ce vêtement, en imposant un principe de neutralité. Sinon quelles seront les prochaines étapes ? On l'a vu, l'été en Corse notamment : ceux qui défendent le burkini finissent par jeter des pierres ou par vouloir interdire des tenues différentes, comme le monokini – oui, c'est un exemple que nous avons connu – ou des maillots qui leur paraissent trop échancrés. Je vous rappelle La Journée de la jupe !
Soyons courageux et à la hauteur de la lutte contre le séparatisme.
L'amendement n° 653 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure de la commission spéciale pour le chapitre Ier du titre Ier , pour donner l'avis de la commission.
Nous avons déjà longuement échangé sur ces amendements, et vous ne pouvez pas imaginer que je sois en quoi que ce soit une adepte du burkini.
Mais les cas que vous venez d'évoquer entrent, à mon sens, dans le cadre des pouvoirs conférés aux maires, qui peuvent interdire ce vêtement par arrêté, en cas de risque de trouble à l'ordre public.
En l'état actuel du droit, vous le savez, toute interdiction du port du burkini doit faire l'objet d'un examen précis et circonstancié, par les maires, visant à concilier…
Je rappelle l'état du droit, je vous dirai ensuite pourquoi il me semble qu'aller au-delà irait à l'encontre de nos libertés fondamentales. C'est là ce qui est le plus difficile : concilier ordre public et libertés fondamentales.
Aujourd'hui, un maire peut prendre un arrêté s'il estime qu'il y a un risque de trouble à l'ordre public. En ce qui concerne précisément les piscines, je me souviens du problème du bermuda pour les hommes…
Désormais, dans les piscines, le port du bermuda n'est plus autorisé, pour des raisons d'hygiène. J'imagine que, s'agissant de vêtements qui couvrent, de la même façon, une grande partie du corps, ces mêmes raisons d'hygiène pourraient prévaloir.
Aller au-delà, et interdire totalement le burkini, porterait à l'inverse une atteinte grave à nos libertés fondamentales : liberté d'aller et venir, liberté de conscience…
Mme Constance Le Grip proteste avec véhémence.
Bref, aux libertés personnelles de chacun, même si je redis que je ne défends pas ce vêtement.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne, pour donner l'avis du Gouvernement.
Le port du burkini peut être interdit par le maire au titre de ses pouvoirs de police, mais pour des motifs objectifs – hygiène, qualité des eaux de baignade, sécurité du baigneur, ou bien trouble à l'ordre public – et non en tant que vêtement religieux.
Je rappelle ensuite que le principe de neutralité des services publics est le corollaire du principe d'égalité qui régit le fonctionnement des services publics. Or la rédaction de certains des amendements proposés n'atteint pas l'objectif annoncé dans l'exposé sommaire, qui est d'interdire les tenues destinées à la baignade et manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans les piscines ou les lieux de baignade artificielle publics à usage collectif. En effet, les principes de neutralité des services publics et de laïcité ont vocation à s'appliquer dans une piscine municipale, par exemple, mais pas à entraîner de telles conséquences pour un usager.
Enfin, en 2016, le Conseil d'État a jugé deux affaires « du burkini », ce vêtement étant doté d'une connotation religieuse par ses promoteurs et ses usagers, sans constituer stricto sensu un signe d'appartenance religieuse. Le Conseil d'État a rappelé que « les mesures de police que le maire d'une commune du littoral édicte en vue de réglementer l'accès à la plage et la pratique de la baignade doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées » et que « les restrictions qu'il [le maire] apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés d'atteinte à l'ordre public ». Seuls ces risques avérés permettent de porter atteinte à ces « libertés fondamentales que sont la liberté d'aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle ».
Avis défavorable.
Sourires.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 126
Nombre de suffrages exprimés 121
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 51
Contre 70
Je suis saisie de plusieurs amendements n° 917 , deuxième rectification, 271, 663, 266, 449, 570, 659 et 902, tendant à rétablir l'article 1er bis AB, supprimé par la commission.
Les amendements n° 266 , 449 , 570 , 659 et 902 sont identiques.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement n° 917 , deuxième rectification.
Avant de défendre cet amendement, qui concerne le port des signes religieux à l'université, permettez-moi de dire ma déception après le rejet de nos amendements, à une très courte majorité. Cela veut dire que le groupe La République en marche veut autoriser le burkini, outil de prosélytisme religieux, instrument de soumission de la femme et instrument de violence. Voilà la réalité !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous avez approuvé la soumission !
Cela montre bien le manque de courage de tout ce texte. Ce soir, ni le ministre de l'intérieur, ni la ministre déléguée, ni le ministre de la justice ne sont présents. Ce n'est pas vous faire offense, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, de dire que ces absences sont le reflet du désintérêt du Gouvernement pour ce texte.
Mme Caroline Abadie proteste vivement.
Oh, elles sont loin, les grandes déclarations que nous avons entendues après l'assassinat de Samuel Paty ! Qu'est-ce qui sortira de ce texte ? Vous refusez toutes les avancées courageusement votées par le Sénat ! Comme vous, ce texte manque de courage. Je le dis solennellement : ce vote est honteux, calamiteux !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que parmi les députés non inscrits.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 271 .
Après ce vote indigne – je m'adresse en particulier à nos collègues femmes –, tout ce que vous pourrez nous dire sur l'égalité réelle entre les hommes et les femmes ne sera que tartufferie.
Cet amendement vise à interdire le port de signes ou de tenues que les parents de mineurs imposent à leurs enfants et par lesquels ils manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. Le fait de voiler les fillettes est en effet choquant. Du reste, certains sur les bancs de la majorité – je pense en particulier à Mme Bergé et à M. Moreau – s'en étaient émus puisqu'ils avaient déposé des amendements pour l'interdire. Ils ont été prestement rappelés à l'ordre : ils sont rentrés dans les rangs de la majorité et ont retiré leurs amendements. C'est bien dommage.
Néanmoins, au fond d'eux-mêmes, nous le savons, ils sont hostiles à cette pratique qui nous choque et nous heurte encore plus que celles que nous avons abordées jusqu'à présent, parce qu'elle porte atteinte à la protection des enfants et que le fait de voiler les petites filles comporte un enjeu politique et religieux : il s'agit de les formater suffisamment tôt pour qu'elles ne s'écartent pas de l'orthodoxie religieuse dans laquelle on veut les enfermer.
En outre, si c'est préjudiciable aux filles, cela l'est également pour les garçons, qui intègrent ainsi dès l'enfance que les femmes n'ont pas les mêmes droits que les hommes et qu'elles sont assujetties à des règles contraignantes. Une fois de plus, cela met en lumière la question de l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'islam politique. C'est la raison pour laquelle nous avons défendu ces amendements lors des précédentes lectures en commission spéciale et en séance, et que nous ne renoncerons pas à défendre les enfants, à plaider pour leur protection et à faire en sorte que le port de signes religieux par les enfants soit interdit dans notre pays.
D'aucuns évoqueront évidemment la kippa pour défendre le fait de voiler les fillettes – monsieur Corbière, j'anticipe déjà votre réaction !
M. Alexis Corbière lève les bras au ciel.
Il faut savoir pondérer les avantages et les inconvénients. Dans ce cas précis, le législateur a le devoir de se prononcer contre le fait de voiler les fillettes. Pour ne pas être discriminant, l'amendement vise par conséquent à interdire le port ostensible de tout signe religieux par les enfants.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 663 .
Cet amendement vise à rétablir l'article voté par le Sénat qui interdit le port du voile pour les mineurs et le fait de vouloir entièrement dissimuler la femme pour des raisons culturelles, afin de marquer son infériorité par rapport à l'homme.
En France, les femmes sont libres, elles ont le visage découvert et les petites filles n'ont pas à être embrigadées dès leur plus jeune âge. Par le vote honteux qui vient d'intervenir, vous n'avez pas osé interdire le port du burkini. Ayez maintenant le courage de voter pour l'interdiction du port du voile par les mineurs. En France, dans certains quartiers, ce sont des fillettes de cinq ans qui sont voilées ; alors, soyez courageux !
Sur les amendements identiques n° 266 , 449 , 570 , 659 et 902 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 266 de Mme Annie Genevard est défendu.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement n° 449 .
Il vise à rétablir l'article adopté par le Sénat qui prévoit l'interdiction du « port de signes ou de tenues par lesquels les mineurs manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ». Nous souhaitons, comme nos collègues sénateurs l'avaient fait de manière fort claire et courageuse, ajouter une phrase spécifique interdisant « le port par les mineurs de tout habit ou vêtement qui signifierait l'infériorisation de la femme sur l'homme. » Il s'agit d'interdire le port du voile par les fillettes.
Nous devons, là encore, faire preuve de courage et de sincérité dans le cadre de la mobilisation pour le droit des femmes et pour leur liberté. Sur les bancs du groupe Les Républicains, nous pensons aux très nombreuses femmes qui, dans certains pays, se lèvent courageusement, sont en prison, battues ou insultées car elles se débarrassent du voile, symbole de soumission et d'asservissement, et revendiquent ainsi leur liberté. C'est en pensant à elles que nous souhaitons interdire le port du voile par les fillettes.
Nous arrivons à un point essentiel, qui nous donne l'occasion de mesurer si le texte est totalement vide de substance ou si, au contraire, vous acceptez de protéger les personnes les plus vulnérables que sont les enfants. Nous devons les protéger contre ces influences et la forme de soumission qui leur sont imposées du fait de leur âge. Ils sont ainsi contraints par leurs parents à porter un signe d'appartenance religieuse, qui constitue un élément de prosélytisme en vue de conquérir les âmes. En effet, le vêtement est en quelque sorte un instrument de conquête idéologique.
Tout à l'heure, vous avez refusé de défendre ce principe fondamental de notre République qu'est l'égalité entre les hommes et les femmes. Vous avez accepté que les femmes subissent l'influence de ceux qui les considèrent comme des êtres inférieurs incarnant une tentation qu'il faut cacher. Telle est la signification du burkini et de ces vêtements qui relèguent la femme à un rang inférieur.
Nous vous demandons enfin d'agir avec courage pour protéger les enfants – le Sénat l'a fait. Si vous refusez jusqu'à l'interdiction du port du voile par les fillettes, le texte se résumera à un slogan de communication prononcé par le Président de la République. À l'issue de son examen, après son passage dans la broyeuse du « en même temps » qui caractérise la majorité, il n'en restera qu'un filet d'eau tiède symbolisant l'impuissance et l'immobilisme. Comprenez le message que les concitoyens vous ont adressé : ils ne supportent plus le fossé entre les discours, les slogans de communication,…
…une parole publique forte et des actes qui traduisent l'impuissance, l'immobilisme, l'inaction. Faites enfin preuve de courage pour protéger notre société du communautarisme islamiste !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
À l'occasion de l'examen de ces amendements, vous nous livrez vos convictions et votre interprétation. Elle n'est pas toujours partagée, même sur les sujets sensibles que vous avez évoqués.
Nous examinons vos amendements, dont certains concernent les établissements d'enseignement supérieur. Monsieur Ciotti, vous n'avez pas développé ce sujet dont nous avons beaucoup parlé hier – je ne sais pas si vous souhaitez y revenir. La situation des établissements d'enseignement supérieur est différente de celle des écoles.
Chacun a entendu le sujet de société que vous avez évoqué. Or notre conception de la laïcité, qui résulte de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, se cantonne au service public – je voudrais qu'elle inclue également les collaborateurs du service public, je n'y reviens pas. En l'occurrence, il s'agit du service public stricto sensu, qui ne comprend pas l'espace public. À de nombreuses reprises, certains ont tenté de faire entrer cet espace public dans le champ d'application du principe de laïcité, mais ce n'est pas notre conception.
Vos amendements constituent une atteinte non justifiée et disproportionnée à la liberté religieuse. Nous le répétons, le droit de manifester sa religion constitue l'une des expressions de la liberté de conscience…
Nous avions déjà évoqué notamment les communions, nous ne reviendrons pas sur ces sujets.
Ces amendements sont difficilement conformes à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen comme à l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Cela ne signifie pas pour autant, mes chers collègues, que nous ne soyons pas sensibles aux situations relatives aux mineurs que vous avez évoquées. Avis défavorable.
Même avis que la rapporteure.
Monsieur Ciotti, le courage, c'est de dire ce que sont le droit et les libertés fondamentales et, en même temps, de lutter contre le séparatisme.
Le courage – pardonnez-moi –, ce n'est pas de se livrer à toutes les formes de démagogie possibles et de dire l'inverse de ce que le droit et les libertés publiques prévoient.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Il est très facile de faire en tribune ce que vous avez fait. Je regrette que nous ne puissions avoir un débat apaisé sur ces sujets car le texte a vocation à la fois à lutter contre les séparatismes et à respecter le droit en vigueur, tel qu'il est inscrit dans la Constitution et dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par ailleurs, s'agissant des amendements, l'article 1er de la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public prévoit que « nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». Cette disposition inclut donc les mineurs. En outre, l'article 4 qui sanctionne la dissimulation forcée du visage prévoit que les peines sont doublées et portées à deux ans d'emprisonnement et à 60 000 euros d'amende lorsque le fait est commis au préjudice d'un mineur. Notre droit comporte donc déjà de telles dispositions.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous abordons un débat très important et très intéressant. Il soulève la question suivante : dans notre pays, existe-t-il des enfants victimes de leur famille et en danger, car leurs parents pratiqueraient leur religion de manière sectaire ? Oui, cela existe indiscutablement. Nous devons renforcer les services de l'aide sociale à l'enfance pour veiller à ce que ces enfants, qui sont maltraités – à tout le moins, d'un point de vue psychologique –, soient protégés.
Je peux témoigner que, notamment dans mon département, en Seine-Saint-Denis, s'il y avait plus de services de l'aide sociale à l'enfance, on pourrait davantage contrôler que tel ou tel enfant ne soit pas maltraité physiquement ou que sa famille ne l'enferme pas dans des comportements fondamentalistes ou intégristes.
Je souhaiterais, cela étant, revenir sur les amendements que vous avez déposés et qui visent à interdire le port de signes religieux par les mineurs. Premièrement, Mme Genevard a évoqué la kippa. Si vos amendements étaient adoptés, imaginons le spectacle des forces de police se rendant dans des quartiers de Paris ou d'autres villes pour interdire, à l'occasion des fêtes religieuses juives, que les enfants se promènent avec une kippa ! Voulez-vous que demain cela se passe ainsi en République française ?
Mais je vais vous parler de moi. Je vais vous faire un aveu : mes parents sont catholiques et j'ai été, pendant quatre ans au moins, un enfant de chœur irréprochable.
Rires et applaudissements sur plusieurs bancs.
J'ai porté l'aube et je crois encore être en photo dans le salon de ma mère dans une aube magnifique avec une croix autour du cou. Ai-je changé ? Je ne sais pas. Peut-être qu'à travers mon engagement je cherche à appliquer la compassion et le don à autrui qu'on m'a alors enseignés. Quoi qu'il en soit, y a-t-il un délit à m'avoir fait porter des signes religieux ? Dois-je même, devenu adulte, porter plainte contre mes parents pour m'avoir imposé une éducation religieuse ?
Avec ces amendements, vous mettez le doigt dans un engrenage terrifiant. Vous remettez même en cause, madame Genevard, avec tout le respect que je vous dois, tout ce qui fait de vous la femme engagée que vous êtes, ainsi que les convictions spirituelles qui parfois vous animent et que je ne saurais remettre en cause. Votre volonté est en réalité tournée vers une seule religion, c'est ce qui transpire de vos propos – parfois, M. Ciotti le dit même clairement, je ne l'ai pas relevé tout à l'heure quand il était question du burkini. En gros, pour vous, et c'est le fond du débat, certaines religions sont conformes à notre culture et à notre identité, mais il y en a une qui ne l'est pas. À partir de là, tout est possible.
Vous parlez des religions qui placent la femme en situation d'infériorité ; mais toutes les religions monothéistes et même toutes les religions placent la femme en situation d'infériorité !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Même la religion catholique, celle dans laquelle j'ai été éduqué, considère que la femme doit être fidèle à son mari et féconde ,
M. Gérard Leseul applaudit
à tel point que, sauf dans certains endroits et sauf exception, le Vatican refuse le remariage des divorcés. C'est tout à fait respectable mais, de grâce, n'allez pas, dans la passion de la discussion, nous expliquer que certaines religions monothéistes postuleraient l'égalité entre les hommes et les femmes et qu'une seule ne l'impliquerait pas.
D'un point de vue laïque et républicain, cette discussion n'est pas sérieuse !
Nous parlons du burkini et des gens qui font porter le voile à des fillettes !
Elle est blessante et passe à côté du sujet. Il est en effet inconcevable de demander aux forces de l'ordre d'empêcher un petit garçon comme celui que j'ai été d'aller en aube servir la messe ou chanter des chants religieux sur le parvis de l'église. Nous ne voulons pas vivre dans un tel pays.
Je vous invite une fois de plus à en revenir à l'essentiel. Si, comme moi, parce qu'il y a des dérives sectaires, parce que l'intégrisme religieux gagne certaines familles, vous pensez qu'il faut agir et protéger les enfants, mille fois oui. Mais, dès lors, donnez les moyens aux services publics chargés de cela, et ne profitez pas d'un texte pour porter le fer contre une seule religion, pour – quand bien même cela ne semble pas vous affecter – blesser et humilier plusieurs millions de nos concitoyens qui, franchement, ont l'impression d'être convoqués à une discussion qui ne les concerne pas et qui en ont sans doute par-dessus la tête d'être l'obsession de vos passions les plus sombres.
Nous allons voter contre ces amendements comme nous avons voté contre les précédents. Vous allez donc nous accuser d'être favorables à la soumission de la femme… Mais vous, vous allez bientôt voter contre l'article 21 : vous êtes donc favorables à l'enfermement d'enfants par des salafistes dans des endroits insalubres et dangereux ; vous soutenez donc, évidemment, les salafistes qui veulent extraire les enfants de l'école de la République… Vous rendez-vous compte de l'absurdité odieuse de votre argumentation ?
La réalité, c'est que, quand nous avons défendu le délit de harcèlement de rue, vous vous êtes moqués de nous, alors que c'est là qu'il faut agir. En effet, toute femme, toute jeune fille doit pouvoir se balader dans la tenue qui lui plaît. Il faut donc s'en prendre à ceux qui les attaquent.
Je n'ai pas eu la chance, ou la malchance, de M. Corbière d'avoir été élevé dans la tradition catholique, mais je sais que les valeurs au nom desquelles les femmes portent un voile ne me plaisent pas, pas plus que ne me plaisent certaines valeurs de la religion catholique ou d'autres religions. En revanche, je crois à la laïcité, à l'articulation entre la neutralité du service public et la liberté absolue de conscience.
Vous ne faites pas preuve de courage mais réclamez un droit à la stigmatisation. Ce n'est pas de courage que vous pouvez vous prévaloir en définissant, ainsi que vous le faites, une religion comme étrangère à notre pays. Oui, je vais voter comme M. Corbière et je l'assume ; mais vous, vous allez voter comme Mme Le Pen ! Vous êtes à la traîne des amis de Mme Le Pen et de leur discours, puisque vous voulez créer les conditions d'un affrontement entre une religion et les autres.
Non, ce n'est pas laborieux, mais votre façon d'agir, loin de manifester du courage, consiste à monter les Français les uns contre les autres. Or c'est exactement ce que nous cherchons à éviter avec ce texte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Gérard Leseul applaudit également.
Vous savez l'estime que je vous porte, madame la rapporteure, mais j'ai trouvé votre explication des plus laborieuses. Le rapporteur général nous a épargné l'argument du voile de la mariée, du voile de la communiante, mais M. Corbière, lui, ne nous aura pas fait grâce de l'aube de l'enfant de chœur – je regrette qu'il ne vous en soit pas resté davantage d'ailleurs, cher collègue. L'aube que vous portiez pendant les offices, on ne vous contraignait pas à la revêtir en permanence, exposé au regard d'autrui. Au contraire, la fillette qui porte le voile, on le lui impose – sauf à l'école où il n'est pas autorisé.
Le voilement des fillettes n'est du reste pas consubstantiel à la religion musulmane. Vous commettez en effet un contresens : dans les pays du Maghreb, le voilement des fillettes n'est nullement pratiqué. Savez-vous d'où cela vient, chers collègues ? D'Afghanistan. Si pour vous l'Afghanistan est le pays de référence en matière de tolérance religieuse, alors, monsieur Vuilletet, vraiment, décidément et radicalement, nous n'avons pas du tout les mêmes valeurs. Et si vous voyez, dans la défense du voilement des fillettes, une marque du progressisme que vous affichez en permanence, j'y vois au contraire la soumission, la régression, la lâcheté, le renoncement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
Madame Genevard, le débat n'est pas de savoir si j'approuve ou non le port du voile. Vous savez sans doute qu'en vertu de mes convictions je préférerais le citoyen « homme sans étiquette », pour reprendre l'expression du philosophe Régis Debray, et que personne ne porte de signe religieux. C'est toutefois une liberté. Je ne fais pas de prosélytisme, j'affirme qu'une bonne compréhension de la laïcité nous conduit à bien distinguer ce qui relève de la sphère privée et ce qui relève de la sphère publique, à bien distinguer ce qui relève du citoyen et ce qui relève du représentant de l'État.
Ensuite, pourquoi ai-je évoqué mes souvenirs d'enfance ? Dans la paroisse en question, à Béziers – Mme Ménard entendra –, il y avait un portrait de sainte Thérèse, laquelle portait un foulard, si bien qu'on ne voyait pas ses cheveux. Était-ce un signe d'oppression ?
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Le portrait est encore à sa place. Cette paroisse arbore-t-elle sur ses murs un signe d'oppression de la femme ? On peut en discuter, mais vous voyez que c'est plus compliqué que vous ne pensez. Le fait qu'autour de la Méditerranée les femmes se couvrent les cheveux pour des raisons religieuses est une vieille histoire et a touché toutes les grandes religions monothéistes.
C'est le fond du débat : vous ne pourrez pas établir une hiérarchie entre les religions. Vos amendements, tels qu'ils sont rédigés, conduisent à considérer que le port de signes religieux est interdit pour tous les mineurs. La mesure que vous préconisez est donc totalement liberticide ! Qu'ensuite, dans certaines familles, des petites filles se voient imposer dès le plus jeune âge et en permanence un foulard, personnellement cela me choque et je n'y suis pas favorable. Mais je vous ai déjà invité à traiter la question en renforçant les services de protection de l'enfance, qui seraient notamment chargés de vérifier, dans les familles, que les enfants ne sont pas maltraités, qu'un prosélytisme religieux intense ne porte pas préjudice à leur éducation. Reste que cela nécessite un peu de subtilité, de doigté ; il faut examiner les situations au cas par cas.
J'en reviens à la kippa pour que vous compreniez bien, puisque, étant donné notre histoire, nous sommes tous sensibles à la question de l'antisémitisme. Qui veut que, demain, la République française, sous la responsabilité de Mme Genevard et de M. Ciotti, interdise le port de la kippa aux gamins qui vont à la synagogue le vendredi ? C'est ça, la République ? Faire cela reviendrait à lutter contre quel fanatisme ? C'est disproportionné, vos amendements sont totalement inapplicables !
Madame Ménard, vous affirmez lutter contre la présence de signes religieux, mais vous-même, avec de l'argent public – je vous l'ai déjà reproché mais je ne peux m'empêcher de me répéter –, à Béziers, vous placardez sur les panneaux municipaux, à l'attention de toute la population, une invitation à se rendre à une cérémonie religieuse !
Mme Emmanuelle Ménard s'exclame.
Et M. Ménard, maire de la ville, a sa photo dans le journal municipal au premier rang d'une cérémonie religieuse. Et cette totale incompréhension de la laïcité ne vous choque pas ?
Vos jugements sont à géométrie variable : toujours durs, blessants pour les uns, toujours complaisants pour les autres. Voilà qui fait de vous de faux républicains, de faux laïques et, franchement, la discussion devient lassante.
La parole est à M. Florent Boudié, rapporteur général de la commission spéciale et rapporteur pour le chapitre Ier du titre II.
Je tiens tout d'abord à dire à notre collègue Ciotti qu'il n'est pas très correct de souligner l'absence, cet après-midi, du ministre de l'intérieur et de la ministre déléguée chargée de la citoyenneté car, sur cent cinquante-huit heures de débats, en première et en seconde lecture, ils ont à eux deux participé à cent cinquante-quatre.
Je trouve assez mesquin que vous profitiez de la seule absence des ministres de la place Beauvau, si je puis dire, pour évoquer leur supposé désintérêt, alors que l'un d'eux est en ce moment même en commission des lois.
Depuis quarante-huit heures, vous démontrez ce que nous dénonçons depuis plusieurs mois. Vous inventez en effet, au fur et à mesure qu'avancent les débats, des notions telles qu'« espace des services publics ». Hier, vous prôniez l'interdiction du voile dans le métro mais pas dans les quartiers prioritaires. À travers l'ensemble des amendements que vous déposez, vous démontrez que votre intention, votre obsession n'est pas de lutter contre le séparatisme, contre les séparatismes, mais de rendre invisible une religion en particulier et une seule, dont vous parlez systématiquement.
Vous nous répondez que vous n'êtes pas obsédés, que vous ne pensez pas du tout à l'islam, à personne en particulier mais à tout le monde. En réalité, vous ne parlez que du voile, du voile et encore du voile. C'est ce qui fait, sur ce sujet précisément, votre proximité avec l'extrême droite et, d'ailleurs, vous vous apprêtez à voter ensemble. Je trouve qu'à ce stade, malgré l'intitulé de votre groupe, vous êtes bien peu républicains.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Gérard Leseul applaudit également.
Vous êtes dans une impasse. Hier, madame Genevard, pardon de vous le rappeler, lorsque vous évoquiez ce que vous appelez vous-même la discrétion religieuse, vous preniez l'exemple de ceux qui devraient porter la kippa sous la casquette, si j'ai bien compris. J'en déduis que le bon comportement pour une bonne musulmane serait, selon vous, de porter le voile sous la casquette également. Vous voyez à quelles incohérences votre raisonnement aboutit.
Vous me reprochez, monsieur Ciotti, d'avoir rappelé, au cours de la première lecture, un point qui me semble pouvoir faire l'objet d'un consensus : quelle est la capacité d'adhésion à une religion d'un enfant de CM1 ou de CM2 ? Quelle est sa capacité personnelle de se faire une idée, une opinion religieuse personnelle ? Quelles pourraient être ses convictions philosophiques, ses positions politiques ? Or vous considérez que les uns, catholiques, auraient une capacité de discernement, alors que les autres, musulmans en particulier, en seraient dépourvus. De ce point de vue, je rejoins M. Corbière.
La fermeté, monsieur Ciotti, c'est de n'entamer aucune de nos libertés fondamentales face à ceux dont l'objectif est précisément que nous abandonnions nos principes et nos valeurs. La fermeté, c'est de considérer qu'un signe religieux, quel qu'il soit, n'est pas en soi le symbole de l'appartenance à un fondamentalisme, à un intégrisme ou, en particulier, à l'islamisme politique.
D'ailleurs, hier, ici même, M. Ravier est allé beaucoup plus loin : il a fait le parallèle entre le port du voile et les soldats de Daech.
M. Julien Ravier proteste avec véhémence.
Nous pourrons le retrouver dans le compte rendu. C'était avant votre sortie sur les quartiers prioritaires.
La fermeté, c'est de ne faire aucun amalgame, de ne pas tomber dans cette chaîne ou ce continuum que vous créez entre le port d'un signe religieux, d'une religion en particulier, et le fait que ce serait forcément un signe d'appartenance à une dérive intégriste, voire djihadiste.
Je vais vous le dire très simplement, avec mes mots : nous sommes fiers d'avoir sur ce point une divergence fondamentale avec vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Brahim Hammouche applaudit également.
Oui, madame la présidente : pour fait personnel.
Vous pensiez peut-être que j'étais sorti, monsieur le rapporteur général, pour dire que j'avais comparé le voilement des fillettes au vêtement des djihadistes. Non. Je viens de parler à l'instant du burkini, qui est pour moi, effectivement, le vêtement de l'ennemi, mais à aucun moment je n'ai tenu les propos que vous me prêtez.
Vous êtes en train de vous mettre clairement du côté de l'islam politique !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Alors que c'est le but de ce projet de loi, à aucun moment – Mme Genevard et M. Ciotti vous l'ont dit – vous ne prenez de mesure pour lutter contre l'islam politique. Vous l'avez gommé du titre et de toutes les parties de ce texte. À aucun moment vous n'admettez que le fait que l'on voile des fillettes, alors qu'il n'y a aucune prescription religieuse en ce sens mais que cela vient d'Afghanistan et arrive sur notre territoire, exige que nous légiférions. Vous le refusez sous prétexte de la liberté de conscience de ces jeunes filles. Mais où sommes-nous !
Que dit-on à nos concitoyens ? On leur dit que nous sommes dans l'impossibilité d'interdire le burkini dans les piscines. On leur dit que nous ne pouvons pas interdire le voilement des fillettes. Voilà le message que nous envoyons, en décalage, me semble-t-il par rapport au discours du Président de la République aux Mureaux.
Ce texte, nous le savons et ce serait une hypocrisie de ne pas l'admettre, existe parce que nous avons un problème d'islamisme radical et de séparatisme islamiste dans notre pays. Les deux éléments que nous avons indiqués, le burkini et le voilement des fillettes, sont des effets de cet islamisme radical et les mesures que nous proposons veulent y mettre un terme. L'objectif est bien de protéger nos concitoyens, y compris nos concitoyens musulmans, des pratiques radicales. Il y a vingt ans, y avait-il dans nos quartiers des fillettes voilées ?
Pas en Savoie. Aujourd'hui c'est le cas. Y avait-il moins de liberté il y a vingt ans ? C'est la question que je vous pose. Nous devons prendre des mesures pour répondre à cette difficulté.
Autre chose : protégeons-nous nos concitoyens musulmans en n'empêchant pas l'augmentation de ces effets de l'islamisme radical ? Je crois que nous ne les protégeons pas. Alors, merci d'arrêter de dire que nous stigmatisons nos concitoyens musulmans, car ce n'est absolument pas le cas. C'est en ne traitant pas ces sujets, c'est en montrant notre impuissance à les traiter que nous continuerons à nourrir des divisions entre les Français.
M. Robin Reda applaudit.
Je ne répondrai pas pour la énième fois à M. Corbière, je l'invite juste à venir à la prochaine messe de la feria de Béziers, avec son aube d'enfant de chœur s'il veut, il n'y a pas de problème.
Monsieur le rapporteur général, vous nous dites : « Vous visez l'islam. » Non, nous visons l'islamisme ; ce n'est pas du tout la même chose. Vous nous accusez de viser toutes les religions mais ce n'est pas du tout le cas. C'est le péché originel de votre texte, car il n'aurait pas dû être consacré au respect des principes de la République mais à la lutte contre l'islamisme. Comme vous n'avez pas eu le courage de le faire, nous sommes contraints d'essayer d'améliorer tant bien que mal un texte bancal et mal ficelé, qui manquera évidemment son but.
Mes chers collègues j'entends depuis tout à l'heure deux conceptions de la société qui s'opposent. Si, pour vous, la lutte contre l'islamisme politique, c'est simplement d'enlever le voile des fillettes, je peux vous dire que vous n'êtes pas arrivés !
Vous me faites penser au journaliste d'un grand quotidien, que je ne nommerai pas, qui m'interrogeait sur la fin du salafisme dans mon département des Yvelines, parce qu'une mosquée salafiste avait été fermée. Il disait : « C'est fantastique, il n'y a plus de salafistes chez vous. » Parce qu'on a fermé la mosquée, les salafistes ont disparu ? À mon avis, ils se réunissent ailleurs.
La lutte contre l'islamisme politique, c'est pied à pied, jour après jour, sur le terrain, avec les renseignements généraux, pour fermer ce qui doit être fermé, mettre en prison ceux qui doivent être mis en prison, mais ce n'est pas la stigmatisation des enfants. Vous profitez de cet hémicycle pour mener un débat qui n'est pas le bon. Battons-nous pied à pied, rue après rue, pour faire reculer l'islamisme politique, mais ce n'est pas en enlevant le voile des fillettes, même si je le réprouve personnellement, que l'on y parviendra.
L'amendement que vous avez présenté pour interdire le port ostensible de tout signe religieux est, dans la réalité, inapplicable. C'est juste un coup politique.
De la même façon, je ne peux pas vous donner raison, monsieur Corbière, lorsque vous dites qu'il suffit que l'État donne aux services de la protection de l'enfance les moyens d'intervenir contre le voilement des enfants. Je ne vois en effet pas comment ils pourraient faire : le fait de porter un voile n'indique pas forcément que l'enfant est atteint psychologiquement ; il y en a qui le vivent très bien.
Ni d'un côté ni de l'autre, je ne sais donc comment vous faites. Ce que je sais en revanche, c'est ce que la laïcité prescrit en France en ce qui concerne la liberté de conscience et le reste. Interdisons tout dans l'espace public, nous en avons le droit ; pour le reste, il faut que nous soyons vigilants, que nous luttions pied à pied, et vous me trouverez toujours avec vous pour des mesures plus fortes contre l'islamisme politique. Mais vous proposez là des solutions qui ne peuvent malheureusement pas être mises en place.
Ce sont les mêmes arguments que lorsque nous avons voté la loi contre la burka !
Un dernier mot, parce que, de toute façon, nous ne serons pas d'accord. Je passe, monsieur Boudié, sur vos provocations, vos accusations de racisme. C'est insupportable, ce n'est pas à la hauteur du débat.
Je rappelle que le Conseil d'État lui-même vous a reproché de ne pas contextualiser cette loi, et vous avez dû réintroduire dans l'exposé des motifs la référence à l'islam radical. Ce n'est pas nous qui le disons, c'est le Conseil d'État. Vous avez été obligés de vous exécuter.
Vous aviez tellement peur de votre ombre que vous n'avez même pas eu le courage de nommer dans l'exposé des motifs ce dont il était question.
Ce dont il est question, ce n'est pas d'une remise en cause de l'enseignement religieux. Une société s'honore de la tolérance religieuse, nous le savons bien depuis le dix-huitième siècle, siècle des Lumières. La tolérance religieuse fait partie de l'ADN de la France.
Ce n'est pas ce qui est en cause, et je ne laisserai personne nous accuser ici de remettre en cause la tolérance religieuse à l'égard de l'islam. Ce dont nous parlons, c'est de l'islam radical, de l'islam politique, de l'islam qui voile les fillettes, impose le burkini et défend aux femmes d'exercer leur liberté, de fréquenter l'espace public, de fréquenter des cafés, d'exprimer des opinions, d'être libres comme le sont les Françaises que nous sommes !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
C'est ça qui est en jeu et c'est ça dont nous discutons.
Je ne vous laisserai pas dire, monsieur Boudié, que c'est par stigmatisation de l'islam que nous intervenons. C'est insupportable et malhonnête.
Les amendements n° 917 , deuxième rectification, 271 et 663, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 114
Nombre de suffrages exprimés 111
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 32
Contre 79
L'amendement n° 665 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 766 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement concernant la prestation de serment pour les agents pénitentiaires, la gendarmerie, la police et la police municipale, avait été validé en première lecture. J'avais déposé une proposition de loi sur ce sujet, et vous-même, monsieur le rapporteur général, dans vos conclusions au rapport de la commission d'enquête sur la préfecture de police, aviez préconisé cela, à la lumière des différentes auditions – celles, notamment, de l'ancien préfet de police M. Delpuech, ou de Mme Bilancini, directrice du renseignement de la préfecture de police.
Cet amendement avait donc été validé en première lecture. Toutefois, les services du ministère de l'intérieur m'ont demandé, pour mieux préciser l'objet de l'adhésion, de rédiger plus correctement l'amendement.
Le Gouvernement a en effet invité M. Diard à faire évoluer la rédaction. Il est favorable à la modification proposée par le présent amendement, qui permet une meilleure compréhension de l'article.
L'amendement n° 827 est adopté.
L'amendement n° 1061 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 1er bis A, amendé, est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la nouvelle lecture du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra