Intervention de Philippe Berta

Séance en hémicycle du mardi 29 juin 2021 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta :

Je me réjouis à mon tour d'aborder dans notre hémicycle l'ultime étape de l'adoption définitive de la loi de bioéthique, plus de trois années après le lancement des états généraux de la bioéthique par le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE), états généraux auxquels ont participé quelque 30 000 Français, à raison de 65 000 contributions, et dont l'action se devra d'être poursuivie voire amplifiée. Au bout du compte, il aura fallu près de dix ans pour mener à bien la révision de nos lois de bioéthique.

La nouvelle lecture effectuée à l'Assemblée en début de mois a principalement consisté à rétablir les équilibres trouvés au cours des navettes successives. Le texte sur lequel nous devons nous prononcer est parvenu à un équilibre entre les droits qu'il confère, l'encadrement qu'il fixe et les barrières qu'il impose.

Les dispositions relatives à l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, à l'autoconservation des gamètes, au don d'organes, à l'utilisation des informations sur les caractéristiques génétiques ou à l'encadrement des travaux de recherche s'inscrivent dans une évolution juste et proportionnée des pratiques scientifiques de notre temps.

Ce texte comporte des avancées sociétales, certes, mais aussi certaines plus scientifiques. Or beaucoup ont eu tendance à l'oublier au cours des débats en se focalisant sur ses aspects sociétaux. C'est d'ailleurs sur les questions relatives à l'articulation entre nos principes éthiques et les progrès scientifiques que j'ai été particulièrement investi en tant que rapporteur des thèmes s'y rattachant.

Revenons sur la décennie nécessaire à cette révision – une durée si éloignée de la vitesse incroyable des progrès scientifiques et médicaux, qui croît de façon exponentielle année après année. Est-il raisonnable de poursuivre l'adossement de la réflexion sur l'éthique des sciences à celle sur une éthique plus sociétale, dont la temporalité est différente ? Permettez-moi d'en douter, et permettez-moi aussi de regretter que le cœur de la bioéthique, qui est bien l'éthique des sciences de la vie, se soit, comme attendu, retrouvé relégué à une place secondaire. Ceci est d'autant plus paradoxal que cela advient à un moment où la science a repris la place qu'elle n'aurait jamais dû quitter : sa place historique de porteuse de progrès et de soins.

La recherche en santé a en effet retrouvé ses lettres de noblesse, et a été notre sauveur. Il était donc légitime de lui donner des moyens considérables, mais aussi de rénover notre écosystème d'innovation français en santé. Comment ne pas s'interroger, par conséquent, sur la place qui lui a été laissée dans ce débat, mais aussi sur les mises en cause de l'esprit de responsabilité de nos scientifiques – qui laisseront à mon sens des traces au sein de la communauté scientifique ?

Permettez-moi de terminer en insistant sur nos regrets que ce projet de loi s'en tienne à des avancées insuffisantes dans le domaine du diagnostic, laissant notre pays loin derrière d'autres pays comparables. Ouvrir la fécondation in vitro (FIV) est une évolution sociétale. Dont acte. Mais refuser d'accompagner cette technique de la détection d'une éventuelle anomalie du nombre de chromosomes, pourtant présente chez plus de 50 % des embryons – et même 80 % pour ceux issus de mères de plus de 40 ans – est désespérant ! Après avoir été pionniers, nous sommes désormais parmi les derniers au regard de nos taux de succès, contraignant les femmes à multiplier les FIV inutiles, au prix de traumatismes physiques et psychiques totalement inacceptables. Il en va de même pour le diagnostic génétique néonatal. Si des avancées ont été obtenues, il faudra aller rapidement plus loin pour que ce diagnostic puisse accompagner les progrès thérapeutiques sans équivalent qui sont en train de s'accomplir. À quoi sert de posséder le médicament attendu sous forme, par exemple, de thérapie cellulaire, de thérapie génique ou d'immunothérapie, si nous refusons le diagnostic nécessaire, dans les temps requis, pour les enfants concernés ?

Beaucoup ont voulu savamment tout confondre. Combien de fois avons-nous entendu – tout à l'heure, encore – le terme « eugénisme » alors que jamais il n'a été question de tendre vers l'enfant parfait ou vers un enfant sélectionné, mais de faire naître un enfant tout simplement vivant et en bonne santé !

Comme la majorité des groupes qui composent cette assemblée, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés a laissé à chacun de ses membres la possibilité d'exprimer sa position sur ce texte. Chacun des députés démocrates se prononcera donc avec une liberté de vote totale.

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