Les débats consacrés à la bioéthique ont une place à part dans nos vies de parlementaire. Nous arrivons avec nos certitudes, nos convictions, mais aussi nos doutes, puis nous apprenons, nous nourrissons notre réflexion au gré des auditions, des témoignages et des échanges. C'est l'honneur de notre Parlement de nous confronter à ces questionnements éthiques, et c'est l'honneur de notre démocratie de nous autoriser à nous exprimer en toute liberté, de manière responsable.
Certains d'entre nous estiment que l'examen de ce texte n'était pas une priorité, à cause de la crise sanitaire. Mais qu'aurions-nous dit à celles et ceux qui attendent depuis tant d'années un traitement, un protocole encourageant, ou tout simplement l'accès à des techniques médicales déjà existantes ? La crise sanitaire ne doit pas servir d'excuse pour retarder les débats, encore moins pour justifier notre inaction. Au contraire, elle doit nous inciter à replacer la santé au cœur de nos préoccupations, à nous donner les moyens d'une recherche performante et ambitieuse et à considérer la fragilité de l'être humain – tout ce à quoi ce projet de loi invite. En ce qui me concerne, comme la majorité des membres du groupe Libertés et territoires, je suis fier de le voir enfin aboutir.
Plusieurs fois au cours des débats, certains ont souligné qu'il ne s'agissait pas d'amour car nous ne saurions légiférer sur l'amour. C'est vrai, bien sûr : je crois qu'il est surtout question d'humanité. À chaque article de ce projet de loi, à chaque avancée scientifique que nous espérons, une seule question se pose : respectons-nous les principes éthiques de dignité et d'indisponibilité du corps humain ? À chaque étape, nous avons répondu et construit des positions équilibrées, qui respectent notre modèle bioéthique.
Malgré tout, nous nous heurtons à une divergence principale avec nos collègues sénateurs, concernant l'ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes. C'est sur cette question que nous avons échoué à bâtir un texte consensuel, pour la première fois depuis que le Parlement examine des lois de bioéthique. Je le regrette d'autant plus vivement que, sur ce sujet, la société n'est pas aussi divisée que notre Parlement. À mon sens, la question du caractère éthique de la PMA a été tranchée lors de l'adoption de la première loi de bioéthique en 1994 ; nous avons désormais le recul nécessaire pour affirmer que nous ne nous sommes pas trompés. Aujourd'hui, la question se pose en termes d'égalité des droits : non pas de l'égalité face au droit d'avoir un enfant – celui-ci n'existe pas, nous sommes tous d'accord là-dessus – mais de l'égalité d'accès à des techniques médicales déjà en vigueur, que nous avons autorisées et qu'il ne convient plus de réserver de manière discriminante aux couples hétérosexuels.
Ce texte nous offre aussi l'occasion de réaffirmer que la pression sociale n'est pas une fatalité. Chacun et chacune a le droit de choisir pour lui-même. Nous pouvons nous départir de conventions sociales dépassées et ambiguës qui, d'un côté, nous intiment de procréer avant qu'il ne soit trop tard, et, d'un autre côté, nous en empêchent, au nom d'une vision réductrice de la famille.
Si je suis fier de voter ce texte, je reconnais qu'il laisse un arrière-goût d'inachevé, notamment en ce qui concerne l'accès à l'AMP pour les personnes transgenres ou à l'AMP post mortem, ainsi qu'en ce qui concerne la filiation : alors que le droit doit être inclusif et protecteur, la reconnaissance conjointe anticipée maintient les couples de femmes dans un régime dérogatoire au droit commun, ce qui n'est pas entièrement satisfaisant. Je réitère le souhait exprimé par ma collègue Sylvia Pinel, qui s'est beaucoup engagée sur ces questions et sur ce texte de manière générale : nous aurons besoin d'une vraie refonte du code civil, seul à même de reconnaître de manière égale les diverses familles au sein de la société.
Chers collègues, nous nous apprêtons à voter un texte emblématique, qui nous engage intimement en tant que parlementaires. Comme chaque fois, les députés du groupe Libertés et territoires se prononceront librement. En ce qui me concerne, je suis fier de lui apporter mon soutien résolu.