Ce débat sur les frontières de la neutralité n'est pas médiocre et l'amendement que nous examinons n'a rien d'illégitime, même si nous voterons contre au nom des principes même dont nous discutons. Qu'est-ce qui fonde la laïcité ? La neutralité de la puissance publique et la liberté absolue de conscience. En 1905, on a voulu qu'il y ait une séparation absolue entre les Églises et l'État pour faire en sorte que ce dernier ne puisse pas imposer une pensée. Pour l'éviter, c'est la puissance publique qui est contrainte à la neutralité car ni elle ni ses représentants n'ont à indiquer aux usagers une idée qui conditionnerait l'accès aux services publics. Il est donc normal que le président d'un bureau de vote soit neutre ou que des fonctionnaires soient neutres mais, au-delà, ça n'a pas de sens.
Ce principe ne vaut pas dans d'autres grandes démocraties, il s'agit d'une spécificité française, mais cette neutralité que nous imposons doit être proportionnée et, en l'espèce, ne s'appliquer qu'à ceux qui ont la possibilité d'influencer le vote, c'est-à-dire au président du bureau de vote, certainement pas aux autres.
Vouloir à tout prix étendre le domaine de la lutte contre le séparatisme risque d'aboutir à des confusions. On finira par demander aux gens : « Êtes-vous bien sûr que vous êtes dans la norme pour participer à la vie démocratique ? » C'est une confusion dangereuse.