Intervention de Florent Boudié

Séance en hémicycle du mardi 29 juin 2021 à 21h30
Respect des principes de la république — Article 2 bis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFlorent Boudié, rapporteur général de la commission spéciale et rapporteur pour le chapitre 1er du titre II :

Je ne sais pas si vous faites de l'humour, mais vous êtes très insistant et je trouve cela agaçant.

Je vous disais que non : nous n'estimons pas qu'il existe une corrélation automatique, par nature ou par principe, entre le port d'un signe religieux dans un bureau de vote ou ailleurs, et une forme de prosélytisme, c'est-à-dire une altération de la sincérité du scrutin. Voilà quelle est notre position.

Au fond, lorsque nous envisageons collectivement de changer le droit, quelles que soient nos sensibilités, il convient d'étudier les dispositions qui s'appliquent d'ores et déjà. Nous pouvons débattre largement et nous affronter sur certains points, mais encore faut-il identifier ce qu'il est possible de faire avec le droit existant – dans la mesure où nous faisons la loi, il me semblait important de le rappeler.

À cet égard, l'une des particularités du droit français est que le droit électoral ne cible pas les personnes portant un signe religieux, mais celles dont tout comportement, y compris religieux ou politique, viendrait altérer la sincérité du scrutin ou limiter la capacité à s'exprimer librement à l'occasion d'un vote.

Les dispositions du code électoral répondant à votre préoccupation, que nous partageons tout en ayant une vision différente s'agissant des conséquences du port de signes religieux, sont nombreuses et j'estime qu'il convient d'en citer certaines. Par exemple, l'article L. 98 punit de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait de troubler la gestion d'un collège électoral ou de porter atteinte à l'exercice du droit électoral ou à la liberté de vote. De cette manière, si un assesseur devait, par le port de signes religieux ou son comportement, faire acte de prosélytisme, il entrerait sous le coup de cet article, lequel prévoit, vous l'aviez compris, des poursuites pénales.

L'article L. 104 du code électoral indique, quant à lui, que la violation de la sincérité du scrutin par un membre du bureau – et non uniquement par le président du bureau – est punie de dix ans d'emprisonnement. Et je pourrais également citer l'article L. 113, qui punit d'un an d'emprisonnement de 15 000 euros d'amende quiconque aura tenté, avant, pendant ou après le scrutin, de porter atteinte à sa sincérité.

Ces dispositions existent et il convient de les étudier pour savoir si, dans la chaleur de nos débats, il est véritablement utile de modifier le droit existant.

Certes, le président du bureau de vote joue un rôle spécifique. En écho aux débats que nous avons eus avec Laurence Vichnievsky, rapporteure pour le chapitre 1er du titre Ier , je rappelle que sa mission est d'ailleurs assimilable à une mission de service public. Il n'empêche que, sur le fondement et selon l'esprit des dispositions que j'ai indiquées, le 8 mars 2002 – il existe de nombreux autres exemples –, le Conseil d'État a indiqué dans un considérant à sa décision n° 236291, ayant abouti à l'annulation d'un scrutin, que « le président du bureau de vote et les membres de ce bureau […] doivent s'abstenir d'influencer les électeurs lors du scrutin ». Les choses sont donc tout à fait claires et sans ambiguïté.

Ainsi, la seule question qui vaille véritablement est la suivante : devons-nous interdire le port de tout signe religieux dans les bureaux de vote au motif, de la plus grande gravité et qu'évoquait à juste titre M. Diard, qu'il peut y avoir une passerelle – et non une corrélation par nature et par principe – entre une appartenance religieuse et une dérive séparatiste pouvant conduire à la radicalisation, au passage à l'acte violent, voire au terrorisme ? Dit autrement, le port d'un signe religieux est-il par nature un acte de prosélytisme qui altérerait la capacité des électeurs à s'exprimer librement dans les bureaux de vote ? Nous pensons que non. C'est pourquoi nous n'estimons pas utile de légiférer en la matière.

Voilà donc l'explication de notre position, laquelle me semble, monsieur Ciotti, aussi honorable que les autres qui ont été exprimées.

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