Intervention de Éric Poulliat

Séance en hémicycle du mercredi 30 juin 2021 à 15h00
Respect des principes de la république — Article 8

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Poulliat, rapporteur de la commission spéciale pour le chapitre II du titre Ier :

…vous faites intervenir ce débat à l'occasion de la discussion de l'article 8, relatif à la dissolution des associations : vous souhaitez qu'une association qui discrimine ou qui tient un discours racialiste soit dissoute. Cette proposition soulève selon moi de nombreuses difficultés, car elle permettrait de faire usage d'une mesure aux effets très puissants – la dissolution, c'est un peu le bazooka ou le lance-flammes ! – face à des faits qui sont en vérité difficilement objectivables. En effet, un grand nombre d'associations ont vocation à s'adresser à un public particulier – les femmes enceintes, les personnes originaires d'un même pays ou encore celles atteintes d'une maladie, par exemple – sans qu'aucune discrimination au sens de l'article 225-1 du code pénal ne soit exercée. Ces associations sont par nature discriminantes puisqu'elles se cantonnent à un périmètre donné, parmi les citoyens, et peuvent refuser d'en intégrer certains.

Or nous ne sommes ni en mesure ni en droit de régenter la vie des associations, chers collègues. Sur ce sujet, c'est une analyse au cas par cas qui est importante : il faut regarder dans le détail si une association est effectivement coupable de discrimination. Nous savons tous que c'est justement parce que leurs membres se trouvent dans des situations similaires qu'un grand nombre d'associations peuvent être des lieux de parole ouverts, des vecteurs d'intégration et de libération de la parole. Vous ne l'approuverez pas, mais l'exemple des Alcooliques anonymes a déjà été cité – il faut avoir été alcoolique pour participer aux réunions – et il est, bien sûr, loin d'être unique.

La rédaction très généraliste de l'alinéa proposé ne permet pas de saisir la diversité des cas et pourrait aboutir par exemple ce que des individus malintentionnés utilisent ce nouveau motif de dissolution pour nuire à une association en prétextant une discrimination. L'article L. 212-2 du code de la sécurité intérieure vise d'ores et déjà les discriminations. Une grande partie des objectifs de cet alinéa introduit au Sénat, que vous voulez rétablir, sont déjà satisfaits par la possibilité de dissoudre une association sur le fondement des pratiques discriminatoires. Les situations qui ne seraient pas couvertes par les dispositions de l'article L. 212-2 portant sur les discriminations sont à mon sens, dans l'immense majorité des cas, la conséquence du fait associatif qui repose sur la distinction entre les membres et les non-membres, comme je l'ai dit précédemment – cette distinction dépendant souvent de l'objet même de l'association.

Pour ces différentes raisons, même si je comprends votre préoccupation, chère collègue, il me semble pertinent de continuer à débattre et à chercher le bon moyen pour mettre fin à ces situations, mais il ne me semble pas pertinent de réintroduire l'alinéa et d'en arriver à la dissolution pour combattre un phénomène qui existe mais qui est difficile à quantifier : ce n'est pas parce que ses adeptes sont bruyants qu'ils sont nombreux.

Vous proposez en outre de rétablir un autre alinéa, également introduit par le Sénat et supprimé par la commission, visant à indiquer que la reconstitution d'une association dissoute sur le fondement d'une loi étrangère est punie des mêmes peines que lorsque cette association est reconstituée sur le fondement du droit français. Je suis également opposé au rétablissement de cet alinéa, déjà satisfait par l'article 212-1 du code de la sécurité intérieure et les dispositions en vigueur.

Comme vous l'aurez compris, chers collègues, c'est parce qu'ils interviennent à l'occasion de l'article 8 et parce que leur rédaction me paraît à la fois trop large et pas assez protectrice pour les associations que j'émets un avis défavorable à l'ensemble des amendements ainsi qu'au sous-amendement. Je reste néanmoins convaincu sur le fond qu'il faut continuer à travailler collectivement pour faire vivre les valeurs de notre République et empêcher les discours qui vont à leur encontre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.