La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 2 quinquies .
Je suis saisi de cinq amendements, n° 472 , 574 , 409 , 455 et 1000 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements identiques n° 472 de M. Éric Diard et 574 de M. Julien Ravier sont défendus.
Les amendements n° 409 , 455 et 1000 sont identiques.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 409 .
Il vise à interdire, sur les affiches et les circulaires électorales, tout emblème à caractère confessionnel.
Les arguments auxquels j'ai eu recours hier soir, lorsque dans un brouhaha considérable et une atmosphère un peu baroque j'ai défendu l'amendement n° 999 , valent également pour celui-ci, qui vise à garantir la neutralité religieuse des affiches et circulaires ayant un but ou un caractère électoral.
J'ai vraiment cru que pour la première fois depuis vingt ans, une majorité parlementaire se dresserait face à l'islamisme politique ; qu'elle aurait non seulement l'ambition, mais le courage d'armer efficacement la République contre les assauts du séparatisme islamiste. Et je veux encore y croire !
Mais depuis hier soir en particulier, le doute s'instille dans mon esprit, à force de voir raboter les angles, de voir rendre intemporelle une loi construite pour être appliquée, de voir certains jouer avec les limites du relativisme sur la question du séparatisme islamiste.
C'est tout de même le parfait bon sens que la loi puisse donner, à toutes celles et ceux qui organisent le suffrage universel, des outils clairs pour lutter contre le communautarisme électoral qui se développe ! Or non seulement c'est compliqué, mais l'idée même suscite des polémiques que je trouve insupportables, puisque celles et ceux qui défendent ce type d'amendements – y compris lorsqu'ils ne sont pas dans l'opposition – sont accusés d'être contaminés par l'extrême droite.
Mmes Annie Genevard et Émilie Bonnivard applaudissent.
C'est pourquoi il est inutile de me demander de retirer celui-ci, madame la rapporteure : je le maintiendrai, bien que je connaisse déjà le sort qui lui sera réservé. Pour le reste, je m'abstiendrai de toute intervention jusqu'à la fin de la lecture du projet de loi.
La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure de la commission spéciale pour le chapitre I
Cher collègue, je dois faire partie de ceux qui ont été contaminés par l'extrême droite…
Portons donc ensemble ce fardeau ! Cela étant, et même si c'est fastidieux, je ne peux que répéter les arguments avancés au cours de l'examen du texte en commission et en séance lors de la première lecture, puis à nouveau en commission en nouvelle lecture.
Il est parfois laborieux de chercher à préserver le bon équilibre : où placer le curseur ?
Il faut à la fois garantir les libertés fondamentales et préserver l'ordre public et la République.
S'agissant du matériel de propagande électorale, mes arguments sont les mêmes que pour les bulletins de vote et les listes communautaires – cela ne vous étonnera pas. À mon sens, la liberté d'expression et la liberté de manifester ses opinions doivent prévaloir, d'autant que, comme je le disais hier, la sanction, c'est le vote. Avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement ne souhaite pas plus que vous que des emblèmes confessionnels figurent sur les bulletins de vote. Mais faute d'une définition de tels emblèmes, l'adoption de ces amendements entraînerait de nombreux contentieux.
Avec tout le respect que je vous dois, madame Genevard, permettez-moi cette question : la croix de Lorraine est-elle un emblème confessionnel ? La réponse réside dans sa forme et dans son nom : il s'agit d'une croix ! Le lien entre le christianisme et cet emblème est d'ailleurs une réalité historique. Des exemples similaires me viennent à l'esprit.
Je ne cherche pas à polémiquer ou à hystériser le débat, que je souhaite pacifier, au contraire. Je le répète : le Gouvernement ne souhaite pas plus que vous que les bulletins de vote soient recouverts d'emblèmes confessionnels, mais ces propositions seraient sources de contentieux à venir. Dans ces conditions, le Gouvernement y est défavorable.
Ce débat est important ; il nous ramène à l'essence même de la laïcité et des principes qui animent la République. Est-ce que l'on peut imaginer une République sans liberté d'expression ? Non, évidemment ; personne ne le prétend.
La neutralité de l'État, qui est, avec la liberté de conscience, l'un des deux pôles de la laïcité, a certes pour corollaire une restriction de la liberté de ses agents : dans l'exercice de leur fonction, ils n'ont pas le droit d'exprimer leurs opinions, en particulier religieuses.
Mais, en dehors des cas de troubles à l'ordre public, comment imaginer que l'on puisse limiter la liberté d'expression, notamment en matière politique, lorsqu'il s'agit de propagande électorale ? C'est une erreur que de croire que l'on pourrait dissiper la confusion qui règne autour des principes de la République et de leur respect en interdisant purement et simplement ces symboles – M. le ministre a raison, c'est un nid à contentieux ! À mon sens, cela reviendrait même à donner des outils à ceux-là mêmes qui veulent attaquer la République, parce qu'ils y trouveraient un prétexte pour parler de stigmatisation, de rejet et d'exclusion. C'est face au vote que nous devons avoir raison, c'est le débat démocratique qui détermine le choix du peuple. La loi ne peut restreindre la liberté d'expression en la matière.
Il est d'ores et déjà interdit de faire figurer des emblèmes nationaux sur des documents de propagande électorale. Sans même parler du drapeau tricolore, il n'est pas possible d'y faire apparaître les couleurs bleu, blanc et rouge, quand bien même cette combinaison résulterait du choix des vêtements du candidat ou de la couleur du décor. La loi pose donc déjà certains interdits. Il ne serait pas aberrant d'en étendre le champ.
L'interdiction de faire figurer des emblèmes nationaux se justifie par le fait qu'ils ne sont pas la propriété de tel ou tel groupe ou parti politique. Mais qu'en est-il des emblèmes confessionnels ? S'ils doivent faire l'objet de la même interdiction, c'est tout simplement en raison du contexte dans lequel nous débattons du projet de loi.
Nous savons que le séparatisme islamiste n'est pas seulement le fait de terroristes armés prêts à commettre des crimes, mais qu'il prend aussi la forme d'un entrisme de gens parfaitement intégrés cherchant à imposer à bas bruit leurs lois, leurs règles, leurs convictions, leur idéologie. C'est bien cela que nous devons combattre. Nous savons qu'ils cherchent aussi à s'implanter par la voie des élections. Dans un tel contexte, il est sensé de vouloir neutraliser l'espace de vote – c'est l'objet du débat que nous avons eu hier soir – ou les documents électoraux. J'ai peine à comprendre l'indulgence dont vous faites preuve, au nom de la liberté, à l'égard de ceux qui sont animés de mauvaises intentions. C'est notre liberté qu'il faut préserver, pas celle de personnes mal intentionnées !
S'agissant de la croix de Lorraine, monsieur le garde des sceaux, on ne peut nier qu'elle est une croix. Mais, vous en conviendrez, quiconque la regarde ne pense pas nécessairement à la dimension religieuse qui pourrait lui avoir été attachée. En effet, elle est le symbole des ducs de Lorraine ; elle a été utilisée par les soldats de l'armée de René II lors de la bataille de Nancy de 1477. Ce sont des références historiques.
Un gaulliste, pour lequel ce symbole est important, peut parfaitement être athée. En réalité, vous le savez bien, la croix de Lorraine évoque le général de Gaulle bien plus qu'une quelconque et très ancienne référence religieuse. Cet argument me paraît donc plutôt spécieux.
Monsieur le garde des sceaux, je ne doute aucunement de votre culture,…
Oh, vous savez…
…ni de votre vivacité, ni évidemment de votre connaissance du droit ; pourtant je m'attendais bien à entendre un argument tel que celui de la croix de Lorraine, après qu'on nous a ressorti, si je puis m'exprimer ainsi, le chanoine Kir et l'abbé Pierre – on pourrait certainement en trouver d'autres. Même si je n'ai jamais été gaulliste et ne me suis jamais prosterné devant la croix de Lorraine, j'ai beaucoup de respect pour le général de Gaulle, et surtout je constate qu'il n'a jamais eu de visée séparatiste, non plus que ceux qui l'ont accompagné, pas davantage d'ailleurs que n'en ont eu le chanoine Kir et l'abbé Pierre.
Et alors ?
Aucun de ces trois personnages n'avait pour objectif de faire glisser notre culture et notre système démocratiques vers une autre forme de démocratie, à l'anglo-saxonne. Elle est tout à fait respectable, mais ce n'est pas la nôtre et je la combats – j'espère ne pas être seul. Dans un tel cadre, en effet, il n'est plus question de la communauté nationale dans son entièreté et sa souveraineté, pour reprendre les termes de la Constitution et de nombreuses jurisprudences, puisque des sections du peuple peuvent alors s'organiser et se présenter aux élections. La question qui est posée revient à choisir entre ces deux formes de démocratie.
Je partage les propos de Mme Annie Genevard : toute loi est élaborée dans un contexte, et la croix de Lorraine n'a aucun rapport avec celui dans lequel a été déposé ce projet de loi. Comme le Président de la République l'a maintes fois souligné, celui-ci vise à renforcer les moyens dont l'État se dote pour lutter contre les séparatismes, en particulier contre le séparatisme islamiste. Avec l'infini respect que je dois et que j'éprouve sincèrement pour Laurence Vichnievsky, rapporteure pour ce chapitre, je peux donc intellectuellement comprendre la logique de son argumentation, mais non la partager politiquement. Selon elle, dans notre démocratie, dont les règles sont conformes aux principes de la République laïque, laquelle s'incarne dans des textes, tout le monde peut se présenter et le suffrage universel devant déterminer si la République est la plus forte. Dans ce cas, pourquoi le ministère de l'intérieur, le ministère de la justice, les services du Premier ministre et même ceux de l'Élysée ont-ils accompli tant de travail depuis 2019 au moins, pour trouver comment contrecarrer les listes communautaires avant les élections municipales ? Il n'est pas question de se dire avec laisser-aller que si des listes communautaires l'emportent, la démocratie aura gagné ! Non : la République aura reculé !
Je salue ces amendements sérieusement argumentés. J'apprécie que les débats se déroulent dans un calme qui contraste avec la houle qui a agité hier soir l'hémicycle lors de notre discussion sur les assesseurs. Il est très important à mes yeux d'éviter d'affirmer que ceux qui refusent les emblèmes religieux sur les affiches appartiennent à l'extrême droite ou à l'extrême gauche.
J'éprouve une grande reconnaissance pour les députés qui ont accompli un travail très sérieux.
En effet, ces amendements n'arrivent pas par hasard dans le débat. Nous assistons à un regain du mouvement religieux et nous avons peur qu'un entrisme dont nous ne voulons pas abîme la République. On peut se réclamer du bon sens pour considérer qu'un emblème religieux n'a pas sa place sur une affiche électorale ou sur un bulletin de vote.
Toutefois, j'entends la difficulté pratique soulevée par le garde des sceaux, à savoir que des contentieux naîtront de l'absence de définition d'un tel emblème. On pourrait tout simplement interdire les emblèmes sur les bulletins de vote ou limiter l'information au nom du parti politique, par exemple.
Nous n'avons pas examiné les questions plus générales de savoir où commence et où s'arrête le service public, où commence et où s'arrête une élection. Un candidat élu à des fonctions exécutives, même avec une affiche de propagande religieuse, sera tenu au respect des principes de neutralité et de laïcité. Vous m'objecterez que cela relève du choix de l'électeur, mais l'électeur n'est pas toujours attentif à ces questions, il ignore parfois quelles conséquences une élection emporte.
Il ne faut donc pas écarter ces amendements d'un revers de la main, mais considérer que le débat parlementaire qui nous occupe est important, comme était importante la discussion d'hier concernant les assesseurs. Nous devons poursuivre dans cette voie. Le moment n'est peut-être pas opportun pour adopter une telle mesure, peut-être faut-il l'étudier davantage, à la lumière d'un travail avec le Conseil d'État. Quoi qu'il en soit, j'estime qu'il est problématique d'affirmer que nous ne devons pas chercher à résoudre le problème du séparatisme par le traitement de la laïcité dans la vie publique.
Je ne suis pas favorable à ce que des candidats affichent une appartenance religieuse.
Personne ne l'est !
Néanmoins, pour la clarté des débats, je veux soulever une question, qui a peut-être déjà été posée – j'ai raté le début de la séance. Je me souviens d'une collègue de nos amis du groupe Les Républicains, qui défendent ces amendements, depuis devenue sénatrice : sur une affiche électorale, elle arborait autour du cou un signe religieux. Est-ce cela que vous visez ?
Pensez-vous que le symbole du département de la Vendée, à savoir un sacré-cœur, est un signe religieux ?
Bien sûr !
Comment définissez-vous ce qui est ou n'est pas un signe religieux, et dans quelle mesure un signe religieux est séparatiste ? Ces questions révèlent l'existence de marges d'interprétations que vos amendements ne réduisent pas ; leur adoption nous engagerait donc dans une voie pour le moins hasardeuse.
La République est une et indivisible. Nous devons combattre les programmes de ceux qui ne veulent pas respecter les lois de la République, qui nous sont communes. Nous avons déjà cette préoccupation et je ne vois pas comment les amendements que vous défendez nous aideraient à y parvenir. L'emblème sur le drapeau de la Vendée n'est pas une croix de Lorraine, mais bien le sacré-cœur, son inspiration n'a rien de laïc – pensez-vous qu'elle doive le changer ?
Si c'est ce que vous souhaitez, dites-le ! Vous n'en avez rien fait, alors que vous appartenez à la majorité ; je ne vous ai d'ailleurs jamais entendu dire que vous le souhaitiez, et je ne l'ai jamais lu dans vos ouvrages. En ce qui me concerne, je l'ai dit et écrit : je fais preuve de constance dans mes prises de position. En fait, je suis toujours étonné par la véhémence à dénoncer l'attachement supposé de certains aux signes religieux, lorsque d'autres signes ne suscitent aucune objection.
Étant donnée la religion souvent citée dans nos débats, on voit à peu près quels signes religieux pourraient être concernés s'agissant des femmes, mais qu'en est-il des hommes qui portent une barbe en raison de leur appartenance religieuse ? Faut-il exiger qu'ils se rasent ?
Sans doute, mais je remarque qu'il a fallu un règlement récent pour interdire le port des signes religieux à l'Assemblée nationale : auparavant, seul l'usage les proscrivait dans les formations politiques. Encore ne s'agit-il pas d'une loi.
J'ai déjà évoqué la réponse d'Aristide Briand au député Charles Chabert lors du débat de 1905 : si vous interdisez tels signes religieux, l'ingéniosité des tailleurs et des religieux trouvera des ressources, la couleur d'un vêtement évoquera une religion – il y aura toujours autre chose. Cette mesure ne résoudra pas le problème.
La discussion commune concerne les affiches et la propagande électorale officielle : peuvent-elles comporter des signes religieux ostensibles ? Conformément aux principes de la République, la réponse est d'évidence non.
Encore une fois, je regrette l'impuissance du politique à interdire les signes religieux ostensibles sur la propagande électorale ou sur les bulletins de vote. Après, on s'étonne que nos concitoyens n'aillent pas voter ! Très honnêtement, à quoi servons-nous ?
Exclamations sur les bancs du groupe GDR.
Si ! Cela montre notre impuissance ! J'ai écouté tous les orateurs ; nous sommes tous d'accord pour dire que nous ne voulons pas de ces signes religieux, mais nous sommes incapables de les interdire. C'est incroyable ! Ne nous étonnons pas que nos concitoyens se détournent de nous.
La parole est à M. Florent Boudié, rapporteur général de la commission spéciale et rapporteur pour le chapitre Ier du titre II.
Madame Untermaier, aucun amendement n'a été écarté d'un revers de main – je parle sous le contrôle de la rapporteure et du président de la commission spéciale.
Nous avons certes des divergences, mais nous tentons à chaque fois d'analyser les propositions, d'exposer des arguments. Il n'a échappé à personne que les débats traversent tous les bancs, y compris ceux de la majorité, et c'est pour le mieux, mais aucun amendement n'a été repoussé d'un revers de la main.
Il faut revenir à des considérations fondamentales : le rôle de la laïcité à la française n'est pas de laïciser le pays ou la société, non plus que le débat démocratique. Il s'agit pour l'État de garantir à chacun la liberté de conscience et le droit d'exprimer ses opinions, grâce au principe de neutralité, notamment celle des agents chargés des missions de service public.
Cher collègue Chouat, je conviens que cette définition ne s'oppose pas tout à fait à votre argumentation. Cependant, nous devons nous interroger sur certains points. M. Corbière a posé une question qui m'était venue en écoutant les intervenants : que faire du double cœur du roi et du Christ, surmonté d'une croix ? Vous avez raison de souligner qu'il n'apparaît pas sur une propagande électorale, néanmoins il est depuis 1943 le blason du département de la Vendée. Il a d'ailleurs été stylisé par Philippe de Villiers lorsque ce dernier était président du conseil général. Il s'agit d'un élément qui n'est pas entièrement laïc.
Il en va de même de l'affiche électorale de François Mitterrand en 1981.
Certes, la croix avait été éliminée, mais il n'y a pas plus confessionnel qu'une église, avec ou sans croix.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
En France, il existe un parti chrétien-démocrate, qui s'affiche comme tel. Il est présidé par notre ancien collègue Jean-Frédéric Poisson et s'appelle désormais la voie du peuple – tout un programme.
Je ne veux pas alourdir mon argumentation,…
…d'autant qu'Éric Ciotti n'est pas présent. Cependant, j'ai consulté avec beaucoup d'attention le tract qu'il a diffusé dans le canton où il a été élu au premier tour, avec 60 % des voix. On y voit une procession et les racines chrétiennes du pays y sont rappelées. Comme profession de foi, tomberait-il sous le coup de l'interdiction que ces amendements visent à prévoir ?
Cela ne fait aucun doute et je vous invite à consulter ce document électoral très parlant – je peux vous le transmettre. Des croix y figurent, en même temps qu'on y appelle à interdire le voile islamique !
Même si cet aspect du débat revêt une grande complexité, il nous faut accepter que la démocratie permette à des royalistes de défendre un régime qui ne soit pas républicain : à nous de les combattre ! Dans le même ordre d'idées, je n'ai jamais adhéré aux demandes, venant de la droite ou de la gauche, visant à interdire l'extrême droite, de façon à la faire disparaître du champ démocratique : telle n'est pas la solution pour la combattre. De même, la meilleure des solutions pour combattre les tentatives séparatistes ne consiste pas à jeter un voile pudique – si vous me permettez l'expression – sur les emblèmes confessionnels pouvant apparaître sur un bulletin de vote ou sur une affiche.
D'ailleurs, le vrai séparatisme est celui qui se cache, pas celui qui s'affiche : il ne se traduit pas par un emblème confessionnel sur un bulletin de vote, mais ne dit pas d'où il vient ni ce qu'il veut. À cet égard, les Frères musulmans ont la particularité de vouloir infiltrer les structures associatives, les conseils d'administration de telle ou telle institution, sans jamais révéler leur projet politique, ni, à aucun moment, afficher ce qu'ils sont et ce qu'ils veulent.
Tel est le danger de l'islam politique, celui de se cacher, de ne pas communiquer son projet politique et de chercher l'approbation sur des bases faussées. Acceptons que ce combat participe de la démocratie, qui ne consiste pas simplement à effacer les signes des uns et des autres.
On ne peut pas enfourcher tous les chevaux, fussent-ils au galop. Prétendre que le vote de cet amendement permettrait de faire reculer l'abstention relève de l'opportunisme !
Laissez-moi vous répondre, madame. Le Gouvernement ne souhaite pas davantage que vous que les bulletins de vote fassent figurer des emblèmes confessionnels. Cependant, les interdire entraînerait de très nombreux contentieux tant leur définition est floue.
Ainsi, Mme Untermaier prétend que l'église, sur l'affiche de François Mitterrand, n'est pas un emblème mais revêt une dimension patrimoniale : s'il s'agissait d'une mosquée, diriez-vous la même chose ?
Les deux cœurs surmontés de la croix du Christ cités par M. Corbière sont un emblème. De même, supprimerez-vous le mot « chrétien », composante d'un parti démocrate-chrétien ?
Car il ne serait pas cohérent d'accepter le mot tout en refusant l'emblème… Accepterez-vous la femme ou l'homme politique se présentant, la chemise ouverte, avec une croix ? Tout cela risquerait de générer un énorme contentieux.
Dernier exemple, monsieur Chouat, celui de la croix de Lorraine : la présence d'une croix de Lorraine sur un bulletin de vote ne me gênerait en rien, mais elle est susceptible de donner naissance à des contentieux.
Et ne me dites pas que tel emblème serait acceptable parce qu'il n'est pas séparatiste ! Puisque vous avez rendu hommage à ma culture, peut-être à tort, d'ailleurs, je vous rappelle que la loi s'applique erga omnes, pour tous : il n'est donc pas possible de distinguer entre l'emblème séparatiste et celui qui ne le serait pas. Je n'ai aucune envie qu'apparaissent des tas d'emblèmes sur les bulletins, mais on ne peut prendre le risque d'un contentieux sans fin.
On laisse simplement un peu de liberté. Nous sortons d'une période électorale : en avez-vous vu beaucoup, des bulletins de vote comportant des emblèmes religieux ? Où donc ? Citez-moi un seul exemple ! Pour ma part, je n'en ai pas vu, et pourtant, j'ai bien regardé. Ne prétendez donc pas que nous nous trouvons devant un fléau contre lequel il faudrait se mobiliser ! Si nous nous risquons à adopter un tel dispositif, nous créerons du contentieux, dans la mesure où il n'existe pas de définition claire de l'emblème religieux.
L'exemple de la croix de Lorraine est à cet égard très parlant. Certains diront, comme vous le faites, madame Genevard, qu'historiquement cela pourrait quelque peu s'apparenter à un emblème religieux, mais qu'une telle caractérisation relève de l'infiniment subsidiaire, tandis que d'autres affirmeront qu'il s'agit bien d'un emblème : le débat n'aura pas de fin. Laissons plutôt les choses en l'état. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces amendements, qui reviennent à se demander pourquoi faire simple quand on peut faire très compliqué !
La parole est à M. François de Rugy, président de la commission spéciale.
Je suis peu intervenu dans nos débats, notamment hier soir, sur la question des assesseurs. Sont désormais évoqués les professions de foi, les bulletins de vote, les affiches et tout ce qui relève de la propagande électorale.
Une confusion tend à s'installer. La laïcité, en France, signifie la neutralité de l'État et de tout ce qui relève des collectivités locales, de la fonction publique. Il n'y a donc pas d'ambiguïté : toutes ces structures et les personnes qui en relèvent, élus, fonctionnaires ou agents publics, ne peuvent pas utiliser leur position et les moyens de la collectivité pour faire du prosélytisme et la promotion d'une religion.
Je l'avais évoqué en commission spéciale lors de la première lecture : j'ai l'impression que les nouveaux convertis de la laïcité se laissent quelque peu emporter par leur élan !
Tout le monde sait que la loi du 9 décembre 1905, même si elle s'intitule loi de séparation des Églises et de l'État, concernait en réalité les relations entre ce dernier – et tout ce qui relève de la sphère publique – avec l'Église catholique. Auparavant, il n'y avait pas de séparation, mais une promotion du catholicisme par les collectivités publiques. La séparation a eu lieu ; elle n'a pas été simple, et a même souvent été douloureuse. Mais cela n'empêche pas des candidats aux élections, qui n'exercent donc pas encore les fonctions d'un élu, de revendiquer, s'ils en ont envie, une sensibilité religieuse.
C'est d'ailleurs le cas de nombreux candidats, dont certains se réclament de votre camp.
D'ailleurs, ne sont-ce pas des élus de votre parti, Les Républicains, qui ont récemment été à l'origine d'un contentieux destiné à obtenir du Conseil d'État l'autorisation d'installer des crèches dans les bâtiments publics tels que les mairies – c'est-à-dire pour y faire la promotion d'une religion ?
Et subitement, il ne faudrait supprimer tout emblème religieux sur la propagande électorale ? Mais qu'est-ce qu'un emblème religieux ? Comme M. le ministre l'a indiqué, les dispositifs que vous proposez sont autant de machines à contentieux.
Certains d'entre vous ont été candidats aux dernières élections régionales et départementales.
Vous savez donc que les commissions de propagande contrôlent les circulaires et bulletins de vote. Elles vérifient, par exemple, l'absence de juxtaposition des trois couleurs bleu, blanc et rouge. Au passage, je serais favorable à la suppression de l'article R. 27 du code électoral, qui conduit à des absurdités
Murmures d'approbation sur les bancs des groupes Dem et SOC
telles que le refus d'une profession de foi comportant un coin rouge et un coin bleu sur une feuille blanche. Cette raison suffit pour les envoyer au pilon, ce qui est grotesque ! Ce n'est pas parce que certains instrumentalisent le drapeau tricolore qu'il faut priver tout le monde de la possibilité de le revendiquer.
Cette seule question constitue déjà une machine à contentieux : n'en rajoutons pas ! Car il y aura toujours des photos, pas totalement innocentes,…
…comportant une église de village, une cathédrale ou un bâtiment religieux, qui seront considérées comme un emblème religieux et qu'il faudra retirer de la profession de foi. Or la profession de foi doit permettre l'expression libre de chaque candidat vis-à-vis des électeurs.
Il revient aux électeurs et non à la commission de propagande de tel ou tel département de décider si tel ou tel candidat a le droit de dire telle ou telle chose dans sa profession de foi. J'invite non seulement à rejeter ces amendements, mais aussi à cesser de semer la confusion autour de la laïcité, d'autant que les personnes qui se laissent ainsi emporter par leur élan seraient les premières victimes de telles dispositions si elles devaient être adoptées.
Si confusion il y a, elle se situe plutôt de votre côté que du nôtre, monsieur le président de la commission spéciale.
Exclamations sur les bancs des commissions.
Vous avez fait référence à la loi de 1905, en disant que son adoption n'était pas allée de soi, en évoquant l'extrême difficulté à séparer les Églises et l'État. Or le travail que nous faisons aujourd'hui est également très difficile et très sensible. De quoi s'agit-il ? De lutter contre un prosélytisme, ce qu'il est convenu d'appeler un soft power, qui s'insinue, s'infiltre, qui formate et veut imposer sa loi. C'est un travail difficile, qui exige de faire preuve de courage et de ne pas avoir peur du conflit, car, in fine, c'est la loi qui gagnera, comme elle a gagné en 1905, elle qui nous sert encore de cadre de référence.
Autre point, le matériel électoral est financé par de l'argent public et sert à élire des personnes destinées à exercer des responsabilités publiques, parfois en délégation au nom de l'État.
Troisième remarque, vous faites une confusion en évoquant le parti démocrate-chrétien. J'observe à cet égard qu'est né, en miroir, un parti démocrate-musulman.
Nous ne parlons pas de la même chose, monsieur de Rugy, car, s'il existe une égale dignité des religions, il n'y a pas une égale façon de la promouvoir.
Rires sur les bancs du groupe FI.
Depuis quand existe-t-il un séparatisme chrétien dressé contre la République et qui ourdirait le projet d'une contre-société ?
« Très bien ! » sur les bancs du groupe LR.
Ce serait revendiquer une sensibilité religieuse que d'oser relever l'existence d'une tradition judéo-chrétienne dans notre pays ? Mais n'importe quel historien normalement constitué vous la confirmera ! De même, vous avez évoqué les crèches, mais le juge a tranché cette question : lorsque l'installation d'une crèche revêt un caractère patrimonial, elle est acceptée,…
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Tel est le rôle du juge : décider quelle règle s'applique à telle situation. Vos arguments ne sont donc pas très solides, ni sérieux.
Dans cette affaire, monsieur le garde des sceaux, le Gouvernement ne cherche-t-il pas à démontrer sa résolution à lutter contre le séparatisme islamiste ? Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit, ou alors je n'ai rien compris ! Or vous avez refusé toutes les mesures susceptibles de montrer aux ennemis de la République que le pays ne les laissera pas faire.
Vous avez refusé qu'on interdise le port du burkini. Vous avez refusé qu'on interdise aux femmes voilées d'être assesseures lors des élections. Vous avez refusé d'intervenir sur le voilement des mineurs. Vous avez refusé tout ce qui pourrait être compris par ceux qui veulent nous nuire comme le signe que non, nous ne les laisserons pas faire.
Vous évoquez le symbole de la Vendée,…
Entre autres.
…qui ne concerne pas le matériel électoral mais les panneaux signalétiques, ce qui n'est pas tout à fait la même chose ! Lorsqu'on promeut les petites cités de caractère dans mon département, on montre un clocher comtois, élément emblématique du patrimoine local, ce qui ne revient pas à faire œuvre de prosélytisme catholique.
Je vous dis qu'il y aura du contentieux !
La question est celle du matériel électoral ! Vos exemples n'ont rien à y voir, monsieur le garde des sceaux. Vous êtes dans la confusion la plus totale, pardonnez-moi de vous le dire !
L'amendement de suppression n° 926 de M. Charles de Courson est défendu.
L'amendement n° 926 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1066 de Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure est rédactionnel.
L'amendement n° 1066 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 2 sexies, amendé, est adopté.
L'amendement de suppression n° 1102 de M. Paul-André Colombani est défendu.
L'amendement n° 1102 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1103 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements n° 280 de M. Éric Coquerel et n° 281 et 298, tous deux de M. Alexis Corbière, sont défendus.
Je ne crois pas, madame Ménard. D'ailleurs, si tel était le cas, vous venez de les dépenser…
L'amendement n° 1104 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 111 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 903 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
L'amendement n° 225 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements n° 904 de M. Éric Ciotti et 473 de M. Éric Diard sont défendus.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 643 .
Je propose que, lorsque l'infraction créée par cet article est commise à l'égard d'une personne investie d'un mandat électif public, le juge ait la possibilité de prononcer l'interdiction des droits civiques.
Une telle interdiction peut être prononcée pour tous les crimes et pour la grande majorité des délits. J'estime que, lorsque l'on s'en prend à une personne investie d'un mandat électif public, on doit à tout le moins risquer que le juge prononce cette interdiction.
Cet amendement est satisfait : le juge peut prononcer l'interdiction des droits civiques dans ce cas. C'est donc une demande de retrait plutôt qu'un avis défavorable.
Même avis.
L'amendement n° 643 est retiré.
Cet amendement vise à interdire de territoire français, par principe et non par exception comme c'est le cas aujourd'hui, les étrangers qui se seraient rendus coupables de violences, de menaces ou d'intimidations à l'égard d'une personne participant à l'exécution d'une mission de service public.
Les interdictions de territoire français sont déjà prévues par le code pénal, notamment pour ceux qui se sont rendus coupables de terrorisme. Il s'agit ici d'étendre le dispositif actuel afin d'apporter tout notre soutien à ceux qui sont chargés d'une mission de service public et qui subissent malheureusement de plus en plus la violence de notre société.
Avis défavorable. Je me répète, et j'en suis désolée : ces amendements sont contraires aux dispositions de l'article 131-30-2 du code pénal, qui prévoit l'impossibilité de prononcer une peine d'interdiction du territoire français à l'égard d'un étranger, dans un nombre de cas bien sûr limité : s'il justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; s'il réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; s'il réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et si, ne vivant pas en état de polygamie, il est marié depuis au moins quatre ans avec un ressortissant français ; s'il réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et si, ne vivant pas en état de polygamie, il est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France ; enfin, s'il réside en France sous couvert du titre de séjour « vie privée et familiale » pour raisons médicales.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 112 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
Cet article crée un délit d'entrave à l'exercice de la fonction d'enseignant. Je me réjouis qu'il ait passé les étapes des lectures successives : des modifications ont été apportées, mais l'essentiel a été conservé puisque ce délit est inscrit au code pénal.
La rédaction que vous nous proposez vise « le fait d'entraver […] l'exercice de la fonction d'enseignant ». Je la préfère à la version du Sénat, qui évoquait la « liberté d'enseigner » : il n'y a pas de liberté sans cadre.
Je propose néanmoins de préciser que la fonction d'enseignant s'exerce « dans le respect des objectifs définis dans le code de l'éducation ». Des parents malintentionnés pourraient remettre en cause un enseignant qui n'exercerait pas à leurs yeux correctement son travail – et ils pourraient même avoir raison, c'est possible aussi, ne nous leurrons pas.
On peut contester un enseignant qui ne respecte pas ce cadre, mais il faut rappeler ce cadre. C'est un amendement assez large et assez neutre : il faut respecter l'enseignant et l'exercice de son métier, mais à lui de respecter le cadre dans lequel cette fonction lui est confiée.
Chère collègue, je suis souvent sensible à vos démonstrations, mais ici je ne vous suis pas : il ne me semble pas utile d'énoncer ce qui va de soi. Cette précision me paraît redondante. Avis défavorable.
Les amendements n° 440 de M. Robin Reda et 628 de Mme Laurence Trastour-Isnart sont défendus.
L'article 4 bis est adopté.
Je regrette la suppression de cet article très utile introduit par le Sénat. Cet amendement vise à le rétablir.
Souvent, lors de mariages, dans nos villes et nos villages, certaines familles, françaises ou non, d'origine étrangère, brandissent des drapeaux étrangers et manifestent leurs traditions par des danses et des spectacles,…
…parfois dans la salle des mariages même mais aussi dans l'hôtel de ville ou sur la place de l'hôtel de ville.
Lorsque l'on est marié dans une mairie française, dans un bâtiment public qui est l'emblème de la République, j'estime qu'il faut se plier aux codes. Chaque fois que l'on a, en tant que maire, affaire à ces situations, elles suscitent énormément d'émoi.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Cela insupporte les gens, je vous l'assure ! Ils y voient un pied de nez à ce que le Président de la République a appelé « l'art d'être français ».
L'art d'être français, c'est aussi se conformer aux règles du pays dans lequel on vit…
On n'a donc pas le droit de danser ? Mais quelle disposition l'interdit ?
Monsieur Corbière, si vous voulez parler, je vous rappelle que nous sommes en temps législatif programmé et que vous aurez évidemment la parole autant que vous le souhaitez – dans la limite du temps restant au groupe de La France insoumise.
C'est de l'appropriation d'un espace public que je parle ici, du blocage d'une rue, du blocage d'une place, de l'irruption bruyante de certaines manifestations.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'apporte des éléments de contexte, monsieur le rapporteur général, si vous me le permettez.
Cette disposition vous fait sourire…
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
M. Jean-Marie Sermier applaudit.
Nous vous parlons d'expérience et nous vous expliquons comment la population ressent ces manifestations.
Mais si ! C'est le fruit de l'expérience qui a conduit le Sénat a adopté ces dispositions. Je vous assure qu'elle serait très utile.
Les amendements n° 456 de M. Éric Diard, 577 de M. Julien Ravier, 672 de Mme Emmanuelle Ménard et 907 de M. Éric Ciotti sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
…connaissent le travail – vous, en particulier, chère Annie Genevard –, ont déjà bien souvent traité et réglé le sujet en rédigeant des chartes.
Il n'est pas opportun d'aller au-delà en conférant un pouvoir de police au maire. J'émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
Madame Genevard, je suis un peu inquiet quand je vous entends dire, entre autres choses – je ne veux pas résumer votre propos à cela –, que nos compatriotes réagiraient mal lorsqu'ils voient des gens exécuter des danses venues d'ailleurs lors de leur mariage. Je vous rappelle que le sirtaki est grec ; la valse, autrichienne ; la sardane, catalane ; le flamenco, espagnol ; la salsa, cubaine et le smurf, français.
Sourires.
Moi, quand je vois des gens danser, cela me rend heureux.
Mme Sandrine Mörch applaudit.
Soyez donc heureux !
Contrairement à ce que semble présumer Mme la présidente Genevard, il se trouve que j'ai célébré quelques mariages en ma qualité d'élu local. Si d'aucuns s'étaient amusés à sortir un drapeau étranger en salle du conseil municipal, je les aurais évidemment rappelés à l'ordre parce que c'est une question relevant de la tenue de la cérémonie et de l'ordre public. Nous disposons de tous les outils pour y procéder.
En effet, notre pays est un pays de mélanges. Je ne crois pas au multiculturalisme mais que la France est un creuset : l'apport de toutes les cultures qui l'irrigue crée une nation qui évolue au fur et à mesure. Vous proposez un dispositif qui vise à réglementer le fait d'arborer des drapeaux étrangers, tout en prenant soin – c'est assez mignon – d'exclure celui de l'Union européenne.
M. le garde des sceaux rit.
Cela a le mérite d'être assez clair.
Nous avons recours au pouvoir de police pour assurer l'ordre public, afin de limiter les débordements. Je ne suis pas convaincu que les drapeaux aient une importance lorsque certains, tout à leur joie, se mettent à conduire n'importe comment. Certaines manifestations de joie peuvent être dangereuses, en effet ; il faut alors mettre un peu d'ordre.
Ne cherchons pas des prétextes pour stigmatiser : ce sont toujours les mêmes personnes que l'on cible. Nous avons simplement à faire en sorte de maintenir l'ordre public afin que chacun soit heureux de se marier ; cela arrive à des gens très bien.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Certaines personnes sont fières de leur pays d'origine : le fait de l'afficher lors d'un mariage n'en fait pour autant des séparatistes.
Telle est la richesse de la diversité. Si nous n'avons peut-être pas tous l'expérience de la vie politique locale – bien que 30 % des membres du groupe LaREM aient été auparavant des élus locaux –, nous avons celle de la vie citoyenne. C'est peut-être ce qui nous amène à faire preuve d'un peu plus de tolérance.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
En effet, des troubles à l'ordre public ont été constatés lors de certaines cérémonies de mariage civil. Mais dans plusieurs communes, les maires ont d'ores et déjà pris des arrêtés pour réglementer ce type de cérémonies dans le cadre de leur pouvoir de police.
Par ailleurs, comment interdire les drapeaux ou les emblèmes dans un pays où coexistent de nombreuses traditions régionales ? Lors de telles cérémonies, les Corses, les Bretons…
…et les habitants des autres régions ne pourraient-ils pas s'exprimer et arborer fièrement des drapeaux et des symboles de leur culture ? En tout état de cause, je le répète, les maires – vous le savez très bien pour l'avoir été, madame Genevard – ont parfaitement les moyens de prévenir d'éventuels débordements.
Je dirai un mot pour conclure. Je passe sur les provocations ; moi aussi, j'aime la danse et la salsa, et j'aimerais beaucoup danser avec vous, monsieur le garde des sceaux, ce n'est pas le problème.
Exclamations et rires sur divers bancs.
Il est intéressant de voir certains collègues se laisser aller à exprimer leurs convictions en la matière. L'un d'entre eux fait l'éloge de la diversité, revenant ainsi sur la question du multiculturalisme que nous avons évoquée furtivement hier. C'est bien le fond du problème ! Fondamentalement, la tradition française n'est pas multiculturelle, ce qui ne signifie pas que l'on y rejette la diversité des origines.
Zemmour, sors de ce corps !
Mes grands-parents étaient italiens ; j'adore la culture italienne. Mais ce n'est pas le sujet. La question est la suivante : comment à partir de cette diversité d'origines construit-on une nation ? Or, aujourd'hui, des forces contraires empêchent de faire une nation.
Si l'on revient au mariage, la question n'est pas d'interdire ou non la danse. Le sujet, c'est l'appropriation de l'espace public aux fins de manifester son appartenance.
Ce n'est pas l'objet des amendements !
Monsieur le président, je demande une courte suspension de séance, non pas pour danser avec Mme Genevard ,
Sourires
mais pour d'autres raisons.
Vous n'êtes pas obligé de vous justifier, monsieur le ministre : la suspension est de droit, a fortiori s'il s'agit de répondre favorablement à la proposition de Mme Genevard…
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.
La proposition d'instituer un contrat d'engagement républicain a profondément ému le monde associatif.
Nous comprenons et partageons votre objectif : on ne saurait verser de l'argent public à des associations dont les vues sont opposées aux valeurs de la République.
Cela étant, le contenu de cet article laisse accroire que les collectivités ne disposent d'aucun moyen pour contrôler la bonne organisation des associations et s'assurer que leurs activités ne contreviennent pas aux valeurs de la République. Vous imposez ainsi un contrat d'engagement républicain,…
…alors qu'il conviendrait plutôt d'instaurer un partenariat avec les associations…
…et de mener un travail de fond avec elles. Si une collectivité repère des faits indiquant qu'une association contrevient aux valeurs de la République, elle doit demander le remboursement des subventions, mais vous prenez ici les choses à rebours.
De plus, les collectivités, et plus particulièrement les régions, disposent déjà d'une charte des engagements réciproques. Pourquoi l'État devrait-il se placer au-dessus de cette initiative territoriale ?
Cet article n'est en réalité que de pur affichage. Comme nous le disons dans l'exposé sommaire du présent amendement, les dispositions qu'il contient existent déjà.
Il faudrait savoir : soit il n'est pas souhaitable d'adopter l'article, soit ce qu'il contient existe déjà !
À l'heure actuelle, lorsqu'une association demande des subventions, elle doit compléter un document CERFA, lequel indique qu'il est obligatoire d'adhérer à une charte dont le préambule appelle au respect des valeurs de la République, de l'égalité entre les citoyens, etc. C'est pour cette raison que le Haut Conseil à la vie associative a fait part de son étonnement au Conseil d'État vis-à-vis de cet article dont les dispositions sont redondantes et n'apporteront strictement rien.
D'ailleurs, de nombreux représentants d'associations, ont récemment signé, à l'initiative du Mouvement associatif, une nouvelle tribune dans laquelle ils s'étonnent de cette stratégie d'affichage politique, de l'interprétation abusive de certains faits, voire d'une volonté de mettre au pas les associations.
Bref, le dispositif prévu à l'article 6 est inopérant. Il laisse croire que les comportements associatifs potentiellement condamnables sont suffisamment nombreux pour qu'un contrôle soit nécessaire, mais les auditions en commission n'ont pas permis d'en faire la démonstration. Certains articles de presse ont certes fait des suppositions hasardeuses au sujet de clubs sportifs où l'on prie dans les vestiaires… Dont acte. Mais lorsque je pratiquais certains sports dans le sud de la France, j'ai pu assister à de fréquents signes de croix dans ces mêmes vestiaires !
Quoi qu'il en soit, si des associations apparaissent comme des foyers de radicalisation et de préparation d'actes violents, il convient d'agir. Mais ce contrat d'engagement citoyen, dont on ne connaît d'ailleurs pas encore bien le contenu, ne saurait fournir la moindre réponse à cet égard. C'est pourquoi le groupe La France insoumise propose de supprimer l'article.
Sur les amendements identiques n° 21 , 91 , 286 , 307 , 369 , 422 , 526 , 701 , 971 , 1016 et 1133 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement n° 369 .
Contrairement à ce qu'a dit mon collègue Alexis Corbière, on ne peut pas dire que les dispositions de cet article n'apporteront rien : elles apporteront au contraire beaucoup d'ennuis.
Nous ne pouvons bien sûr qu'approuver le principe selon lequel pas un euro ne doit être versé à une association qui soutiendrait le terrorisme. Il faut espérer, toutefois, que l'on ne compte pas sur les dispositions de cet article pour éviter cela ! Par ailleurs, nous estimons que les associations manquent cruellement de moyens financiers.
Je ferai dès lors trois observations.
Premièrement, ce dispositif, qui concerne le monde associatif dans son ensemble, comporte des risques d'interprétations arbitraires.
Le monde associatif représente 1,5 million d'associations, 13 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés. C'est une véritable force pour le pays.
La liberté d'association, c'est la liberté de créer ou de rejoindre un groupement de personnes volontaires, réunies autour d'un projet commun, la viabilité financière étant une condition de cette liberté. Sa valeur constitutionnelle a été reconnue par la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971, celui-ci ayant censuré à cette occasion l'essentiel du projet de loi Marcellin qui tendait à réformer la liberté d'association en la soumettant à un mécanisme d'autorisation préalable.
Ainsi, en soumettant l'octroi de subventions à la signature d'un contrat d'engagement républicain par les associations demanderesses – subventions qui sont la condition centrale de leur survie –, les dispositions de cet article reviennent à porter atteinte à la liberté d'association. Eu égard aux conséquences qu'elles emportent et aux cibles qu'elles visent, à savoir une minorité d'associations prônant le séparatisme, elles apparaissent totalement disproportionnées.
De plus, comme le Mouvement associatif l'a indiqué à juste titre, un tel contrat ne contraindrait que les associations, sans aucune forme d'engagement réciproque de la part de l'État. À cela s'ajoute que le Conseil d'État, ainsi que la Défenseure des droits, a souligné que ce contrat comporte des notions sujettes à interprétations antagonistes et des incertitudes qui ne manqueraient pas d'introduire de sérieux risques d'interprétations arbitraires. Enfin, la Défenseure des droits s'est également inquiétée qu'un tel dispositif participe à un renforcement global du contrôle de l'ordre social.
Qu'en est-il des associations hébergeant des jeunes en situation irrégulière ? Dans mon département du Saône-et-Loire, par exemple, l'association Le Pont héberge en effet une famille de Géorgiens, mais se trouve en difficulté depuis que le préfet a ordonné à cette famille de quitter le territoire. Cette association contrevient-elle à la sauvegarde de l'ordre public, principe figurant dans le contrat d'engagement républicain ? Elle respecte pourtant le principe de fraternité, lequel est également mentionné dans le contrat. Que se passe-t-il quand le respect de deux principes semble contradictoire ? L'association en question risque-t-elle de se voir supprimer ses subventions ?
Deuxième observation : les dispositions de l'article 6 nous apparaissent juridiquement imprécises, pour ne pas dire biaisées.
À l'origine, avec ce contrat, le Gouvernement voulait imposer le respect des principes de liberté, d'égalité et de fraternité, le respect de la dignité de la personne humaine et la sauvegarde de l'ordre public. Initialement employé, le terme « valeurs » n'était pas juridiquement défini et pouvait donner lieu à des interprétations larges, voire arbitraires. Après avis du Conseil d'État, le Gouvernement a donc opportunément choisi d'utiliser le terme « principes », défini par la jurisprudence sur des bases objectives. Cependant, l'exposé des motifs et l'esprit du texte demeurent inchangés.
L'utilisation du terme « contrat » nous apparaît également problématique. Comme l'explique Jean Baubérot, il « a été maintenu contre l'avis du Conseil d'État, ce qui manifeste une volonté politique de faire croire aux associations qu'elles passent un contrat, alors que ce n'est juridiquement pas le cas ».
Troisièmement, cet article risque de ne pas être efficace, voire de susciter des effets contre-productifs.
Les relations entre les pouvoirs publics et les associations sont déjà régies par une charte des engagements réciproques, créée en 2001 et renforcée en 2014. Celle-ci vise à mieux reconnaître la vie associative dans notre pays et à intensifier son action au service de l'intérêt général. Cet acte solennel, fondé sur les principes de liberté, d'égalité et de fraternité, renforce les relations tripartites entre l'État, le monde associatif et les collectivités locales, lesquelles sont basées sur la confiance réciproque – confiance dont vous nous avez abondamment parlé, à juste titre, depuis quatre ans –, le respect de l'indépendance des associations et la libre administration des collectivités territoriales.
La charte s'appuie donc déjà sur les principes de la République que sont la liberté, l'égalité et la fraternité et le contrat d'engagement républicain entre en contradiction avec elle. Alors que la charte entend placer la vie associative dans une relation de confiance réciproque, en respectant l'indépendance des associations, le contrat pose le voile de la défiance et constitue une ingérence supplémentaire dans leur financement. Comme le dit Jean Baubérot, « le Gouvernement affirme renforcer la laïcité, alors qu'il porte atteinte à la séparation des religions et de l'État ».
Ensuite, ce contrat ne sera pas un rempart contre le séparatisme, car des personnes ayant de mauvaises intentions à l'égard de la République pourront très bien le signer en donnant l'illusion d'une parfaite intégration. Cette méthode – donner des gages d'intégration avant de passer à l'acte – est d'ailleurs souvent utilisée par les islamistes radicaux.
Enfin, la possibilité que des subventions puissent être retirées en cas de manquement risque d'entraîner un double danger pour de nombreuses associations qui, avec obstination et souvent grâce au bénévolat, tissent du lien social dans des quartiers difficiles : d'une part, la conduite de projets de long terme deviendra impossible, et d'autre part, les incompréhensions qu'entraînera sur le terrain ce contrat mal défini discréditeront ces associations auprès des populations qu'elles soutiennent, au risque de faire émerger dans cinq ou dix ans de nouveaux territoires perdus de la République.
Nous refusons l'obligation faite aux associations et aux fondations souhaitant bénéficier d'une subvention publique de s'engager à respecter les principes figurant dans un contrat d'engagement. De notre point de vue, ce contrat est injustifié et inutile. Comme le relève très justement le Haut Conseil à la vie associative dans son avis du 2 décembre 2020, un grand nombre d'administrations centrales sollicitent d'ores et déjà des associations demanderesses de subventions un engagement de respecter les valeurs de la République ; toute faute dans ce domaine entraîne le remboursement de l'aide accordée. En outre, aucune demande de subvention ne peut être adressée à l'État ou à une collectivité locale sans que l'association ne s'engage, via la référence à la charte des engagements réciproques, à respecter les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité.
Rappelons également que l'immense majorité des associations font vivre les principes de la République au quotidien sur l'ensemble du territoire ; leur apport est indispensable à la cohésion sociale et constitue un rempart contre tous les séparatismes, en premier lieu celui de nature sociale. L'ensemble du mouvement associatif regrette l'absence de dialogue et de concertation préalable dans l'élaboration de ce projet de loi et déplore la défiance et la suspicion que cette réforme fait peser sur son action.
De manière générale, on ne peut que déplorer l'extension de la logique de contrôle sans aucune certitude de résultat, cette politique se déployant au détriment du renforcement des associations. La volonté de contrôle, évidente dans la mise en place d'un contrat d'engagement républicain, porte le risque d'une atteinte aux libertés associatives eu égard à la marge d'appréciation subjective laissée à l'administration pour juger du respect du contrat et au pouvoir octroyé à celle-ci de refuser ou de retirer rétroactivement des subventions au mépris du droit acquis. Ce dispositif apparaît dangereux.
Je vais défendre cet amendement de Charles de Courson car il lui tient à cœur. Je rejoins l'ensemble des interventions de mes collègues. Comme vous l'avez affirmé à de nombreuses reprises, monsieur le ministre, vous tenez à ce que la loi soit précise, nécessaire et proportionnée, mais l'article 6 est un article d'affichage, ce que nous regrettons car nous espérions en avoir fini avec cette conception de la loi.
L'obligation de respecter les principes républicains existe déjà. Nous craignons que cet article se révèle inefficace voire contre-productif. Il pourrait en effet être interprété a contrario, en laissant penser de manière implicite que les associations ne souscrivant pas à ce contrat ne seront pas tenues de respecter les principes républicains.
En outre, le terme de « contrat » n'est pas adapté, car il ne s'agit pas à proprement parler d'un contrat. Lors de son audition, le ministre de l'intérieur a lui-même avoué que ce mot était impropre puisqu'il n'y avait pas de négociation et qu'il s'agissait davantage d'un acte unilatéral.
Par ailleurs, le caractère incertain des principes pourrait entraîner des difficultés voire des différences d'interprétation, donc de l'arbitraire – cela a été dit par nombre de mes collègues. L'enjeu est réel, puisqu'il concerne la suppression ou le maintien d'une subvention. Or la décision est confiée à des entités qui pourraient ne pas avoir les capacités de la prendre.
Pour toutes ces raisons, l'amendement vise à supprimer l'article 6.
L'amendement n° 1133 de M. Julien Aubert est défendu.
La parole est à M. Éric Poulliat, rapporteur de la commission spéciale pour le chapitre II du titre Ier , pour donner l'avis de la commission.
On aurait pu penser que les arguments allaient progresser entre la première et la deuxième lecture, mais tel n'est pas le cas, même si le mouvement associatif a légèrement affûté vos réflexions.
Nous parlons du contrat d'engagement républicain, premier et seul outil permettant de récupérer une subvention versée à une association qui ne respecte pas les principes de la République. Il n'est pas vrai de dire que cela existe déjà. Les collectivités territoriales accordent de manière discrétionnaire les subventions, mais elles n'ont pas le droit de les récupérer. Le contrat d'engagement républicain pallie cette lacune. Il importe de rétablir cette vérité.
Depuis la première lecture, on nous oppose souvent l'existence de chartes. Oui, des chartes existent depuis longtemps dans de nombreuses collectivités : elles diffèrent dans leurs contours et leurs obligations et dans certaines communes, leurs dispositions sont très discutables. Contrairement à ce que l'on entend, elles ne protègent pas forcément le mouvement associatif.
La charte des engagements réciproques est, quant à elle, le résultat d'un vrai travail de coopération entre le mouvement associatif et l'État, mais il ne s'agit que d'une charte, non d'un document juridique opposable. Il est impossible de récupérer de l'argent public en l'invoquant. Le contrat d'engagement républicain a donc toute son utilité. Il permet de refuser de financer les projets d'une association qui ne respecte pas les principes de la République et de récupérer une aide qui aurait été accordée : l'argent public n'est pas là pour cela ! L'unique objet du contrat d'engagement républicain est d'empêcher que l'argent public ne finance le moindre projet séparatiste.
Vous pouvez dire que ce nouvel outil fait peser un risque sur les associations, mais en fait, il les protège, car le contrat leur donnera les moyens d'agir contre la menace d'entrisme. Actuellement, il n'en existe aucun ! Ce contrat entre donc totalement dans l'objectif de ce projet de loi.
Nous avons longuement débattu, en première lecture et en commission spéciale, de la notion de contrat : la très grande majorité des associations respectent totalement les principes républicains et n'auront aucune difficulté avec ce contrat d'engagement républicain. S'agissant du risque pour les associations humanitaires soulevé par Mme Untermaier, le ministre de l'intérieur a affirmé qu'un regard bienveillant serait porté sur leur action.
Ce contrat, qui est entouré de garanties, offre un moyen nouveau pour protéger les associations et la République. Il importe d'affirmer haut et fort qu'aucune partie de la République n'est négociable : la République, on y adhère entièrement ! La très grande majorité des associations sont habitées par cette logique et le contrat d'engagement républicain les protégera, comme il protégera la République, en cas de risque séparatiste.
Défavorable, pour les mêmes raisons que le rapporteur.
Nous pourrions vous renvoyer votre reproche, monsieur le rapporteur, car vous n'écoutez pas non plus nos arguments. Le ministre de l'intérieur a lui-même dit que le mot « contrat » était impropre : c'est bien lui qui l'a dit !
Ensuite, vous dites que ce nouvel outil permettra de récupérer une subvention : c'est vrai, mais vous ne répondez pas à l'objection du risque d'arbitraire et d'imprécision. Les autorités qui attribuent des subventions pourront les retirer alors que toutes n'ont pas la compétence pour évaluer l'action des associations par rapport au respect des principes de la République.
La plupart des subventions sont annuelles et le fait de ne pas reconduire une subvention représente déjà un outil de taille. Vous nous dites que vous allez sauver la République parce que vous allez remettre en cause une subvention annuelle : il s'agit d'un outil disproportionné, imprécis et arbitraire par rapport à l'objectif fixé.
J'ai déjà longuement exprimé la position du groupe Socialistes et apparentés sur l'article 6 ; je serai donc brève. Je vous donne acte du fait que vous souhaitez écarter les associations humanitaires de ce dispositif, mais le texte ne le mentionne pas. En effet, le projet de loi n'évoque pas les associations à caractère caritatif ou humanitaire, alors qu'il aurait fallu le faire. N'importe quelle autorité souhaitant revenir de manière arbitraire sur une subvention pourra le faire : pourront ainsi être touchées une association diocésaine hébergeant des étrangers en situation irrégulière ou une association comme Le Pont cherchant une promesse d'embauche pour obtenir la régularisation d'une personne. Voilà ce qui nous ennuie et inquiète beaucoup les associations. Ces dernières, qui rencontrent déjà de nombreuses difficultés et n'ont guère de crédit, deviennent l'objet de soupçons et de méfiance.
Les associations constituent une exception française ô combien importante, car elles assurent la cohésion dans les territoires. Vous ne pouvez pas nous citer d'associations qui pourraient faire l'objet de mesures préventives : c'est bien la démonstration que l'article 6 crée un dispositif disproportionné, qui ne répond pas à l'exigence de générosité qui nous oblige vis-à-vis des associations.
Vous ne pourrez faire jouer ce dispositif que si une subvention a été versée, mais j'espère que l'on instruit déjà suffisamment les dossiers de demande de subvention pour éviter de donner de l'argent public à des associations ne respectant pas les principes de la République. Cet article 6 et ce contrat d'engagement sont un aveu d'impuissance, car ils visent à récupérer un argent qui n'aurait jamais dû être distribué. La prévention réside dans l'instruction du dossier, certainement pas dans la récupération de l'argent qui fragilisera les associations, lesquelles fonctionnent généralement avec des bénévoles – plus rarement avec des salariés – qu'il ne faut surtout pas décourager.
Après les attentats de 2015, nous avons refusé de changer notre mode de vie et avons voulu garder notre société de liberté et de culture. L'article 6 prend le chemin inverse, en considérant qu'un contrat d'engagement doit être passé avec les associations, lesquelles reçoivent 100, 200 ou 2 000 euros pour mener une action que la puissance publique est incapable de mettre en œuvre.
Monsieur le rapporteur, vous dites qu'il faut vérifier l'utilisation de l'argent public. J'aimerais que ce soit le cas dans tous les domaines, notamment pour l'argent octroyé aux grandes entreprises, mais tel n'est pas toujours le cas.
Les associations se sont engagées – vous en avez parlé – à se conformer à la charte des engagements réciproques, qui vise à assurer le respect des principes de la République et de la laïcité.
Les associations sont l'un des poumons qui permettent aux villes de respirer ; elles sont un lieu de rencontres, de dépassement de soi-même. Et vous voulez leur dire : « Attention, vous avez un contrat à respecter », comme si elles ne le respectaient pas ? Au lieu d'engager un dialogue avec les associations quand les choses ne vont pas bien, vous allez tout de suite à la sanction, en sautant la prévention.
Voilà les raisons pour lesquelles nous continuons de demander la suppression de l'article 6. Je pense qu'il faut revoir notre manière d'encourager le développement de la vie associative, ainsi que le statut des bénévoles – ce qui, je vous l'accorde, est un autre débat.
Je mets aux voix les amendements de suppression n° 21, 91, 286, 307, 369, 422, 526, 701, 971, 1016 et 1133.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 78
Nombre de suffrages exprimés 72
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 17
Contre 55
L'amendement n° 334 de M. Alexis Corbière est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement n° 334 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements n° 370 de Mme Cécile Untermaier, 9 rectifié et 12 de M. Xavier Breton, sont défendus.
Les amendements n° 370 , 9 rectifié et 12 , repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Les amendements identiques n° 13 de M. Xavier Breton, 301 de M. Marc Le Fur et 424 de M. Dino Cinieri sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Nous avons déjà eu cette discussion en première lecture. Avis défavorable.
L'amendement n° 14 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 732 de M. François Pupponi est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement n° 732 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1003 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l'amendement n° 11 .
Il vise à instaurer des modalités pratiques permettant de vérifier l'engagement des associations à respecter les principes et les valeurs de la République, notamment au travers d'un formulaire unique.
Si je puis me permettre, chère collègue, votre amendement ne propose pas que cela : il supprime aussi la notion de contrat, dont nous avons déjà dit qu'elle était essentielle. Je ne peux y être que défavorable. Le formulaire unique est déjà obligatoire ; il est vrai que les collectivités territoriales le remâchent et se le réapproprient souvent, mais le document comporte bien une référence à la charte des engagements réciproques.
L'amendement n° 11 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de cinq amendements, n° 1004 de M. Charles de Courson, 17 de M. Xavier Breton, 89 de Mme Emmanuelle Ménard, 172 de Mme Marie-France Lorho et 310 de M. Éric Coquerel, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements n° 172 et 310 sont identiques.
Tous ces amendements sont défendus.
Avis défavorable. Nous avons déjà eu cette discussion en première lecture.
Défavorable.
L'amendement n° 423 n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, n° 18 rectifié et 304 rectifié .
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l'amendement n° 18 rectifié .
Il vise à insérer un alinéa garantissant expressément aux associations à vocation confessionnelle qui portent des projets d'intérêt général qu'elles conserveront la totale liberté d'exprimer les fondements religieux de leur action.
L'amendement n° 304 rectifié de M. Marc Le Fur est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je suis défavorable à ces amendements. Ils me semblent satisfaits dans la rédaction actuelle du texte, qui interdit de contrevenir au principe de laïcité.
Les amendements identiques n° 18 rectifié et 304 rectifié , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Lamia El Aaraje, pour soutenir l'amendement n° 371 .
Il vise à supprimer les deux mentions de la « dignité de la personne humaine » et des « symboles de la République » que vous avez ajoutées. Il est important de garder à l'esprit le fait qu'une association n'est ni une préfecture, ni une école, et qu'introduire ces notions relatives aux valeurs et aux symboles de la République dans le contrat d'engagement républicain constituerait une grave entrave à la liberté d'association.
Le groupe Socialistes et apparentés a déjà eu l'occasion d'expliquer pourquoi votre rédaction de l'article 6 posait un problème du point de vue constitutionnel. Notre crainte est que l'interprétation qui en sera faite ne soumette les associations à un arbitraire important de la part de l'administration, car certains pourraient en faire une interprétation différente de la vôtre – ce n'est pas vous, monsieur le rapporteur, qui devrez veiller à la bonne interprétation du texte au moment de son application.
À nos yeux, c'est donc une menace pour la liberté d'association et pour les associations elles-mêmes. Je ne vous cache pas que je suis assez étonnée de voir que vous, qui prônez une forme de dialogue et qui souhaitez un texte le plus consensuel possible, refusez d'entendre ce que disent les associations, notamment le Haut Conseil à la vie associative, la Conférence des OING et la Défenseure des droits, qui ont dénoncé de façon unanime votre rédaction de l'article 6.
Je pose la question sans polémique aucune. Nous connaissons actuellement un débat assez dangereux, notamment autour de l'affaire Mila, sur le droit au blasphème. Voulons-nous introduire dans le texte la notion d'insolence ou d'irrévérence vis-à-vis de « La Marseillaise » ou du drapeau de la République ? J'avoue ne pas bien comprendre le sens que vous souhaitez donner à l'article et la raison pour laquelle vous vous acharnez contre la liberté d'association.
Il me semble que certains propos, notamment sur l'acharnement contre les associations, mériteraient d'être modérés. La nuance est bienvenue dans l'hémicycle.
Je suis défavorable aux modifications que vous proposez. Premièrement, la dignité de la personne humaine est un principe à valeur constitutionnelle.
Il n'y a donc pas à se sentir insulté par ce principe : il est dans la Constitution. Dès lors, il ne me semble pas excessif de retirer une subvention en cas de non-respect de ce principe.
Vous indiquez que cette notion vous semble trop floue pour entraîner le retrait d'une subvention publique. Je ne partage pas cet avis et je rappelle, à toutes fins utiles, que le bénéficiaire de la subvention peut présenter ses observations et qu'il existe une possibilité de contester la décision de retrait. L'arbitraire n'est donc pas la règle, contrairement à ce que l'on sous-entend régulièrement ; des garanties juridiques suffisantes encadrent cette procédure.
Deuxièmement, il me semble que le respect des symboles de la République a sa place dans le contrat d'engagement républicain. Il ne s'agit évidemment pas de procéder à la levée des couleurs tous les matins, comme on a pu le connaître à des heures plus sombres, qui n'étaient d'ailleurs plus celles de la République. Il s'agit de pouvoir retirer la subvention en cas d'outrage manifeste et explicite aux symboles de la République par des associations subventionnées par cette même République, et rien que cela.
Je suis du même avis que M. le rapporteur, qui a brillamment exposé les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
L'amendement n° 371 n'est pas adopté.
Les amendements n° 1105 de M. Jean-Félix Acquaviva et 578 de M. Julien Ravier sont défendus.
Il vise à supprimer l'obligation ajoutée à l'article 6 de s'abstenir de toute action portant atteinte à l'ordre public. Cette obligation soulève beaucoup d'interrogations. S'abstenir de toute action portant atteinte à l'ordre public ne s'impose-t-il pas à nous tous ? Pourquoi cibler les associations ? Celles qui ne bénéficient pas de subventions publiques seraient-elles autorisées à passer outre une telle obligation ? Les associations méritent-elles d'être l'objet d'une telle suspicion ? Vous voyez bien que l'article 6, quel que soit le dispositif que l'on veuille y lire, ne satisfait pas aux exigences qui sont les nôtres, à savoir la liberté d'association.
Dans le même état d'esprit que ma collègue, nous voulons supprimer l'alinéa 5. En effet, nous nous interrogeons sur l'interprétation qui pourrait en être faite. De nombreuses associations, comme Greenpeace ou Attac, par exemple, mènent régulièrement des actions qui pourraient être considérées comme portant atteinte à l'ordre public. Ces actions font partie intégrante de leur mode d'action, de leur rôle d'alerte et de plaidoyer, sans que nous puissions penser un instant qu'elles ne respectent pas les valeurs et les principes de la République.
Les amendements n° 1006 de M. Charles de Courson et 1106 de M. Jean-Félix Acquaviva sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Il me semble, cher collègue, qu'il y a une petite contradiction dans ce que vous dites. Vous affirmez que certaines associations dont le mode d'action repose sur les atteintes à l'ordre public respectent les principes et les valeurs de la République. Non, justement : le respect de l'ordre public est un principe de la République. J'imagine que vous voulez parler, plus généralement, du rôle des associations, que je soutiens par ailleurs ; il ne s'agit pas de cela.
Il est facile de dire que, parce que nous voulons créer un contrat d'engagement républicain, nous les stigmatisons, nous faisons acte d'autorité, nous les mettons au pas, comme j'ai pu l'entendre dans certaines argumentations. Je veux redire ici tout le respect que j'ai pour les associations et pour l'importance du rôle qu'elles jouent dans la société ; il n'est pas du tout question de le remettre en cause. Puisqu'il le faut, je répète que j'ai moi-même été, et suis toujours, président d'association ; j'ai été trésorier de centre social ; je connais toute la richesse du monde associatif et l'engagement de ses bénévoles. Mais, au regard du rôle civique qu'elles remplissent, les associations ont aussi un devoir d'exemplarité. À cet égard, il ne me paraît pas inutile de rappeler leur obligation de respecter l'ordre public.
En outre, je rappelle que la rédaction de cet article a évolué au fil des lectures. Si la rédaction initiale pouvait effectivement paraître inappropriée, son évolution a permis de parvenir à un résultat équilibré approuvé en première lecture par l'Assemblée et le Sénat.
Enfin, il est difficile de soutenir qu'il incombe à la puissance publique de financer des associations qui ont fait du trouble à l'ordre public leur mode d'action. J'émets donc un avis défavorable à ces amendements.
L'ordre public est l'une des composantes essentielles du droit administratif. Il est parfaitement défini : ce n'est pas n'importe quoi, ce n'est pas l'arbitraire. Je suis évidemment défavorable à ces amendements.
C'est un moment très important pour les associations qui nous écoutent et qui sont très inquiètes. Comme en témoigne l'exemple de Greenpeace qui a été cité, certaines associations démontrent de manière subversive la carence de la puissance publique dans un domaine donné – ainsi de la sécurité de certaines centrales nucléaires, manifestement insuffisante. Ces associations doivent-elles se voir priver d'aides publiques au motif que d'une certaine façon, elles portent atteinte à l'ordre public ?
Il aurait été selon nous préférable de mettre en avant la notion d'intérêt général plutôt que celle d'ordre public. C'est en effet l'intérêt général qui doit être sauvegardé – ou alors, il faut nous dire quelles associations vous visez lorsque vous évoquez une atteinte à l'ordre public ! C'est l'intérêt général poursuivi par l'association que nous devons prendre en considération. Si cela devient un intérêt particulier, ou si un problème de corruption se présente, il faut évidemment retirer les subventions perçues. Il reste que notre interrogation sur ce point demeure.
Je reviens aux questions humanitaires. Une association de ma connaissance héberge une famille de Géorgiens qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, donc en situation irrégulière. Que risque-t-elle au regard de la loi que vous nous demandez de voter ?
Mme Sandrine Mörch applaudit.
Ce débat est très important. Je suis stupéfait de ce que vous venez de dire, monsieur le rapporteur. Au motif qu'une association participerait à un trouble à l'ordre public, il serait, selon vous, hors de question qu'elle perçoive des subventions publiques. Mais qu'en est-il en ce cas d'une organisation syndicale ? Acceptez-vous qu'une organisation syndicale touche des aides publiques, alors même qu'elle est susceptible, suivant son rôle, d'organiser une grève, potentiellement constitutive d'un trouble à l'ordre public ?
Oui, mais comme vous le savez, la grève peut parfois revêtir des formes particulières de mobilisation.
Ce n'est pas un amalgame. Mais le fait que vous vouliez jouer sur les mots m'inquiète. Peut-être ne connaissez-vous pas bien la réalité des grèves – je ne vous en fais pas le procès. Il existe un droit de grève. Toutefois, il peut arriver, lorsque des salariés se mobilisent, qu'un trouble à l'ordre public se produise dans le cadre de l'exercice de ce droit. Cela arrive. En affirmant, comme vous le faites, qu'un trouble à l'ordre public justifie le retrait d'une subvention, c'est en réalité une menace que vous faites peser sur les associations, et en particulier sur les organisations syndicales. Votre formulation est d'ailleurs assez explicite, je dois dire !
C'est extraordinaire, comme argument !
C'est cela, la vie. Cette réalité a également été évoquée concernant des associations environnementales comme Greenpeace ou encore les faucheurs d'OGM. Monsieur de Rugy, peut-être avez-vous connu cela dans une vie antérieure et applaudissiez-vous comme moi…
…lorsque des lanceurs d'alerte prenaient des initiatives. Tout cela était utile, fertile pour le débat public ! Dans la vraie vie, une association qui alerte sur certains sujets peut être amenée à mener certaines actions. Un pouvoir fort doit accepter les contre-pouvoirs.
Rien à voir, monsieur Corbière !
Ne me dites pas que cela n'a rien à voir, monsieur le garde des sceaux.
Ce n'est pas l'article 6 !
C'est précisément le sujet dont nous parlons ! M. le rapporteur a dit qu'il était hors de question de verser des subventions en cas de trouble à l'ordre public. Or dans la vraie vie, il existe une zone d'ombre entre une association dont l'objectif n'est pas de troubler l'ordre public et les actions qu'elle mène et qui peuvent y conduire.
Mme Sandrine Mörch applaudit.
Vous nous dites que cela aura pour conséquence le retrait des subventions : cela me paraît préoccupant compte tenu de l'idée que je me fais de la République – dans laquelle le pouvoir doit, je le répète, accepter les contre-pouvoirs.
Monsieur le rapporteur, vous avez qualifié mon propos d'excessif. Je ne vous cache pas que je suis un peu surprise. Votre réponse donne l'impression que vous ne mesurez pas complètement ce qui se joue ici, notamment pour nos associations. Comme vous l'avez souligné, notre République est aussi forte car elle a la chance de bénéficier d'un tissu associatif très vivant. Celui-ci fait vivre le lien social dans nos territoires et nourrit – je le disais hier – une dynamique, un accompagnement au plus près des plus éloignés du modèle social et républicain que nous défendons.
Nous devons donc faire preuve d'une grande vigilance dans cette discussion, car elle touche à des fondements majeurs de notre République et de notre Constitution. Je pense que vous en êtes éminemment conscients. Mais elle touche aussi à la dynamique associative, qui constitue selon moi l'un des piliers de la vie de nos territoires. Nous devons donc avoir pleinement conscience de ce que nous sommes en train de faire et de dire.
La richesse de notre République tient également à la présence d'associations engagées dans les territoires, qui traitent de sujets allant parfois, par les méthodes choisies, à l'encontre de ceux soutenus par les pouvoirs publics. Les courants de pensée qui inspirent ces associations peuvent en outre aider notre société à avancer. L'exemple de Greenpeace a été cité. Cécile Untermaier a évoqué une association qui héberge une famille faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Je prendrai pour ma part l'exemple d'Act Up, qui a mené par le passé des combats très forts sur notre territoire, et a fait avancer la société de façon notable, en allant à l'opposé de ce qui était acquis à l'époque.
M. Alexis Corbière et Mme Sandrine Mörch applaudissent.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, nous débattons de l'article 6 que vous nous présentez et dont vous défendez la rédaction. Sans polémique aucune – le sujet est bien trop grave pour que nous soyons dans l'excès ou la caricature – , je vous pose la question : que se passerait-il pour une association comme Act Up si nous adoptions l'article 6 tel que vous nous le proposez ?
Je me permets également d'aborder un autre sujet, un peu à rebours des propos que nous tenons. Quel est le sens de l'introduction, que vous défendez, des symboles de la République dans le texte ? Que sous-entend la rédaction que vous nous proposez ? Auriez-vous des exemples concrets d'associations qui, selon vous, représentent un danger et ne respecteraient pas les principes de la République ? En ce cas, ne pourrions-nous pas nous attaquer aux exceptions plutôt que de pointer du doigt toutes les associations qui font la fierté et la vie de nos territoires ? C'est le sens de mon interrogation, à laquelle j'aimerais que vous répondiez précisément. Je souhaiterais que nous examinions cette question avec prudence et modération, afin que chacun prenne la mesure de ce que nous faisons, car c'est grave. La question de la constitutionnalité de cette mesure se posera d'ailleurs sans doute – nous l'avons dit et je vous le répète.
La parole est à M. François de Rugy, président de la commission spéciale.
Nous avons déjà eu ce débat en première lecture, mais il apparaît nécessaire d'y revenir au vu des propos qui sont tenus. Une fois de plus, nous mélangeons tout.
Tout à fait !
Le droit d'association est garanti en France. Nous avons d'ailleurs le droit le plus libéral en matière de création d'associations, et c'est très bien ainsi. Si quelqu'un souhaite créer une association pour renverser la République, contester le principe de laïcité, repousser la notion de liberté, rejeter l'idée de fraternité, il a parfaitement le droit de le faire. Des dissolutions d'associations sont néanmoins possibles, à l'aune de critères légitimement très restrictifs.
Plusieurs gouvernements en ont décidé. Nous proposons d'ailleurs dans la loi d'autres critères, bien définis, susceptibles de fonder une telle mesure. Cette possibilité n'en reste pas moins très limitée, car le principe fondamental à l'œuvre dans ce domaine reste la liberté d'association. Cette liberté s'appuie sur une loi antérieure à la loi de 1905 : la loi de 1901, dont nous fêtons les cent vingt ans cette année, et qui constitue l'un des piliers de la République.
Cependant, il faudrait vraiment avoir des œillères monumentales pour ne pas voir la réalité qui se développe depuis plusieurs années. Certaines associations conduisent des actions à la limite de la légalité, ou bien viennent en permanence troubler l'ordre public. Si elles le font sans jamais demander de subventions, elles répondent de leurs actes devant les tribunaux, qui jugent de leur légalité et déterminent s'ils portent ou non atteinte aux personnes. Il existe de nombreux exemples de cet ordre.
Nous pouvons considérer que l'action d'Act Up a été très positive en matière de prévention du sida, d'autant qu'elle a été menée à une période où ce sujet était partiellement tabou. En revanche, se rendre tôt le matin, ou la nuit, au pied du domicile privé de certaines personnes pour les réveiller, ou encore rendre publiques leurs adresses, comme cette association a pu le faire, me paraît condamnable. De même, jeter du faux sang sur des personnes qui participaient, pour des raisons strictement institutionnelles, à certaines réunions me semble contestable. Je connais des membres d'associations qui ont été très choqués, à l'époque, d'être pris à partie au cours de ces actions. Et cela est d'autant plus contestable si ces actions ont été financées par des subventions ! Il me semble toutefois qu'Act Up ne bénéficiait pas de subventions, mais ce serait à vérifier. En l'occurrence, l'exemple que vous prenez n'est pas bon.
Greenpeace a récemment mis la vie de plusieurs personnes en danger dans un stade de football au nom d'une prétendue cause écologique – je dis bien « prétendue », car l'association a affrété un avion pour cette opération, alors qu'elle milite pour la suppression des avions publicitaires. Si cette association avait perçu une subvention pour commettre une action de ce type, qui constitue effectivement un trouble à l'ordre public, la collectivité qui lui aurait versé celle-ci au nom, par exemple, de la lutte pour le climat aurait été en droit de lui en demander le remboursement au motif qu'elle a été bernée. Pensant subventionner une action pacifique pour le climat ne troublant pas l'ordre public, elle se serait en effet retrouvée mêlée à un ULM mettant en danger la vie d'autrui dans un stade. Il me semble cependant que Greenpeace ne sollicite pas de subventions.
Je citerai un autre exemple, que vous connaissez peut-être, madame la députée, puisque vous êtes élue de Paris. J'ai été très choqué l'année dernière de voir l'association Extinction Rebellion saboter le système de vélos en libre-service de la ville de Paris. Il s'agit d'un service public, écologique, subventionné par la municipalité ! Or ce système, que les Parisiennes et les Parisiens ont le droit d'utiliser, s'est retrouvé saboté par cette association censément écologique, au motif qu'il était briseur de grève pendant la grève des transports contre la réforme des retraites ! J'espère que cette association ne bénéficie pas d'une subvention de la Ville de Paris !
J'aimerais cependant le vérifier, cette association étant souvent soutenue par des élus de cette municipalité. Mais si tel était le cas, un citoyen contribuable de la ville de Paris pourrait demander, en vertu de la loi, le remboursement des sommes perçues au vu du trouble manifeste à l'ordre public que constitue cette action. Cela n'empêcherait pas cette association de continuer à exister et à organiser des sit-in pour bloquer la circulation. En revanche, elle ne pourrait pas bénéficier de subventions pour cela.
Nous pourrions multiplier les exemples. J'ai cité volontairement ces exemples-là, car l'on croit toujours que le projet de loi cible l'islamisme radical, l'intégrisme, le fondamentalisme ou le communautarisme – tous bel et bien facteurs de troubles à l'ordre public. Mais imaginez qu'une association qui n'aime pas les musulmans – vous savez qu'il en existe – décide, en se prévalant de la liberté associative, de troubler l'ordre public devant une mosquée, le vendredi, de préférence, jour de la prière, pour que les musulmans ne puissent accéder à leur lieu de culte. Et imaginez que l'on découvre que cette association est subventionnée par une collectivité ! Un citoyen pourra alors s'appuyer sur la loi que nous examinons, si elle est adoptée, et sur le contrat d'engagement républicain pour pousser cette collectivité à demander le remboursement des sommes perçues.
Ces exemples concrets montrent bien que, contrairement à ce que disait Mme Blin, ce n'est pas l'État qui reprend le contrôle des associations à travers cette loi, mais les élus et les citoyens. Si les élus – municipaux, départementaux, régionaux – ne s'en chargent pas eux-mêmes, les citoyens pourront leur dire qu'ils doivent demander le remboursement de telle ou telle subvention versée à une association qui n'aurait pas respecté le contrat d'engagement républicain.
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je remercie M. le président de Rugy de nous avoir donné des exemples. Vous les appeliez de vos vœux, vous en avez eu pléthore.
Vos propos sont écoutés par nos concitoyens, dont certains ont un engagement syndical, monsieur Corbière. Je vous le dis très calmement : les syndicats n'entrent pas dans le champ de l'article 6. Vos préoccupations ne sont donc pas légitimes.
Monsieur le garde des sceaux, si je me suis trompé, je vous en donne acte. Cela dit, nombre de syndicats sont organisés selon des modes associatifs et perçoivent des subventions par le biais des maisons des associations.
Prenons l'exemple de la Fédération des conseils de parents d'élèves, la FCPE. Elle touche des subventions, et je crois même que le ministère de l'éducation nationale lui en attribue. Il peut arriver que la FCPE, parce qu'elle est mécontente de telle ou telle décision prise par le Gouvernement, quel qu'il soit, décide de bloquer l'accès à une école. C'est un trouble à l'ordre public. Peut-être me direz-vous que ce n'est pas votre intention, mais si demain, ce texte est adopté, un autre gouvernement, beaucoup moins sympathique que le vôtre, pourrait estimer tout simplement que cette disposition doit entraîner l'arrêt des subventions. Je vous vois dodeliner de la tête, mais c'est pourtant ce que dit cet article.
Les exemples pris par M. de Rugy sont assez inquiétants. Soit dit en passant, je serais fort étonné qu'Extinction Rebellion demande des subventions à la ville de Paris.
Selon vous, le fait que des militants d'Act Up fassent des choses répréhensibles, condamnées par la loi, doit-il entraîner l'arrêt des subventions ? Une organisation peut être subventionnée parce que son objet reste d'intérêt général, et des gens qui s'estiment victimes de telle ou telle pratique de ses adhérents peuvent être amenés à porter plainte, mais c'est autre chose. En revanche, je suis inquiet quand vous me dites comme si c'était une évidence, monsieur le rapporteur, monsieur le président de Rugy, que quiconque trouble l'ordre public doit s'attendre à ne percevoir aucune subvention, d'autant plus que les partis politiques bénéficient d'un financement public. Qui va décider de tout cela ? Oui, on peut parler de caporalisation !
Évidemment, il y a toute une série d'associations pour lesquelles la question ne se pose pas, mais vous savez bien qu'il y a des zones grises dans l'activité de certaines associations,…
…parce qu'elles veulent servir d'aiguillon dans le débat, être des lanceurs d'alerte. Tout à l'heure, j'ai évoqué les faucheurs d'OGM, mais vous ne m'avez pas répondu. Une association qui participe au démontage d'un McDonald's…
Pas avec une subvention, quand même !
Bien sûr !
Pour ma part, je ne trouve pas. Ronald McDonald et son clown peuvent estimer qu'ils ont été maltraités et que cela justifie des sanctions pénales, mais il reste qu'à l'époque, cette action avait permis de lancer un beau débat, qui fut utile. Je serais inquiet que ce texte ait pour conséquence que toutes les associations qui participent à de telles actions ne puissent plus recevoir de financements publics. Or votre façon d'argumenter cette affaire révèle une manière assez peu libérale d'aborder les choses.
Il est extraordinaire !
Je voudrais revenir sur ces fameux exemples concrets, qui montrent bien que le dispositif est totalement disproportionné. Vous dites qu'une autorité qui a accordé une subvention pourra désormais la remettre en cause et que n'importe quel citoyen pourra l'interpeller ; mais une autorité qui attribue des subventions a déjà la possibilité de remettre en cause leur renouvellement.
On n'a donc pas besoin de remettre en cause une subvention attribuée qui, elle, sera interprétée par l'autorité qui aura accordé la subvention et non par le juge. On a bien vu qu'il y avait des problèmes d'interprétation ; vous donnez dès lors une capacité d'arbitraire à celui qui a accordé la subvention, alors qu'il existe déjà une possibilité de ne pas la renouveler. Certes, son application est compliquée, mais au moins, elle respecte le droit d'attribuer ou non une subvention. Ce dispositif est donc à la fois inefficient et dangereux.
J'irai dans le même sens que Mme Dumas.
Une association est subventionnée sur la base d'un dossier de demande de subvention. Celui-ci est assez précis, puisqu'il cite l'objet de l'association. Pour avoir vu un certain nombre de dossiers de demande de subvention, je peux vous dire qu'il faut renseigner le détail de l'action, de l'évaluation de cette action, le fléchage de chaque subvention ligne par ligne. Si le dossier n'est pas précis, travaillons sur celui-ci et sur l'évaluation.
Par ailleurs, il me semble que le versement de la subvention s'opère en fonction de la cohésion entre la demande de subvention qui a été effectuée et le bilan qui en est fourni. À partir de là, on peut travailler de façon qualitative, avec des éléments précis.
Il y a, dans ce que vous proposez, un arbitraire qui ne me semble pas acceptable et qui jette l'opprobre sur le fonctionnement des associations. Vous avez raison, monsieur de Rugy, des associations ont bénéficié de subventions de la part d'une collectivité ou d'une institution alors que les actions qu'elles mènent posent problème. Mais à l'heure du bilan, on pourra décider qu'il y a incohérence entre la subvention qui a été attribuée et la demande qui avait été présentée. Dans ce cas, on ne reverse pas de subvention ou on demande un remboursement. Cela se fait déjà.
On peut demander des comptes à une association qui n'a pas rempli ses obligations. Si vous estimez que ce que je dis n'est pas juste, allons encore plus loin. Il me semble qu'il existe un système d'audit. Je vous remercie d'avoir évoqué la ville de Paris, monsieur de Rugy : en effet, elle effectue des audits ponctuels ou réguliers sur certaines associations pour vérifier leur fonctionnement et la cohérence entre la demande de subvention et l'action qui a été réalisée. Si on estime que les choses n'ont pas été faites correctement, on fait le point avec l'association. Soit on ne renouvelle pas la subvention, soit on demande des comptes, auquel cas des ajustements peuvent être effectués.
Je ne comprends pas bien ce que le dispositif proposé vient ajouter, si ce n'est introduire un flou. Tout à l'heure, vous avez évoqué la question de la dignité humaine qui pour vous, monsieur le rapporteur, est constitutionnelle.
Je suis d'accord, mais c'est l'un des éléments les plus flous. Pourquoi créer un flou lié à une interprétation personnelle d'une administration ? Travaillons plutôt sur les dossiers de demande de subvention et sur leur attribution, rendons-les plus contraignants si nécessaire – même si à mon sens, ils le sont déjà.
Il est question ici de trouble à l'ordre public. Or, il me semble qu'il est déjà encadré par la loi. Toute personne qui trouble l'ordre public peut en effet être pénalisée ou avoir une amende.
Ici, on demande en plus aux associations de rembourser la subvention. Cela pose problème en matière de liberté d'expression. Lorsque quelques membres d'une association viennent troubler l'ordre public, est-ce l'association qui est pénalisée ? Avec les articles suivants, on constate que c'est un peu comme cela que vous voyez les choses.
Naturellement, ce n'est pas l'association qui doit être tenue pour responsable si quelques-uns de ses membres viennent créer le désordre.
Je rappelle que la subvention n'est pas obligatoire et que ce n'est pas un droit. Par ailleurs, l'ordre public n'est pas quelque chose qui doit nous faire peur : c'est la colonne vertébrale du droit administratif dans notre pays depuis des temps immémoriaux. Nous sommes tous soumis à des règles relatives qui régissent l'ordre public. Ce n'est pas effrayant, ce n'est pas le signe que nos libertés viendraient à disparaître.
On parle ici de remboursement. Il me semble normal, lorsqu'on a touché de l'argent public, de devoir le rembourser si on a gravement troublé l'ordre public. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Tout à l'heure, j'ai dit que les syndicats n'étaient pas concernés. Monsieur Corbière, vous avez pris un autre exemple et vous considérez qu'il est normal que l'on puisse toucher de l'argent public pour aller démonter un McDonald's. Pardon, mais il y a là un petit problème ! Supposons que cette association, qui vient démolir ou démonter un McDonald's, soit privée de ses subventions et tenue de les rembourser. Comme nous sommes dans un État de droit, il ne peut pas vous échapper que des recours sont possibles. D'ailleurs, si l'on en vient à demander le remboursement des subventions qui ont été allouées et que cela semble illégal, le préfet peut intervenir pour dire que cette décision est illégale. Bref, je vous rassure : nous n'avons pas basculé dans l'arbitraire. Il y a un contrôle du juge, il y a des recours, qui se feront notamment en droit administratif, au regard de la définition jurisprudentielle du trouble à l'ordre public. Donc, n'ayez crainte !
Je suis un peu surpris que l'on trouve tout à fait normal d'aller démonter un McDonald's avec des sous publics. Ce n'est pas ma conception des choses. Je suis sans doute un odieux répressif à vos yeux, mais il y a quelques limites à ne pas franchir. Pour reprendre votre exemple, si l'association n'est pas ravie, ce que je peux entendre, de devoir rembourser des sommes qui lui ont été allouées, elle fera les recours qui sont à la disposition de tous les justiciables de ce pays, et le juge dira ce qu'il a à dire.
L'amendement n° 673 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement n° 147 .
Est-il acceptable que de l'argent public serve à financer des associations qui soutiennent des idéologies, des mouvements ou des organisations terroristes ? Nous pensons que non. C'est pourquoi cet amendement de M. Pauget vise à intégrer dans le contrat d'engagement républicain une interdiction, pour les associations qui sollicitent l'octroi d'une subvention publique, d'engager des actions visant à soutenir directement ou indirectement des idéologies, des mouvements ou des organisations terroristes.
Les dispositions que vous proposez sont déjà largement couvertes par le dispositif prévu dans cet article. L'ordre public recouvre le bon ordre, la sûreté et la sécurité. Le soutien à des mouvances ou organisations terroristes est donc d'ores et déjà interdit à toute association signataire du contrat d'engagement républicain. Plus encore, une association qui soutiendrait les mouvements terroristes tomberait sous le coup d'une mesure de dissolution au sens de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Défavorable.
L'amendement n° 147 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 19 de M. Xavier Breton et 305 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 1107 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 579 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 496 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à insérer après l'alinéa 7 un alinéa ainsi rédigé : « La rédaction du contrat d'engagement républicain associe l'État, les collectivités territoriales et le mouvement associatif et sportif. » S'il nous semble problématique de voter un tel contrat sans en connaître le contenu exact, il apparaît d'autant plus indispensable de s'assurer dans la loi que sa rédaction associe étroitement le mouvement associatif et sportif et les collectivités territoriales, à l'instar de la charte des engagements réciproques signée en février 2014. Le contrat doit aussi pouvoir comporter des engagements de l'État vis-à-vis des associations qui contribuent par leur action quotidienne à faire vivre les principes de la République. L'État doit être à la hauteur de l'engagement des millions d'hommes et de femmes du milieu associatif.
La concertation est effectivement le bon moyen pour aboutir, mais celle-ci a déjà commencé avec l'ensemble du mouvement associatif à propos de la rédaction du décret relatif au contrat d'engagement républicain. Je vous demande donc le retrait de cet amendement, d'autant que selon moi, la définition du cadre de la concertation ne relève pas de la loi.
Même avis.
Votre réponse ne me satisfait pas. Même s'il y a un dialogue avec elles, la question des engagements de l'État vis-à-vis des associations, notamment de toutes celles qui respectent le contrat d'engagement et les principes de la République, reste entière. Puisque vous ne m'avez répondu qu'à moitié, je maintiens mon amendement.
L'amendement n° 741 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1108 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour soutenir l'amendement n° 1109 .
Un principe vieux de deux siècles veut que de telles décisions relèvent d'abord du juge. Or ce principe est régulièrement remis en cause depuis 2019 par vos projets de loi, monsieur le ministre, et par ceux de Nicole Belloubet avant vous, qui donnent à l'autorité administrative le pouvoir de prendre ces décisions, avant toute intervention du juge.
Vous nous expliquez, monsieur le ministre, que celui-ci peut intervenir en cas de recours, mais vous savez très bien, ne serait-ce que par votre ancien métier, que la décision du juge n'intervient que beaucoup plus tard. Vous avez invoqué les nécessités de l'ordre public, et nul ne conteste qu'elles justifient le retrait d'une subvention, mais qui va décider que l'ordre public n'est pas respecté ?
Là est le problème avec cet article, et je vais vous donner un exemple qui illustre la capacité d'une collectivité locale à régler des comptes par ce biais. En tant que conseillère régionale d'Île-de-France, je présidais la commission culture jusqu'à ce qu'à la suite d'un désaccord, la présidente du conseil régional me retire cette fonction en invoquant un conflit d'intérêts. Les services de la région ayant pondu une belle note juridique pour confirmer l'existence de ce conflit d'intérêts, j'ai saisi la déontologue – qui a évidemment conclu deux mois plus tard qu'il n'y avait aucun conflit d'intérêts.
Le sujet est le même ici : qui va décider qu'il y a atteinte à l'ordre public ? C'est la raison pour laquelle nous demandons, par cet amendement, que le principe qui vaut depuis 200 ans continue à s'appliquer : c'est d'abord au juge qu'il revient d'apprécier l'existence d'une telle atteinte.
Je vais vous faire la même réponse qu'en première lecture, puisque c'est le même sujet : la commission est défavorable à cet amendement qui tend à réduire les possibilités d'application du contrat d'engagement républicain. En effet, la rédaction que vous proposez empêcherait de retirer la subvention avant que les faits n'aient été établis par l'autorité judiciaire. Cela pourrait conduire à retarder fortement les procédures de retrait, ce qui n'est pas souhaitable : un retrait rapide est évidemment nécessaire si on ne veut pas continuer à cautionner l'utilisation de l'argent public pour les faits qui sont condamnés.
D'autre part, la collectivité est à mon sens un bon juge des manquements qu'elle peut constater. S'il s'avérait qu'elle était allée trop loin dans l'exercice de ses prérogatives, il resterait tout à fait possible de saisir le juge administratif, qui pourra toujours annuler une décision malencontreuse ou abusive, en tout cas inopportune, de la collectivité. L'avis est donc défavorable.
Défavorable.
Je trouve un petit peu dommage que vous me resserviez toujours les mêmes éléments de langage plutôt que de répondre à ma démonstration.
M. le rapporteur proteste.
Eh si ! Je vous ai démontré qu'une collectivité locale pouvait ne pas être à même de juger d'un problème juridique pour des raisons bonnes ou mauvaises, alors qu'on peut attendre des années avant qu'un recours n'aboutisse. Pourquoi remettre ainsi en cause un principe fondamental, alors même que le non-renouvellement de la subvention est un outil adapté et suffisant ?
Je ne veux pas allonger inutilement les débats, mais je pense que c'est un amendement important.
Le problème est en effet celui du risque d'assujettissement à une collectivité que cela fait peser sur les associations. Pour ma part, je ne suis pas trop inquiète pour les subventions accordées par l'État. En revanche, nous constatons tous dans nos territoires que la délivrance des subventions dépend parfois de critères flous, et que si d'aventure une association a la mauvaise idée de déplaire à l'autorité locale, il est bien évident qu'elle ne recommencera pas étant donné les risques qu'elle court. Le juge est là pour juger et l'administration pour instruire les dossiers de demande de subvention en amont. Il faut éviter ce risque de retour de bâton.
À propos du McDonald's, je ne peux pas vous laisser penser que c'est ce que nous défendons.
Je ne parlais pas pour vous, mais pour M. Corbière.
Je voudrais simplement dire que le juge administratif n'intervient que longtemps après. Et pendant ce temps, l'association à qui on a retiré sa subvention – on ne sait sur quels critères – peut se retrouver en difficulté.
C'est une subvention, on l'a dit ! On sait sur quels critères elles sont attribuées !
Peut-être dans les collectivités les plus importantes, mais pas dans toutes, je l'ai vu au moment de la campagne électorale ; j'ai pu mesurer la montée du clientélisme et la capacité qu'ont les collectivités à s'assurer les services des associations. C'est une réalité que je déplore et je regrette que l'on renforce ce risque d'arbitraire en donnant un tel pouvoir à une collectivité locale : je pense qu'une autorité extérieure doit intervenir pour éviter le risque de conflit d'intérêts.
L'amendement n° 1109 n'est pas adopté.
L'amendement n° 580 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Florence Granjus, pour soutenir l'amendement n° 230 .
Cet amendement a pour objet de porter à six mois le délai de restitution des subventions qui auraient été versées à des associations ne respectant pas le contrat d'engagement républicain.
Il est en effet plus raisonnable de laisser un délai de six mois, le délai de trois mois proposé par le Sénat me paraissant beaucoup trop court compte tenu de toutes les procédures administratives que cela suppose. L'avis est donc favorable.
L'amendement n° 230 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 1110 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1111 de M. Paul-André Colombani est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement n° 1111 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 20 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour soutenir l'amendement n° 1112 .
Tout ce qui a été dit sur ces bancs conforte ma conviction qu'il est important de consulter le Haut Conseil à la vie associative et de garantir une véritable concertation sur des sujets aussi importants, qui peuvent donner lieu à des sanctions graves pour les associations, avec un vrai risque d'arbitraire.
Votre amendement est satisfait : comme je l'ai dit précédemment, la concertation est en cours et il n'est pas besoin de le préciser dans la loi. Avis défavorable.
L'amendement n° 1112 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 6, amendé, est adopté.
L'amendement n° 972 de M. Aurélien Taché, visant à supprimer l'article, est défendu.
L'amendement n° 972 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sandrine Mörch, pour soutenir l'amendement n° 566 .
On le sait, certains groupes radicaux prêchent la bonne parole tout en faisant de l'humanitaire associatif dans des quartiers très paupérisés par la crise. Ces groupes assistent réellement les habitants de ces quartiers en leur fournissant une aide alimentaire et un soutien psychologique – ce qui pose d'ailleurs la question de notre abandon de ces publics, notamment en temps de crise. Ces associations demandent parfois en retour une adhésion tacite au voile ou à la religion, selon une logique de donnant-donnant. C'est un échange dangereux, mais qu'on peut comprendre dans cette période d'instabilité où la précarité menace les plus fragiles.
On mesure l'importance du présent projet de loi dans ce contexte, mais attention aux dommages collatéraux : combien d'associations risquent de se voir refuser un agrément ou une subvention pour une incrimination aussi floue que « action portant atteinte à l'ordre public » ? La désobéissance civile, cela a été dit et redit, est un moyen d'expression politique. Ces associations ne doivent pas devenir les nouvelles victimes du durcissement de notre système face à un vrai danger. Obliger l'administration à motiver une décision de refus d'agrément, c'est le minimum que nous puissions faire pour ne pas tomber dans un excès autoritaire contraire à l'esprit de ce texte, qui défend au contraire nos valeurs républicaines.
Je connais votre engagement auprès de ceux de nos concitoyens qui se trouvent parfois dans les situations les plus pénibles, chère collègue, mais vous ne pouvez pas dire que le trouble à l'ordre public est une notion floue. Nous l'avons assez précisée, M. le garde des sceaux encore à l'instant.
Je vous demande de retirer cet amendement, qui me semble satisfait : les décisions individuelles défavorables doivent être motivées, en application de l'article L.211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Si elles ne le sont pas, l'administration est en défaut. En outre, d'un point de vue purement rédactionnel, le souci de parallélisme avec l'alinéa 8 de l'article 6 me conduira à être défavorable à votre amendement si vous ne le retirez pas.
Même position : cet amendement étant effectivement satisfait, je vous suggère de le retirer, sans quoi l'avis sera défavorable.
Compte tenu de tout ce que j'entends depuis le début de l'examen de ces amendements, je tiens à rappeler que notre groupe soutient les associations. La liberté d'association va avoir 120 ans et nous reconnaissons tout ce que font les associations, leur utilité auprès des citoyens et des territoires et leur action pour des causes sociétales importantes – autant de choses auxquelles nous sommes attachés. Il est important de rappeler tous les débats qui ont eu lieu sur l'ordre public et la nécessité du juge administratif. Il ne faudrait pas laisser croire que nous voulons altérer la liberté d'expression de nos associations, auxquelles nous voulons exprimer un grand soutien.
L'amendement n° 566 n'est pas adopté.
L'amendement n° 781 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 6 bis A est adopté.
Nous nous interrogeons sur l'intérêt et les motivations de la création du fonds prévu par cet article. En effet, les associations souffrent depuis plusieurs années, et d'autant plus depuis la crise sanitaire et sociale, avec la fin brutale des contrats aidés, la sous-dotation du fonds de développement de la vie associative, ou FDVA, le financement par appels à projets en lieu et place de subventions pluriannuelles. Le monde associatif doit être soutenu dans son ensemble car il participe déjà, au quotidien, à faire vivre la République là où, souvent, les pouvoirs publics se désengagent. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 6 bis .
L'amendement n° 782 de Mme Anne-Laure Blin est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Le rapport dont cet article 6 bis prévoit la remise nous semble utile. Comme nous le savons, le financement de la vie associative n'est pas toujours facile et l'étude de la création d'un fonds complémentaire au FDVA et centré sur les principes de la République semble avoir une utilité. Avis défavorable, donc, à ces amendements de suppression.
Défavorable.
L'article 6 bis tend à créer un fonds de soutien aux associations et aux collectivités territoriales, baptisé « Promesse républicaine » et dont la mission serait de financer les actions et la promotion des principes du contrat d'engagement. L'objectif est donc précis, mais pourquoi créer un tel fonds alors que, d'une manière générale, les associations souffrent et que certains contrats ont été complètement abandonnés ? L'idée est de créer une dynamique associative avec des fonds destinés à l'ensemble des associations, afin de leur permettre de se maintenir et de se développer. Or, vous visez un seul objectif, la « Promesse républicaine », et non pas l'ensemble des associations : celles qui se conduisent bien auront une subvention et celles qui ne se conduisent pas bien n'en auront pas !
Nous savons au moins que nous sommes d'accord sur le fond ! L'article 6 bis prévoit la remise d'un rapport étudiant la création d'un fonds : il ne s'agit donc pas de créer un fonds destiné à récompenser les bons élèves et à punir les mauvais. Nous pouvons en effet partager certaines idées quant au bien-fondé du monde associatif, comme nous l'avons encore redit, et il est bon que nos collègues nous rappellent qu'il n'y a pas parmi nous ceux qui en veulent aux associations et ceux qui les soutiennent : nous soutenons tous notre monde associatif. La rédaction d'un rapport prévu sur la possibilité de créer un fonds de ce genre est utile – peut-être cela n'ira-t-il pas plus loin.
La parole est à M. Belkhir Belhaddad, pour soutenir l'amendement n° 261 .
Il tend à donner plus de perspectives, à la fois réflexives et opérationnelles, au rapport d'étude qu'institue cet article pour financer la promotion de la « Promesse républicaine ». Il apparaît nécessaire que le rapport prospectif s'intéresse aussi, comme je l'ai déjà indiqué hier soir en présentant plusieurs amendements, au fait religieux dans sa diversité et envisage, au-delà d'un fonds de soutien, la création d'une agence nationale de promotion, au statut d'établissement public, permettant le financement d'études, d'actions et d'appels à projets au bénéfice d'associations et de partenariats entre celles-ci, les collectivités territoriales et les universités.
Avis défavorable à cet amendement qui tend à ajouter au périmètre du rapport précédemment voté le fait religieux, qui représente un périmètre très large et peu lisible pour les citoyens. Je vous propose donc de retirer cet amendement au profit de celui que nous avons voté précédemment, et de continuer à travailler sur cette question du fait religieux, à propos de laquelle je vous sais très mobilisé. Il s'agit en effet d'un sujet important dans notre société, comme l'ont encore montré nos débats d'hier, et sur lequel la plus grande vigilance et la plus grande rigueur d'expression s'imposent. Je sais que vous en faites preuve, mais je demande le retrait de cet amendement, à défaut de quoi l'avis serait défavorable.
L'amendement n° 261 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
L'article 6 bis est adopté.
Par cohérence avec notre amendement visant à la suppression de l'article 6, celui-ci tend à la suppression de cet article 7, qui prévoit d'ajouter aux conditions nécessaires à l'agrément des associations le respect des principes du contrat d'engagement républicain. Une fois encore, nous insistons sur le risque que fait peser ce contrat sur nos associations, non pas que nous soyons opposés aux principes prévus dans ce contrat – qui pourrait l'être ? –, mais parce que nous croyons qu'il risque très sérieusement d'entraver la liberté associative consacrée par la loi de 1901. C'est ce que les associations ont affirmé avec force dans une tribune en date du 18 janvier dernier, en rappelant notamment que les associations qui reçoivent les aides publiques sont d'ores et déjà encadrées.
Outre les limites posées par la loi, il existe aujourd'hui, comme nous l'avons évoqué il y a quelques instants, la charte des engagements réciproques entre l'État, les associations d'élus territoriaux et le mouvement associatif, signée en 2001, puis en 2014, au respect de laquelle toute association s'engage en faisant une demande de subvention auprès des services de l'État. Or, comme le Haut Conseil de la vie associative le souligne très justement, cette charte prévoit déjà le respect des principes républicains de non-discrimination entre les personnes. Le Haut Conseil de la vie associative estime ainsi qu'en s'engageant, lors de toute demande de subvention, à respecter les valeurs et les principes de la charte des engagements réciproques, toute association souscrit une obligation contractuelle suffisamment forte, sans qu'il soit besoin de confirmer cet engagement en signant un nouveau texte. Pourquoi, dès lors, faire peser une suspicion infondée sur les associations qui, dans leur très grande majorité, font vivre au quotidien les valeurs de la République ?
Les amendements n° 783 de Mme Anne-Laure Blin et 973 de M. Aurélien Taché sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
En réponse à ces arguments, je rappellerai les points importants de l'article 7, qui a d'ailleurs évolué au cours de la navette parlementaire et qui me semble avoir atteint aujourd'hui une position équilibrée. Il propose une évolution importante et nécessaire de la procédure d'attribution des agréments et de la reconnaissance d'utilité publique aux associations et fondations.
Compte tenu de l'importance des 300 000 associations agréées, il me paraît nécessaire d'inscrire le respect des valeurs du contrat d'engagement républicain parmi les conditions du tronc commun utilisé comme premier filtre d'analyse pour les agréments, ce qui permet immédiatement de lever le doute. Je précise en outre que cette condition n'est pas de nature à créer des contraintes supplémentaires pour les associations qui demandent un agrément : elles devront simplement s'engager sur l'honneur au respect du contrat d'engagement républicain, de la même manière que pour les conditions préexistantes. Notre assemblée a en effet fait évoluer le texte initial pour prévoir que ces associations étaient reconnues de fait signataires du contrat d'engagement républicain. Un engagement sur l'honneur suffira donc.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 7 vise également, et c'est là une disposition également introduite par notre assemblée, la procédure de reconnaissance d'utilité publique, qui sera soumise au respect des principes du contrat d'engagement républicain.
Les associations et fondations reconnues d'utilité publique bénéficient également d'avantages, en premier lieu celui de pouvoir bénéficier de donations et de legs, mesure dont on verra l'importance lors de l'examen des articles suivants. Cet avantage est déjà soumis à plusieurs conditions qu'il me semble utile de compléter par le respect des principes du contrat d'engagement républicain, par parallélisme avec les dispositions applicables aux associations agréées, qui ont également été intégrées dans le champ de cet article. Pour ces différentes raisons, l'article 7 me semble être cohérent et avoir toute sa place dans ce projet de loi. Avis défavorable, donc, à sa suppression.
L'article 7 est adopté.
L'article 8 porte sur la dissolution des associations – on se demande ce qu'ont fait ces dernières pour mériter un tel traitement ! La dissolution des associations est prévue par la loi de 1901. Les critères en ont été définis par l'article 1er de la loi du 10 janvier 1936 et l'article 8 du présent projet de loi élargit les motifs de dissolution en faisant valoir les agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens, les actions tendant à porter atteinte à l'intégrité du territoire national ou à la forme républicaine du Gouvernement, la contribution – et non plus seulement la provocation – à la discrimination, la haine ou la violence, et les agissements envers des personnes en raison de leur sexe, orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
L'article 8 permet d'imputer à une association les agissements ci-dessus commis par un ou plusieurs de ses membres et d'entraîner sa dissolution si les dirigeants – et nous avons pu avancer sur ce point – en avaient connaissance, mais n'ont rien fait pour les faire cesser.
Il permet aussi, en cas d'urgence, de suspendre à titre conservatoire les activités des associations et groupements de fait. Cette suspension est prononcée par le ministre de l'intérieur et peut s'étendre jusqu'à trois mois. Cette disposition place les associations dans une situation d'insécurité juridique, selon le Haut Conseil à la vie associative, qui fait valoir plusieurs éléments.
Le premier est qu'un individu malintentionné envers une association pourrait se servir de cette disposition pour intégrer cette dernière et mener des opérations de déstabilisation.
Ce qui a été introduit dans le cadre des débats permet de répondre à cette question.
Le Haut Conseil fait également valoir le manque de précision sur l'identité des dirigeants censés mettre un terme à ces agissements et la manière de prouver qu'ils en avaient ou non connaissance, ainsi que sur ce qu'on entend par « agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens », le terme d'« agissements » ouvrant lui aussi un large champ d'interprétation.
Aux côtés du Haut Conseil à la vie associative, Amnesty International fait valoir que la dissolution d'une association est l'une des restrictions les plus sévères à la liberté d'association, qui ne devrait être qu'une mesure de dernier recours, prise en cas de danger manifeste et imminent résultant d'une violation flagrante de la loi et ordonnée par un tribunal.
Amnesty International s'interroge également, tout comme la Commission nationale consultative des droits de l'homme et la Défenseure des droits, sur le renversement de la charge de la preuve et les difficultés que les dirigeants d'associations peuvent légitimement éprouver à identifier des agissements répréhensibles et à les faire cesser.
Il nous semble en outre qu'il y a là une mesure disproportionnée par rapport au droit international, qui doit également nous interroger. En effet, en vertu du droit international relatif aux droits humains et des normes en la matière, les États peuvent restreindre les droits à la liberté d'association et à la liberté de religion et de conviction, mais à condition que ces restrictions soient prévues par la loi et indispensables pour protéger la sécurité nationale, la sûreté publique, l'ordre public, la santé publique ou les droits d'autrui.
Ces restrictions doivent être non seulement nécessaires, mais aussi proportionnées à l'objectif poursuivi. En outre, la liberté d'association se trouve protégée par l'article 22 du pacte international relatif aux droits civiques et politiques, ainsi que par l'article 11 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Nous souhaiterions savoir si l'article 8 du projet de loi a été examiné au regard de ces dispositions. Le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association a en effet indiqué que, suivant le droit international, dissoudre une association ne devrait être possible qu'en cas de danger manifeste et imminent résultant d'une violation flagrante de la législation nationale ; il ajoute qu'idéalement, la dissolution devrait être prononcée par un tribunal.
Telles sont les observations qu'appelle l'article 8 visant à modifier le régime juridique de dissolution des associations. Je le répète, cet article fait l'objet de critiques sévères, notamment de la part du HCVA, spécialisé dans ces questions. Son application placerait les associations dans une situation d'insécurité juridique et, encore une fois, pourrait inspirer des opérations visant à les déstabiliser ; il est disproportionné à son objectif et en cela contraire à la Constitution, car la liberté d'association a rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République.
L'article 8 n'arrive pas à la dernière minute : nous avons donc déjà eu cette discussion à plusieurs reprises. Si nous ne l'avions pas fait évoluer, peut-être vos arguments seraient-ils recevables ; en l'occurrence, les modifications apportées et adoptées par les deux chambres en première lecture assurent son équilibre. L'avis de la commission sera par conséquent défavorable aux amendements de suppression.
Faire évoluer le régime de dissolution est non seulement utile, mais aussi nécessaire : nous l'avons constaté récemment, lorsque l'actualité a suscité un débat public sur lequel je ne reviendrai pas. Cet article prévoit tout d'abord de modifier plusieurs motifs de dissolution existants, car la rédaction du code de la sécurité intérieure était devenue obsolète et ne correspondait plus à la réalité. Il crée ensuite la possibilité d'imputer à une association les agissements de ses membres ; ce nouveau motif de dissolution a été entouré par l'Assemblée de garanties protectrices, que vous avez d'ailleurs évoquées. Il donne valeur législative à une solution jurisprudentielle, utilisée par le Conseil d'État, et qui a fait ses preuves. Il permet surtout de ne plus devoir ignorer les activités de personnes bien assimilées à une association, mais recourant à un profil numérique propre en vue de diffuser ses messages – de même que d'autres, au contraire, publient sous couvert de l'association dont ils sont membres des messages allant à l'encontre des valeurs de cette dernière. Les dirigeants ne seront absolument pas mis en cause, du moment qu'ils auront pu démontrer qu'ils ignoraient ou combattaient les agissements des membres concernés.
Enfin, l'article 8 crée une mesure de suspension des activités de l'association en attendant qu'aboutisse la procédure de dissolution, dispositif nécessaire afin de garantir le respect de l'ordre public durant l'instruction de la mesure de dissolution. De tout cela, comme de ce qui précède, nous avons débattu. Les dispositions de l'article 8 sont indispensables pour adapter à notre temps le régime de dissolution des associations et pour lui donner toute son effectivité. Encore une fois, avis défavorable.
Les amendements identiques n° 23 de M. Xavier Breton et 303 de M. Marc Le Fur sont défendus.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement n° 315 .
Je n'ai pas eu le loisir de m'exprimer tout à l'heure, mais je souscris aux critiques formulées à l'égard de l'article 8, dont j'aurais également souhaité la suppression. Cet élargissement des possibilités de dissolution devrait nous inquiéter. Premièrement, des motifs permettant de dissoudre une association existent déjà ; ils ont été utilisés. On se demande donc bien ce que le Gouvernement pourrait vouloir dissoudre sans le pouvoir. En quoi est-il gêné ? Il est rare d'entendre citer des exemples, guère pertinents d'ailleurs.
Deuxièmement, les élargissements que nous propose le Gouvernement créent la possibilité de légitimer, en les interprétant d'une certaine manière, des dissolutions en réalité politiques. Cela remet en cause des libertés fondamentales, en particulier la liberté d'association. C'est pourquoi, à défaut de l'article entier, cet amendement vise à supprimer l'alinéa 4. Encore une fois, étendre le champ d'application de la procédure de dissolution restreindrait d'autant les libertés. Je ne développerai pas davantage des arguments que je ne suis pas le premier orateur à invoquer ; mais, je le répète, je ne comprends pas pour quelle raison les possibilités de dissolution existantes devraient être étoffées.
Votre amendement vise à supprimer l'alinéa 4 de l'article 8, qui prévoit de moderniser et d'enrichir le premier motif de dissolution figurant à l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : la provocation « à des manifestations armées dans la rue ». Or il s'agit là d'une mesure indispensable. Cette disposition de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, qui répondait à l'époque aux agissements des ligues d'extrême-droite, n'est plus guère invocable en l'état, puisqu'elle ne s'applique pas aux faits survenus dans des lieux privés ou des lieux ouverts au public.
Le projet de loi prévoit donc de remplacer les mots « dans la rue » par la précision : « ou à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens ». Dans son avis consultatif sur ce texte, « le Conseil d'État estime que cette actualisation d'un motif historiquement lié à la vocation anti-ligues de la loi du 12 janvier 1936 est nécessaire pour lutter contre des formes inédites et graves de violences répétées ou récurrentes commises en dehors de la voie publique, dans des lieux privés ou ouverts au public ». Par conséquent, avis défavorable.
L'amendement n° 315 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement n° 374 .
Les alinéas 5 et 6 de l'article 8 prévoient la dissolution des associations « dont l'objet ou l'action tend à porter atteinte à l'intégrité du territoire national », et non plus seulement de celles « qui ont pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national », comme le dispose actuellement l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. J'avoue pourtant préférer de loin cette dernière rédaction, et nous ne gagnerons rien à la modifier.
Votre amendement vise à supprimer les alinéas 5 et 6 de l'article 8, qui portent sur le troisième motif de dissolution d'une association ou d'un groupement de fait figurant à l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : avoir « pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national ou d'attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ». Il s'agit de compléter cette disposition en y incluant les structures « dont l'objet ou l'action tend » à produire les mêmes effets.
Cette précision, fondamentale si nous souhaitons conserver le caractère opérationnel de ce motif de dissolution, reprend une interprétation jurisprudentielle selon laquelle il convient de ne pas se référer uniquement à l'objet social de l'association, mais également à son activité réelle. Son utilité réside dans le fait qu'elle permettra de dissoudre des structures dont l'objet réel ou l'action concourt à l'un des objectifs en cause sans que cela soit affiché, explicite. Par conséquent, avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
L'amendement n° 374 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1114 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 619 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement n° 317 .
Il vise à supprimer l'alinéa 8 de l'article 8, lequel prévoit la possibilité de dissoudre les associations qui « contribuent par leurs agissements » à la discrimination, à la haine ou à la violence. Ce nouveau concept est extrêmement glissant, flou, sujet à interprétation. Imaginons que le ministre de l'éducation nationale accuse les membres de notre groupe parlementaire de complaisance envers je ne sais quoi et nous traite d'« islamo-gauchistes » – terme répété sans preuves, qu'importe ? Je ne reviendrai pas sur la récente polémique. Supposons que l'un d'entre nous soit ensuite agressé pour ce motif. Le ministre y aurait-il contribué par ses agissements ? Faudrait-il dissoudre La République en marche ?
Si : un dirigeant politique aurait contribué par son discours à justifier un acte de violence. Cet exemple doit vous prouver que nous entrerions dans le domaine de la subjectivité absolue. Du point de vue du droit, de la loi, cet alinéa ne renforce rien : il fragilise. C'est la raison pour laquelle il convient de le supprimer. Encore une fois, il élargit un motif de dissolution d'une manière excessive, qui ouvre grand la porte aux abus de droit.
Vous ne serez pas étonné, monsieur Corbière, que j'estime au contraire cette précision tout à fait utile. Elle clarifie ce motif de dissolution et le rend ainsi plus effectif ; elle est d'ailleurs issue d'une recommandation du Conseil d'État. Vous avez parlé à plusieurs reprises de zones d'ombre. Avec l'humilité d'héritiers des Lumières, faisons toute la lumière, précisément : il est bon que la loi concoure à cette fin.
En l'occurrence, on voit bien quelles associations seraient visées par cette disposition : celles dont le discours encouragerait des comportements haineux ou discriminatoires. C'est en ce sens qu'elles contribuent à ces derniers. Quoi qu'il en soit, je ne partage pas vos doutes concernant la clairvoyance dont le juge administratif saurait faire preuve en cas de contentieux. Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 317 n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 74 de M. Xavier Breton, 306 de M. Marc Le Fur et 784 de Mme Anne-Laure Blin sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement n° 429 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de six amendements, n° 998 , 157 rectifié , 411 , 475 , 586 et 908 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 411 , 475 , 586 et 908 sont identiques.
L'amendement n° 998 fait l'objet d'un sous-amendement, n° 1152 et l'amendement n° 411 d'un autre sous-amendement, n° 1153 .
La parole est à M. François Jolivet, pour soutenir l'amendement n° 998 .
De la I
Discriminer les êtres en fonction de leur couleur de peau, de leur religion ou de leurs choix de vie constitue un recul sans précédent des valeurs de la République. Je sais aussi que certaines universités américaines organisent des journées du même type, sans Blancs par exemple, mais je ne souhaite pas que soit importée dans notre pays la décadence des autres.
Le présent amendement a donc pour objet de modifier l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure (CSI) pour rendre possible la dissolution des associations interdisant à une personne de participer à une réunion en raison de sa couleur de peau, de son origine, de son appartenance ou de sa non-appartenance à une ethnie ou à une nation. Il reprend la rédaction du Sénat, adoptée en première lecture après avis de sagesse du Gouvernement, tout en supprimant le mot « race », qui n'y a plus sa place. Lors de l'examen de la réforme constitutionnelle de 2018, Richard Ferrand, alors rapporteur, avait d'ailleurs défendu un amendement visant à supprimer ce mot de l'article 1er de notre Constitution, qui avait été adopté à une très large majorité. Nous connaissons aussi le combat d'André Chassaigne depuis dix ans sur ce sujet. Je poursuivrai ce travail dans le cadre d'une proposition de loi, afin de graver dans le marbre de la loi notre message : il n'y a pas de race, il n'y a que l'humanité.
Chers collègues, vous savez aussi que la jurisprudence se construit sans nous et parfois contre nous : nous ne pouvons être évasifs et laisser libre cours à toute interprétation. C'est pourquoi je vous invite à voter cet amendement qui anticipe des évolutions aux accents de régression. La France porte des valeurs universelles au-delà de ses frontières et, dans notre pays, nul ne saurait être chassé d'une réunion en raison d'une couleur qu'il n'a pas choisie.
L'amendement n° 157 rectifié de M. Éric Pauget est défendu.
Le sous-amendement n° 1152 de M. François Jolivet est défendu.
Je suis saisi de quatre amendements identiques, n° 411 , 475 , 586 et 908 .
Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 411 , faisant l'objet d'un sous-amendement.
Le présent amendement va dans le sens des propos de notre collègue Jolivet. Je pense que chacun d'entre nous s'est ému de constater que – non pas seulement aux États-Unis, monsieur Jolivet, mais en France aussi, avec l'arrivée de la culture anglo-saxonne – des associations, notamment étudiantes comme l'UNEF, organisent des réunions et des stages non mixtes d'où sont exclues certaines personnes au motif de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion. Je comprends vos arguments au sujet du mot « race », monsieur Jolivet, mais si ce mot figure dans l'amendement, ce n'est pas parce que nous prenons la race à notre compte : c'est parce que d'autres le font.
Il convient en effet de poser un interdit absolu. Ces pratiques relèvent d'un séparatisme qui non seulement dit son nom, mais qui se revendique comme tel. Comme vous avez pu le constater récemment, elles vont jusqu'à porter sur les habitudes alimentaires, avec l'apparition du concept de « blanchité alimentaire ».
Il faut donc non seulement faire prévaloir le bon sens, mais aussi mettre un coup d'arrêt à ces propositions absolument inacceptables au regard de la tradition universaliste qui est la nôtre. Ce qui est profondément en cause, ici, c'est l'universalisme à la française.
Mme Constance Le Grip et M. François Jolivet applaudissent.
Je voudrais d'abord donner mon avis personnel en tant que parlementaire, et non pas seulement comme rapporteur, pour vous dire, chère collègue, que je partage votre préoccupation face à la montée, dans notre société, d'un séparatisme d'un nouveau genre qui n'est pas fondé sur une origine ou une religion mais sur une vision racialisée de la société. Celle-ci, qui est aussi parfois désignée par le terme de culture woke…
…défend l'idée selon laquelle il faudrait réécrire l'histoire de France comme on l'entend et non pas fidèlement à ce qui s'est réellement passé. J'ai toujours considéré pour ma part que, lorsque l'on veut oublier son histoire, on se condamne à la revivre. S'il y a eu des épisodes dont notre pays n'a pas à être fier, pour des raisons diverses et variées, il faut les regarder en face et faire en sorte de ne pas répéter les mêmes erreurs à l'avenir. Cela requiert un effort de mémoire et d'objectivité collective sur notre histoire et notre roman national.
Comme à vous, chère collègue, ce débat aux multiples couleurs – intersectionnalité, racialisme, décolonisation –, portant sur la façon dont on peut différencier et séparer les Français, me pose un problème. Comme vous, en effet, j'ai la République chevillée au corps et je pense que la République ne distingue pas ses enfants. Il faut d'ailleurs s'en souvenir aussi quand, en sens inverse, certains sont tentés d'avoir un discours discriminant ou tendant à la discrimination d'une partie de notre communauté nationale.
Nous sommes face à une nouvelle forme de séparatisme et de racialisation de notre société qui, associée à une mémoire défaillante ou volontairement effacée, pourrait nous conduire à revivre des confrontations au sein de notre société sur la base de la race ou de la couleur de peau. Je suis certain que tout le monde s'accorde ici pour refuser la répétition éventuelle de tels événements. Il est donc important que nous cherchions les moyens de combattre cette idéologie. En effet, il s'agit bien d'une véritable idéologie qui s'installe et tend à importer des problèmes culturels et sociétaux d'autres pays, de sociétés qui n'ont pas la même vocation républicaine que la nôtre et qui sont fondées, justement, sur la différenciation communautaire, raciale ou religieuse. Je respecte ces sociétés, mais la nôtre n'est pas ainsi.
Cela dit – c'est là que les problèmes commencent, me direz-vous …
Sourires
…vous faites intervenir ce débat à l'occasion de la discussion de l'article 8, relatif à la dissolution des associations : vous souhaitez qu'une association qui discrimine ou qui tient un discours racialiste soit dissoute. Cette proposition soulève selon moi de nombreuses difficultés, car elle permettrait de faire usage d'une mesure aux effets très puissants – la dissolution, c'est un peu le bazooka ou le lance-flammes ! – face à des faits qui sont en vérité difficilement objectivables. En effet, un grand nombre d'associations ont vocation à s'adresser à un public particulier – les femmes enceintes, les personnes originaires d'un même pays ou encore celles atteintes d'une maladie, par exemple – sans qu'aucune discrimination au sens de l'article 225-1 du code pénal ne soit exercée. Ces associations sont par nature discriminantes puisqu'elles se cantonnent à un périmètre donné, parmi les citoyens, et peuvent refuser d'en intégrer certains.
Or nous ne sommes ni en mesure ni en droit de régenter la vie des associations, chers collègues. Sur ce sujet, c'est une analyse au cas par cas qui est importante : il faut regarder dans le détail si une association est effectivement coupable de discrimination. Nous savons tous que c'est justement parce que leurs membres se trouvent dans des situations similaires qu'un grand nombre d'associations peuvent être des lieux de parole ouverts, des vecteurs d'intégration et de libération de la parole. Vous ne l'approuverez pas, mais l'exemple des Alcooliques anonymes a déjà été cité – il faut avoir été alcoolique pour participer aux réunions – et il est, bien sûr, loin d'être unique.
La rédaction très généraliste de l'alinéa proposé ne permet pas de saisir la diversité des cas et pourrait aboutir par exemple ce que des individus malintentionnés utilisent ce nouveau motif de dissolution pour nuire à une association en prétextant une discrimination. L'article L. 212-2 du code de la sécurité intérieure vise d'ores et déjà les discriminations. Une grande partie des objectifs de cet alinéa introduit au Sénat, que vous voulez rétablir, sont déjà satisfaits par la possibilité de dissoudre une association sur le fondement des pratiques discriminatoires. Les situations qui ne seraient pas couvertes par les dispositions de l'article L. 212-2 portant sur les discriminations sont à mon sens, dans l'immense majorité des cas, la conséquence du fait associatif qui repose sur la distinction entre les membres et les non-membres, comme je l'ai dit précédemment – cette distinction dépendant souvent de l'objet même de l'association.
Pour ces différentes raisons, même si je comprends votre préoccupation, chère collègue, il me semble pertinent de continuer à débattre et à chercher le bon moyen pour mettre fin à ces situations, mais il ne me semble pas pertinent de réintroduire l'alinéa et d'en arriver à la dissolution pour combattre un phénomène qui existe mais qui est difficile à quantifier : ce n'est pas parce que ses adeptes sont bruyants qu'ils sont nombreux.
Vous proposez en outre de rétablir un autre alinéa, également introduit par le Sénat et supprimé par la commission, visant à indiquer que la reconstitution d'une association dissoute sur le fondement d'une loi étrangère est punie des mêmes peines que lorsque cette association est reconstituée sur le fondement du droit français. Je suis également opposé au rétablissement de cet alinéa, déjà satisfait par l'article 212-1 du code de la sécurité intérieure et les dispositions en vigueur.
Comme vous l'aurez compris, chers collègues, c'est parce qu'ils interviennent à l'occasion de l'article 8 et parce que leur rédaction me paraît à la fois trop large et pas assez protectrice pour les associations que j'émets un avis défavorable à l'ensemble des amendements ainsi qu'au sous-amendement. Je reste néanmoins convaincu sur le fond qu'il faut continuer à travailler collectivement pour faire vivre les valeurs de notre République et empêcher les discours qui vont à leur encontre.
Outre les arguments exposés à l'instant par M. le rapporteur, je voudrais rappeler que la loi permet déjà d'envisager la dissolution d'une association ou d'un groupement de fait dont les agissements entraîneraient des troubles graves à l'ordre public, notamment en raison de l'organisation de réunions au cours desquelles des propos ou des actes provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence seraient tenus : cela figure à l'article L. 212-1 du CSI. De la même façon, une association qui provoquerait de tels troubles en raison d'une interdiction de participation à une réunion sur un motif discriminatoire peut être considérée comme propageant des idées tendant à encourager cette discrimination et condamnée, car elle entre de ce fait dans le cadre de l'article précité.
Je rappellerai en second lieu que la portée actuelle de l'article 431-15 du code pénal permet déjà de réprimer la reconstitution d'une association ou d'un groupement dissous en application de cet article – tout comme l'organisation en France de la reconstitution d'une association dissoute sous le fondement d'une loi étrangère. Conformément au principe de territorialité de la loi pénale prévu par l'article 113-2 du même code, l'infraction de reconstitution de ligue dissoute est constituée dès lors que l'association ou le groupement dissous se maintient ou se reconstitue sur le territoire de la République. La caractérisation de cette infraction nécessite que des faits soient établis en France, comme le maintien des activités, la présence aux réunions des mêmes personnes physiques ou la permanence de l'objet de l'entité. La création de cette nouvelle infraction nous semble donc inutile au regard des dispositions actuelles du code pénal. Même si nous partageons certains des propos qui ont été tenus, nous pensons que le droit apporte déjà une réponse aux situations visées. Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements ainsi qu'au sous-amendement.
Je suis surpris des propos alambiqués du rapporteur, que j'ai connu plus clair.
…mais je n'ai pas compris pourquoi il fallait attendre sur un sujet aussi sensible.
La commission spéciale avait pointé avec inquiétude le caractère trop général des dispositions. Pour l'illustrer avaient été citées les réunions pour les femmes enceintes ou les personnes atteintes de maladies ou de handicap qui risquaient d'entrer dans le champ d'application. Je rappelle que de telles réunions sont ouvertes aux accompagnateurs des personnes concernées. Je n'en ai jamais fait partie, mais il me semble que dans les réunions des Alcooliques anonymes, les personnes qui accompagnent, pour la première fois notamment, sont admises.
J'entends l'argument de Mme la ministre déléguée selon lesquels les amendements seraient satisfaits. Néanmoins, leur adoption permettrait d'empêcher la multiplication des réunions dans lesquelles la mixité est proscrite et qui encouragent le séparatisme, en particulier dans les universités. Je regrette que les universités soient un angle mort du texte : jamais nous n'en avons parlé ; jamais la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation n'est venue dans l'hémicycle.
L'examen du texte en première lecture s'est achevé un samedi, et le lendemain, elle évoquait l'islamogauchisme dans les universités.
Je suis très étonnée tant j'étais persuadée – sans doute est-ce là une preuve de naïveté – que les amendements seraient adoptés car, sur le fond, j'ose espérer que nous sommes tous d'accord.
Vous avez donné des exemples, monsieur le rapporteur, qui me paraissent totalement inappropriés. L'amendement vise l'interdiction faite à une personne ou un groupe de personnes de participer à une réunion à raison « de la couleur, l'origine, l'appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une religion ». Or les femmes enceintes ne correspondent à aucune de ces catégories,…
…pas plus que les alcooliques. Vos exemples sont donc hors sujet.
À vous entendre, le problème ne serait pas si grave, car les organisateurs de telles réunions sont surtout très bruyants mais pas si nombreux. Peu importe qu'ils soient bruyants, ils sont terriblement influents. Je pense aux adeptes de la culture woke que vous avez mentionnée, selon laquelle les personnes victimes de toutes sortes de maux doivent obtenir reconnaissance et réparation de la part de la nation. Ils sont terriblement influents en particulier à l'université, mon collègue Éric Diard l'a dit à juste titre. On ne compte plus les articles de presse sur la propagation de l'indigénisme et de l'essentialisme à l'université – le nombre de thèses consacrées à ces sujets en atteste. Le problème se pose chez nous désormais, et plus seulement outre-Atlantique. Vous reconnaissez qu'il faudra s'y attaquer, mais vous contestez le choix de l'emplacement de la disposition. Dans ce cas, monsieur le rapporteur, faites une contre-proposition.
Madame la ministre déléguée, vous affirmez que le droit existant répond à notre préoccupation. Vous évoquez notamment la notion de trouble à l'ordre public. Mais l'organisation par l'UNEF de réunions interdites aux Blancs a-t-elle véritablement provoqué un trouble à l'ordre public ? Des personnes de carnation blanche se sont-elles massées aux portes des salles de réunion pour protester contre ce séparatisme, créant un trouble à l'ordre public ? Non, la protestation est venue des médias, d'interventions à l'Assemblée nationale ou ailleurs, mais il n'y a pas eu de troubles à l'ordre public. Par conséquent, l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction actuelle ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce.
Quant à la reconstitution de ligue dissoute, cette notion ne me paraît pas plus adaptée aux problèmes que nous avons évoqués.
Je m'interroge vraiment sur le refus du Gouvernement et sur celui de la commission spéciale, par la voix du rapporteur et du rapporteur général. Je ne les comprends pas. Je ne veux pas croire qu'ils sont guidés par la peur de choquer des associations puissantes telles que l'UNEF, mais quelle autre explication avancer ? Pouvez-vous nous en donner une ? Ce que vous nous avez dit jusqu'à présent n'est absolument pas convaincant. Il n'y a pas plus belle expression du séparatisme contre lequel vous prétendez vouloir lutter, alors qu'attendez-vous ?
La confusion règne dans ce débat. Je ne vous jette pas la pierre, monsieur le rapporteur – nous sommes tous fatigués –, mais vos propos étaient pour le moins embrouillés. Quant aux amendements du groupe Les Républicains,…
…qui relèvent de la caricature, ils inspirent tantôt le fou rire, tantôt la désolation. Vous mélangez tout et n'importe quoi.
Vous souhaitez pouvoir dissoudre des associations qui refusent l'accès à des réunions sur des critères fondés sur le sexe. Il en existe une, installée place de la Concorde, l'Automobile Club de France, qui est interdite aux femmes.
Exclamations sur les bancs du groupe Dem. – Mme Albane Gaillot applaudit.
Voulez-vous la dissoudre ? Souhaitez-vous fermer les loges franc-maçonnes ?
Très bien, il semble que le club d'hommes que je mentionnais ait réussi à accueillir une femme, donc de votre point de vue, tout va bien.
Souhaitez-vous dissoudre les loges franc-maçonnes, qui ne sont pas toutes mixtes ?
Protestations sur les bancs du groupe LR. – Mme Albane Gaillot applaudit.
Il n'en est pas question, je le note. En revanche, je m'amuse de l'amendement d'Éric Diard, que j'ai connu plus précis. Il est indiqué dans le dispositif : « à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », mais l'exposé sommaire mentionne les discriminations fondées sur le sexe. Votre amendement ne vise donc pas les discriminations à l'égard des femmes. Tout cela n'est pas très rigoureux.
Dans le fond, qu'est-ce qui vous révulse ? Je ne suis plus adhérent de l'UNEF – qui n'est hélas plus une organisation étudiante puissante, contrairement à ce qu'a dit Mme Genevard.
Au sein de ce syndicat, des groupes de parole rassemblant des étudiants qui s'estimaient victimes de discriminations ont tenu des réunions, de la même manière que dans les années soixante-dix, les groupes de parole réservés aux femmes ont enrichi le féminisme. La République est-elle remise en cause par ces réunions ? Je ne le crois pas du tout. La République est-elle remise en cause par la non-mixité – je vais un peu loin même si je la désapprouve ? Pensez-vous vraiment qu'il n'y a rien de républicain dans une institution qui ne s'adresse pas aux femmes ? Cela peut se discuter. Sachez toutefois que jusqu'aux années soixante, l'école publique, laïque et républicaine n'était pas mixte. Pour autant, vous ne nous direz pas que, de 1871 à 1960, l'école était victime de la cancel culture ou de la woke culture ou de je ne sais trop quoi encore.
Nous avons évolué en effet, à la suite d'une discussion pédagogique sur le point de savoir – je le crois personnellement – s'il était meilleur pour eux que les garçons et les filles soient ensemble.
Le vocabulaire utilisé – woke culture, cancel culture – traduit – et c'est heureux – la volonté à l'université de parler, non pas du roman national, cher rapporteur – il n'y a pas de roman national, il y a un récit national –, mais d'un angle mort dans le monde universitaire : l'histoire coloniale de la France n'était quasiment pas enseignée.
Cela vous fait peut-être lever les bras au ciel, mais cela blesse aussi nombre de gens. Pendant 130 ans, l'Algérie faisait partie de la France et il s'y est passé des choses intéressantes, des choses sordides aussi. Pensez-vous vraiment que les universités accordent une place importante à la recherche sur l'histoire coloniale de la France ? En réalité, cela représente bien peu de chose. Aujourd'hui, quelques publications commencent à paraître ; quelques jeunes chercheurs s'intéressent au sujet ; une partie de la jeunesse française, souvent parce que les parents et les grands-parents ont vécu cette période, est choquée de constater que dans les bibliothèques, les ouvrages qui lui sont consacrés sont rares. Certains ont envie d'étudier cette partie de l'histoire nationale et de la replacer dans le grand récit national. Ils s'insurgent contre le fait qu'elle en est aujourd'hui effacée. Il faut les remercier de chercher à comprendre pour quelle raison cette part de l'histoire de France est totalement passée sous silence, pourquoi notre cinéma français en parle si peu, pourquoi notre monde universitaire en parle si peu. De grands universitaires ont ouvert la voie et il faut les en remercier.
Ne plaquez pas les exemples anglo-saxons faute de comprendre notre histoire nationale pour empêcher qu'un débat s'engage. Il y a des aspects négatifs dans ce qui se passe aux États-Unis. La volonté du monde universitaire français d'étudier l'histoire coloniale s'inscrit précisément dans une démarche républicaine et patriotique. Cela me semble plutôt sain. Si vous refusez qu'un tel travail soit mené, si vous traitez d'antirépublicains, d'indigénistes, voire d'ennemis de la République ceux qui veulent le faire, vous ne rendez pas service à notre histoire nationale.
Oui, je tords un peu le sujet, mais pour quelle raison la toponymie, le nom de nos rues, ne rend hommage qu'à des hommes ou presque ? Pourquoi si peu de femmes ? Pourquoi nos statues, nos bâtiments rendent-ils si peu hommage à des femmes et des hommes liés à l'histoire coloniale qui, parfois au nom des valeurs de la France, ont lutté contre le colonialisme ? C'est intéressant. Cela m'intéresse parce que j'aime la France et l'histoire de France. Je n'aime pas quand l'histoire est amputée, quand ce qui a été une réalité pendant des siècles reste dans l'ombre. Vous voulez une histoire de France rabougrie, raccourcie, amputée.
Mais si ! Et c'est un paradoxe de voir l'un d'entre vous – je ne le citerai pas car il est absent – ne pas hésiter, dans le cadre d'une campagne électorale – la presse l'a montré –, à rappeler à certains électeurs qu'ils sont fils et filles d'Afrique du Nord. Vous ne voyez aucun problème à exalter les particularités de certains électeurs, à faire du clientélisme électoral. Mais lorsque certains veulent réintroduire cette histoire complexe à l'université pour mieux restituer l'histoire nationale, vous levez les bras au ciel.
Les réunions qui ont lieu ne sont pas interdites à untel ou untel. Elles ont pour but d'organiser des groupes de parole, rassemblant des gens qui s'estiment victimes de discriminations. Vous aurez beau adopter tous les amendements – ce ne sera pas le cas aujourd'hui –, c'est un fait – on peut le regretter – : des femmes et des hommes, en raison de ce qu'ils ont vécu, de paroles qu'ils ont entendues, de difficultés qu'ils ont rencontrées, se sentent discriminés. Je vais vous faire un aveu : ce n'est pas mon cas ; personne ne m'a jamais refusé un logement ; jamais personne à l'entrée d'une boîte de nuit ne m'a dit : « Toi, tu restes dehors » ; jamais personne ne m'a adressé une parole en ce sens.
C'est une réalité, que l'on ne doit pas accepter quand on est républicain. Si certains Français se réunissent pour discuter parce qu'ils veulent que la France qu'ils aiment soit plus forte, comment ne pas y voir un amour pour la promesse républicaine de l'égalité des droits ?
Exclamations sur les bancs du groupe Dem
Pourquoi les insulter ? Pourquoi faire croire qu'il y aurait là un début de séparatisme ? C'est absurde, c'est blessant.
Il ne s'agit pas d'interdire, je le répète. Cela peut sembler une subtilité, mais ce ne sont pas des réunions interdites à certains – cela n'est pas possible sur le plan juridique –, ce sont des groupes de discussion entre certaines personnes – ce n'est pas la même chose.
Exclamations sur les bancs des groupes Dem et LR.
Si l'un des amendements était adopté, ce serait un message envoyé notamment aux associations philosophiques que j'ai évoquées tout à l'heure. Pensez-vous qu'il faut interdire et dissoudre des loges franc-maçonnes ? Monsieur Diard, c'est le sens de votre amendement,…
…car toutes les loges ne sont pas mixtes. Il faudra donc les interdire, ce qui rappelle des heures sombres de notre histoire.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je tiens à préciser à mon collègue Corbière, dont je respecte le combat – en politique, je n'ai pas d'ennemis, seulement des adversaires –, qu'aucun des amendements n'évoque d'interdiction liée au sexe des personnes. Comme le disait très bien la présidente Genevard, seules la couleur de peau, l'origine, l'appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, à une nation ou à une religion sont mentionnées.
Rappelons d'où vient l'amendement n° 998 : il reprend la rédaction adoptée au Sénat par une majorité sans frontières.
M. Sacha Houlié fait « non » de la tête.
Toutefois, il la modifie en supprimant le mot « race », comme la commission l'a fait en nouvelle lecture pour les alinéas 12 et 13 introduits par le Sénat. Souvenons-nous du combat qu'a représenté la suppression du mot « race » de la Constitution : notre assemblée l'avait adoptée à l'unanimité dans le cadre de la réforme constitutionnelle qui n'a malheureusement pu aboutir.
Ce que je souhaiterais, c'est faire un signe aux personnes choquées par certaines situations qui ne sont manifestement pas républicaines et qui sont pourtant tolérées dans notre pays.
Monsieur le rapporteur, je comprends votre analyse mais je dois constater que rien ne se passe aujourd'hui : on laisse faire. Madame la ministre, certes, ce type de réunion ne relève pas du trouble à l'ordre public, mais il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un phénomène rampant qui vient grignoter les valeurs républicaines de notre pays.
En adoptant l'un de ces amendements – de préférence, le mien –, notre assemblée a l'occasion de donner un exemple de posture républicaine et de montrer son attachement au principe d'égalité. Pour cela, s'il le faut, je suis prêt à voter pour l'amendement n° 411 de Mme Genevard même si le mot « race » y figure. Je crois que toutes ces propositions dépassent les clivages politiques. Dans le monde entier, de grandes valeurs sont liées à la France. N'oublions pas que tous les prisonniers politiques chantent La Marseillaise en guise de signe de reconnaissance à l'intérieur de leur lieu de détention. Faisons honneur à ce chant.
Monsieur Corbière, il ne faut pas faire preuve de naïveté sur cette question. À travers nos débats, et je pense que chacun le comprend bien, nous ne visons pas des groupes de parole au sein desquels des personnes choisiraient de se réunir pour évoquer les difficultés et les obstacles auxquelles elles sont confrontées. Ce n'est pas le sujet.
Ce que nous visons, c'est le fait d'interdire sur des critères fondés sur l'ethnie, la culture ou l'origine, la possibilité de débattre et le savoir critique.
Prenons la question du colonialisme à l'université française, puisque Mme Genevard l'a évoquée. Nous voyons gagner en puissance un courant selon lequel on ne pourrait pas travailler sur la période coloniale et en faire une relecture historique sans en avoir été soi-même victime. Personne d'autre n'aurait le droit de jeter un regard critique sur cette période. C'est bien ce phénomène que nous visons, monsieur Corbière, et non celui que vous évoquiez.
Je veux rassurer certains collègues : nous ne prétendons en aucune façon justifier ces comportements. De nombreuses associations sont sélectives par nature, a-t-il été dit : le fait qu'elles se focalisent sur telle activité ou tel domaine d'activité les rend, d'une certaine manière, discriminantes dans la mesure où elles ne peuvent s'adresser à l'ensemble de nos concitoyens. Cela ne me paraît pas être un argument valable, même si cela renvoie à une réalité.
Si nous avons rejeté en commission spéciale l'amendement reprenant la rédaction issue du Sénat, c'est que nous avons estimé qu'il s'agissait d'un dispositif d'affichage, même si nous comprenons qu'il se veut symbolique. Tous les termes qu'il emploie figurent dans le droit existant. En adoptant un tel amendement, donnerions-nous des possibilités supplémentaires de dissoudre par décret en Conseil des ministres des associations qui se livreraient à des activités discriminantes ? La réponse est non. Cela n'ajouterait absolument rien à l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure qui prévoit la possibilité de dissoudre les associations – et je cite là son 6° – qui « provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».
Nous avons le droit de partager des combats même si nous avons des divergences parfois très profondes. En l'occurrence, si nous sommes d'accord sur le fond, nous rejetons l'affichage sur lequel repose cet amendement : il n'a pas lieu d'être, parce que le droit existant permet de répondre aux problèmes.
Monsieur Corbière, vous vous êtes jeté sur l'exposé des motifs sans avoir lu l'amendement lui-même. Je le relis : « Ou qui interdisent à une personne ou à un groupe de personnes en raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée de participer à une réunion. ». Il n'est nullement fait référence au sexe.
Vous vous êtes lancé dans des considérations, pas inintéressantes d'ailleurs, sur l'Automobile Club et la franc-maçonnerie. Vous avez aussi déploré que trop peu de rues portent des noms de femmes. Nous aussi, nous le déplorons, mais les choses évoluent. Les femmes ne votent que depuis 1945 et nous regrettons tous dans cet hémicycle qu'elles n'aient pas eu ce droit avant. Mais si vous considérez qu'une réunion à l'université interdite aux personnes qui ne sont pas noires constitue un groupe d'expression…
S'il vous plaît, monsieur Corbière. Vous vous êtes exprimé pendant plus de huit minutes, ce qui est votre droit dans le cadre du temps législatif programmé…
Si à présent vous pouviez avoir de la considération pour vos collègues en les écoutant…
Vous pouvez aussi choisir de l'utiliser de manière respectueuse, c'est en tout cas ce que je vous demande, et je sais que vous en êtes capable.
Mais enfin, monsieur Corbière, n'avez-vous jamais entendu parler du fait que dans certaines universités, il a été refusé à des personnes de participer à des réunions en raison de la couleur de leur peau ? Oui, cela existe. Les exemples abondent. L'actualité nous en fournit tous les jours.
Hier, Le Parisien rapportait qu'une chercheuse française du CNRS avait déclaré que la cuisine française était à l'origine d'une « blanchité alimentaire ». Ça ne vous choque pas, vous ? Eh bien, moi si !
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
À entendre certains, les faits que nous évoquons n'existeraient même pas. C'est tellement gros que je préfère passer sur de tels arguments.
Quant à vous, monsieur le rapporteur général, vous dites que la rédaction que nous proposons est de pur affichage et que ces dispositions sont déjà prévues dans notre droit.
Mais si ces mesures étaient opérantes, cela voudrait dire que nous n'aurions plus à déplorer de tels faits puisqu'ils sont condamnés par le droit.
Or non seulement ceux-ci perdurent, mais ils s'amplifient. Soit il faut constater que le droit est bafoué au vu et au su de tous, soit il faut prendre des dispositions plus précises pour lutter contre ce phénomène – ce qui est bien l'objet de cet amendement. Ne venez pas nous dire que c'est un amendement d'affichage, ne jouez pas sur ce terrain-là.
Si l'on vous suit, tout débat serait empreint d'un affichage politicien. Franchement, vous n'êtes pas dans votre rôle de rapporteur général en laissant croire cela.
Je voudrais simplement rappeler à mes collègues qu'au Sénat, le Gouvernement a émis un avis de sagesse sur l'amendement qui proposait la rédaction que nous souhaitons réintroduire.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, le 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure censé intégrer ce que nous proposons ne vise pas la couleur de peau. Et dans mon amendement n° 998 , le mot « race » ne figure pas, conformément à la démarche que nous avons suivie lorsque nous avons entamé le processus de réforme constitutionnelle.
J'irai dans le sens du rapporteur et du Gouvernement : il y a déjà tout ce qu'il faut dans le droit actuel.
Il est dommage, évidemment, qu'il ne soit pas pleinement appliqué mais c'est le cas pour une multitude de dispositions : ce n'est pas parce que la loi comporte des interdictions qu'il ne se passe rien et qu'il n'y a pas de crimes. Mme la ministre a évoqué, outre le code de la sécurité intérieure, les dispositions du code pénal relatives aux discriminations. Le champ est donc bien couvert.
Votre amendement tel qu'il est rédigé ne me paraît pas atteindre l'objectif que vous visez. Il prévoit d'ouvrir la possibilité de dissoudre une association qui aurait empêché une personne de participer à ses réunions en raison de la couleur de sa peau ou de son appartenance à telle ou telle ethnie. Rappelons tout de même que beaucoup de réunions se tiennent entre personnes ayant la même couleur de peau, sans qu'on ait interdit à d'autres venir. La plupart des réunions dont on a parlé ont eu lieu sans que personne s'en soit vu interdire l'accès, elles se sont juste déroulées ainsi.
Votre amendement ne sera pas plus efficient que le droit existant. Mieux vaut donc le faire appliquer au lieu d'ajouter des dispositions qui ne permettront pas de résoudre le problème que vous soulevez.
J'interviendrai très brièvement, monsieur le président, pour donner la position du groupe Agir ensemble. Il y a le légitime émoi que peuvent susciter ces réunions et puis il y a l'œuvre du législateur que nous sommes. Nous rejoignons totalement la position du rapporteur général quand il nous dit que le droit positif permet déjà de prendre en compte ce genre de situation. Ce n'est pas parce que le feu rouge n'est pas respecté qu'il n'existe pas, madame Genevard. Des sanctions sont prévues et sont susceptibles d'être appliquées. Nous voterons donc contre ces amendements.
Madame Genevard, moi, je ne joue pas : je travaille, comme vous, et je débats, comme vous, ni plus ni moins.
Monsieur Jolivet, la couleur de peau entre, par définition, dans la catégorie des discriminations…
…au même titre que d'autres critères qui sont mentionnés au 6° de l'article L. 212-1 que j'ai cité. Cela ne fait aucun doute. Vous conviendrez avec moi que nous n'avons pas besoin d'ajouter ce critère particulier, puisqu'il est déjà pris en compte. Nous faisons le droit et ne devons donc pas perdre de vue qu'il existe une catégorie juridique permettant d'englober toute une série de situations, et qui a son utilité.
Vous allez peut-être penser que je fais une fixation sur vous, madame Genevard, mais vous m'avez interpellé à plusieurs reprises et je me permets de répliquer à nouveau. Vous dites que la législation actuelle ne suffit pas puisque le phénomène perdure, voire s'amplifie.
J'ai bien compris. Nous parlons bien, madame Genevard, de la possibilité de dissoudre une association, un acte qui n'est pas anodin dans notre droit administratif et qui ne peut être pris que par décret en Conseil des ministres, ce qui rehausse le niveau de décision.
Une dissolution ne peut intervenir qu'à la suite de certaines procédures, des dépôts de plainte par exemple. Il revient au Conseil des ministres de prendre cette décision dans l'hypothèse où des contentieux seraient engagés ou que des éléments établissant le comportement discriminant d'une association auraient été portés à sa connaissance de façon claire et répétée, et non simplement sur la foi d'un article de presse – même s'il signale une situation grave que nous dénonçons tout comme vous.
Le dispositif actuel est efficient. Il permet de s'en prendre très directement aux associations qui pratiquent ces discriminations, en prononçant si nécessaire leur dissolution sur le fondement de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, tel qu'il est rédigé.
Ce que vous proposez n'ajoutera rien ni à l'efficacité du dispositif – c'est sur les dispositions relatives à la dissolution par décret en Conseil des ministres que vous souhaitez apporter des améliorations au texte – ni à la capacité du droit d'englober des situations déjà prévues et sanctionnées par le code de la sécurité intérieure.
Chers collègues, j'ai reçu des demandes de prises de parole de Mme Florennes et de M. Larrivé.
Madame Genevard, vous pourrez évidemment reprendre la parole comme l'y autorise le temps législatif programmé, toutefois nous avons bien compris les points de vue des uns et des autres et je vous rappelle qu'il y a une suite à notre discussion – mais chacun est libre d'organiser son temps de parole comme il l'entend.
La parole est à Mme Isabelle Florennes.
Je souhaite rappeler la position du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés sur la question des réunions non mixtes, que nous avons longuement évoquée avec M. le rapporteur, dès la première lecture. Le sujet a rejailli dans l'actualité, comme vous le savez, avant cette nouvelle lecture et nous nous sommes interrogés sur la rédaction du texte, dans la mesure où la formulation retenue par le Sénat ne convient pas, car elle ne fait pas preuve de discernement. Nous aurons sans doute l'occasion de nous exprimer de nouveau sur ce point lors de l'examen d'autres articles, mais nous considérons que la loi permet déjà de régler le sujet. La question, M. le rapporteur général l'a dit, concerne l'application de la loi.
Nous regrettons l'irrecevabilité de notre amendement qui sollicitait un rapport sur les faits observés par les référents laïcité – qui existent d'ores et déjà au sein d'établissements d'enseignement supérieur – en matière d'atteinte à la laïcité ou de discriminations et qui sont consignés par ces établissements ; nous aurions pu leur demander de nous communiquer ces observations, tout simplement parce que ces questions nous intéressent en tant que parlementaires. Je le répète, nous aurons cette discussion, même si je regrette que nous ne puissions inscrire cette demande dans la loi. Nous devons toutefois marquer notre volonté politique en faveur d'une meilleure application de la loi, parce que, pour le moment, elle n'est malheureusement pas satisfaisante, qu'il s'agisse des dérives constatées au sein de certaines associations ou, également, au sein de collectivités qui pratiquent ce type de réunions non mixtes – dont nous avons pu lire récemment des exemples dans la presse.
Les dispositions dont nous parlons ne sont pas totalement nouvelles : cet article du code de la sécurité intérieure est issu de la très vieille loi de 1936, permettant au ministre de l'intérieur de proposer la dissolution de ce qui était à l'époque des ligues factieuses, des groupes de combat et des milices privées. Je n'ai pas de doute – c'est un petit point d'accord avec M. le rapporteur général, mais j'aurai ensuite un point de désaccord – sur le fait que ces dispositions permettent de dissoudre des groupes ou des organisations à caractère raciste.
J'en veux pour preuve qu'en 2005, sur le rapport du ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy, le Conseil des ministres avait dissous le groupuscule dénommé La Tribu Ka, groupe suprématiste noir qui, à la suite de l'assassinat d'Ilan Halimi, prônait dans les rues de Paris la destruction de la « race blanche » et la nécessité pour les « personnes de race noire » d'assurer une suprématie. Ce groupuscule s'était d'ailleurs reconstitué sous la forme d'une autre organisation, appelée Génération Kémi Séba, que nous avions également dissoute. Ces dissolutions ont été opérées sans qu'il soit besoin d'ouvrir en amont des procédures pénales, contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur général. La procédure pénale peut intervenir en aval, lorsqu'il y a reconstitution de l'organisation, mais elle n'est pas nécessaire en amont, puisque le ministre de l'intérieur dispose de pouvoirs de police administrative préventive.
Je souhaite également interroger Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur. Le Gouvernement affirme que le droit suffit et qu'il est d'ores et déjà possible de dissoudre des organisations racistes ou racialistes. À la suite de ce que disait le groupe du Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés sur l'application de la loi, j'aimerais savoir si des organisations racialistes sont actuellement dans les radars de la direction des affaires juridiques du ministère de l'intérieur et font l'objet d'une surveillance de la part des services. Nous lisons tous la presse, mais nous ne disposons hélas pas des notes des services de renseignement – j'espère que nous les aurons de nouveau un jour. Disposez-vous d'éléments permettant d'engager des procédures contradictoires et envisagez-vous de dissoudre des organisations racialistes qui, dans le débat public, parfois à l'université, prônent l'exclusion de toute personne ne correspondant pas à la définition de la « race » privilégiée par ces organisations ? De même, envisagez-vous la dissolution d'organisations qui, au nom de telle ou telle conception du genre, interdiraient telle ou telle pratique de mixité ?
Nous aurions besoin d'être éclairés sur les intentions du Gouvernement, d'autant qu'au Sénat vous avez, madame la ministre déléguée – ou l'un de vos collègues – donné un avis de sagesse sur un amendement identique à celui défendu par notre collègue Annie Genevard. S'il n'y a pas d'opposition mais un avis de sagesse, pour l'intérêt général, soyons clairs : le droit actuel permet-il de dissoudre une organisation et, dans l'affirmative, avez-vous des dossiers permettant de le faire ?
Je poserai également une question à Mme la ministre déléguée, mais auparavant je ferai une remarque à M. le rapporteur général : vous nous dites que si les faits sont avérés, que si un contentieux est engagé attestant de comportements manifestement discriminants, il est possible d'agir – mais non sur le seul fondement de rumeurs ou d'informations.
Les affirmations de Mélanie Luce, présidente de l'UNEF, sur les ondes d'Europe 1 le 17 mars dernier, ont confirmé l'existence de réunions basées sur des critères discriminants au sein du syndicat étudiant : répondant à une question de la journaliste Sonia Mabrouk, elle a en effet confirmé l'existence de réunions non mixtes racisées. Avant de poursuivre, je vais attendre que Mme la ministre déléguée soit disponible…
Je le suis !
Parfait ! Je ne veux pas être désobligeante mais comme je vous pose une question…
Je vous écoute : vous citiez les propos de Mélanie Luce sur Europe 1. J'écris la réponse tout en vous écoutant ; je peux faire deux choses à la fois !
Je ne cherche pas à être désagréable, mais je veux vous poser une question précise : le Gouvernement a-t-il examiné, en Conseil des ministres, l'hypothèse d'une dissolution de l'UNEF, qui a des pratiques discriminantes selon l'ethnie ou l'origine ? La question est simple. Il s'agit d'un fait avéré, qui contrevient à l'alinéa 6 de l'article L. 212-1 : puisque vous dites que le droit existe, le Gouvernement a-t-il appliqué le droit ?
Je tiens à répondre, très rapidement, à Isabelle Florennes, parce que je regrette également l'irrecevabilité de l'amendement du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés. Permettez-moi de dire, pour éclairer nos débats, qu'il ne s'agissait pas simplement de demander un rapport sur le sujet, mais de documenter les comportements tels qu'ils sont observés concrètement, notamment dans les universités, de façon à aborder ce sujet non pas dans l'ordre du fantasme ou du déni, mais sur la base de faits réels, afin de mieux appréhender la réalité et l'ampleur de la situation. J'espère que nous aurons la possibilité de travailler sur ce sujet dans les prochaines semaines ou les prochains mois.
Pour répondre aux remarques de M. Larrivé et de Mme Genevard, soyons au moins d'accord sur un point : si le sujet est celui de l'efficacité du droit applicable – c'est le cas – votre amendement n'y répond en rien !
Vous n'ajoutez rien à l'efficience du droit applicable : vous ne faites que modifier à la marge quelque chose qui me semble, d'ailleurs, être beaucoup mieux rédigé et qui est inspiré, en effet, d'une loi de 1936 qui faisait suite, en l'occurrence, aux manifestations du 6 février 1934. Soyons d'accord sur un point : ce que vous proposez figure déjà au 6
Pour commencer, je rappellerai juste le contexte dans lequel l'avis de sagesse a été émis au Sénat, puisque c'était moi qui avais l'honneur de représenter le Gouvernement. Pour vous dire les choses sincèrement et en toute transparence, j'avais à donner un avis défavorable au nom du Gouvernement, mais j'ai été convaincue par les arguments pertinents des sénateurs du groupe Les Républicains d'émettre non pas un avis favorable, mais de sagesse. J'ai toutefois développé exactement le même argumentaire qu'aujourd'hui, en rappelant qu'un certain nombre de points sont déjà couverts par le droit existant.
L'ensemble des sénateurs souhaitaient voter et se prononcer sur le sujet, voilà pourquoi j'ai émis un avis de sagesse ce jour-là et je l'assume. J'assume également d'émettre aujourd'hui un avis défavorable, l'argumentaire étant le même que celui présenté au Sénat.
Je voudrais rappeler à quel point la dissolution d'une association par un Gouvernement doit revêtir un caractère exceptionnel. Nous savons bien que les dispositions législatives dont nous débattons doivent respecter un nécessaire équilibre entre fermeté et préservation des libertés. La liberté associative est fondamentale et nous n'entendons pas l'entraver.
Nous avons déjà pris la responsabilité, avec le Président de la République et le ministre de l'intérieur, de dissoudre des organisations en Conseil des ministres – je pense au collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), à BarakaCity, au collectif Cheikh Yassine : ce sont des procédures longues, qui durent parfois des années. Les services de l'État surveillaient l'action de Génération identitaire depuis des années, afin de réunir des éléments pour que les faits soient caractérisés et que nous disposions d'un dossier solide. Je ne peux pas divulguer la liste des organisations qui font l'objet d'une surveillance de la part des services de renseignement, pour des raisons évidentes que chacun comprendra. Ce travail est fondamental.
Ce que je peux vous dire à ce stade, c'est qu'il n'y a pas d'éléments caractérisés concernant l'UNEF. Suis-je en désaccord avec ses agissements ? Oui, profondément, et je l'ai dit à de nombreuses reprises, avant même que nous commencions les débats.
S'il existe des éléments caractérisés justifiant la dissolution de cette association ou son assignation en justice, il convient de déposer plainte. Dès lors qu'il y a une discrimination, il faut déposer plainte : moi, je ne connais que la justice dans ce pays. À défaut, cela reviendrait à dire qu'on ne rend plus la justice et que le Gouvernement peut décider de ce qui lui convient ou non ! Dans cette hypothèse, je pourrais proposer demain la dissolution de toutes les associations avec lesquelles je suis en désaccord ; la liste serait longue et je ne suis pas certaine que les libertés en sortiraient grandies ! La loi prévoit le dépôt de plainte en cas de discrimination. Il existe deux options possibles : soit il y a discrimination, comme dans le cas que vous évoquiez – vous dites qu'il n'y a pas eu de réaction, mais vous pouvez déposer plainte si vous êtes choquée par les agissements de l'UNEF, madame Genevard, et que vous souhaitez une condamnation en justice ; soit il y a un trouble à l'ordre public, mais il n'est, à ce jour, pas caractérisé. Je suis en désaccord politique avec les propos de Mélanie Luce, je les combats jour et nuit,…
…je combats les idéologies qui sont propagées, mais cela ne m'autorise pas à dissoudre cette organisation.
Je suis également en désaccord politique avec les associations royalistes, mais je ne proposerai pas au Président de la République de les dissoudre. Il existe aussi en France des associations masculinistes, antiféministes, qui veulent entraver l'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) ; je ne suis pas d'accord avec elles, mais je ne proposerai pas davantage au Président de la République de les dissoudre ! Nous prendrions une pente dangereuse, et vous reprocheriez au Gouvernement de vouloir dissoudre toute association avec laquelle il est en désaccord. Le droit permet de déposer plainte contre une association qui fait preuve de racisme et de discrimination ; il revient alors à la justice de se prononcer – car, en vertu du principe de séparation des pouvoirs, le Gouvernement ne rend pas la justice, et heureusement.
Par ailleurs, si une association – l'UNEF, ou une autre – cause un trouble à l'ordre public grave et caractérisé, la loi prévoit déjà que le Gouvernement puisse proposer sa dissolution, à condition que le dossier soit solide – mais une simple phrase, prononcée par la présidente d'une association lors d'une matinale sur Europe 1, indiquant qu'elle organise des réunions non mixtes, ne constitue pas un fondement juridique suffisant.
L'amendement n° 998 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 1152 n'est pas adopté.
L'amendement n° 157 rectifié n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 1153 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 71
Nombre de suffrages exprimés 68
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 11
Contre 57
Il a pour objet de supprimer l'alinéa 14. Conformément à l'avis du Haut Conseil à la vie associative (HCVA) et à la position du mouvement associatif, les cosignataires de cet amendement estiment que l'alinéa 14 crée une présomption de responsabilité du fait d'autrui, susceptible d'entraîner la dissolution d'une structure pour le comportement de ses membres. Il va à l'encontre de l'article L. 121-2 du code pénal, disposant que les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises par leurs organes ou représentants. Cet alinéa s'applique aux seuls associations et groupements de fait, et non à l'ensemble des personnes morales ; or nous nous interrogeons sur la possibilité qu'ont les associations de contrôler l'ensemble des agissements de leurs membres. Le dispositif pourrait également se retourner contre les associations, car des membres malveillants pourraient l'utiliser, par leurs agissements, pour provoquer leur dissolution.
Nous en avons déjà débattu, mais, puisque vous avez pris le temps de présenter votre amendement, je prendrai le temps de vous répondre. La disposition prévue par l'alinéa 14 permettra de mettre fin aux agissements d'associations qui sont en rupture avec les nécessités premières de maintien de l'ordre public, mais qui s'en défendent en expliquant que les prises de position de leurs membres, même les plus emblématiques – comme un président d'honneur – ne les engagent pas. Si la jurisprudence du Conseil d'État permet désormais d'appréhender ces situations, il convient de légiférer sur ce point rendu particulièrement sensible par l'usage des réseaux sociaux.
En outre, cette nouvelle disposition est entourée de garanties protectrices pour les dirigeants d'associations : ils ne peuvent être mis en cause que s'ils ont été informés des agissements incriminés – l'Assemblée a elle-même introduit cette précision – mais n'ont rien fait, compte tenu des moyens à leur disposition, pour y mettre un terme. Si un dirigeant d'association prouve qu'il a essayé d'agir, avec les moyens dont il disposait, il ne sera donc pas poursuivi. Le dispositif étant juridiquement bordé et utile, j'émets un avis défavorable à votre amendement.
Les mots ayant du sens, il importe de mettre en conformité les mesures du projet de loi avec l'exposé de ses motifs ; aussi cet amendement vise-t-il à préciser que la disposition figurant à l'alinéa 14 s'applique « dans le cadre de la lutte contre l'entrisme communautaire et contre les idéologies séparatistes ».
L'amendement n° 1008 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements n° 975 de M. Aurélien Taché, 785 de Mme Anne-Laure Blin et 976 de M. Aurélien Taché sont défendus.
Les amendements identiques n° 26 de M. Xavier Breton, 308 de M. Marc Le Fur et 321 de M. Éric Coquerel sont défendus.
Les amendements n° 786 de Mme Anne-Laure Blin et 585 de M. Julien Ravier sont défendus.
Les amendements identiques n° 27 de M. Xavier Breton et 316 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 787 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il a pour objet de faciliter la dissolution de certains groupuscules extrémistes particulièrement dangereux qui appellent à la haine, notamment raciste, et à la création de milices. C'est ainsi que le Président de la République a signé, il y a quelques semaines, après un important travail des services du ministère de l'intérieur, un décret visant à dissoudre l'association Génération identitaire. Il en fut de même il y a deux ans pour le mouvement Bastion social. À l'époque, la demi-douzaine de groupuscules se revendiquant de Bastion social sur le territoire avait également été dissoute. En revanche, certaines associations très proches de Génération identitaire n'ont pas pu l'être – je pense à La Traboule, association qui loge Génération identitaire dans le vieux Lyon, montée du Change. C'est regrettable. J'ai d'ailleurs écrit à M. le ministre de l'intérieur pour lui signaler ce manquement, bien que je comprenne les difficultés que rencontre la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) pour caractériser au mieux les agissements de ces mouvements.
Si notre amendement était adopté, il permettrait aux services du ministère de l'intérieur de dissoudre, dans un même décret, l'ensemble des organisations satellites d'une association comme Génération identitaire. Rappelons qu'il y a quelques jours, le soir du huitième de finale de l'Euro, des jeunes néofascistes proches de cette mouvance identitaire ont mené une action coup de poing très violente dans une rue du centre de Lyon – j'espère d'ailleurs que les auteurs de ces faits seront appréhendés et condamnés sévèrement.
Vous proposez d'étendre la mesure de dissolution aux associations présentant un lien étroit avec une association elle-même dissoute, voire qui partagent avec elle son objet ou ses membres – vous en avez cité un cas précis à Lyon. Je comprends la logique de votre amendement ; je sais d'ailleurs combien vous êtes impliqué dans ces sujets, notamment à Lyon. Il est vrai que les associations forment parfois un écosystème, et doivent être considérées dans leur ensemble. Mon avis sera toutefois défavorable, car la disposition que vous préconisez entraînerait une application quasi systématique de la mesure de dissolution. Or, comme je l'ai déjà dit, je vois la dissolution comme un bazooka ou une arme nucléaire : elle ne doit intervenir qu'en tout dernier recours, car elle s'attaque à l'essence même de l'association. Ses effets pouvant être brutaux, elle doit être utilisée avec parcimonie, de manière étudiée et circonstanciée, au cas par cas. En outre – vous l'avez d'ailleurs souligné –, une mesure de dissolution donne lieu à une enquête approfondie des services du ministère de l'intérieur ; ces derniers sauront se saisir du cas d'associations liées à une organisation dissoute et initier une procédure à leur égard. Bien que la logique de votre amendement soit louable, il présente une disproportion entre son objectif et ses moyens. J'y suis donc défavorable.
Même avis, pour les mêmes motifs.
Je soutiens l'amendement de Thomas Rudigoz, avec qui j'ai pris part à la commission d'enquête sur la lutte contre les groupuscules d'extrême droite en France. Pour prendre un exemple que chacun comprendra, la situation actuelle équivaut à liquider une entreprise, mais pas ses succursales. La logique voudrait que les Lyonnais voient fermer les associations affiliées à Bastion social et Génération identitaire, qui en partagent souvent les membres et la propagande.
À mon tour, j'apporte mon soutien à l'amendement de Thomas Rudigoz. On sait d'expérience que les associations présentant un lien étroit ont souvent la même domiciliation, la même adresse, le même président, mais aussi les mêmes membres ; elles sont très organisées, et s'adaptent au droit pour continuer à œuvrer même si l'une d'entre elles est dissoute. Puisque le Gouvernement en a appelé à des mesures pratiques, en voici une, qui améliorera le fonctionnement actuel.
L'amendement n° 560 n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
L'amendement n° 268 de Mme Annie Genevard vise à rétablir l'article 8 bis A, supprimé par la commission. Il est défendu.
L'amendement n° 268 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté. En conséquence, l'article 8 bis A demeure supprimé.
Tout à l'heure, M. le rapporteur a affirmé qu'un de nos amendements relevait de l'affichage. C'est bien de cette logique que relève l'article 9. En effet, l'autorité administrative dispose déjà d'instruments suffisants de contrôle des fonds de dotation. Le projet de loi n'y ajoute aucun élément pertinent ; aussi convient-il de supprimer l'article 9.
L'amendement n° 28 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 29 de M. Xavier Breton et 318 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Les amendements n° 30 de M. Xavier Breton et 1009 de M. Charles de Courson sont défendus.
L'amendement n° 724 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 9, amendé, est adopté.
L'article 10 est adopté.
Les amendements identiques de suppression n° 32 de M. Xavier Breton et 313 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 309 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 11 est adopté.
L'article 12 est adopté.
L'amendement n° 636 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 12 bis est adopté.
Les articles 12 ter et 12 quater sont successivement adoptés.
Les amendements identiques de suppression n° 312 de M. Marc Le Fur et 964 de M. Charles de Courson sont défendus.
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure de la commission spéciale pour le chapitre III du titre Ier , pour donner l'avis de la commission.
L'article 13 est adopté.
L'amendement n° 1094 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 965 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à ajouter l'impossibilité d'obtenir un document de séjour pour toute personne ayant été condamnée pour avoir pratiqué des mutilations sexuelles.
L'amendement n° 857 de Mme Aude Bono-Vandorme est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement est déjà satisfait. Je peux détailler si M. le député le souhaite.
Vous pouvez détailler si vous le souhaitez, madame la ministre déléguée.
Merci, monsieur le président – je m'efforce simplement de respecter le rythme que vous avez souhaité donner au débat. L'amendement est déjà satisfait par la réglementation en vigueur, puisque la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident est déjà soumise à une réserve de menace simple à l'ordre public. Les cartes ne sont pas délivrées à un étranger condamné pour un tel délit.
Une instruction a été récemment adressée aux préfets par le ministre de l'intérieur et moi-même, rappelant les motifs pouvant fonder un refus de délivrance ou un retrait de titre. En outre, l'article L. 432-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fait obstacle au renouvellement de la carte de résident à l'étranger condamné pour violences ou pour complicité de violences sur un mineur de moins de quinze ans ; cela inclut les mutilations génitales et sexuelles, et permet le retrait de ces titres. L'amendement est donc déjà pleinement satisfait par le droit.
Au vu des explications de Mme la ministre déléguée, je retire également l'amendement.
L'amendement n° 909 est retiré.
Les amendements n° 629 de Mme Laurence Trastour-Isnart et 200 de M. Fabien Di Filippo, pouvant être soumis à une discussion commune, sont défendus.
L'article 14 est adopté.
L'amendement n° 324 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 788 de Mme Anne-Laure Blin est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
La laïcité fait partie des principes républicains. Il n'est nullement besoin d'y faire référence. Avis défavorable.
L'amendement n° 788 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 789 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 14 bis AA est adopté.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 1067 .
Il vise à réintroduire après l'article 14 bis AA l'article 43 bis qui avait été adopté par le Sénat et qui a été maintenu par la commission de l'Assemblée nationale. C'est donc un amendement de déplacement dans le projet de loi.
L'amendement n° 1067 , accepté par la commission, est adopté.
Les amendements identiques n° 450 de Mme Constance Le Grip, 545 de Mme Annie Genevard et 910 de M. Éric Ciotti visent à rétablir l'article 14 bis A, supprimés par la commission. Ils sont défendus.
Il vise à réaffirmer notre opposition ferme à la pratique de la polygamie. Des mariages forcés ont malheureusement lieu chaque année, à l'étranger comme en France. Les femmes sont majoritairement victimes de ces pratiques et subissent en premier lieu une union qu'elles n'ont pas choisie avec un mari qui peut se révéler ensuite polygame. Dans le cas des femmes étrangères qui auraient subi un mariage forcé et dont le mari serait condamné pour polygamie, la perte de leur titre de séjour au motif du regroupement familial semble être une double peine. Aussi, pour les protéger, les auteurs de l'amendement proposent que la loi reconnaisse la polygamie comme une pratique subie par les femmes étrangères mariées de force et leur accorde le renouvellement automatique de leur titre de séjour.
Je comprends et je partage votre préoccupation. C'est pourquoi nous avons modifié l'article 14, afin qu'il soit explicitement prévu dans la loi que les conjoints victimes de polygamie puissent faire l'objet d'un suivi individuel. Nous avons également adopté à votre initiative l'article 14 bis . Il convient de ne pas aller plus loin, au risque d'introduire des voies détournées d'obtention de titres de séjour. Avis défavorable.
L'amendement n° 743 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1069 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 739 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 14 bis, amendé, est adopté.
Je suis saisi de neuf amendements, n° 169 rectifié , 152 , 778 , 717 , 716 , 275 , 412 , 587 et 715 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 169 rectifié de Mme Emmanuelle Ménard, 152 de M. Éric Pauget, 778, 717 et 716 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
Les amendements n° 275 , 412 , 587 et 715 sont identiques.
Sur les amendements n° 275 et identiques, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l'amendement n° 275 .
L'amendement, très pragmatique, reprend un amendement voté au Sénat et ensuite supprimé. Il vise à prévoir expressément que les caisses d'allocations familiales avisent le procureur de la République de situations susceptibles de relever de la polygamie, qui est une infraction pénale contre laquelle vous voulez lutter. Notre proposition de terrain est très concrète, afin de lutter contre ces infractions et ces atteintes aux principes de la République.
Les amendements identiques n° 412 de M. Éric Ciotti, 587 de M. Julien Ravier et 715 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Les amendements sont déjà satisfaits par le droit existant. En application de l'article 40 du code de procédure pénale, les caisses de sécurité sociale ont déjà l'obligation, comme toute autorité publique, de signaler au procureur de la République les crimes et les délits dont elles auraient connaissance dans l'exercice de leurs fonctions.
Il existe une convention liant plusieurs organismes sociaux – la CNAF (Caisse nationale des allocations familiales), la CNAM (Caisse nationale de l'assurance maladie), l'URSSAF et la DGFIP (direction générale des finances publiques) –, permettant l'échange d'informations et le contrôle de la véracité des situations déclarées par les allocataires. Demande de retrait ou avis défavorable.
Les amendements n° 169 rectifié , 152 , 778 , 717 et 716 , repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 36
Nombre de suffrages exprimés 36
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 3
Contre 33
L'amendement n° 149 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de cinq amendements, n° 364 , 476 , 588 , 911 et 1096 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 476 et 588 sont identiques.
L'amendement n° 364 de M. Éric Coquerel est défendu.
Les amendements identiques n° 476 de M. Éric Diard et 588 de M. Julien Ravier sont défendus.
Les amendements n° 911 de M. Éric Ciotti et 1096 de Mme Albane Gaillot sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Monsieur Coquerel, le quantum de peine proposé est adapté à la nature des faits ; il est identique à celui prévu par l'article L. 441-7 du code pénal pour les infractions de faux et d'usage de faux. Il n'est pas nécessaire d'ajouter l'obligation pour le médecin d'informer la patiente qu'il lui est interdit d'établir un certificat de virginité ni celle de l'orienter vers des associations. Informer, prévenir et orienter les patients font partie des missions du médecin. Avis défavorable.
Même avis.
L'amendement n° 364 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1095 de Mme Albane Gaillot est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Le quantum de peine proposé est parfaitement proportionné et adapté à la nature des faits ; il correspond à celui prévu à l'article L. 441-7 du code pénal en matière d'infractions de faux et d'usage de faux. Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 1095 n'est pas adopté.
L'article 16 est adopté.
Les articles 16 bis A et 16 ter B sont successivement adoptés.
Je suis saisi de deux amendements, n° 791 de Mme Anne-Laure Blin et 912 de M. Éric Ciotti, pouvant être soumis à une discussion commune. Ils sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Vous proposez de doubler, voire de tripler la peine d'emprisonnement, c'est tout à fait disproportionné. Le quantum que nous proposons est adapté à la nature des faits et proportionné. Avis défavorable.
L'amendement n° 792 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 589 de M. Julien Ravier est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement est satisfait par le délit créé à l'article 16 ter . Avis défavorable.
L'amendement n° 589 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 16 ter est adopté.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement n° 365 .
Il vise à adopter une formulation plus pertinente, afin que l'officier d'état civil donne aux futurs époux des informations plus complètes.
Avis défavorable. Votre amendement vise à substituer à la procédure d'entretien en vue de permettre à l'officier d'état civil de vérifier que le mariage n'est pas forcé ou frauduleux, une procédure d'information des futurs époux sur les vices du consentement pouvant entraîner l'annulation du mariage.
Les formalités antérieures à la célébration ont pour fin de renseigner l'officier d'état civil sur la situation des futurs époux, pour vérifier que les conditions de fond du mariage sont bien remplies, en particulier l'existence du consentement et son caractère libre.
L'amendement n° 365 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements n° 1097 de Mme Albane Gaillot et 441 de M. Robin Reda sont défendus.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement n° 387 .
Dans le cas où l'officier d'état civil constate l'absence de consentement réel de la future épouse, le présent amendement vise à compléter la judiciarisation, si je puis dire, par le recours à des associations de défense des femmes. Il s'agit de renforcer la prévention pour agir plus efficacement contre les mariages forcés et les violences physiques et psychologiques infligées aux femmes.
Je comprends votre objectif, néanmoins cette mesure relève davantage du domaine réglementaire que du code civil. Les informations sont généralement disponibles dans les mairies, néanmoins l'officier d'état civil ne peut pas délibérément orienter la personne vers une association. Avis défavorable.
L'amendement n° 387 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à réintroduire les alinéas adoptés au Sénat et supprimés en commission. Le second précise : « Lorsque l'officier de l'état civil constate que le mariage a déjà fait l'objet d'une décision de sursis ou d'opposition dans une autre commune ou à l'étranger, il ne peut célébrer le mariage ou transcrire l'acte de mariage étranger sur les registres de l'état civil français pendant la durée du sursis ou tant que l'opposition produit effet, sous peine de 3 000 euros d'amende et de tous dommages-intérêts. »
Vous voulez rétablir les dispositions adoptées au Sénat, qui tendent notamment à créer une base de données recensant les décisions d'opposition et de sursis prises par le parquet, à instaurer une amende de 3 000 euros pour l'officier d'état civil et à abaisser de quinze à huit jours le délai dont dispose le procureur pour prendre une décision. La création d'une telle base de données me paraît soulever davantage de problèmes qu'elle n'en résoudra, car il s'agit d'un procédé long et complexe ; le montant de l'amende est disproportionné…
…et la réduction du délai de réponse du procureur n'est pas justifiée, dans la mesure où quinze jours constituent un délai acceptable. Avis défavorable.
L'amendement n° 539 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l'amendement n° 873 .
Le maire n'est pas informé de la situation administrative des futurs époux et ne peut donc pas interdire le mariage d'une personne en situation irrégulière. Le présent amendement, déposé par Mme Annie Genevard, vise à compléter l'article 17 par l'alinéa suivant : « Lorsque le couple ou l'un des deux époux est en situation irrégulière, le maire peut interdire le mariage. »
Parfois, l'entretien préalable au mariage éveille des soupçons, mais le maire ne peut rien faire, même s'il est informé de l'illégalité de la situation de l'un des futurs époux. Puisque vous voulez lutter contre les mariages blancs, il serait opportun de permettre au maire de ne pas célébrer un mariage lorsqu'il a connaissance de l'irrégularité de la situation administrative de l'un des époux.
Défavorable. La liberté de se marier est une liberté fondamentale. L'arsenal juridique actuel, que l'article 17 tend à renforcer, est suffisant pour éviter les mariages frauduleux, particulièrement les mariages gris.
Il ne revient pas aux maires d'interdire un mariage : c'est au procureur de la République de s'opposer à la célébration, à la demande de l'officier d'état civil. S'il existe des indices sérieux permettant de douter du consentement de l'un des futurs époux, l'officier d'état civil saisit le procureur de la République ; si ce dernier ne s'oppose pas au mariage, l'officier peut effectuer une seconde saisine, s'il a recueilli de nouveaux indices laissant présumer une absence de consentement au mariage. Cependant, il ne peut pas refuser de célébrer le mariage à la date fixée, en l'absence d'opposition ou de décision de sursis du procureur. L'officier d'état civil qui refuse de célébrer un mariage alors que le procureur de la République n'a formé aucune opposition commet une voie de fait. Il encourt des poursuites pénales et des sanctions administratives.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Je vous remercie de rappeler la législation en vigueur, mais cela va précisément dans le sens de l'amendement que je défends. Le maire ne peut pas refuser la célébration. La question est de savoir ce qui nous empêcherait de modifier le droit en ce domaine, puisque c'est nous qui faisons le droit. Si nous autorisons le maire à refuser de célébrer le mariage, il ne commettra aucune voie de fait, rien dans la loi ne s'y opposera. Tel est bien notre objectif : permettre au maire d'interdire un mariage lorsqu'il existe des soupçons suffisamment importants de situation administrative irrégulière.
L'amendement n° 873 n'est pas adopté.
L'article 17 est adopté.
L'amendement n° 718 de Mme Emmanuelle Ménard, portant article additionnel avant l'article 18, est défendu.
L'amendement n° 718 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 18 crée un nouveau délit de mise en danger de la vie d'autrui par diffusion d'« informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d'une personne, permettant de l'identifier ou de la localiser aux fins de l'exposer, elle ou les membres de sa famille », à un risque immédiat d'atteinte à la vie, à l'intégrité physique ou psychique, ou aux biens. Il s'agit évidemment d'une référence à l'attentat dramatique commis sur la personne de Samuel Paty.
Comme M. le garde des sceaux l'a souligné lors de l'examen en commission, ces dispositions vont bien au-delà de ce que prévoyait l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale. En effet, la révélation d'informations concernant la vie professionnelle d'un individu sera également pénalisée, ainsi que les risques immédiats d'atteinte à l'intégrité psychique ou aux biens. C'est pourquoi le présent amendement, déposé par M. Le Fur, tend à supprimer l'article 18.
L'article 18 tend à créer un délit. Sa rédaction reste très proche de celle de l'article 52 de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, issu de l'article 24 de la proposition de loi, que le Conseil constitutionnel a censuré par sa décision du 20 mai 2021.
Le Syndicat des avocats de France souligne que l'article 18 est plus large que l'article 24, très contesté parce qu'il portait atteinte à la liberté d'informer. Le nouveau délit de mise en danger de la vie d'autrui est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. L'infraction repose sur la réunion de deux éléments. Le premier est matériel, c'est le fait « de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d'une personne permettant de l'identifier ou de la localiser ». Le second est relatif à l'intention, puisque les informations doivent avoir été transmises aux fins d'exposer la personne ou les membres de sa famille « à un risque direct d'atteinte à la personne ou aux biens que l'auteur ne pouvait ignorer ». L'infraction est susceptible d'être caractérisée, que la divulgation soit ou non suivie d'effets. Ainsi, la nouvelle infraction ne vise pas des faits commis, mais une intention prêtée ; dès lors, la rédaction crée un risque d'interprétation de l'intention délictuelle que l'auteur ne pouvait ignorer.
En outre, il convient de noter que l'atteinte à la personne et l'atteinte aux biens sont placées sur le même plan. Comme le Syndicat des avocats de France le relève, la sanction est disproportionnée et incohérente avec les infractions comparables.
Les modifications apportées en commission spéciale n'ont pas permis de lever les inquiétudes sur les risques présentés par ce dispositif. Le champ de l'article 18 est en effet à la fois très vaste et imprécis. Le flou entourant les notions d'« informations » et de « risque direct d'atteinte » « que l'auteur ne pouvait ignorer » peut conduire à des difficultés d'interprétation et porter atteinte à la liberté d'expression.
En outre, ce nouveau délit apparaît inutile au regard de la législation existante et susceptible de faire l'objet de difficultés d'appréciation. L'arsenal législatif actuel est suffisamment précis pour réprimer le comportement visé. Ainsi, le droit en vigueur réprime les atteintes à la vie privée, le cyberharcèlement, la diffamation, la révélation d'identité dans le but de nuire, y compris sur les réseaux sociaux. Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de cet article.
La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour soutenir l'amendement n° 996 .
Sans reprendre l'ensemble des arguments qui viennent d'être exposés, je note que, si l'intention est louable, le dispositif proposé est à la fois inefficient et susceptible de remettre en cause les libertés. Le présent article a un champ d'application bien plus étendu que l'article 52 – ancien article 24 – de la loi pour une sécurité globale et semble donc promis au même sort d'une censure par le Conseil constitutionnel. Le même raisonnement s'applique en effet au présent article, qui comporte un dispositif rédigé en des termes imprécis : est ainsi fondée la crainte qu'il ne soit appliqué de manière trop large, voire indifférenciée, à des personnes n'ayant aucune intention malveillante et qui n'ont dès lors aucune raison de se voir privées de leur liberté d'expression.
Si le dispositif juridique proposé permet que le comportement prohibé soit réprimé, indépendamment de l'existence du résultat, ce qui est une bonne chose, il sera tout de même complexe de caractériser correctement l'infraction, puisqu'il faudra apporter la preuve du caractère malveillant de la diffusion. Or on ne condamne pas sur une intention, il faut la prouver. Surtout, le cœur du problème, l'évolution concrète du modèle d'affaire des plateformes en ligne, n'est pas abordé, alors qu'il s'agit du seul chemin à même d'endiguer le flot de contenus que vous souhaitez combattre.
Le modèle actuel entretient la diffusion et la viralité des contenus haineux, qui, même s'ils sont sanctionnés, continueront de vivre et de faire les beaux jours du darknet. Le Gouvernement n'a en effet pas voulu privilégier des pistes de régulation, comme celles qui contribueraient à ralentir la viralité. Concentrons-nous plutôt sur la manière d'empêcher ces contenus de se répandre, plutôt que de vouloir sanctionner avec des dispositifs inefficients et potentiellement liberticides.
La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure de la commission spéciale pour le chapitre IV du titre Ier , pour donner l'avis de la commission.
Ce sera évidemment un avis défavorable, tout d'abord parce que nous avons besoin de ces dispositions. Notre histoire récente et dramatique nous a montré à quel point nous devions combler des trous dans la raquette, si vous me permettez cette expression. Il nous faut en effet de nouvelles catégories d'incriminations, notamment pour appréhender des situations analogues à l'attentat contre Samuel Paty.
Par ailleurs, le présent article n'a rien à voir avec l'article 52 de la loi pour une sécurité globale, puisque le Conseil constitutionnel a visé des éléments de qualification du délit complètement différents de ceux figurant dans l'article 18. Il n'y a donc pas lieu de comparer ces deux dispositifs et j'espère que nous n'y reviendrons pas dans la suite de nos débats.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de l'examen de la nouvelle lecture du projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra