Intervention de Alain Bruneel

Séance en hémicycle du mercredi 30 juin 2021 à 15h00
Respect des principes de la république — Article 18

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Bruneel :

L'article 18 tend à créer un délit. Sa rédaction reste très proche de celle de l'article 52 de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, issu de l'article 24 de la proposition de loi, que le Conseil constitutionnel a censuré par sa décision du 20 mai 2021.

Le Syndicat des avocats de France souligne que l'article 18 est plus large que l'article 24, très contesté parce qu'il portait atteinte à la liberté d'informer. Le nouveau délit de mise en danger de la vie d'autrui est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. L'infraction repose sur la réunion de deux éléments. Le premier est matériel, c'est le fait « de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d'une personne permettant de l'identifier ou de la localiser ». Le second est relatif à l'intention, puisque les informations doivent avoir été transmises aux fins d'exposer la personne ou les membres de sa famille « à un risque direct d'atteinte à la personne ou aux biens que l'auteur ne pouvait ignorer ». L'infraction est susceptible d'être caractérisée, que la divulgation soit ou non suivie d'effets. Ainsi, la nouvelle infraction ne vise pas des faits commis, mais une intention prêtée ; dès lors, la rédaction crée un risque d'interprétation de l'intention délictuelle que l'auteur ne pouvait ignorer.

En outre, il convient de noter que l'atteinte à la personne et l'atteinte aux biens sont placées sur le même plan. Comme le Syndicat des avocats de France le relève, la sanction est disproportionnée et incohérente avec les infractions comparables.

Les modifications apportées en commission spéciale n'ont pas permis de lever les inquiétudes sur les risques présentés par ce dispositif. Le champ de l'article 18 est en effet à la fois très vaste et imprécis. Le flou entourant les notions d'« informations » et de « risque direct d'atteinte » « que l'auteur ne pouvait ignorer » peut conduire à des difficultés d'interprétation et porter atteinte à la liberté d'expression.

En outre, ce nouveau délit apparaît inutile au regard de la législation existante et susceptible de faire l'objet de difficultés d'appréciation. L'arsenal législatif actuel est suffisamment précis pour réprimer le comportement visé. Ainsi, le droit en vigueur réprime les atteintes à la vie privée, le cyberharcèlement, la diffamation, la révélation d'identité dans le but de nuire, y compris sur les réseaux sociaux. Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de cet article.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.