Intervention de Frédérique Dumas

Séance en hémicycle du mercredi 30 juin 2021 à 15h00
Respect des principes de la république — Article 18

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Dumas :

Sans reprendre l'ensemble des arguments qui viennent d'être exposés, je note que, si l'intention est louable, le dispositif proposé est à la fois inefficient et susceptible de remettre en cause les libertés. Le présent article a un champ d'application bien plus étendu que l'article 52 – ancien article 24 – de la loi pour une sécurité globale et semble donc promis au même sort d'une censure par le Conseil constitutionnel. Le même raisonnement s'applique en effet au présent article, qui comporte un dispositif rédigé en des termes imprécis : est ainsi fondée la crainte qu'il ne soit appliqué de manière trop large, voire indifférenciée, à des personnes n'ayant aucune intention malveillante et qui n'ont dès lors aucune raison de se voir privées de leur liberté d'expression.

Si le dispositif juridique proposé permet que le comportement prohibé soit réprimé, indépendamment de l'existence du résultat, ce qui est une bonne chose, il sera tout de même complexe de caractériser correctement l'infraction, puisqu'il faudra apporter la preuve du caractère malveillant de la diffusion. Or on ne condamne pas sur une intention, il faut la prouver. Surtout, le cœur du problème, l'évolution concrète du modèle d'affaire des plateformes en ligne, n'est pas abordé, alors qu'il s'agit du seul chemin à même d'endiguer le flot de contenus que vous souhaitez combattre.

Le modèle actuel entretient la diffusion et la viralité des contenus haineux, qui, même s'ils sont sanctionnés, continueront de vivre et de faire les beaux jours du darknet. Le Gouvernement n'a en effet pas voulu privilégier des pistes de régulation, comme celles qui contribueraient à ralentir la viralité. Concentrons-nous plutôt sur la manière d'empêcher ces contenus de se répandre, plutôt que de vouloir sanctionner avec des dispositifs inefficients et potentiellement liberticides.

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