C'est avant que l'enfant soit retiré de l'école qu'il faut vérifier que c'est pour un motif lié à ses besoins particuliers et dans le respect de son intérêt supérieur, et c'est avant qu'il faut pouvoir refuser la mise en place d'une instruction en famille, et non au bout d'un ou deux ans de contrôle insatisfaisant, quand l'enfant aura déjà des lacunes et devra affronter un retour à l'école particulièrement difficile.
C'est pourquoi, pour les enfants concernés, il est nécessaire de mieux encadrer l'instruction en famille, non pour la supprimer car elle est aujourd'hui une solution pour certains enfants, mais pour garantir qu'elle se passe dans de bonnes conditions et pour de bonnes raisons, motivée par l'intérêt de l'enfant et ses besoins à lui seul. Cet encadrement par une autorisation préalable permettra, lors de l'instruction de la demande, de vérifier les motifs invoqués par les responsables de l'enfant et leur capacité à assurer cette instruction, notamment en ce qui concerne leur disponibilité pour ce faire.
Nous avons entendu les inquiétudes des familles qui pratiquent déjà l'instruction en leur sein, et nous avons procédé à plusieurs modifications en première lecture. Nous avons renvoyé au décret la définition des modalités de délivrance de l'autorisation et précisé que ce décret pourra lister les situations dans lesquelles il sera possible de déroger au caractère annuel de l'autorisation lorsqu'une telle dérogation est justifiée par l'état de santé ou l'état de handicap de l'enfant. Nous avons précisé le quatrième motif : il devra s'agir d'une situation propre à l'enfant motivant un projet éducatif que les personnes responsables devront présenter par écrit.
Nous avons prévu des modalités de recours en cas de refus d'autorisation. Une commission de recours a été introduite dans le texte. Nous avons prévu le cas permettant le retrait soudain d'un enfant de l'école en cas de menace pour son intégrité physique ou morale, connaissant les situations difficiles et douloureuses de harcèlement ou de phobie scolaire. Nous avons inscrit dans la loi que le silence gardé par l'administration pendant deux mois sur la demande d'autorisation vaut accord afin que la procédure de demande et de délivrance de l'autorisation se déroule dans un calendrier connu, cohérent, assurant la sérénité de l'enfant et de sa famille. Nous avons généralisé les instances de prévention de l'évitement scolaire pour lutter contre le phénomène de déscolarisation. Enfin, nous avons reporté d'un an l'entrée en vigueur de la mesure pour laisser le temps à chacun de s'y préparer, et prévu des mesures transitoires pour les familles réalisant déjà l'instruction en leur sein et ayant fait l'objet de contrôles satisfaisants.
Toutes ces améliorations ont été élaborées et adoptées parce que la plupart des membres de notre assemblée savent distinguer les cas d'instruction en famille tout à fait satisfaisants, voire admirables pour certains – nous en connaissons – et ceux relevant d'une déscolarisation, synonyme d'un rejet de l'école, de la société, au pire d'une radicalisation et d'une dérive scolaire – nous en connaissons aussi. Ceux qui le nient ou qui refusent de le voir, pensant ainsi mieux défendre les familles ayant fait le choix de l'IEF se trompent : pour mieux défendre et consolider l'instruction en famille, il convient d'avoir une vision réaliste et nuancée de ce qu'elle est aujourd'hui en France et une action pragmatique et mesurée pour l'encadrer sans la juger.
L'autorisation préalable permet cela : elle respecte le choix des parents et leur conduite de l'instruction sans contrôle supplémentaire intrusif, tout en empêchant les dérives et les contournements de ces règles en amont.
Je finis en répondant aux arguments juridiques, souvent avancés, relatifs à la Constitution. Je pense quant à moi que le dispositif retenu est juridiquement solide, tant au regard du droit français que du droit international. Je vous rappelle, chers collègues, que le Conseil constitutionnel ne s'est jamais prononcé sur la question de savoir si le droit pour les parents de recourir à l'instruction des enfants au sein de la famille était une composante essentielle ou seulement une modalité secondaire de la liberté d'enseignement. À ce jour, seuls ont été reconnus comme composantes essentielles du principe constitutionnel de la liberté de l'enseignement, l'existence de l'enseignement privé, le respect dû au caractère propre des établissements privés et, enfin, l'octroi de financements publics à ces mêmes établissements.
De plus, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a estimé en 2006 que ni l'article 2 du protocole additionnel numéro 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les articles 28 et 29 de la Convention internationale des droits de l'enfant ne s'opposent à ce qu'un État partie impose la scolarisation, ceci relevant de sa marge d'appréciation. Elle a confirmé cette position en 2019. Enfin, d'autres États européens interdisent ou restreignent l'instruction en famille beaucoup plus strictement que nous proposons de le faire sans que cela ait posé de difficulté vis-à-vis de l'Union européenne ou de la CEDH.
C'est pourquoi, chers collègues, je suis défavorable à la suppression de cet article 21, convaincue de son importance, de sa faisabilité et de sa capacité à conserver une instruction en famille protectrice des droits de l'enfant.